you know you really love someone when you can't hate them for breaking your heart. (Talya)

La question de Talya fit aussitôt souffler un vent de panique chez moi. « Je sais pas je ne me pèse pas… » répondis-je avant d’enchainer aussitôt avec inquiétude : « Parce que tu trouves que j’ai grossi ? » Mes yeux se penchèrent un instant vers mon ventre avec une certaine appréhension : parce qu’en même temps, même si j’étais sportif, j’avais quand même bien enchainé les fiestas et les abus qui allaient avec, alors peut être que j’avais pris du poids pour de vrai finalement. Il allait falloir que je passe sur la balance pour le vérifier, mais je voulais surtout connaître l’avis de Talya. Puis, d’un jeu de gamin, je me retrouvais les lèvres sur son visage, glissant ensuite dans son cou, descendant dangereusement vers son décolleté, dans le but de lécher mes bêtises, la glace fondue que j’avais étalé sur sa joue. Ce n’est qu’en arrivant tout près de sa poitrine que je réalisais ce que j’étais en train de faire, et la manière dont j’étais en train de le faire. Cela n’avait plus rien d’un jeu, je n’étais plus en train –d’essuyer- la glace, mais véritablement de parsemer sa peau de baisers… Je me stoppai alors, car ça faisait déjà un petit moment qu’il n’y avait plus de crème glacée à lécher de toute façon, et je relevai la tête. Talya avait rougi un peu, probablement à cause de moi, à cause de ça. C’était déplacé… « Je suis désolé… » soufflai-je en baissant les yeux, gêné également. « La glace est bonne en tout cas, je te laisse goûter toute seule c’est plus prudent… » ajoutai-je en lui tendant cette fois le cornet pour qu'elle le prenne et pour éviter un nouveau dérapage.

Un rire franc, naturel et complètement improvisé sorti de ma bouche à l'instant même où il me demanda si je trouvais qu'il avait grossi. « Mais non t'es parfait comme toujours ! C'est juste qu'il n'est pas rare que le papa prenne quelques kilos en même temps que la maman... Mais c'est surement juste pour les couples qui vivent ensemble ! » Priape avait surement cette chance qu'on ne vive plus ensemble et qu'on ne soit plus ensemble autrement il n'aurait surement pas échappé à la règle des petits kilos de grossesse. Et puis au pire, même s'il avait grossi, ça lui allait bien. Notre petit jeu tourna ensuite à quelque chose de tout à fait prévisible qui fit accélérer mon rythme cardiaque. Dans ma tête, une seule question s'activait, allait il laisser tomber les barrières et se laisser aller pour une fois ? Je n'en savais rien. Quelques secondes après que je me sois posée cette question il se stoppa et s'excusa, il avait les pommettes aussi rouges que les miennes. Je ne dis rien et pris la glace pour la porter à mes lèvres alors qu'il en faisait de même de son côté avec celle à la banane. « Alors c'est pas une réussite hein ? » Comment poser une question idiote pour simplement changer de sujet. « La fraise est bonne oui, mais je serais incapable de manger tout ça, la serveuse a vu que t'étais un gourmand elle t'a mis une bonne dose ! » Mes yeux ne quittaient pas les siens alors que nous deux visages s'éloignaient progressivement pour atteindre une distance plus raisonnable. Mais lorsqu'il approcha de nouveau son cône de la bouche, je ne pus m'empêcher de me venger, poussant légèrement sa main. La glace derapa au dessus de sa bouche et vers son nez.

Talya tenta de se justifier en riant de me voir angoisser pour ça, mais c’était trop tard, l’idée avait germé dans mon esprit : j’avais grossi, c’était obligé. Elle avait beau essayer de se rattraper en disant que la règle de la couvade ne s’appliquait surement qu’aux parents en couple, j’avais pris une décision dans ma tête : en rentrant, j’allais direct me remettre de manière régulière au sport. Puis, après un moment d’égarement, je retrouvais un peu ma contenance en lui tendant le cornet à la fraise. Je m’attaquais au cornet banane. Et Talya ne put s’empêcher de briser le silence un peu gênant qui s’installait entre nous. « C’est pas mauvais… » J’étais pas difficile alors j’allais me contenter de ça. La jeune femme elle, commenta la sienne en faisant remarquer qu’elle en avait trop, que la serveuse avait du voir que j’étais gourmand. « Elle a surement remarqué comme toi que j’avais grossi, elle s’est dit qu’il fallait mettre double dose pour me contenter… » fis-je avec mon petit air vexé, continuant dans ma paranoïa des kilos pris. Mais je continuais malgré tout de déguster ma glace, jusqu’à ce que la boule banane vienne s’écraser sur mon visage, poussée par Talya qui se vengeait ainsi. « Hey ! » protestai-je mais trop tard, j’avais plein de glace banane sur le nez. D’ailleurs, j’en lâchai mon cornet qui finit par terre. « T’aimes pas la banane, comment je fais maintenant ? » Au moins, pas de risque de dérapage, Talya ne risquait pas de venir lécher la crème glacée. Mais elle allait pas s’en sortir si facilement. J’avais désormais mes mains libres, elles saisirent donc son visage de chaque côté alors que je m’approchais d’elle et je me mis à frotter mon nez contre le sien pour la barbouiller à son tour…

