vivre vivante (navîn)

il ne soutient pas son regard. ça l'attendri la gamine, elle s'en veut presque de le mettre dans cet état. judy elle arrête de faire danser ses doigts, elle replie ses genoux et croise ses bras dessus. elle ancre son regard au mur d'en face, laisse sa tête s'appuyer sur celui qui les soutiens. « ça te perturbe que quelqu'un s’intéresse à toi hein ? » elle s'appliquait à pas dire pourquoi, à opter pour des questions fermées. elle commençait à le sentir judy. la défensive, cette inquiétude maladive, ces mots qui sortent jamais.  judy elle est pas aveugle. elle porte une main à sa bouche, mordille la phalange de son majeur. elle sors de ses pensées, prend un sourire qui se veut rassurant. elle tourne la tête vers lui. y'a son bas ventre qu'est tout chaud. elle a envie de chaleur et de baisés volés. mais elle sait se tenir bien. c'est pas un gars comme les autres, qu'elle peut chevaucher avant de s'éclipser. deux trois sourires en se croisant dans les couloirs de l'université, dans trois semaines tout est oublié. ça marchera pas comme ça avec lui.

Oh y avait pas que ça qui le perturbait à ce moment précis. La petite envie qui était née aussi, mais oui. Oui, il fallait être honnête... Navîn avait du mal à ce qu'on s'intéresse à lui. Tu n'aimais pas, tu fuyais, tu te cachais. Tu essayais du moins. Alors Judy choisit d'attaquer sous un autre angle. Au moins là, tu n'avais que peu de mots à sortir, et e que tu aimais bien dans ce procédé, c'était qu'au final tu pouvais aussi en apprendre plus sur la personne. Elle était terriblement curieuse, peut-être que... tu allais pouvoir trouver la raison de son intérêt au fur et à mesure qu'elle allait t'interroger : "Un peu oui." Beaucoup même. Mais chut, tu te contentais de cette réponse. Pour l'instant du moins.

Pourrait-il seulement s'y faire ? Peut-être que s'il avait la garantie de ne plus souffrir, ça pourrait fonctionner. Il pourrait alors s'ouvrir un peu. Mais cela demandait une confiance sans failles. Avais-tu confiance en Judy ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Trop d'incertitude, tu ne la connaissais pas assez au-delà de ce qu'elle t'inspirait. Tu la suivais des yeux avant de te lever à son invitation... et de la rejoindre sur ce lit, sur le dos. Tes grands yeux verts fixaient le plafond de la même manière qu'elle. "Je suis là." Silence, encore. Finalement tu trouvas quelque chose à dire : "Tu ne vas pas lâcher l'affaire hein ? Qu'est-ce qui te motive ?" Curiosité, encore. Tu ne comprenais toujours pas le fond, et tant que tu n'aurais pas ta réponse, tu continueras à demander. C'était comme ça.

Ca y est. Elle t'expliquait enfin à quel point le mystère que tu étais avait piqué sa curiosité. Tu avait tourné un peu la tête vers elle pour la fixer. Lui... une belle personne... Notre Navîn ne se voyait plus vraiment comme tel, même si il savait que dans le fond elle avait raison. Toi, tu te voyais de plus en plus comme une sorte de monstre avec les années. Tu te trouvais monstrueux. Tant dans le fait de ne pas réussir à gérer tes émotions, que dans le fait d'être aussi... analytique et froid. Mais ça te faisait quand même chaud au coeur, qu'elle... elle Judy... juste elle te dise ça. Tes lèvres s'étaient à nouveau étirées dans un faible sourire. "Je voulais pas qu'un sale type te fasse du mal, ou que tu te fasses mal." Au moins là elle était en sécurité, cette fille marrante et maladroite qui t'avait surnommé le chat noir.

Non, Judy n'était pas la première à être venue entre ces murs. En 6 ans... tu avais ramené des coups d'un soir, des filles... mais aussi des hommes. La plupart du temps après des soirées, des fois juste parce que tu avais eu besoin de t'oublier, de t'abandonner. Parfois... c'était ta petite amie du moment. Mais tu n'en avais pas non plus traîné des dizaines et des dizaines. Ta vie ne se centrait pas là-dessus. "Je ne ramasse que les arbres qui parlent aux arbres et qui aiment les chats noirs." Véridique. Tu ne disais pas ça juste pour la rassurer. Toi qui avait plutôt... peur d'avoir du monde chez toi en temps normal, enfin peur... tu évitais juste. Mais Judy. Judy c'était pas pareil, c'était Judy. Elle était un peu unique et dans un sens tu voulais faire en sorte qu'elle puisse le comprendre. Tu voulais vraiment qu'elle aille bien, tu voulais vraiment qu'elle aime la vie de ses grands yeux, sans drogue.

Et voilà Navîn. Tu as encore merdé dans ta façon de t'exprimer. Tu avais bien senti la façon dont elle s'était vexée un peu. Tu avais baissé les yeux, voilà pourquoi tu le parlais jamais vraiment sur ce genre de sujets. Tu étais maladroit, une fois sur deux ce que tu avais en tête sonnait moins bien quand tu ouvrais la bouche. Le silence t'était nettement préférable. Tu n'étais pas doué pour parler avec les gens... Sauf pour leur faire du mal. Tu savais au final... Que tu devais finir seul, que c'était mieux pour toi, mais surtout mieux pour les autres. Comme ça tu ne ferais subir à personne le monstre que tu es. Elle te pose une question, tu répondis par automatisme : "Deux jours." Oui, c'était avec cette fille désabusée, au bord du gouffre. Gabrielle... Étrange moment.