PRIALYA ► Leave me alone

« Sauf que la dernière fois j'ai tout fait pour qu'on en arrive là où on en est arrivé... » Je n'ai pas de mal à avouer ça les yeux dans les yeux, je sais que je l'ai cherché, que j'ai cherché à ce qu'il cède, que je voulais qu'il cède et je sais aussi maintenant à quel point il peut être facile de le faire céder. Mais est ce que c'est dans mon intérêt de le faire craquer à nouveau pour qu'il s'éloigne encore plus de moi ? Vraiment pas non. « Je te laisserais pas dormir dans le fauteuil, tu ne vas rien dormir... Je te chercherais pas Priape, fais moi confiance et laisse moi respecter ta volonté sur ce point là. » J'ai vingt cinq ans dans quelques jours, je sais me tenir quand même malgré mon amour débordant pour lui et mon envie folle. « Le roi triche surtout. Est ce que je dois te rappeler qu'il faut faire un six pour sortir l'un de ses pions de l'écurie ? Aller op, op, op, retourne à la maison. » Je lui fais signe de remballer son petit cheval, avec les enfants il triche comme il veut mais pas avec moi. Non mais, ce grand gamin qu'il est quand il veut. « Et on ne soulignera pas l'état dans lequel j'ai fini à cette fameuse soirée, c'était la faute du profiteur je crois. »

Talya reconnut qu’elle avait tout fait pour que je craque durant le SC. « Pourquoi ? » fis-je intrigué par son aveu. J’avais pensé que ce n’était pas forcément calculé de la part de la jeune femme, mais là elle reconnaissait qu’elle avait cherché à provoquer ce rapprochement entre nous. Je ne comprenais pas pourquoi elle avait fait cela, sachant très bien que ça allait lui faire mal pour finir, parce que c’était se retrouver pour mieux se séparer ensuite. Enfin Talya insista, elle me laisserait pas dans le fauteuil, qui fallait le dire ne vendait pas du rêve et devait surement pas être très confortable. Elle jura qu’elle ne me chercherait pas. « Mais Talya, t’as pas besoin de me chercher, t’as vu la taille du lit… » Je m’imaginais déjà collé contre elle, sous les draps, et non… Non c’était trop risqué. Garder ses distances, voilà ce qui était le plus sage et le plus prudent. Talya renvoya mon cheval à l’écurie et je fis une moue boudeuse. « Ca va être sans fin aussi… On a des règles plus souples en pédia… » Je ris finalement, surtout quand elle reparla de notre première soirée. « T’as bien fait d’en profiter, au final cette rentrée ça sera plus calme… » Pas de soirée vodka dans le service des grossesses patho… « Tu pourras en profiter après, je garderas le petiot pendant ce temps là. » Histoire de lui faire voir les avantages de la garde partagée.

« J'ai laissé mes envies prendre le dessus sur ma raison... Je me suis autorisée à faire ce que j'avais envie de faire. Je ne savais pas que ça se terminerait comme ça... Je sais juste qu'en perdant le contrôle, qu'en couchant ensemble, j'étais juste bien et que je ne pouvais pas te stopper là dedans... Que je ne pouvais pas me raisonner à ne pas te laisser faire ça... » Je n'avais pas contrôlé sa perte de moyens, sa perte de barrière, sa perte de contrôle. J'avais juste laissé mes envies s'exprimer, mon corps était attiré par le sien, encore et toujours mais je n'étais pas toujours en train d'essayer de l'embrasser sauf que là... Je l'avais laissé faire et puis il s'était passé ce qu'il s'était passé... Qu'est ce qu'il allait croire, que j'avais cherché à le déstabiliser ? Non je n'étais pas mesquine du genre, je le voulais, mais pas à l'usure, juste parce qu'il en avait envie et qu'il me voyait toujours là pour lui, à l'attendre. « D'accord... Si tu ne dors pas là, tu ne dormiras pas sur la chaise, je préfèrerais passer une nouvelle nuit à rien dormir et te savoir à l'aise dans un lit que tu te lèves demain en ayant mal partout. » Il ne voulait pas capituler, moi non plus. Tête de mule nous ? Non si peu. « Je ne suis pas sûre que la rentrée soit plus calme... Elle va juste être mouvementée différemment ! Et pour le profitage, je te rappelle que tu me dois un diner et un ciné il me semble ! » Ca sentait un peu le rencard non ? Mais quand même, c'était un pari de l'année dernière, alors il devait s'y tenir... M'enfin seulement s'il le voulait, je ne voulais pas le forcer déjà que j'avais l'impression que c'était un supplice d'être là avec moi. « Ok ok on joue avec tes règles si tu veux que la partie soit baclée, j'avais avancé que d'un, j'avance de sept dans ce cas comme j'avais fait six et un... » Je pose mon coude sur le plateau et pose ma main dessus, alors il en dit quoi le petit monsieur ronchon en face de moi ?