« Arrête avec tes kilos ! Je suis sûre qu'elle s'est plutôt dit que t'avais une mine fatiguée rien qu'à l'idée de repartir à Cambridge faire des gardes et qu'il fallait te donner un dernier bon souvenir d'ici malgré tout... » Et op comment se rattraper en un rien de temps. Mais j'avais aussi ramené dans mon esprit son départ le lendemain et mon rire se dissipa. Je détestais les au revoirs autant que les adieux en fait, on ne sait jamais ce qu'il peut arriver entre temps. « Tu lèches ton nez avec ta langue, c'est le début du sport ! » J'éclatais de rire avant de le voir s'approcher. Je plantais mon regard dans le sien me demandant bien ce qu'il allait faire puis je sentis son nez venir barbouiller le mien. Il venait de rompre toute distance réglementaire qu'il était d'ordinaire le premier à instaurer. Je tentais de protester : « Priape, je vais en avoir partout ça va coller ! » Mais j'avais bien du mal à parler et il n'avait pas l'air décidé d'arrêter. M'en fichant complètement des conséquences, même si je ne voulais pas qu'il parte en froid avec moi, je tournais légèrement la tête pour que mon nez ne s'entrochoque plus au sien et je déposais mes lèvres à la fraise sur les siennes. Le mélange avec la banane n'était pas idéal mais le gout de ses lèvres à elles seules suffisait à faire oublier tout le reste. Zacharias t'as commencé à jouer, t'as gagné. Il ne pouvait pas dire que c'était moi la fautive cette fois.

Je faisais peut être une fixette sur mes kilos imaginaires mais Talya, elle, faisait une fixette sur mon départ, qui était bien réel et imminent lui. « J’ai pas besoin d’une glace pour avoir de bons souvenirs de ce summer camp express. » tentai-je de la rassurer en voyant son visage qui s’était assombri en pensant à la fin de ce séjour. Mais son rire réapparut après sa vengeance et la mienne ne tarda pas à venir. M’approchant pour me frotter à elle malgré ses protestations, je rétorquai en continuant de l’embêter : « Tu l’as bien cherché. Et puis après le jus et la glace à la fraise, la glace à la banane ce n’est qu’un bonus… » Elle ne risquait pas  d’être propre pour rentrer… Mais là encore, parce qu’il semblait impossible qu’un jeu de gamins le reste et demeure parfaitement innocent entre nous, les choses dégénérèrent. Pour finir, ce ne furent plus nos nez qui s’entrechoquèrent mais nos lèvres. J’aurais du m’écarter, je devrais le faire, c’était ce que la petite voix dans ma tête me martelait de faire et pourtant, mes mains restèrent encadrer son visage, mes lèvres répondirent à son baiser que je pris le temps de bien savourer pendant plusieurs minutes avant de me détacher de la jeune femme. « Je croyais que tu n’aimais pas la banane ? » lâchai-je avec un petit sourire, mon visage encore bien trop proche du sien.

Je lui souris doucement. C'est vrai qu'il n'avait pas l'air mécontent d'avoir pris quelques jours pour venir et c'était tant mieux parce que s'il avait regretté et encore plus à cause de moi je m'en serais voulu. Mais tout s'était bien passé, tellement bien passé en fait que s'en était presque trop beau, je me demandais quand est ce que la chute allait arriver mais ça n'avait pas l'air d'être pour tout de suite heureusement. « Je vais être toute crado on va se demander où je suis passée... » Je rigolais encore et toujours puis mes lèvres ne résistèrent pas à aller chercher les siennes pour qu'il arrête de m'en foutre partout. Je ne savais pas s'il allait répondre mais je compris qu'il ne comptait pas s'écarter lorsqu'il laissa passer sa langue entre ses lèvres, ne décollant pas ses mains de mon visage et me rendant mon baiser qu'avec plus d'intensité. Je me rapprochais de lui et après plusieurs dizaines de secondes suspendues dans les airs, dans le temps il écarta son visage, non pas pour me réprimander sur ce que j'avais fait ou dire qu'on ne devrait pas mais bien pour souligner le fait que j'avais dit ne pas aimer la banane. Mes lèvres s'étirèrent alors que mon regard restait planté dans le sien, là à quelques centimètres. « Mélangée à la fraise, je peux faire une exception... » Et là de suite alors que je reprenais ses lèvres ma main libre passant dans son cou pour ne pas le voir s'échapper, ses lèvres n'avaient plus du tout le goût de banane. Ma deuxième main tenait toujours ce cornet de glace à la fraise qui n'allait pas tarder de couler partout mais je m'en fichais bien d'en avoir plein la main. Tout contre ses lèvres je finis par murmurer : « Après la chute de la glace à la banane, je crois que la fraise va finir par fondre... »

