PRIALYA ► Leave me alone

« Je t'ai pas dit qu'en fait les coups qu'il me donne depuis que je le sens c'est pour s'entrainer à ça ? » Je rigole en regardant Priape, oui j'ai des envies de meurtre parfois mais qui n'en a pas, même en n'étant pas enceinte ? « Oui j'ai vraiment envie de t'étrangler, de te faire passer par la fenêtre, enfin tout ce que tu veux qui me débarrasserait de toi une fois pour toute parfois ! » Après tout avec cette solution je pleurerais un bon coup une fois en le perdant et ça serait terminé après non ? Il ne m'en ferait plus voir de toutes les couleurs à la suite de ce que j'avais fait. Je me mare tout en étant dans mes pensées et je reporte mon attention sur le jeu. On n'est pas très vivace avec Priape. Je lance le dé et je fais juste assez pour tomber sur la case juste devant son cheval. Il a de la chance. « T'as de la chance, et non cette règle là n'existe pas, essaye de revenir un jour où ils m'ont shooté je pense que je voudrais toujours aller me rouler dans la paille avec mon cavalier et sa monture ! » Le rouge monta à mes joues, mon dieu ce que j'avais pu sortir des bêtises ce jour là. « Et je garde mes six, n'essaye pas les petits yeux de biche, ça ne marchera pas. » Eh il y avait quand même son dos en jeu, le confort d'un bon lit, trop petit certes mais bon, contre celui d'un fauteuil, en jouant je ne pensais qu'à son dos. « Laisse faire pour Cora... Sa jalousie la dépasse je crois, on s'est expliquée après... D'ailleurs elle est venue à l'anniversaire de Charlie et ça s'est super mal passé avec Sienna et Andrea... Son cadeau était un peu osé aussi il faut dire... » Je m'arrêtais pour relever les yeux vers Priape tout en lui donnant les dés : « Elle a offert à Charlie un chien... Nolan le ramènera en rentrant en voiture... J'en ai parlé rapidement à ma mère, il restera chez eux. »

« Tu sais que tu me fais peur là ? Je vais peut être venir avec un gilet par balle la prochaine fois que je viens te rendre visite. » rigolai-je alors que la jeune femme confessait ses envies de meurtres… Puis au cours de la partie, ce fut à mon tour de la charrier, lui rappelant ses paroles délirantes lors de son précédent séjour ici, en début de grossesse. « Ils vont plus te mettre sous largactil maintenant, mais peut être qu’à l’accouchement t’auras le droit au gaz hilarant… » Et du coup, on reparlerait de roulades dans la paille… Le protoxyde d’azote, le gaz qu’on proposait en alternative en cas d’accouchements trop rapides ou pour les patientes qui avait une contre indication à la péri, ça avait le don de faire planer aussi. « Tu vas vouloir la péridurale d’ailleurs ? » demandai-je en réalisant qu’on avait pas parlé de ça. Bien sûr, Talya avait encore le temps d’y réfléchir, mais elle avait accouché une fois déjà, donc elle savait un peu à quoi cela pouvait ressembler, quel seuil de douleur elle allait ressentir et donc elle devait surement savoir si elle voulait une analgésie ou un accouchement 100% naturel. J’essayais de réclamer un don de ses –six- puisqu’elle semblait plus en veine que moi mais finalement je réussis à en faire un et je pus enfin sortir mon deuxième cheval de l’écurie. « Tu vois avant c’était l’échauffement, là les choses sérieuses commencent… » annonçai-je en lui tendant les dés pour qu’elle joue à son tour. Elle me raconta pour sa meilleure amie, enfin meilleure amie en carton vu ce qu’elle avait osé lui balancer. Et en plus, pleines de bonnes intentions, la rouquine avait offert un chien à Charlie. « Le cadeau empoisonné ! » commentai-je avant d’ajouter : « Mais elle pouvait pas lui offrir un puzzle ou une boîte à forme. Elle a que un an en plus… » Pourvu que Talya choisisse par Cora comme babysitter attitrée du petit…  

