Rien que pour le délire, Thaïs avait traîné Alistair à une fête étudiante afin de lui montrer qu’ils pouvaient s’amuser, danser quelques secondes et rentrer sans avoir fait n’importe quoi. Pas comme il y en avait des dont on ne citerait pas le nom. « Tu vois que c’est marrant ! Essaye de bouger en rythme ! » le charria-t-elle doucement avant que leurs deux regards ne se fixent en même temps sur deux silhouettes s’adonnant toutes deux à un striptease des plus sensuels, bière à la main. Le cœur de l’irlandaise manqua plusieurs battements alors qu’elle articulait difficilement à Ali qu’elle rentrait, particulièrement dégoûtée de cette fête. Elle avait secoué négativement la tête en croisant le regard de Caleb, pour mieux s’emparer du premier taxi dont elle croisa la route. Une fois de retour à leur maison, Thaïs prit une douche, borda les jumeaux après leur avoir donné le biberon et attendit patiemment, lunettes sur le nez, que Caleb ne daigne l’honorer de sa présence, alors qu’elle avait déjà préparé coussins et couvertures sur le canapé.
Oh bordel de merde, j’allais manger sévère en rentrant à la maison et à voir la tête de ma sœur, elle allait être mise au même rang que moi. Sur le moment, notre connerie m’était apparue comme foutrement amusante mais ce n’était plus le cas malgré l’alcool ingurgité. Non seulement je venais de me donner en spectacle mais en prime, j’avais bu bien plus que mon régime cardiaque me limitait. J’étais dans la mouise la plus totale si bien que je rentrais à la maison, vraiment sur la pointe de pieds. « Chaton ? Princesse de ma vie ? »lançais-je à la cantonade après avoir embrassé les jumeaux, me rapprochant d’elle pour l’embrasser.
Thaïs se releva de son lit, déposant son bouquin sans enlever ses lunettes pour mieux constater qu’il était bien rentré, mais elle l’évita lorsqu’il tenta de l’embrasser. « Hors de question que tu me touches alors que tu empestes l’alcool à des kilomètres ! Je te conseille une douche » fit-elle sur un ton glacial, mais après ce qu’elle avait vu, n’importe qui aurait pété une durite à sa place. Elle ne hurlait pas, ne gesticulait pas mais sûrement sa distance et sa froideur était-elle pire. « Tu as ce qu’il faut comme couvertures et coussins sur le canapé, je ne veux pas de toi dans mon lit ce soir, et si tu as un problème au cœur, tu appelleras ta sainte frangine. Bonne nuit ! »
Je déteignais un peu trop sur Thais car côté froideur, elle venait de me réfrigérer pour les siècles à venir. « Je vais prendre une douche… Ecoute princesse, je suis vraiment désolé de ma conduite, je n’aurais jamais dû faire ce que j’ai fait » tentais-je le coup mais peine perdue, j’étais déjà cantonné au canapé si bien que je baissais la tête pour aller prendre ma douche. Dix minutes plus tard, je tentais ma chance, uniquement vêtu d’une serviette blanche. « On peut pas parler un peu tous les deux ? Pour régler le conflit, j’ai pas envie de me coucher en sachant que tu es en colère »
Thaïs avait effectivement eut un professeur des plus efficaces en matière de froideur, aucun doute là-dessus ! Mais elle ne répondit pas alors qu’il s’excusait, haussant les épaules pour mieux se barricader dans la chambre, reprenant sa lecture autant qu’elle le pouvait car il était bien évident qu’elle ne parviendrait pas à dormir dans l’état actuel des choses. « Il n’y a rien de ce que tu pourras dire qui va m’apprendre quoi que ce soit » lança-t-elle d’un ton aucunement plus chaleureux. « Est-ce moi ou mon mari s’est trémoussé devant un public, manifestement bien torché comme il faut en compagnie de sa jumelle ? En exécutant un striptease, qui plus est ! Je ne sais pas quel âge mental vous avez, mais je crois que j’en ai assez vu pour ce soir. »