Parler de comment on en était arrivé à recoucher ensemble, malgré notre séparation, malgré tout ce qui nous séparait et surtout malgré ma décision de ne pas pardonner, de tourner la page, cela ne faisait que me rappeler à quel point j’étais toujours à deux doigts de ressombrer. C’était d’ailleurs pour cela que je refusais de rester dormir ici, à côté d’elle, dans ce lit qui n’était vraiment pas large. J’allais rester sur le fauteuil, point. Enfin, mon ex, aussi butée que moi, s’obstina, ce qui avait le don de m’agacer, et comme toujours quand je m’énervais, je me mettais à dire n’importe quoi : « Ok, tu sais quoi ? Si je gagne je dors sur le fauteuil, si tu gagnes, je dors dans ton lit… » Enfin bon, comme je trichais ça allait aller… Quand elle évoqua ma –dette- je souris : « Je vois qu’en effet tu as de bons souvenirs de notre toute première soirée. Et bien, on fera ça quand tu auras accouché et que tu te seras reposée… Il faudra qu’on recrute parrain ou marraine pour la garde du bébé. » Mais finalement, Talya me rappela les vraies règles, avant de dire que si on jouait avec les miennes elle allait ré-avancer son cheval. « Ok, bon on fait les vraies règles… » cédai-je avec bouderie en lui remettant les dés. Je n’avais pas envie que la partie soit bâclée, je voulais juste éviter une nouvelle situation ambiguë entre nous.  

« On fait comme ça. Mais arrête de bougonner. » J'hôche la tête sur le côté avec un petit sourire en coin, il est aussi têtu que moi mais il sait faire des compromis, comme moi. Au final, son alternative est plutôt pas mauvaise non ? Il n'a pas envie de se laisser tenter, mais il n'a pas non plus envie de dormir loin de moi, il doit clairement ressentir ce besoin que j'ai de l'avoir près de moi pour en quelque sorte lui donner la responsabilité du bébé un instant. « Bébé né et en pleine forme, maman requinquée, promis on attendra tout ça... Et on collera le bébé aux parrain et marraine oui, ils sont là pour ça ! » (le sujet de l'anniversaire où ils en parlent et après celui là non???) Finalement, on jouait avec mes règles, enfin les vraies règles tout simplement. Priape avait donc tous ces chevaux à l'écurie et l'un des miens était sorti. Je pris les dès dans la main de Priape et je les lançais à nouveau, pas de nouveau six, un un et un quatre. C'était toujours ça de gagné. « Et je me souviens de tout de ce premier soir... J'ai rien oublié du reste non plus. »