Gilet pare balle, uniforme de police, il ne m'en faut pas plus pour faire le lien avec les uniformes... « Les uniformes te vont bien ça ne me dérange pas... » Mais je ne serais plus très sûre de répondre de quoi que ce soit en matière de contrôle de moi. Il ne devrait pas s'en plaindre s'il s'amusait à ça. « Charlie est née sans péri... C'était trop tard... Et je n'en ai pas gardé un souvenir atroce alors si le deuxième peut être le même je suis pour... Mais si je souffre trop et qu'il est pas trop tard je veux la péridurale oui et je ne veux pas que ce soit un boulet qui me la pose ! » Ce n'était pas rien quand même une grande aiguille dans la colonne et tout, non mais quand même je voulais remarcher moi. Je reprends les dés et le chiffre me permet d'avancer mon petit cheval assez pour tomber pile sur la case du cheval de Priape. Je me fais une joie d'y aller et de remettre le cheval qu'il vient juste de sortir à l'écurie en rigolant. « Dommage ! » Et comme j'ai fait un double je rejoue ce qui me permet de pas mal avancer. « Tu devrais abandonner de suite je vais gagner... Et ton dos sera mieux dans le lit. » Je lui tire la langue comme les enfants et je me reconcentre sur le sujet Cora. « C'est Cora quoi... Enfin c'est pas un drame non plus... Ma mère sera contente ! »

Je secouais la tête, sans pouvoir néanmoins empêcher un petit sourire amusé d’étirer mes lèvres. « C’est donc le but de toutes ces menaces de mort : que je sorte mon uniforme… » A mon avis, il y avait surtout l’exaspération de nos disputes à répétition. On parla ensuite de ses souhaits pour la naissance. « Je préfère que tu aies la péri, je vais pas supporter de te voir hurler et souffrir sans pouvoir rien faire pour t’aider… » confiai-je en repensant à l’accouchement de Beezus à la dunster le jour du blocus. On avait tâché comme on pouvait de l’aider, mais là il s’agissait de Talya, ça serait complètement différent. « Mais c’est ton accouchement, tu feras comme tu le souhaites. » Et quand à son appréhension d’avoir un boulet, et dieu seul sait qu’il y en avait, j’ajoutai : « J’vais prendre tous les numéros persos des anesthésistes performants qui bossent ici, et si celui de garde a pas l’air top, on en trouvera un autre. » Bon la partie était vraiment mal parti pour moi. Talya renvoya un de mes pions à l’écurie ce qui manqua pas de me faire ronchonner. « Mon dos sera peut être mieux dans le lit, mais toi tu seras moins bien, y’a pas de place pour deux là dedans. » Enfin si, si on dormait serrés l’un contre l’autre… Mais alors là, mon dos serait peut être bien mais une autre partie de mon corps allait souffrir. Parce que c’était désormais inenvisageable que l’on dérape à nouveau… Je tirai, n’abandonnant pas. Quatre et cinq. J’avançais mon seul cheval sur le plateau alors que les deux de Talya étaient sortis.  

« Je pense à ta reconversion professionnelle voyons ! » Mais vraiment que sa reconversion professionnelle hein parce que je n'ai aucune envie qu'il se reconvertisse amoureusement. Je veux qu'il reste à moi avec moi alors qu'il change autre chose dans sa vie pour aller de l'avant... Si seulement j'étais celle qui pouvait choisir... « Tu vas tourner de l’œil si j'hurle trop ? » Je le taquine sur ce point là, c'est touchant de voir qu'il n'a pas envie de voir mon visage déformer par la douleur même pour mettre au monde un enfant qui est la plus belle chose du monde. « Tant que t'es là, je me fou du reste... » Mes yeux retrouvent les siens, vraiment je ne veux qu'être avec lui à ce moment, je ne veux pas partager la naissance de mon enfant avec quelqu'un d'autre que son père. J'acquiesce à l'idée de Priape au sujet de l'anesthésiste et je me reconcentre sur le jeu. Je tire les dés et c'est une paire de six, j'avance donc mon premier cheval qui arrive déjà presque vers l'écurie. Je relance le dé car j'ai fait un double et op il y a un un dedans, du coup je peux monter. Je rends les dés à Priape qui lui aussi avance bien mais toujours pas de six, pas de chance. Je me concentre à ne pas renvoyer son autre petit cheval à l'écurie, il a déjà du mal à sortir le deuxième et moi je monte, un un, un deux, un trois, un quatre, le cinq a plus de mal à venir mais il finit quand même par le faire et le six, op j'ai un cheval qui a gagné et l'autre qui est bien avancé. « J'ai un cheval qui a gagné, un qui va bientôt faire sa montée, toi t'en as un à l'écurie et un sur la case 4, t'es pas sorti encore, toujours pas de capitulation ? » Il va perdre de toute façon, comme d'habitude. « Et cherche pas je ne t'apprendrais pas à jouer, pas comme pour les fléchettes... »

