(+ Thais) Seven years ago.

« Cela dépend si la surprise est bonne ou pas » rétorquais-je sans m’étaler davantage. Mes raisons ne regardaient que moi et elle n’avait pas à les connaitre. Je savais pourtant qu’elle ne me voulait aucun mal mais on m’avait détruit la tronche de la pire façon qui soit et depuis, je me faisais l’office d’un animal sauvage dur à apprivoiser. « Tu n’es pas ma bonne Jen’… Je sais faire mon lit tout seul mais je pense que c’est plus prudent que je reste. Je n’ai pas envie qu’il t’arrive une tuile » la dépassais-je non sans déposer un baiser sur son front pour me faire pardonner de ma soudaine froideur.

« Je sous-entendais que la surprise était bonne… mais tu n’es pas obligé de rester, il ne m’arrivera pas grand-chose sous mes couvertures je pense ! » fit-elle avant de le dépasser à son tour pour aller dans sa chambre sans autre forme de procès. Peut-être valait-il mieux qu’elle ne soit pas aussi avenante ni proche de Caleb au risque de subir de graves désillusions. Mais Thaïs avait eu beau se dire ça, elle avait tout de même cherché à passer du temps avec lui au fil des semaines, sans pouvoir s’en empêcher, malgré le fait qu’elle ait renforcé ses entraînements. D’ailleurs, elle n’avait pas croisé Caleb depuis plusieurs jours quand, en descendant en sueur de sa salle d’entraînement, elle surprit un baiser entre l’allemand et… un homme beaucoup plus âgé. Pour le coup, elle fut sur le choc un long moment et n’apparut qu’une fois qu’elle fut certaine qu’il soit seul. « Je voulais pas surprendre quoi que ce soit… je savais pas que tu sortais avec quelqu’un… et avec un homme encore moins… » sourit-elle, complètement gênée et sous le choc.

La solitude était ma pire ennemie en ces temps difficiles car c’était durant ces moments-là que je n’avais qu’une envie : tout envoyer valser et retomber dans mes travers. Je ne savais pas vivre seul, un comble pour un solitaire dans mon genre. Alors, comme toujours, je me retournais vers la seule personne en qui j’avais confiance, avec laquelle, je pouvais me laisser aller. « Merci de m’avoir ramené Nic’ » lui dis-je tandis que nous sortions de la voiture. « C’était un plaisir que de passer du temps avec toi Caleb. Pour cette jeune femme dont tu m’as parlé, je pense qu’il serait bien que tu lui laisses une chance non même si je me sens déjà jaloux » plaisanta-t-il avant de m’embrasser. « Merci pour tout ce que tu fais pour moi » murmurais-je avant de l’embrasser rapidement à mon tour pour mieux remonter l’allée et entrer au manoir, tombant nez à nez sur Jennelynn. « Pourquoi, cela te dégoute ? » fronçais-je les sourcils, me méprenant sur sa gêne.

Pour le coup, Thaïs ne s’était pas attendue à sa question et le prit comme une attaque personnelle et complètement hors de propos. Elle fronça les sourcils à son tour, sa fatigue physique due à l’entraînement de forcené qu’elle s’imposait ayant sûrement raison de sa patience légendaire habituelle. « Non ça ne me dégoûte pas c’était juste une question… pourquoi forcément m’envoyer sur les roses alors que j’ai à peine ouvert la bouche ? Si tu es amoureux c'est une bonne chose ! Mais oublie ma question j'aurais mieux fait de me taire, ce sont pas mes oignons » leva-t-elle les yeux au ciel, bien plus froide que d’ordinaire, se déplaçant jusqu’à la cuisine pour grignoter des tomates. Pour le coup, elle était refroidie.

Je m’en voulus aussitôt mais le mal était fait. Nicolaï en avait de bonne à me demander d’abaisser ma garde pour la laisser entrer dans ma vie. Le problème, c’est que je n’étais déjà pas doué à l’origine mais là, c’était pire que tout. Je la suivais donc dans la cuisine pour lui présenter mes excuses. « Pardon. Ecoute, je suis pas très doué avec les gens et non ce n’est pas mon petit-ami… il l’a été pendant quelques mois, c’est juste un très bon ami »soupirais-je car c’était tellement peu évident pour moi de décrire ma relation avec Nicolaï… Ex amant, ami, protecteur, amour platonique… « Je voulais pas t’agresser mais c’est que j’ai tendance à être un brin trop protecteur et voilà »marmonnais-je.

