Happy Birthday (Talya)

Je regardais la photo que je venais de prendre : c’était dans la boîte. Je me gardais bien de faire défiler les clichés, ne souhaitant pas raviver le conflit entre nous. Mon sourire s’élargit aux paroles de mon ex concernant l’effet sur les contractions : « Je te l’amène tous les jours si tu veux. C’est une tocolyse plus sympa et plus adorable qu’une horrible perfusion. » Des bisous de sa fille sur son bidou, ça valait toutes les cures de tracto du monde. Je m’approchai doucement du lit alors que la blondinette me réclamait de lui envoyer le cliché. « Je le fais tout de suite. » fis-je en pianotant sur mon écran. La sonnerie de son téléphone annonça l’arrivée du mms. Charlie cessa sa séance de bavouilles pour se redresser et se tourner vers moi avec un sourire que je lui rendis : cette petite était adorable. Et c’était grâce à elle que nous nous étions revu Talya et moi. Je m’étais parfois demandé où l’on en serait si la demoiselle ne s’était pas retrouvée sur la liste de patients à voir ce jour là, si mon seniors ne m’avait pas envoyé faire ses consultations. Parfois ça se jouait à peu de choses. Je m’apprêtais à ranger mon portable dans ma poche, mais je me stoppai lorsque Talya proposa de faire une photo tous les quatre. « Je vais essayer mais t’es un peu large j’suis pas sûr d’y arriver… » la taquinai-je avant de m’installer à côté d’elle sur le lit et d’attraper Charlie pour la poser sur mes genoux. Je tendis le bras pour éloigner au maximum l’appareil de nous et essayai de nous faire rentrer tous dans le cadre de l’objectif. « Cheese… » fis-je en souriant.  

« Remède miracle lorsqu'elle est calme, si elle se met à bouger partout, je ne suis pas sûre qu'elle permette de calmer quelque chose ! » Je reportais mon attention sur la petite avant d'ajouter à l'attention de Priape. « Ce lien qu'ils ont déjà me fascine, c'est ce qui me bloque encore plus dans le fait de te laisser le bébé, de voir Charlie toute seule avec moi déboussolée je crois. » Je ne veux pas remettre un sujet houleux sur le tapis, ce n'est pas le but, je veux juste soulever devant Priape tous les points qui me font ne pas être certaine de savoir me séparer de mon enfant pour lui confier, de ne pas être sûre d'être capable de séparer mes enfants, de voir l'un chercher l'autre et peut être quand le bébé sera plus grand aussi de le voir déstabiliser sans sa grande soeur. Je crois que c'est ce côté déstabilisant que je déteste le plus dans les familles recomposées. Mon téléphone sonna après quelques pianotages de la part de Priape sur son écran et je vis la photo s'afficher sur mon appareil, je ne pus m'empêcher de la mettre directement en plein écran avant que mon ex petit ami s'asseye à côté de moi pour tenter de faire la photo à quatre. Il acceptait vraiment ? Même si ça avait un peu l'apparence d'une photo de famille ? « Eh je ne suis pas large, c'est ta progéniture qui tient de la place ! » Je le taquine puis je tente de me pousser un peu alors que Priape prend Charlie sur ses genoux. Je me rapproche d'eux et op la photo est dans la boite. « Il ne manque personne ? On voit bébé ? » Ca serait plus simple quand il serait là, mais ne précipitons pas trop les choses.

« Bon ok, je l’amènerai peut être pas tous les jours alors. Les soirs de pleine lune on évitera… » C’était censé être des nuits où les petiots dormaient mal ça, les nuits de pleines lunes… Talya commenta le lien qui semblait déjà exister entre Charlie et son demi frère ou sa demi sœur. Mon sourire s’effaça un peu lorsqu’elle ajouta que c’était aussi en partie à l’origine de son blocage quant à l’idée de me confier le bébé. « T’inquiète ça ira… » Mais je comprenais ce qu’elle voulait dire, je les voyais souvent les fratries en pédia et les enfants qui n’étaient pas élevés ensemble étaient beaucoup moins proches les uns des autres c’était certain. « Et puis, tu pourras peut être me confier Charlie en même temps que la crevette aussi… » Deux petiots, une seule paire de bras. Je crois que je ne réalisais pas vraiment la charge de boulot que ça allait représenter. On s’installa ensuite sur le lit, Charlie sur mes genoux, et le selfie fut vite dans la boîte. Je vérifiais le cliché alors que la petite essayait de m’arracher mon téléphone des mains : pourquoi fallait-il toujours que les gosses soient attirés par ce qu’il n’avait pas le droit de toucher ? « Elle est bien, mais on voit pas trop ton bidou attends, je vais en refaire une que de toi. » fis-je alors en visant cette fois mon ex petite amie pour obtenir un cliché qui mettrait bien en avant son ventre arrondi. Je vérifiais l’écran. « C’est tout bon… » Mon regard se reporta vers le fauteuil. « Ca va aller alors pour le petit tour ? T’es sûre ? »

