« Il suffirait que j’en rappelle un mais on va les laisser peinards quelques minutes quand même… » fit-elle d’un air mystérieux car la discussion qu’elle s’apprêtait à mettre sur le tapis n’était pas évidente et quoi de mieux qu’être complètement seuls au milieu de nulle part pour se faire… Mallory n’aurait jamais osé le faire à Cambridge, où il pouvait toujours y avoir des oreilles indiscrètes. « Est-ce que tu te sens bien avec moi ? » demanda-t-elle avec prudence, sachant qu’il n’y avait aucune mauvaise réponse mais elle avait besoin de connaître une infime petite partie de son ressenti, quitte à ce qu’il en plaisante ou réponde de façon énigmatique. Mais elle se releva néanmoins, ayant besoin de croiser son regard pour qu’il sente qu’en dépit des apparences, elle ne serait jamais son ennemie. « Je te demande ça parce que je ne sais que trop bien qu’en théorie, toi et moi, ce n’est pas une histoire possible. Ça fait longtemps que je sais qui tu es, qui est ma mère, la position de ton clan dans la Mafia… au début je ne pensais pas t’en parler parce que je pensais que tu me rayerai de ta vie et ce n’était pas ce que je voulais. Tu peux te dire que ce ne sont que des mots mais je n’ai aucune raison de vouloir du mal à ta famille, aucune. Je me fiche de leurs affaires, de ce que vous faites, moi tout ce que je veux, c’est toi. Je ne suis pas mêlée à quelques affaires que ce soient. Mais je ne pouvais pas te mentir plus longtemps. Ce n’est pas comme ça que je veux notre relation, alors… je prends le risque de te perdre, je sais, mais je suis quelqu’un d’un peu trop honnête pour mon propre bien il faut croire ! Je pense que tu sais qui je suis. Je le sens. »
Je craignais un peu la question qui allait suivre car depuis le début de la journée, on peut dire que j’avais fait ou dit que de la merde dès que la conversation devenait un peu trop personnelle et là, c’était presque rebelote mais cette fois-ci, je réussissais le miracle de tourner sept fois ma langue dans ma bouche, l’écoutant simplement parler, le regard sérieux. « Je le sais depuis hier soir effectivement » répondis-je sérieusement avant de me relever pour faire quelques pas. Je faisais toujours ainsi lorsque j’avais besoin de me libérer la tête et penser calmement. « Comme tu l’as dit, notre histoire est pas des plus aisées car tu restes, une ennemie de ma famille mais je sais également que tu n’as rien fait alors je n’ai pas envie d’agir comme un con et de t’écarter de ma vie. Au début, je voulais te cacher car comme tu le sais, je serais amené dans un futur lointain ou proche, de prendre la relève de mes parents et à ce titre, tous mes faits et gestes sont plus ou moins scrutés à la loupe. Maintenant, j’ai limite envie de dire que c’est une nécessité car je sais qu’on va m’imposer un choix que je n’ai pas envie de faire. Je ne veux pas te sacrifier sur l’autel d’un rôle dont je ne veux pas » soupirais-je avant de planter mon regard dans le sien. « Je t’aime Mallory »
Mallory n’avait plus envie de fuir ou de mentir pour un prétexte fumeux et elle savait que leur histoire n’aurait de sens ou même une chance que si elle faisait ce pas dans le vide, quitte à se sacrifier elle-même. Au moins elle aurait eut l’honnêteté d’aller jusqu’au bout et de lui prouver une nouvelle fois ses sentiments. Bien sûr, Declan lui confirma ce dont elle se doutait depuis un petit moment maintenant mais au lieu de fuir son regard, elle s’interdit même de cligner des yeux pour s’imprégner de chacune de ses paroles. « Tu penses qu’à un moment donné on t’imposera de choisir entre ta famille ou moi ? J’ai le droit de dire que c’est ridicule ? Je ne connais pas les affaires de mon père, je me moque de cette haine ancestrale entre nos deux familles pour la simple et bonne raison que je ne veux pas de poste au sein de l’IRA. Je veux juste une vie normale. Avec toi. J’ai mon club, mes études, et le reste ne me concerne pas. » Puis vint la déclaration de Declan. Le blocage s’était manifestement levé, la laissant bouche bée un instant avant qu’elle n’approche pour mieux lui offrir un baiser des plus passionnés, proche du désespoir. « Qu’est-ce qui t’a décidé ? »
Je ne le pensais pas. Je le savais. Tôt ou tard, l’idée que je puisse fréquenter la fille d’un membre haut placé de l’IRA finira fatalement par me retomber sur le coin de la gueule. « Je n’ai pas dit que c’était intelligent non plus. Je te dis ce qu’il en est. Viendra le moment où on m’imposera de choisir et je ne sais pas si je serais capable de jouer sur ta vie. S’il n’en tenait qu’à moi, je serais tout à fait pour mener une vie rangée des voitures, à n’être qu’un mec lambda sortant avec la plus belle femme de son université mais si jamais on en venait à menacer ta vie, je sais que je ne jouerai pas à la roulette russe avec » murmurais-je car je voulais qu’elle comprenne que jamais, je ne pourrais la mettre en danger d’une quelconque façon. Ce serait trop m’en demander et je préférais de loin, sacrifier notre couple plutôt que sa vie car je savais qu’elle finirait par m’oublier avec le temps. C’était dans la nature humaine d’oublier. « Je ne sais pas, je crois que j’avais peut-être besoin de me dire qu’il n’y avait plus aucun secret entre nous »
