Happy Birthday (Talya)

« Demande ton transfert dans le service de pédiatrie, on a prévu la visite d’un clown la semaine prochaine… » plaisantai-je alors qu’elle regrettait l’attitude des soignants vis à vis d’elle. Etre hospitalisée devait déjà être dur pour elle, mais effectivement avec la position importante qu’occupait son père au sein de l’hôpital, le personnel n’était surement pas très à l’aise et cela devait rendre les choses encore plus compliquées. La jeune femme se projeta ensuite,  imaginant ce qu’elle aimerait faire plus tard, pour fêter comme il se doit son vingt cinquième anniversaire : un saut en parachute, et elle m’invitait à y participer avec elle cette fois. J’étais hésitant, vu dans quelle condition son dernier saut s’était produit. Mais elle insista : elle était sérieuse et elle se proposait même de me l’offrir en guise de cadeau d’anniversaire en retard. « On en reparlera une fois que t’auras accouché, que tu seras remise en forme, reposée… » C’était pas un refus, juste une invitation à en reparler le moment venu car beaucoup de choses pouvaient se passer entre temps. « Mais si tu veux quelque chose de plus compatible avec ton état et ton hospit, n’hésites pas à me le dire… » ajoutai-je en souriant. Parce qu’on avait beau être séparés, j’avais envie que cette journée se déroule bien, qu’elle profite. Et on peut dire que lui servir une photo d’Aby sur mon téléphone n’était pas le meilleur des présents.  

Un sourire se dessine sur mon visage quand Priape me parle de la visite d'un clown dans le service de pédiatrie. C'est toujours un beau moment à partager avec les petits bouts. Je n'ai pas vraiment envie de m'orienter en pédiatrie mais j'ai été plusieurs fois dans ce service et je sais qu'il leur en faut peu pour être heureux. C'est la magie de l'enfance, leur insouciance. Je crois que je donnerais beaucoup pour revenir à ça et que le parachute était le seul moyen que j'avais trouvé pour ne plus pensé à rien pendant quelques secondes... « Si tu veux... » On en reparlera. Je sais bien que cette phrase n'est pas signe de bonne augure qu'il y a peu de chance qu'on le fasse surement mais après tout on a encore du temps pour ça et je pourrais aussi le faire seule même si cela n'aura pas la même signification, la même importance. « J'hésiterais pas t'en fais pas... Regarde si on est dehors c'est bien parce que je te l'ai demandé... » Je n'avais pas eu d'envie de femme enceinte ou ce genre de choses, sur ce plan là la grossesse avait été calme, alors je pouvais bien me rattraper maintenant que j'étais à l'hôpital pour une durée indéterminée. Charlie s'agita sur mes genoux et je la fis descendre doucement, Priape allait peut être devoir courir dans tous les sens. « Charlie tu restes vers maman. » La blondinette pouvait être très obéissante comme un parfait petit démon à voir ce qu'elle allait choisir aujourd'hui. Finalement, en la regardant vadrouiller dans la pelouse non loin de moi je déclarai : « J'ai hâte. » L'évolution d'un bébé, d'une partie de nous, c'était quand même les plus belles choses à voir. « Même si la grossesse va me manquer. » J'adore les sensations, sentir le bébé, j'adore tout cela même si ma deuxième grossesse n'a pas été des plus reposantes et rêvées.

