(+ Thais) Voir l'Inde et rêver de son appart'

« Elle ne pensait pas à mal mais elle n’avait pas à trahir ma confiance » grognais-je tandis que je passais un bras autour des épaules de ma femme, marchant en sa compagnie vers notre hôtel. Il était normal que Thais se demande pourquoi je lui en parlais pas mais ce n’était pas que c’était impossible pour moi que de lui avouer ces craintes, c’était juste que je n’en voyais pas l’utilité. « Des fois, je dis des choses parce qu’elles me viennent en tête, sans forcément les penser. J’en ai parlé à Julia car elle n’est pas concernée par la grossesse. C’est ma manière d’évacuer sans te blesser ou t’inquiéter. Le problème c’est qu’au final, t’es au courant et que tu t’inquiètes… je ne vois pas l’intérêt de confier des choses à Julia si c’est pour qu’elle vienne foutre la merde après » soupirais-je avant de déposer un baiser sur sa tempe. « Je n’ai pas envie de danser avec une autre que toi. Ecoute, rien ne m’empêche de me faire opérer durant ton congé maternité. J’ai l’accord de ma hiérarchie car ça ne m’empêchera pas de laisser trainer mes yeux et mes oreilles dans Harvard » haussais-je les épaules, bien décidé à ne pas danser avec une autre que ma femme.

« Je n’avais pas envie de créer une guerre mondiale mais je n’avais pas envie de te cacher la chose non plus… je suis désolée » avoua Thaïs en toute sincérité, fatiguée de cacher des choses aux uns et aux autres, tout en sachant que les secrets finissent toujours par empoisonner l’esprit et foutre la merde d’une façon ou d’une autre. Hors de question qu’ils vivent une nouvelle tragédie maintenant alors qu’ils s’étaient sortis de la précédente plus soudés que jamais. La jolie blonde ne voulait gâcher ça pour rien au monde. « Je vois ce que tu veux dire… je n’aurais pas dû paniquer surtout que je sais très bien au fond de moi que tu es content, c’était stupide de ma part. Tu me pardonnes ? » Alors qu’ils arrivaient dans le hall de leur hôtel, Thaïs déposa un baiser aussi frêle qu’une brise contre les lèvres de Caleb, après avoir pris son visage entre ses mains. « Moi non plus je ne veux jamais danser avec quelqu’un d’autre que toi… tu es mon partenaire idéal, Caleb. D’ailleurs, ça me fait penser que j’ai rêvé de ma toute première danse l’autre jour… c’était très émouvant. »

« Tu n’as pas à t’excuser au moins, je sais que si j’ai quelque chose à dire, autant que j’en reste aux classiques comme Aidan ou Eventine » la rassurais-je car je ne voulais pas qu’elle se sente coupable de quoique ce soit alors que ce n’était pas sa faute du tout. « Pour ça aussi tu n’as pas à t’excuser.. Tu sais, si quelqu’un était venu me voir pour me dire la même chose, je crois que j’aurais balisé sec également donc je comprends tout à fait » lui répondis-je en lui ouvrant et tenant la porte de l’hôtel pour qu’elle s’engouffre à l’intérieur. Thais prit alors mon visage en coupe pour m’embrasser délicatement tandis que je glissais mes bras autour de sa taille. « De ta toute première danse ? Tiens donc ! » lui souriais-je avec amusement avant de l’embrasser, la conduisant aux ascenseurs. « Et est-ce que je dois être jaloux de ce gars maintenant ou j’attends un peu ? Non parce que si tu te mets à rêver d’autres hommes, je suis pas dans la merde » plaisantais-je en l’attirant dans mes bras tandis que je m’adossais à la paroi après avoir appuyé sur le bouton de notre étage.