« Surtout que la pleine lune est réputée pour favoriser les accouchements, donc oui, évite ! » Promis à la prochaine pleine lune je serrerais les fesses pour ne pas accoucher, enfin si je devais le faire je n'aurais pas d'autre choix mais quand même j'espérais que ça ne serait pas le cas. La lune jouait sur certaines femmes, sur d'autre pas du tout, j'espérais faire partie des exceptions, oh oui je rêvais d'être exceptionnelle un peu à ma manière pour une fois et ça ne ferait de mal à personne que je le sois, juste du bien à mon égo. Je divaguais clairement là, un sourire, se figea sur mon visage puis la voix de Priape me ramena dans ma chambre d'hôpital. « Je veux pas t'imposer Charlie... Tu sais que tu n'as aucune obligation envers elle. » Mais pour le coup sa proposition avait déclenché quelque chose de bizarre en moi, cet élan d'émotion face à l'aveu qu'il avait fait à demi mot. Il était attaché à Charlie, prêt à s'en occuper en même temps que le bébé. C'était beau. Si j'étais capable de gérer le bébé et la plus grande en même temps, il était aussi compétent que moi de le faire en plus non ? Ce n'était pas parce que c'était un papa qu'il était moins doué. En attendant tout ça, il s'exerçait déjà dans le rôle du photographe et même si la photo était réussie on voyait peu mon ventre, il reprit donc une photo que de moi toute seule. Ce qui me laissa... perplexe dirons nous mais je me passais bien de commentaire. « Tu me les enverras aussi ? » Sauf que maintenant c'était l'heure du petit tour. Il déposa Charlie par terre que se dépêcha de gambader un peu partout, heureusement que la chambre n'était pas très grande, et je fis l'effort de me lever en prenant ma poche de perfusion pour l'accrocher sur le fauteuil. Les contractions précédentes me donnaient l'impression d'être légèrement engourdie c'est pourquoi je restais quelques instants appuyée au lit. « Tu m'aides ? J'ai l'impression d'être une mémé. » Il saisit mon bras et ma taille, comme tout à l'heure et en moins de deux j'étais sur le fauteuil le petit crapaud sur mes genoux en train de rire parce qu'elle assimilait cela à un tour de manège. En attendant l'ascenseur je demandais à Priape. « T'as pas encore pris la garde de quelqu'un pour que j'ai la faveur de sortir hein ? »

« Ok, tu veux que je fasse des nuits blanches chaque nuit de pleine lune c’est ça ? » Parce que n’oublions pas l’angoissé chronique que j’étais avec tout ce qui touchait à Talya et au bébé. Finalement, quand elle verbalisa sa crainte de voir sa fille privée de moments de complicités avec le bébé lorsqu’il serait chez moi, je proposais d’éventuellement la prendre également. « Bah j’suis son pédiatre quand même, c’est pas rien… » Genre je me proposais de garder tous mes petits patients. La séance photo prit fin sur une photo de Talya et de son petit ventre rond. Elle me réclama tous les clichés du jour et je m’attelais aussitôt à la tache. Son portable sonna deux fois : le mms avec la photo de nous 4 et la photo d’elle seule venaient d’arriver. Je posai Charlie par terre et aussitôt elle détala. Je la suivis un instant, pas encore habitué au fait qu’elle marche même si je l’avais vu gambader pendant le SC. « Atten… » Mais la petite était rapide. La voix de Talya raisonna dans mon dos et en me tournant, je la vis qui s’était déjà levée mais qui s’était cramponnée au lit. « Les filles Blackburn vous êtes vraiment pas possible… » Je retournai auprès de la jeune femme et l’aidai à s’installer dans le fauteuil, accrochant la poche de tracto sur le pied à perfusion. Je saisis la petite, la posai sur les genoux de sa mère et on quitta la chambre, roulant jusqu’à l’ascenseur. On entra dans la cabine et j’appuyai sur le bouton rez de chaussée alors que Talya m’interrogeait sur la manière dont je m’y étais pris pour obtenir cette petite permission de sortie. « Non, en fait j’ai dragué les infirmières… » répondis-je avec ironie avant d’anticiper une quelconque mauvaise réaction de sa part, me penchant, ma main se posa doucement sur son épaule et je vins lui souffler à l'oreille. « Je plaisante hein… Tu te rappelles que je ne suis pas fan des infirmières de toute manière. » Mon truc à moi c’était les apprenties docteurs, une réplique que je lui avais déjà servi quand elle s’était occupée de mon cas après la fusillades.