« Oui parce que tu l’as demandé et que j’ai su être convaincant auprès de tes soignants… » soulignai-je avec un petit sourire fier. Sourire qui diminua en la voyant poser la petite sur l’herbe. « T’es sure que ça va aller… » fis-je en faisant déjà un pas vers elle alors qu’elle chancelait un instant avant de se lancer. « J’suis pas habitué à ce qu’elle marche encore, ça me fait tout drôle à chaque fois. » fis-je en observant la petite avancer sur la pelouse sur ses deux pieds. Talya me confia être pressée et je posais mes mains sur ses épaules avec douceur en répondant : « Ca va arriver bien assez vite… » Parce que même si j’avais également hâte de découvrir notre enfant, faire sa connaissance, je savais aussi que notre vie allait être complètement chamboulée. Talya était surement davantage préparée à ces changements puisqu’elle était déjà mère. Pour moi, tout allait être nouveau. Elle ajouta que la grossesse allait lui manquer. « C’est ironique ou bien ? » demandai-je intrigué. Non parce qu’entre l’hospit pour nausées de début de grossesse, l’hospit pour menace d’accouchement préma, le gag du test de paternité foireux, et la crise entre nous à la deuxième écho, on ne pouvait pas dire que ça avait de tout repos cette grossesse. « J’suis désolé de pas t’avoir épaulé comme il fallait… » J’aurais aimé être plus présent, réussir plus facilement à faire abstraction de ce qu’il s’était passé, de ma peine, d’ignorer plus facilement son lien dérangeant avec Matthéo… Mais si je n’en étais pas capable c’était bien parce que, malgré tout ça, j'étais encore bien trop amoureux d’elle…

« Promis je t'offrirai bientôt un trophée pour ça. » Il était tout fier de lui et ça me faisait rire. Il était comme un gamin, gamin qui devait courir après un petit bambin bien décidé à faire quelques pas dans la pelouse. Cela me faisait toujours rire de voir Charlie avancer doucement et pas très surement mais c'était tellement plaisant, c'était l'évolution normale, l'histoire de la vie quoi. « Il est loin le bébé de trois-quatre mois que tu as vu la première fois à l'hôpital ! Ma Charlie qui marche... Ca a été trop vite... » J'ai profité de chaque instant, j'ai toujours été là pour son évolution même si j'ai un peu tourné la carte à un moment à cause de la situation avec Priape, mais quand même, je n'ai pas loupé grand chose et aujourd'hui elle marche. C'est une fierté, ma fierté, ma fille est ma fierté. Les mains de Priape vinrent se mettre sur mes épaules et l'une de mes mains vint rejoindre la sienne tendrement. « C'est pas une blague Priape, fais toi greffer un utérus et tu comprendras. » Même avec cette grossesse plus que pourrie, la grossesse me manquerait alors c'était pour dire à quel point j'aimais les sensations que cela pouvait apporter. Ma tête se posa contre son bras quand il s'excusa ensuite. « Arrête c'est bon... » Est ce qu'on allait passer le restant de notre vie à s'excuser l'un à l'autre ? Moi pour mon faux pas, lui pour les moments de crise pendant la grossesse ? Ca allait être compliqué.

« Un trophée qui boit du lait toutes les trois heures, qui pleure pour qu’on le prenne et qui me ferait des petits cadeaux dans sa couche c’est ça ?» plaisantai-je lorsqu’elle me promit très prochainement un trophée pour avoir réussi à négocier ce petit tour. « N’empêche que je suis doué pour te faire quitter cet hôpital. » Il y avait eu la fugue au début de sa grossesse, et aujourd’hui cette promenade sous ma surveillance… On pouvait sentir la fierté de Talya quand elle parlait de sa fille. C’était beau à voir. Ce serait surement un sentiment que je connaitrais très bientôt, ce lien indescriptible et indestructible qui lit parent et enfant… Un petit sourire étira mes lèvres lorsqu’elle me répondit de me faire greffer un utérus. « Je veux squeezer la phase nausées, vomissements et aussi la phase contractions en fin de grossesse alors… » plaisantai-je à mon tour avant de plus sérieusement m’excuser pour mon attitude parfois discutable au cours de ces derniers mois. Sa tête se cala contre mon bras et je me penchai un instant pour déposer un bisou sur son front, mais un petit cri de Charlie me fit relever les yeux. La petite venait de perdre l’équilibre et s’était retrouvée les fesses dans l’herbe ce qui l’avait surprise. Je relâchai mon ex pour aller chercher la petite. Je la pris dans mes bras et lui fit à son tour un petit bisous sur son front : « Tout va bien Charlie… Tu veux aller faire de toboggan là bas ? » proposai-je en désignant une petite aire de jeu qui avait été aménagée près du bâtiment.