« Tu sais que ça fait un lustre que je joue avec ma vie ? » plaisanta-t-elle bien que sur le coup, Mallory essayait de le convaincre de ne pas l’abandonner du jour au lendemain sous le fallacieux prétexte qu’on la menacerait. Il y aurait toujours un risque… mais elle partait du principe qu’ils étaient plus forts ensemble que séparés. Elle s’en était rendue compte la dernière fois qu’il l’avait jetée. « Pourquoi tu m’as fait la promesse de ne pas m’abandonner si tu sais qu’à un moment donné tu ne pourras pas tenir cette promesse ? On vit dans deux mondes qui ne sont pas si différents, je suis habituée à être constamment menacée. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que je sais me défendre car c’est vrai et faux en même temps mais je sais qu’on est plus fort si on reste ensemble. J’en ai marre qu’on me dicte ma conduite… pourquoi on ne peut pas juste décider d’être ensemble plutôt que d’être contraint de se la jouer mauvais soap remake de Roméo et Juliette ? »
« Ce n’est pas une raison suffisante pour continuer » soupirais-je. « Tu crois que ça m’amuse de la jouer Roméo et Juliette ? Je connais très bien les méthodes de ma famille pour avoir tué des centaines de personnes Mallory. J’ai vu des hommes souffrir parce qu’on leur avait enlevé leur femme. Pourquoi crois-tu que Charlie ne touche plus une seule femme depuis des années ? Parce que j’ai été chargé de la dernière en date » m’exclamais-je. Je voulais qu’elle prenne conscience que personne n’hésiterait à la tuer si, il en recevrait l’ordre. La seule façon que j’avais de la protéger, c’était d’être loin d’elle mais je n’en avais pas envie. Je ne pouvais pas. « Je t’ai fait cette promesse parce que j’ai envie d’y croire bébé ! J’ai envie de croire que je pourrais rester près de toi, que je serais suffisamment fort pour te protéger quoiqu’il advienne » lui expliquais-je avant de prendre son visage en coupe pour mieux déposer un baiser sur ses lèvres. « Je serais le premier à signer si, le simple fait de désirer être ensemble puisse nous mettre à l’abri de tout… Je ne veux pas te perdre, je préfère être loin de toi et te savoir en vie que de vivre une vie où tu n’existerais plus »
Mallory était bien loin d’imaginer la barbarie qui puisse régner au sein d’une telle Mafia. En quoi pouvait-elle être un fardeau ou même une ennemie alors qu’elle ne prenait aucunement part aux affaires de l’IRA ? La seule chose qu’elle savait, c’est que son père biologique mettrait n’importe quel clan à feu et à sang si on osait toucher à un seul cheveu de sa fille aînée chérie, c’était la certitude même. « C’est bien ça le problème, je sais ce que ça fait d’être abandonné par toi et je n’ai pas envie de recommencer Declan ! Je ne peux pas dire que je comprends ou même que je peux imaginer les atrocités que l’on t’oblige à faire mais merde, je n’ai rien contre ta famille moi ! Je préfère ne pas vivre du tout si c’est pour que tu me sois arraché et être obligée de vivre une vie sans toi… cette vie là ne vaudra pas la peine d’être vécue et crois-moi là, pour le coup, je sais de quoi je parle… si tu pars du principe que je pourrais t’oublier tu te plantes ! » La jeune blonde ne s’écartait pas mais l’émotion était à son comble dans le fond de son regard tandis qu’elle caressait ses joues. Leur histoire paraissait impossible et pourtant, elle aussi, elle avait follement envie d’y croire…
« Hey… » murmurais-je en reprenant son visage entre mes mains pour qu’elle plonge son regard dans le miens. « Pour le moment, nous en sommes pas là donc on va profiter de nos vacances pour s’amuser et surtout ne pas penser à ce genre de choses. On trouvera toujours un moment pour trouver une solution tous les deux ok ? » repris-je la parole avant de l’embrasser. Je ne voulais pas vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Au contraire, je voulais savourer chaque minute passée en sa compagnie comme si c’était la dernière. Je voulais également du temps, des jours, des mois voire des années auprès d’elle-même si c’était un souhait impossible. En somme, je voulais croire à un avenir avec elle-même si je me berçais d’illusion. « Je trouverais une solution bébé, j’en trouve toujours une » tentais-je de la rassurer tandis que je la berçais dans mes bras, priant tous les dieux celtes de me venir en aide dans cette histoire.