« Si ton angoisse te conduit à venir passer la nuit auprès de moi, ne compte pas sur moi pour te rassurer. » Un rire léger secoue le haut de mon corps, mais je ne tarde pas d'ajouter : « Et canapé ou lit t'auras le choix. » Enfin le problème était quand même que je dormais assez mal ici, je n'étais pas chez moi malgré les nombreuses heures passées ici pour étudier, pour en apprendre toujours plus grâce à l'étendu du savoir de mon père. Le sommeil, en fin de grossesse, c'était quelque chose de précieux et sans un petit coup de pouce je devais avouer avoir du mal à trouver Morphée au milieu des nuages mais ce n'était pas nouveau, c'était juste accentué depuis que j'étais hospitalisée. « Je ne suis pas sûre que si quelqu'un ici voyait votre lien, tu serais bien autorisé à rester son pédiatre. » Sauf que dans tous les cas je ne voulais personne d'autre pour Charlie à moins d'en être obligée. C'était Priape et c'était tout. Peut être que je pourrais envisager de la passer chez Leanne si c'était plus facile pour faire combiner les visites avec celles du bébé, mais pour le moment, je ne comptais pas perturber mes habitudes et celles de ma fille plus qu'elle ne l'était déjà. La mission du jour était de me relever du lit pour atteindre le fauteuil mais l'aide de Priape ne serait pas de refus, Priape qui était déjà occupé à courir après Charlie qui n'avait pas attendu son feu vert pour faire des galipettes de partout dans la chambre une fois à terre. En entendant le futur papa commencer à dire attention puis se résigner, je pouffais légèrement et ne pus me retenir de rire de bon coeur quand il fit un commentaire nous englobant toutes les deux. « On vous en fait voir de toutes les couleurs Monsieur Zacharias ? » Mes yeux et les siens se connectèrent l'espace d'un instant pour partager ce qu'il y avait à partager, prendre ce qu'il y avait à prendre puis il se changea en véritable canne de marche pour m'accompagner. Dans l'ascenseur, je m'interroge sur sa manière de procéder pour obtenir ma permission et sur le ton de l'humour, un humour que je comprends bien, il me dit qu'il a dragué les infirmières, mais il se reprend bien vite de peur que j'interprète mal ses paroles. Délicate attention. « Sauf quand je suis ton infirmière... » Je lève les yeux vers lui, mais cet échange est interrompu par le ding de la sonnette qui signifie que nous sommes arrivés. L'air libre est bientôt là, je ne vais pas me mettre à chanter libérée, délivrée, mais presque.

Je secouais la tête avec un petit sourire en l’écoutant : elle plaisantait, rigolait, mais elle avait raison : j’allais m’inquiéter, à vrai dire je m’inquiétais déjà. Je ne dormais plus sur mes deux oreilles depuis qu’elle était hospitalisée ici, craignant d’entendre la sonnerie de mon téléphone retentir pour m’annoncer que les contractions avaient repris, que le travail avait commencé de manière prématurée. « Personne ne peut rien dire pour Charlie. C’est pas comme si on était encore ensemble toi et moi. » Aucun de mes collègues ne pouvait me reprocher de suivre l’enfant de mon ex après tout : il n’y avait pas de lien familiaux entre nous… Une fois Charlie à terre, je la suivis plié en deux pour prévenir une éventuelle chute. Mais je n’eus pas le temps de jouer les remparts autour de la petite que c’était la maman qui jouait les imprudentes en se levant seule. Je fis quelques pas pour la rejoindre et la soutenir jusqu’au fauteuil. « Oui un peu… Je vais bien dormir cette nuit je crois… » Usé par les miss Blackburn. Je fis ensuite rouler le carrosse de ces dames jusqu’à l’ascenseur et une fois à l’intérieur, je plaisantais sur la manière dont j’avais procédé pour lui permettre cette sortie. En réalité, aucune séance de drague avec les infirmières, je rappelais d’ailleurs à la demoiselle que ce n’était pas mon genre, ses yeux se relevèrent vers les miens alors qu’elle soulignait que ça l’était lorsque c’était elle qui tenait ce rôle. Le ding de la sonnette fit s’arracher mes prunelles des siennes et j’avançais alors hors de la cabine pour me diriger vers la sortie en reprenant : « Pour le moment c’est moi ton infirmier particuliers alors fais gaffe… Sois sage si tu veux pas que je te ramène illico dans ta chambre. » menaçai-je avec amusement. Une fois à l’extérieur, une petite brise balaya nos visages. Il faisait beau, le ciel était dégagé et il ne faisait pas trop chaud. « Alors heureuse ? » Bon j’imagine qu’elle aurait préféré passer autrement son vingt cinquième anniversaire, mais cette petite sortie allait lui faire du bien.