« Sûr qu’au moins, Aidan et Eventine, tu peux être sûr que ce sont deux tombes… ça se sent » avoua-t-elle bien qu’elle connaissait un peu plus le second que le premier. Cela ne l’empêchait pas de les apprécier autant l’un que l’autre, tout simplement parce qu’ils étaient adorables avec elle. « C’est vrai, tu aurais balisé si quelqu’un était venu te dire que je trouvais que l’on s’était précipités ? Oh que c’est étonnant… » fit-elle en papillonnant des yeux, non sans laisser un joli sourire éclatant illuminer son visage à la peau pâle. Thaïs l’accompagna ensuite dans l’ascenseur, profitant d’une étreinte bien méritée qui lui fit totalement oublier l’endroit restreint et confiné dans lequel ils se trouvaient… mais cela ne l’empêcha pas d’éclater de rire, en revanche, lorsqu’il menaça de faire une petite crise de jalousie bien qu’elle captait d’ici le second degré dont il faisait preuve. « Chéri, j’avais treize ans… tu sais que tu restes celui qui peuple tous mes autres rêves ? Mais si tu veux, je peux te raconter pour que tu sois rassuré ! »

Oui, Aidan et Eventine n’étaient pas du genre à se mêler de ma vie privée sans que je ne les ai invité au préalable. Sûrement que Julia avait une très bonne idée d’agir de la sorte mais si je ne pouvais plus rien lui confier de peur qu’elle ne lâche le morceau, je ne voyais pas l’utilité de lui faire des confidences. Non, pour ce coup là, elle m’avait déçu. « Penses-tu voyons… Comme si j’étais du genre à m’inquiéter pour un rien… En premier lieu, j’aurais sûrement menacé cette personne des pires sévices avant de courir te retrouver pour te faire entendre raison, te prouver que nous ferions des parents du feu de dieu ! » répondis-je avec un sourire qui se sentait dans ma voix tandis que je la blottissais tout contre moi, ma tête plongée au creux de son cou sur lequel, je déposais de frêles et doux baisers. « On sait jamais !! Allez raconte moi, j’aime bien te découvrir de cette manière » lui dis-je prêt à l’écouter même si mes mains erraient pour l’heure sur son dos.

Tout en écoutant les propos de Caleb, Thaïs éclata à nouveau de rire rien qu’à l’imaginer en mission commando, préparant même un discours d’avance histoire qu’elle change à tout prix d’avis sur la question de sa grossesse. « Tu sais que j’avais préparé tout un discours au cas où il faille te convaincre que justement, on allait être heureux en devenant parents ? » répliqua-t-elle, à moitié hilare de voir combien ils étaient de plus en plus synchrones sur beaucoup de choses. Dieu sait combien ce n’était pas donné au départ, surtout avec leurs différences de caractères, mais cela prouvait désormais qu’ils se complétaient à merveille… « En fait, c’était pendant mon voyage linguistique en Allemagne, au tout, tout début. J’étais déjà insomniaque à l’époque alors le soir tard, je faisais le mur et je me promenais dans une clairière jusqu’à en être fatiguée. Il y avait un petit lac pas loin et le soir en question, j’ai fais la rencontre d’un garçon… un peu plus âgé que moi, et qui dansait à merveille. Je crois que j’ai dû lui flanquer une bonne frousse tant il ne s’attendait pas à me voir mais on a rapidement sympathisé… je lui ai demandé s’il ne pourrait pas m’apprendre à valser aussi bien que lui, et que je lui donnerais n’importe quoi en échange de ce beau cadeau. C’était vraiment un beau moment… première fois que j’ai été émue à ce point, et j’ai regretté de ne pas pouvoir le revoir après. Vraiment, ça m’a manqué. »

« Ah oui ? Si tu veux, je peux toujours faire celui qui a besoin d’être rassuré quant à sa future paternité… C’est que je suis curieux de connaitre tes arguments pour me convaincre » rigolais-je doucement avant de bloquer sur la suite de la conversation. Cette histoire, elle ne pouvait pas s’imaginer à quel point elle trouvait un écho dans mon propre passé. Comment était-ce possible ? Ce n’était qu’une coïncidence, elle ne pouvait pas être cette gamine qui avait longuement hanté mes rêves. Je m’étais souvent demandé ce qu’elle était devenue, m’inquiétant pour elle. Je me souvenais que tous les soirs, pendant plus de trois semaines, j’étais revenu dans cette clairière à l’attendre jusque tard dans la nuit attrapant même la crève au passage. « Thaïs… Est-ce que tu n’aurais pas été brune à un moment donné dans ta vie ? » demandais-je avec une sorte de tendresse mais également de réticence comme si je craignais de voir un rêve s’envoler. Tout laissait croire que cette enfant et ma femme ne faisaient qu’une seule et même personne mais je n’osais y croire. Ce serait tellement…inoui ? Incroyable ?