« Pas grave, je t’ai dis j’aurais pas dû poser la question » soupira-t-elle alors qu’elle venait de prendre une barquette de tomates cerises pour en manger tout en évitant soigneusement de le regarder. Thaïs aurait rêvé qu’il s’en aille, qu’il la laisse marmonner sa solitude et ses déceptions toute seule comme une grande mais rien à faire, il continuait et s’évertuait à lui donner des raisons à son comportement alors qu’elle n’avait aucune envie de l’écouter pour l’instant. « Sûr qu’avec mes petits bras je vais faire beaucoup de mal à autrui ! Écoute j’ai compris, tu l’aimes beaucoup, tu veux pas que je salisse le truc avec des propos que tu jugeras déplacés c’est bon je suis pas complètement couillonne, j’ai saisis. »

Raaah mais rien ne se passait comme prévu, ça me saoulait mais avec une force. Elle était là, mangeant ses tomates cerise sans m’accorder le moindre regard. « Bon, je te fous la paix si je comprends bien ? » marmonnais-je car je n’étais peut-être pas très doué mais je savais quand une personne voulait pas me parler et à l’évidence même, c’était son cas. « Fais chier » grondais-je pour moi-même avant de la laisser pour mieux me diriger vers la salle de danse où j’enlevais mes chaussures, chaussette et mon haut, restant simplement en jean. La musique à fond, je commençais à danser pour oublier que j’étais qu’un crétin et que je venais de ruiner toutes mes chances avec elle.

Le problème, c’est que Thaïs ne savait pas ignorer quelqu’un et ne pas s’en vouloir derrière. Elle ferma donc les yeux en s’insultant intérieurement pour mieux se rendre dans la même pièce que Caleb, coupant la musique sans autre forme de procès. « Tempête, grogne, fais tout ce que tu veux je m’en cogne » avoua-t-elle car pour le coup, elle voulait qu’il l’écoute. « Je ne sais pas comment agir avec toi. Quand je suis douce, tu me repousses, quand je joue le même jeu que toi, tu t’énerves et tu t’en vas… tu veux que je te fasse la liste de toutes les choses que tu m’as dites et qui me ferais rêver d’être à des centaines de milliers de kilomètres de toi ?! Pourtant je le fais ça. Je dois être conne ou maso, va savoir. J’ai l’impression que quoi que je dise, quoi que je fasse, on veut me faire passer pour une demeurée totale qui sera toujours seule à en crever jusqu’à la fin de sa vie… mais c’est une énergie dépensée pour rien ! J’ai déjà l’impression d’être une demeurée totale la plupart du temps ! Je ne sais pas pourquoi je t’exaspère dès que j’ouvre la bouche et je suis désolée. Mais j’en ai marre de changer tout le temps pour les autres avant qu’ils finissent par me laisser tomber comme une merde. Tu mérites d’être heureux Caleb. Il n’y a que toi qui n’en n’est pas persuadé. » Sur ces mots, Thaïs lui remit la musique avant de se rendre aussitôt dans sa propre salle d’entraînement, branchant la musique et exécutant des pas de claquettes des plus impressionnants. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son petit accès de culot lui donnait envie de se défouler comme jamais.

Une tempête, cette femme était une tempête et je ne savais pas quoi répondre sans lui expliquer le fond du problème. Lui dire qu’il y a deux ans, un homme avait abusé de moi, que mon meilleur ami d’enfance s’était suicidé, ne supportant plus les attouchements de son père, que je m’étais foutu en l’air en voiture en roulant trop vite et que j’avais tué quelqu’un pour mieux sombrer dans la drogue. Mon père avait étouffé l’affaire et de passager, la fille au pair que j’adorais et qui travaillais pour nous, était devenue la conductrice. Je vivais avec tellement de mensonge sur le dos que je me perdais moi-même. Pourtant, cette femme me donnait envie de me pardonner, de me sentir aimé alors que je me dégoutais la majorité du temps. Je restais silencieux, laissant s’écouler des minutes avant de la rejoindre mais n’étant pas doué pour parler, j’optais pour la manière directement en m’approchant d’elle pour mieux prendre son visage entre mes mains et l’embrasser. « Pas doué. Désolé. Tu me plais »lâchais-je finalement sans trop savoir quoi dire ou faire d’autre. « T’es bonne…je parle des claquettes »ajoutais-je en me traitant de con tandis qu’une faible rougeur accentuait la coloration de mes joues.

Sur le coup, Thaïs avait sursauté, n’entendant que la musique pour mieux sentir finalement la présence de Caleb ainsi que ses lèvres sur les siennes. Là, pour le coup, elle écarquilla deux grands yeux et fit cesser la musique à l’aide de la télécommande. « Je te plais alors que tu n’as pas arrêté de me faire comprendre le contraire… je suis paumée ! » avoua-t-elle en secouant légèrement la tête le cœur battant. « Heu merci… plusieurs jurés ont pensé ça lors de ma dernière compétition je crois » ajouta-t-elle en rougissant de plus belle.