« Je bougonne pas… » protestai-je sur un ton ronchon qui suffisait à discréditer complètement ma contestation. Je me repris : «J’arrête, j’arrête. Allez on joue. » Le deal proposé semblait convenir à Talya, mais maintenant, j’avais plutôt envie de gagner ma place dans le fauteuil. Parce que sachant que son sommeil était perturbé, j’avais vraiment envie de rester veiller sur elle, j’y tenais… Mais je savais aussi que dormir tout contre elle, c’était hors de question. (mais oui, je suis perdue aussi désolée) « On devra leur faire signer un contrat d’ailleurs –je m’engage à garder bébé Zacharias une fois par mois pour soulager ses adorables parents- » Je rigolais, j’étais même pas sûr d’être le genre de père qui supporterait de savoir son enfant confié à une autre personne. Mais on n’allait pas avoir le choix : crèche ou nounou, on allait devoir trouver cela pour la reprise des cours étant donné que l’un comme l’autre, nous tenions à poursuivre nos études. Talya ne fit pas de nouveau six mais son poney prenait de l’avance. Je la regardai bouger son pion alors qu’elle me répondait qu’elle se rappelait de tout. « Tu pourras ajouter ma future victoire écrasante aux petits chevaux à ta liste de souvenirs bientôt. » fis-je en récupérant les dés. Les deux cubes affichaient trois. « 3 + 3 ça fait 6 ? Ca marche non ? Je peux sortir un cheval? » tentai-je de monnayer.

« T'es mignon... » Plus il bougonne et plus j'ai envie de jouer avec ses nerfs, voilà la Talya chieuse qui passe sa dépression d'avant l'arrivée de Priape, en taquinerie sur la personne de Priape, c'est mieux que la première solution quand même non ? M'enfin je laisse se comporter comme il veut et je me concentre sur le jeu. J'avance mon seul cheval à l'extérieur de quatre et lui de son côté tombe sur deux trois. « Non non non ça fait pas six, ça te donne juste le droit de rejouer un double ! » Je ramasse les dés et je lui redonne. « On jouerait pas qu'avec deux petits chevaux ? Parce qu'avec notre poisse on est pas encore couchés hein ! » Enfin la fatigue n'est plus vraiment là mais quand même, est ce qu'on va avoir la patience de jouer pendant de longues minutes ? « Je pense que si on trouve de bons parrain et marraine, même sans contrat ils le feront... Puis Sienna, Nina et Andrea se feront un plaisir de faire les tatas gâteaux même si tu ne les aimes pas ! Cora aussi peut être avec le temps... Mais je crois que vous vous entendez plutôt bien tous les deux. » Oui il n'aime pas mes blondes mais on peut leur faire confiance. Par contre, je crois qu'il a eu une petite entrevue avec ma rousse, entrevue sur laquelle je ne suis encore jamais revenue avec lui. « J'ai eu le droit à une immense crise en plein milieu de la piscine du camping à cause du bisou entre Raphaël et moi que tu lui as donné en grossissant surement les traits je me trompe ? » J'ai toujours le sourire aux lèvres, j'aborde ce sujet d'un air léger, aucune envie de l'engueuler pour ça, juste lui montrer que je sais.

Je tentais une nouvelle fois d’imposer des règles améliorées mais j’étais avec une connaisseuse. « Depuis quand tu es devenue une experte en petits chevaux au fait ? » rigolai-je en attrapant une nouvelle fois les dés. Un quatre et un cinq. « Ouais bah ouais, ok pour qu'on garde que deux petits chevaux chacun parce qu’à ce rythme là, je vais m’endormir dans ton lit sans que t’aies besoin de me battre… » acceptai-je en regardant mes deux pions bloqués à l’écurie. On parlait des potentielles babysitter du petit, les meilleures amies dunster de Talya : « C’est pas que je les aime pas, c’est qu’elles te montent la tête contre moi je le sais bien. Je soupçonne même Sienna d’avoir une cible de fléchette avec ma photo au centre. » ajoutai-je en rigolant. En tout cas, Talya pensait que son autre meilleure amie s’entendait mieux avec moi. « Cora, je l’aime pas des masses non plus en fait… Enfin, elle m'aime pas non plus de son côté alors... » conclus-je avant qu’elle ne me raconte l’épisode de la piscine qui je l’avoue me fit un peu rire : « J’ai peut être évoqué votre voyage en Egypte. En fait, je l’ai accusée d’avoir arrangé le coup entre vous… Mais vu comment elle a réagi, Raph et elle, ça doit pas être que des meilleurs amis… » Je pris sur moi de ne pas ajouter de remarque acerbe du style qu’ils étaient des meilleurs amis à la Matthéo-Talya. Mon ex avait compris l’idée sans que j’aie besoin de remettre sa tromperie sur le tapis. Oui, oui, je faisais des efforts, attention.