« Mais il se trouve que j’ai peur des oreilles indiscrètes alors il va falloir que tu attendes d’être dans notre chambre… pourras-tu jouer le grand blessé ET le futur papa ayant follement besoin d’être rassuré en même temps ? » le défia-t-elle avec un grand sourire, Thaïs appréciant au-delà des mots de le voir taquin de cette manière. Cela lui donnait l’impression que les jours d’enfer touchaient enfin à leur terme, chose qu’elle n’osait même plus espérer dans ses rêves les plus fous. Mais la suite de la conversation fut placée sous le signe de l’émotion, car il ne fallait pas croire, ce jeune garçon avait obtenu plus que son premier baiser, il avait été le premier à toucher son cœur profondément. Suffisamment profondément pour qu’elle souvienne plus de dix ans plus tard. « Si je me teignais les cheveux en noir mais… comment tu le sais ? » demanda-t-elle subitement, incrédule, sourcils froncés. Se pourrait-il que Caleb et ce jeune garçon ne soient qu’une seule et même personne. « Tu essayes de me dire que… »

Un léger rire secoua mes épaules à sa question. « Je crois que c’est dans mes cordes et cela me fera un bon entrainement pour mon club de théâtre, qu’en penses-tu ? » plaisantais-je avant que mon cœur ne rencontre des difficultés à fonctionner alors que Thaïs était en train de me décrire exactement une situation passée et vécue. C’était totalement fou mais il semblerait bien que dix ans après, je retombais sur ma jolie ingénue. Qui aurait pu croire qu’en demandant un baiser à une inconnue pour une danse, j’allais rencontrer la femme de ma vie ?! C’était totalement incroyable et pourtant… « Je le sais parce que ce garçon, c’était moi Thaïs. Je me souviens encore de cette jolie demoiselle avec ce petit accent adorable qui m’avait demandé une danse. Je me souviens également que je t’avais demandé un baiser, ton premier baiser » murmurais-je d’une voix douce avant de chantonner à son oreille, la même chanson qui dix ans plus tôt, nous avait permis de valser ensemble.

« Tu sais très bien que j’adore être ton cobaye pour que tu t’entraînes… il ne faut pas négliger ton club de théâtre !! Reste à savoir par quoi tu voudras commencer… » singea-t-elle légèrement ses propos non sans se mordiller légèrement la lèvre inférieure, toute hilare qu’elle était. Thaïs sentait qu’une fois de retour dans leur chambre, ils allaient se marrer deux minutes avec ces deux « scénettes » à jouer. Mais au lieu de se concentrer uniquement sur cela, elle sentit son cœur manquer plusieurs battements face aux aveux de Caleb, qui l’émurent au-delà des mots. C’était peut-être stupide, mais s’il savait combien de fois elle avait rêvé de le recroiser au détour d’une rue… « Tu m’avais demandé mon premier baiser et ça m’avait paru diablement naturel de te l’offrir… j’ai trouvé ce moment bien trop court, j’aurais voulu qu’il y en ait des centaines comme ça. Tu as gardé le pendentif que je t’avais offert ? Je… je n’arrive pas à y croire ! » Thaïs était quasiment émue aux larmes, surtout lorsqu’il se mit à chantonner ce fameux air leur ayant permis de valser cette fameuse nuit. « Ça veut dire trois choses : tu m’as donné le goût pour la danse, toi et personne d’autre, c’est de toi que je suis tombée amoureuse en premier et… je t’ai déjà vu Caleb…. »