(+ Thais) Seven years ago.

« Ce serait surtout dommage » murmurais-je. Pour la première fois, je ne ressentais ni peur ni dégout à côtoyer une personne et le moins qu’on puisse dire, c’est que je nageais dans une profonde incompréhension. « Je te regarde comment dis moi » lui demandais-je avant de la faire tournoyer pour mieux la ramener contre mon torse, tandis que la musique se faisait bien plus douce à cet instant précis, comme encline à nous rapprocher davantage. « Tu rougis encore » souriais-je en glissant mon index sur sa joue.

« Dommage, vraiment ? » lui demanda-t-elle amusée. Hélas, la question qu’il lui posa la fit déglutir avec difficulté : devait-elle être cent pour cent honnête ? Bah, ce n’était pas le genre de la maison de mentir, à vrai dire… « Ben… comme si tu me voyais pour la première fois. Un peu comme si je venais au monde et que tu ne savais pas trop quoi ressentir, quoi faire en ma présence. Mais ça ne semble pas te déranger pour autant… on dirait presque que cette incompréhension étrange, tu la trouves confortable. C’est fascinant » ajouta-t-elle timidement pour mieux s’écarter de quelques millimètres et mettre les mains sur ses joues. « Je contrôle pas ! Pas ma faute… »

« Yep mon capitaine »blaguais-je avant de lui poser une question qui pourrait en mettre mal à l’aise plus d’une mais comme je n’avais aucune notion de tact, je ne le voyais bien sûr pas ainsi. « Tu suis des études de psychologie pour viser juste ? Tu m’intrigues. Depuis le temps que tu bosses pour mes parents, j’ai vraiment l’impression de te découvrir pour la première fois et j’aime bien ce que je découvre » murmurais-je avant de rigoler avec bien plus d’éclat l’instant d’après. « Mais c’est pas un tort, t’es mignonne comme tout quand tu rougis surtout dans cette robe. Cela fait un sacré contraste »

Thaïs avait visé juste. Bah ça pour une surprise ! Elle en fut la première étonnée et esquissa un petit rire cette fois-ci. « Non pas du tout… ! Mais à défaut de savoir aborder vraiment les gens je les observe tout le temps de loin, ça doit être pour ça. Si tu aimes bien ce que tu découvres, c’est que je t’ai pas dégoûté, c’est déjà ça ! » avoua-t-elle dans un petit sourire timide avant de lâcher ses joues. « Vraiment ? J’aimerais bien contrôler si tu savais ! On dirait que c’est toujours marqué sur ma tronche ce que je pense ! »

« Pourquoi tu me dégouterais, là je comprends rien »fronçais-je les sourcils, ayant décidément du mal à la suivre. « C’est moi ou tu es du genre à ne pas avoir confiance en toi ? » lui demandais-je tandis que je continuais à l’observer. « Je trouve que ça te va bien. La plupart des femmes que je côtoie ont oublié depuis longtemps leur part d’innocence » râlais-je tandis que je lui proposais de boire un verre l’instant d’après.

« Heu… je sais pas » avoua-t-elle en toute franchise. Thaïs n’était pas une experte ès relations humaines, cela se lisait aisément sur son visage et dans ses moindres réactions. « Disons que j’ai plutôt l’impression de me prendre des portes dans la tête alors ça aide pas pour la confiance. Beaucoup trouvent l’innocence symbole de connerie, ou d’ennui mortel aussi ! » ajouta-t-elle en haussant les épaules. « Je veux bien un double scotch si tu as. » Histoire de se remettre !

« Les gens sont cons, c’est une évidence même » haussais-je les épaules tout en allant derrière le bar de mon père. Il ne m’en voudrait pas de piquer dans ses réserves même si l’un comme l’autre n’avions pas l’âge légal pour en boire –du moins aux Etats-Unis ; « Un double pour madame » m’exclamais-je tout en lui faisant glisser son verre avant de me servir une bière. Je buvais rarement des alcools forts ; dans mon état, je serais capable de devenir alcoolique alors non merci. « Je passe un bon moment quoiqu’il en soit. Cela faisait un moment que cela ne m’était pas arrivé »

Thaïs éclata de rire. « Amen j’ai envie de dire ! Mais on a besoin d’eux quand même. Enfin moi j’ai besoin d’eux » avoua-t-elle dans une petite moue adorable. Tactile comme elle l’était, n’avoir personne à qui faire un câlin, c’était… dur. Aussi, face à l’aveu de Caleb, elle engloutit une bonne lampée de son scotch pour mieux aller le serrer dans ses bras, sans même préméditer son geste. « Merci… désolée mais j’avais besoin d’un câlin » se racla-t-elle la gorge de gêne en reprenant son verre et s’éloignant de quelques pas, évitant son regard.

« Tu raterais pas grand-chose pourtant » marmonnais-je tant mon amour des autres frôlaient les moins 100°. A part ma famille et mes proches, le reste était bon pour rester loin de moi. Je ne supportais pas la présence d’une foule autour de moi. J’avais toujours été solitaire mais les derniers évènements m’avait rendu véritablement ermite. Je sursautais néanmoins en la sentant venir me faire un câlin. Pour la peine, ce fut moi qui me mit à rougir tant je n’étais plus habitué à ce genre de contact même de mes proches. « Hum pas de souci »marmonnais-je après m’être raclé la gorge.

« C’est dommage d’être aussi solitaire… il y a peut-être des gens sur le tas qui peuvent te surprendre ? » s’étonna-t-elle de ce côté sauvage voire même hostile envers autrui. La preuve, sa réaction face à son câlin lui donna un magnifique aperçu de la chose et lui fit boire le restant de son verre. « Tu as sûrement tes raisons, encore une fois, enfin bref. Je te remercie pour la danse et le scotch… si jamais tu veux que je te raccompagne tu me dis, ou bien je peux te faire ton lit si tu veux dormir ici ? »