« C'est le plus beau des trophées non ? » Je relève les yeux vers lui pour voir s'il va acquiescer. Qu'est ce qu'il y a de mieux qu'un bébé ? Qu'un bout de nous deux ? « Le jour où je serais vielle et proche de mon dernier souffle, je sais que je devrais t'appeler pour pouvoir mourir à l'air libre ! » Je rigole toute seule à penser à cela, ce n'est pas encore pour tout de suite. J'ai passé le quart de siècle, j'espère bien en vivre encore au moins deux ! « Ah ba ça on ne décide pas ! Même avec deux décès à la fin ma première grossesse a été plus calme... » Le corps et l'enfant ne réagissait pas de la même manière. Les décès de mon frère et de mon mari avaient été des chocs, j'avais été suivi à la suite de cela mais quand même, il y avait moins eu de répercutions que tout ce qu'il s'était passé avec Priape depuis des mois, c'était fou quand même. Priape s'excusait d'ailleurs pour ne pas avoir faciliter la grossesse et nous partagions un moment de tendresse lorsque Charlie se retrouva sur les fesses, enfin plutôt sur la couche et demanda un peu d'attention, ah ça les demandes d'attention j'allais y avoir le droit avec l'arrivée du bébé. « Maman est d'accord pour le toboggan mais fais attention elle est un peu froussarde parfois ! » Puis le toboggan était grand pour elle, elle allait voller à la fin s'il ne la retenait pas. Je mets mes mains sur les roues du fauteuil pour commencer à bouger. « Je vous rejoins là bas. » Mais je ne tardais pas de me faire réprimander par Priape à cause de l'effort demandé. « Zacharias, tu ne peux pas gérer deux Blackburn en même temps ! »

« Si il a nos sales caractères je suis pas sûr… » rigolai-je, parce qu’il fallait être honnête, avec des parents bornés comme nous, si le bébé était pareil, ça n’allait pas être triste. Mais cela dit, je reconnus avec sincérité : « Mais oui, c’est le plus beau des trophées. » Talya nota qu’elle ferait appel à mes services pour ses vieux jours ce qui m’arracha un petit rire avant de retrouver mon sérieux lorsqu’elle évoqua sa précédente grossesse. Avec le terme qui avançait, les souvenirs devaient remonter peu à peu pour elle, ça ne devait pas être facile. « C’est pas trop dur pour toi ? » D’y repenser, de revivre les sensations physiques d’une grossesse… Ca me faisait sentir d’autant plus coupable pour mes nombreuses absences, même si depuis son retour à Cambridge et son hospitalisation, je passais beaucoup plus de temps auprès d’elle. La chute de Charlie nous arracha à notre petit moment de tendresse. J’accourus pour prendre la petiote dans mes bras, lui proposant un tour de toboggan qui eut le don de la calmer. Avec l’autorisation de sa maman, on se dirigea vers l’aire de jeu et je jetai un regard réprobateur à la blondinette qui avait saisi ses roues pour faire avancer son fauteuil jusqu’à nous. « T’imagines un peu quand je vais en avoir trois à gérer ? » répondis-je avec un petit sourire aux lèvres malgré tout. Me concentrant sur la petite, j’accompagnai sa descente, freinant sa glisse en bas du toboggan pour éviter qu’elle ne se retrouve par terre. Elle réclama une nouvelle descente et je me prêtais au jeu en souriant.

« Parle pour toi, je suis un ange moi ! » Je fins une auréole autour de ma tête avec mes mains et j'affichais mon plus beau sourire. Est ce que j'étais crédible comme ça ? Pas du tout surement mais j'étais quand même celle qui allait mettre au monde le plus beau des trophées alors bon... Je pouvais bien me complimenter un peu. « Dur ? Physiquement ou moralement à cause du parallèle que je peux faire entre les deux grossesses ? » Physiquement c'est une grossesse alors oui ça fatigue et oui c'est pas simple d'en enchainer deux de manière si rapprochée mais je le vis plutôt bien si on oublie tout le reste non ? Et puis ce n'est rien à comparer de tout le bonheur qu'on va vivre après, ça mérite bien quelques concessions. « Heureusement que l'un ou l'une des trois s'appelera Zacharias et n'aura que du sang Blackburn ! Ca sera peut être un amour ! » Qui a dit que Charlie et moi n'en étions pas hein ? On était juste un peu difficile à suivre parfois à cause de notre caractère de mule mais sinon c'était assez facile de vivre avec nous, personne ne s'en plaignait en général. Priape se dirigea vers le toboggan et à la première descente Charlie éclata de rire en demandant une deuxième, puis une troisième et encore et encore... « Je sais pas dans quoi tu t'es embarqué là... » Je finis par remettre les mains sur les roues pour m'approcher d'eux. « Aller mon coeur, on va retourner à l'intérieur et tu vas arrêter d'embêter Priape. »