Plus le temps passait et plus je découvrais un Priape plein d'inquiétudes. Je ne l'aurais jamais pensé comme ça en fait. Est ce que si la situation était différente, il serait moins inquiet ? Je n'en savais rien mais en tout cas, là, je comprenais bien qu'il était aux aguets si jamais il m'arrivait quelque chose. Pour ce qui est de Charlie, nous n'étions plus ensemble certes mais tout le monde voyait bien qu'il y avait autre chose qu'une relation de patient à médecin entre eux. M'enfin tant que personne ne disait rien moi je ne voulais pas changer de pédiatre, je serais moins rassurée que quelqu'un d'autre suive Charlie parce que justement Priape avait cet attachement qui faisait qu'il y faisait surement encore plus attention. « Quand tu trouves pas le sommeil, viens passer une journée avec nous et ça ira. » Je rigole, mon dieu on est si infernales que ça ? Non surement pas il doit en rajouter comme d'habitude. « T'es aussi peu drôle en infirmier qu'en patient ! On rigole pas avec toi ! » Moi je le dis ironiquement mais oui il est aussi grognon quand il fait l'infirmier responsable que quand il est le patient grognon qui se dit lui même qu'il n'a rien. Sacré Priape. « Plus qu'heureuse j'en pouvais déjà plus d'être là dedans... Je crois que quand tout ça sera terminé je m'autoriserais une petite folie pour mon quart de siècle ! » Et oui vingt cinq ans quand même ! Et l'idée me vint de suite : « Tu ressauterais en parachute avec moi ? »

« Parce que tu rigolais plus que ça avec les soignants là haut dans ta chambre ? Si tu veux je te remonte ? » fis-je en stoppant le fauteuil et en feignant un instant de faire demi tour. Infirmier particuliers pour ces quelques heures à l’extérieur, c’était donc moi le chef attention. Je lui demandais ensuite plus sérieusement si elle était contente malgré tout de cette journée d’anniversaire. L’incident de la photo s’était un peu dissipé de son esprit surement puisqu’elle répondit qu’elle était bien. Peut être que le grand air c’était le remède contre nos prises de tête. J’avançais un peu tout en poussant le fauteuil dans l’une des allées qui longeait l’enceinte de l’établissement hospitalier tout en l’écoutant me faire part de son envie de folie pour son quart de siècle. Elle me demanda alors si je sauterais en parachute avec elle. « T’es sérieuse ? » J’étais un grand amateur de sensation forte, alors oui oui, bien sûr qu’un tel saut me ravirait c’était juste le –avec moi- qui me laissait plus septique. « Ca serait pas… bizarre ? » Etant donné que le dernier saut de la jeune femme avait été une surprise de ma part pour lui présenter mes excuses de manière originale. « Enfin, oui pourquoi pas. Après tout c’est notre code anti dispute. On attendra que tu te remettes bien de l’accouchement. »

« Je rigole avec personne et personne ne rigole avec moi, tout le monde est terrorisé par mon père, on se sait jamais qu'il ferait renvoyer quelqu'un parce qu'il arrive quelque chose de pas normal à sa fille... » Je lève les yeux au ciel, mon père m'énerve, ses inquiétudes me gonflent et sa manière de me couver est insupportable car pendant des années il ne s'est pas inquiété de moi. Un père par intérim, quand il veut quoi. « Je suis sérieuse Priape ! » Le parachute avait été sa manière de m'en mettre plein les yeux, de me faire pardonner, on avait déjà parlé de refaire un saut ensemble alors pourquoi ne pas vraiment le faire ? Je n'étais pas le genre à simplement dire les choses et ne pas les faire, il devait bien le savoir. « Je veux qu'on le fasse ensemble, sans se poser de questions... C'est pas le saut en parachute du pardon ou le parachute pour calmer tout le monde... J'ai juste envie de faire ça avec toi ! » Déjà la première fois il aurait du venir avec moi ça aurait été encore mieux, alors cette fois je ne comptais pas le laisser passer à côté de ça. « J'ai rien eu l’occasion de t'offrir pour ton anniversaire à toi... Tu me laisseras faire ça hein ? Et oui on attendra que tout soit bien remis à sa place ! » Aucune envie de faire une descente d'organe ou d'être incontinente sans quoi Priape ne reviendrait surement jamais c'était tellement sale.