« Ecoute, je sais que tu es en colère après moi mais on faisait absolument rien de mal. OK, on a dérapé, j’en ai bien conscience et je m’excuse pour ça. Je te promets que cela ne se reproduira plus jamais ! » tentais-je une approche en m’installant assis, sur le bord du lit, allant jusqu’à oser poser ma main sur la sienne. « S’il te plait chaton, on ne va pas se fâcher toi et moi hein ?! Je te présente toutes mes excuses, qu’est-ce que tu veux que je fasse de plus ? Je peux passer une annonce dans le journal si tu veux »
« Pardon ?! » lâcha-t-elle, écarquillant les yeux et posant par la même occasion son bouquin pour mieux planter son regard dans le sien. « Vous ne faisiez rien de mal… c’est vrai que se dessaper devant toute une assemblée en étant bourré, c’est rien ! Vous accumulez les conneries avec ta frangine depuis quelques temps alors excuse-moi mais ce n’est pas rien du tout, surtout si on vous avait foutu en taule pour atteinte à la pudeur, monsieur le flic ! Tu devrais savoir ça, quand même ! » s’emporta-t-elle avant de retirer sa main, soupirant au passage. « Tes excuses pour l’instant ce sont des mots dont tu ne saisis pas le sens parce que pour toi, tu n’as rien fait de mal. Mais tu files un mauvais coton Caleb Weyss et ça ne me plaît pas du tout. Tant que tu vas agir comme un gamin de cinq ans, je vais te traiter comme tel et tu auras droit au canapé. Je peux t’assurer qu’il n’y aura pas de prochaine fois car crois-le ou non, tu es père de famille ! Je ne t’empêcherais jamais de voir ta jumelle et tu le sais mais il va arriver un moment ou il faudra que tu choisisses entre tes conneries ou moi ! Maintenant, le canapé t’attend, fin de la discussion. »
« C’est bon je suis pas un gosse, j’ai le droit aussi de déconner et de me marrer avec Frey merde »râlais-je en toute mauvaise foi. J’adorais ma jumelle, j’étais tellement heureux de la retrouver après tout ce temps, d’être proche d’au moins un membre de ma famille biologique que pour la peine, j’avais l’impression que Thais ne le supportait pas. En grognant, je me rendis dans le salon, tournant durant plus d’une heure sur ce canapé inconfortable avant de me résigner. Cette nuit, je n’allais pas dormir alors autant mettre à profit ce temps en faisant du ménage. Seulement, dans ma colère, je commençais à ressentir de légères palpitations. « Chaton ! Thais… réveille-toi… Sont où mes medocs ? »la réveillais-je tandis que je grimaçais.
« Tu n’es pas un gosse ? Première nouvelle ! Il ne faudra pas t’étonner si tu fais la merde de trop un jour » lui promit-elle avant d’éteindre rapidement la lumière sans dormir pour autant, tournant et virant dans son lit en soupirant, non sans ruminer cette salle image de Caleb se déshabillant devant tout le monde. Ça la rendait littéralement malade, mais cela ne l’empêcha pas d’être alertée par l’appel de son mari au beau milieu de la nuit. « Qu’est-ce qui se passe ?! » s’inquiéta-t-elle aussitôt avant de comprendre et de se ruer vers l’armoire à pharmacie pour y prendre les bétabloquants prescrits par son cardiologue. Elle le força à avaler deux cachets avec un grand verre d’eau pour mieux le mener dans la chambre et l’allonger sous les couvertures, prenant son pouls à l’aide de sa montre en demeurant accroupie à côté du lit.
J’aurais aimé pouvoir ruminer tranquillement dans mon coin mais il semblerait que mon cœur soit bien trop sensible pour mon propre bien. Entre l’alcool, la non prise de mes medocs et la dispute avec Thais, tout ce cocktail avait eu raison de moi sans pour autant mettre ma vie en danger. Ce n’était que des palpitations. « Palpitations » marmonnais-je avant de prendre les medocs qu’elle me tendait pour mieux soupirer d’aise. « C’est qu’une fausse alerte, retourne te coucher… moi je retourne au canapé, désolé pour le réveil en fanfare mais je savais plus où ils étaient » soupirais-je en me redressant, lui volant un baiser au passage car faut pas déconner, c’était tout de même ma femme.