« Je ferais pas un bon flic… » J’avais testé l’expérience en mode enquêteur, et j’étais pas assez discret pour un tel métier. « Et puis surtout, j’aime ce que je fais. » La médecine, et plus particulièrement la pédia. J’avais pas envie de me reconvertir. On évoqua ensuite ses souhaits concernant l’accouchement. Je redoutais un peu de la voir souffrir, mais Talya sembla s’en amuser, me demandant si j’allais tourner de l’œil. « J’espère pas… J’espère réussir à être à la hauteur, et réussir à te soutenir comme il faut. » Au final, j’aurais l’air bien ridicule de faire un malaise alors que c’était elle qui allait endurer toutes les douleurs. Elle me fit savoir que de toute façon tant que j’étais là, le reste importait peu. Mon regard se planta dans le sien : « Je serais là Talya. Je manquerais ça pour rien au monde. » La naissance de mon premier enfant. Un moment dont j’allais me souvenir toute ma vie. La partie se poursuivit et j’étais en très mauvaise posture alors qu’un de pions de Talya avait commencé à monter alors que l’autre n’en étais pas loin non plus. « Je capitulerai pas… » Je commençais à me dire que j’allais devoir rester dans le lit de Talya cette nuit. C’était même sûr, surtout qu’après un nouveau tir de dés, je ne vis aucun six apparaitre et je dus me contenter d’un cinq et d’un quatre. J’avançai mon cheval en soupirant. « Je peux aller chercher un lit accompagnant en pédiatrie sinon... » Les lits réservés aux mamans de nos petits patients hospitalisés, le service n’était pas plein donc il devait certainement en rester dans la réserve. Oui, ce n’était pas les termes de notre deal concernant la partie, je sentais que j’allais perdre, alors j’essayais de détourner les règles comme je pouvais…

On rigole sur l'uniforme, sur la profession et avec la phrase de mon ex petit ami, je me rends compte qu'on est toujours sur la corde sensible, à deux doigts de basculer dans les extrêmes, soit tout va bien, très bien, trop bien même, soit on se fait du mal, toujours plus de mal. Je laisse donc passer la reconversion pour me concentrer sur l'accouchement. J'espère qu'il se passera bien, pour Charlie tout a été parfait, je n'ai juste pas été accompagnée de la manière dont je l'aurais voulu. « J'en doute pas. » Mes yeux étaient plantés dans les siens et ma main vint serrer la sienne mais bien vite je reportais mon regard sur le jeu pour ne pas me laisser emporter. « Et moi je ne céderai pas sur les termes de notre deal. » Il lance les dés et avance, j'en fais de même, plus qu'un six et c'est terminé pour moi. Plusieurs tours passent avant que je n'ai l'occasion de le faire, Priape rattrape un peu son retard mais il en a trop et mon six arrive. Paf deuxième petit cheval sur la case arrivée. « Je crois que j'ai gagné... » Soulignons ma victoire et non sa défaite, ça sera surement plus facile à encaisser pour lui. « Ne me parle pas de faire la bel, je suis crevée maintenant. » Je sens mes paupières se fermer presque toutes seules, je lutte pour ne pas dormir alors bon. « En plus t'as la mine aussi fatiguée que moi. » Ou c'est le fait de savoir qu'on va dormir ensemble qui lui fait cet effet, ça fait plaisir si c'est le cas mais je garde bien de faire la réflexion.