« Tu m'excuseras de ne pas avoir eu le temps de te dire que je passais des après midi entiers à jouer aux petits chevaux avec mon frère... T'es parti en courant presque alors bon, j'ai pas eu le temps. » Je n'ai pas souligné son escapade avant même si je l'ai remarqué, j'attendais surement le bon moment et celui là était parfait. Il ôtait deux petits chevaux du plateau et j'en fis de même avec les miens, il avait plus de chance d'être dans le fauteuil comme ça parce que sinon oui il allait s'endormir là à coup sûr vu sa malchance. « Je vais demander à Sienna qu'elle m'amène son super jeu de fléchette alors, je me défoulerai dessus quand j'aurais envie de t'étrangler. » Et comme ça arrivait assez souvent car nos discussions pouvaient très bien passer de l'énervement au calme comme du calme à l'énervement, il aurait beaucoup moins de chance de réellement mourir si j'avais ce précieux jeu de fléchette. « Je ne savais pas qu'il y avait un truc comme ça entre Cora et Raph maintenant je le sais, elle m'a pourris... Comme si j'étais la pire des trainées... Je pense que tu l'aurais adorée ce jour là, surtout quand elle m'a sorti qu'elle avait oublié que c'était mon genre d'embrasser mes amis ... » Mais c'est Cora, et je lui pardonne, parce qu'elle a vécu des choses dures ces derniers temps et que je ne peux pas me résoudre à la rayer simplement de ma vie. C'est l'une de mes plus proches amies, même avec ses erreurs, même avec ses crises d'hystérie. Priape relance finalement le dé et parvient à faire un six, le petit premier cheval pu donc sortir. Je pris les dés à mon tour et bing, je tombe sur un beau double six. Je choisis de sortir mon deuxième petit cheval et de l'avancer de six points puis je reprends les dés et les relance. Un peu moins glorieux, un deux et un trois. Ma foi, c'est toujours cinq cases de prises qui me rapprochent du cheval de Priape. « Attention si je tombe sur le chiffre qui me permet d'être sur la même case que toi ton petit cheval retourne à l'écurie ! »

Les révélations tardives de Talya sur son talent en la matière me firent sourire : c’était de bonne guerre. Bon, on tomba d’accord pour changer au moins une règle et donc réduire le nombre de pions à deux. « Attention Talya, le bébé ressent tout ce que tu ressens, tu voudrais pas qu’il assassine son père genre comme Luke et Dark vador  » plaisantai-je en rigolant avant de demander, un peu plus sérieusement : « T’as vraiment envie de m’étrangler desfois ? Je devrais peut être embaucher un garde du corps… » On sait jamais que la petite blondinette se sentirait soudain dotée d’une force surhumaine. Elle avait bien pété un verre de ses mains quand je l’avais énervée une fois… Talya m’expliqua qu’elle ignorait le lien qui existait entre Cora et Raph et elle me rapporta alors les paroles de la rouquine qui ne s’était pas retenue. « J’arrive pas à croire qu’elle t’ait dit ça. C’est lui qui s’est jeté sur toi en plus… C’est lui la trainée du coup… » Non, non, j’avais de la rancœur contre mon ex mais je laisserais personne la trainer dans la boue. J’étais le seul à pouvoir lui reprocher son écart, ce n’était certainement pas aux autres de venir lui cracher à la figure.  On continuait la partie. Alléluia un cheval à moi s’élança sur le plateau, youpi. Mais Talya précisa bien que ce n’était peut être pas pour longtemps. « Y’a pas une règle qui dit que si ton cheval et le mien sont sur la même case, ils retournent ensemble à l’écurie faire des cochonneries dans la paille ? Ha non, la paille, c’était ton délire quand tu étais complètement stone sous largactil… » la taquinai-je en me remémorant son sauvetage ici quelques mois auparavant. Je lançai les dés et avançai de quelques cases, l’écart entre nos jetons se maintenant légèrement. « T’aurais pu me filer un six tout à l’heure, histoire que tous nos chevaux soient sur le terrain… »