Mon sourire s’élargit alors qu’elle mimait une auréole au dessus de sa tête en se qualifiant d’ange. « T’es enceinte alors j’imagine que ça ne serait pas prudent pour moi de te contredire… » rigolai-je avec bonne humeur, même si j’aurais eu plus d’un argument pour contredire le caractère angélique de la blondinette. L’heure n’était pas la guerre, on avait retrouvé une ambiance sereine, je ne voulais pas ramener de sujet de fâcherie entre nous. Je l’interrogeais sur son ressenti par rapport à la grossesse et au parallèle qu’elle pouvait faire avec l’autre. « Sur les deux plans… Physique et moral? » Même si c’était surtout le côté moral qui me posait question, les souvenirs qui devaient remonter à la surface. Elle avait eu son mari qui avait été là pendant la période où elle attendait Charlie, cet homme que je n’avais pas connu, dont j’avais juste entendu parlé, que j’imaginais parfait et présent… Et moi, et bien, je ne pouvais pas tenir la comparaison. Même si les circonstances expliquaient mes absences… « Si le bébé prend toutes nos qualités et rien que nos qualités, oui ça sera un amour. » acquiesçai-je en me doutant bien que dans tous les cas, je serais gaga devant ce petit qu’importe de qui de nous deux il tiendra, qu’importe qu’il ait nos défauts ou non. J’emmenai ensuite Charlie au toboggan, la petite ne savait pas s’arrêter et ce fut la voix de sa mère qui stoppa le jeu de glisse. « Tu veux rentrer ? Ca va ? Tu contractes pas ? » m’inquiétai-je en m’approchant avec Charlie dans les bras qui tentait de se débattre pour retourner au toboggan.

« Je porte ton enfant, avoue que tu n'as juste pas envie de me contredire. » Petit regard complice, comment critiquer la mère de son enfant hein ? Enfin si j'étais un homme c'est comme ça que je réagirais. Mais je suis une femme et c'est peut être mon caractère de femme qui fait que je peux penser comme ça en me mettant à la place d'un homme. Oui beaucoup trop compliqué comme raisonnement. « Physiquement ça va... Je veux dire mon corps a l'air solide pour encaisser comme ça une deuxième grossesse si proche de la première ! » Après tout j'avais eu de nombreuses galères mais j'étais toujours là non ? C'était bien la preuve que mon corps étaient plutôt résistant. « Moralement euh... T'es sûr que tu veux qu'on parle de ça ? » En fait, j'ai parlé à Priape de mon mari, des moments qu'on a passé ensemble de ce genre de chose mais lui parler de sa présence pendant ma grossesse, de comment ça s'est passé... Ca ne serait peut être que lui mettre un peu plus en visu les différences énormes entre les deux grossesses, ce qu'il avait pu louper en n'étant pas tout le temps à mes côtés, en n'étant pas en couple... Je m'autorisais à tenter d'imaginer à quoi ressemblerait notre bébé, son visage, son caractère, mais c'était bien trop compliqué, déjà sans savoir le sexe c'était presque impossible en fait. Priape et Charlie s'amusaient au toboggan comme des petits fous et je vins couper leur moment pensant qu'il pouvait en avoir assez. « Ca va, ca va... Je me disais juste que tu pouvais en avoir mare... Et j'avoue que c'est frustrant de pas pouvoir m'amuser avec vous... »