Talya était intransigeante : pas de lit accompagnant, pas de fauteuil. Qu’importe la largeur de son lit d’hospit, un deal était un deal. « Moi je disais ça pour que tu sois mieux installée… » Feignons d’agir dans son intérêt et non pas parce que je n’ai aucune confiance en mon aptitude à résister à la jeune femme. Et la partie était vraiment mal engagée pour moi. Plus ça allait, plus Talya avançait sur le plateau, et plus l’optique d’une nuit dans le fauteuil s’éloignait. Lorsqu’elle gagna finalement, je commençai à protester : « Attends je… » Mais elle me coupa sec : pas de deuxième partie, elle était fatiguée. « J’suis sûr qu’au monopoly je t’aurais mis une raclée… » tentai-je malgré tout, même si vu l’heure avancée, un autre jeu de société était surement exclu… Je ne pus retenir un bâillement lorsqu’elle souligna ma mine fatiguée. « Ok, ok… On se couche… Mais si jamais tu te sens mal, que t’es mal installée ou que je te gêne, tu me vires du lit ok ? J’suis sur que le fauteuil ferait très bien l’affaire… » Je me levai de l’extrémité de son lit, poussai l’adaptable, rangeai le jeu dans son carton lentement, comme pour retarder le moment où j’allais devoir me glisser sous ses draps, le souvenir de notre nuit au summer camp encore bien ancré dans ma tête. Je retirai finalement mes chaussures avant de m’approcher du lit. Je comptais dormir tout habillé, le tissu serait un mince rempart entre nous mais cela m’aiderait déjà un peu si je ne sentais pas la tiédeur de sa peau contre la mienne.

« Garde le monopoly pour une prochaine fois ! Mais mon frère gagnait parce qu'il trichait alors pas sûr que tu gagnes non plus... » J'étais contre la triche alors il aurait bien du mal à gagner s'il comptait s'y prendre ainsi pour gagner... Mais là j'étais trop fatiguée pour me mesurer à lui et voir qui allait gagner. Ce serait pour une prochaine nuit en espérant pour lui qu'il gagnerait cette fois pour avoir à dormir dans le fauteuil comme c'était ce qu'il avait l'air d'avoir envie de vouloir. Il finit par enlever ses chaussures et venir s'installer à côté de moi. Je me mets légèrement sur le côté mon ventre reposant un petit peu sur le torse de Priape, le bébé se positionnant confortablement dans cette situation, venant se lover contre la source de chaleur paternelle. Je déposais ma main sur son torse et bloquais ma tête dans le creux de son épaule. « Ca va ? T'es assez mal comme ça ? » Je relève la tête pour croiser son regard et rire. Il ne fait que bougonner depuis le début, alors si je lui demande s'il est mal peut être qu'il va réussir à me dire qu'il n'est pas si mal que ça, alors que si je lui avais demandé s'il était bien il aurait surement dit qu'il pouvait mieux y avoir... Du grand Priape quoi... Mes yeux dans les siens, mon trouble refit son apparition mais je ne clignais pas pour autant des yeux, je ne bougeais pas en fait ne voulant pas faire quelque chose qu'il réprimerait ou l'enverrait directement sur son canapé, même si ses lèvres appelaient les miennes.

« Je peux aussi avoir un peu de chance et gagner honnêtement. » protestai-je. Enfin, ce ne serait pas pour ce soir. Pour l’instant, je me glissai sous les draps, à côté de la jeune femme, en tâchant de faire abstraction de la proximité entre nous, sa main sur mon torse, son souffle que je sentais au creux de mon cou. « Non ça va pas de contractions pour moi… » répondis-je avec humour espérant ainsi réussir à ne pas laisser paraître mon trouble. La vérité c’était que j’allais finir par avoir vraiment des contractions comme Talya, mais ça serait une toute autre partie de mon corps qui serait touchée. Peut être que j’allais devoir lui emprunter sa perf. « Toi ça va ? Tu es bien instal… » Mes yeux croisèrent les siens et mes mots restèrent en suspens. Mon regard parcourut son visage, s’attardant un instant sur sa bouche, avec l’envie dévorante de venir la capturer de la mienne. Je déglutis avant de retrouver l’usage de la parole, me crispant un peu plus dans le lit de la jeune femme. « Talya… » soufflai-je sur un ton presque suppliant. « Je ne devrais pas rester là… » Parce que je sentais ma volonté faiblir, je me rappelais ma perte de contrôle du summer camp et je sentais déjà aux battements de mon cœur que j’étais à nouveau à deux doigts de craquer et de l’embrasser.