Ce n’était pas une bonne idée, mais le mal était fait. Peut être que j’aurais du aussitôt m’écarter, servir le sermon désormais habituel et presque désuet du –c’était une erreur, j’aurais pas faire ça-. Mais est-ce que je pouvais encore être crédible en le faisant ? Autant plaisanter en renvoyant à Talya son supposé dégoût pour la banane. Elle sourit à son tour avant de rétorquer que mélangé à la fraise, elle faisait une exception. Et avant que je n’aie pu répondre quoi que ce soit, je sentis sa main dans ma nuque alors que ses lèvres s’emparaient à nouveau des miennes. Aucun mouvement de recul de ma part. Peut être était-ce parce que c’était notre dernière soirée tous les deux, mais dans tous les cas je sentais ma volonté encore plus faible que lors de ma première soirée ici. Son murmure concernant la glace me fit détourner les yeux. Mon regard se posa alors sur sa main droite et le cornet qu’elle tenait. La crème glacée coulait en effet sur ses doigts. Je m’échappais de son emprise, mon visage se détachant un instant du sien. Mes lèvres vinrent se poser sur sa main, essayant de limiter les dégâts en avalant la glace fondue qui avait coulé sur ses doigts avant de lui servir cette excuse: « Il ne faudrait pas perdre davantage de glace… »

Ce soir, il n'y avait aucune résistance en Priape, aucun mouvement de recul, juste quelques petites allusions à des éléments extérieurs pour tenter de nous éloigner, mais ne venais je pas de faire la même chose en détournant notre attention vers la glace que je tenais toujours dans mes mains et qui commençait à fondre ? Je ne voulais le forcer à rien même si j'aimais notre proximité. Est ce qu'il était vraiment forcé à quelque chose depuis le début de la soirée ? Non pas vraiment et puis : un baiser dans la piscine, deux autres maintenant... Plus de forçage de main, plus de hasard, plus de mauvaise idée, peut être juste l'expression d'envie refoulée. « Tu m'aides à la terminer ? » Alors que la glace qui a coulé sur mes doigts est maintenant dans la bouche de Priape, je porte la glace à ma bouche à moi pour en prendre une grosse bouchée. Ca va bientôt être du sirop avec cette chaleur. Puis je tends la glace à Priape mais attrape sa main au passage. « Moi je sais viser la bouche ! » J'approche la glace et fais attention à ne pas lui en mettre partout. Un peu de répit le temps de finir la glace...

C’était cuit, j’étais surement complètement grillé… Le premier soir Talya s’était peut être dit que c’était l’émotion de la retrouver, d’être restés si longtemps séparés… Mais là, les nouveaux baisers échangés avait surement complètement trahi l’attirance que je ressentais toujours à son égard. Mais la jeune femme choisit de calmer le jeu en me proposant de l’aider à finir le cornet. Peut être que finalement, elle ne pressentait pas vraiment la lutte qui se jouait dans ma tête entre mon envie de détaler et celle de me jeter à nouveau sur elle pour l’embrasser avec fougue. La solution proposée par la jeune femme était surement plus sage : finir notre dessert, et sous entendu pour la suite : filer chacun de notre côté dans nos chalets. « C’est un peu moi qui mange tout depuis le début de toute façon… » répondis-je avec un sourire amusé, ce que je disais était vrai : la glace sur ses joues, dans son cou, la glace sur ses doigts. Talya me tendit ensuite le cornet et ma main s’avança pour s’en emparer mais les doigts de la jeune femme s’emparèrent des miens et elle précisa qu’elle, elle savait viser la bouche. Un petit rire s’échappa de mes lèvres alors qu’elle approchait prudemment la boule dégoulinante près de ma bouche. J’en savourais quelques bouchées, fondantes, il était grand temps de finir la glace qui se liquéfiait à vue d’œil. « C’est plus vraiment de la glace c’est un vrai jus de fraise… » commentai-je alors.

« C'est pas top ouai ! Le cornet est tout mou en plus, tu le veux ou je le jette ? » Je n'étais pas vraiment du genre à gaspiller de la nourriture mais là j'avais l'impression d'avoir un chewing gum tout mou dans les mains et ça commençait sérieusement à me coller aux doigts malgré les efforts de Priape pour tout manger et en gaspiller le moins possible. « J'en ai mangé aussi un peu, presque autant que de la banane... » Je souris... Oui sur ses lèvres, directement dans le cornet, le tout mélangé j'avais bien gouté les deux glaces mais quand même j'apportais ma petite pierre à l'édifice en portant le cornet jusqu'à ma bouche et en faisant glisser dedans le jus de fraise qu'il restait. Aussi doué que tout à l'heure, je m'en mis de partout, la glace commençant à dégouliner au coin de mes lèvres, sur ma joue, vers mon cou. Bref, cette glace avec cette chaleur c'était vraiment une mauvaise idée surtout avec la distraction qu'on était l'un pour l'autre. « J'en ai de partout !!! » Le cornet tout mou dans mes mains, pas de serviette, je finis par lâcher la gaufrette, les pauvres enfants demain qui retrouveraient leur air avec deux glaces abandonnés là.