TG #3 ► la piste de danse

« N’essaie même pas. » Jamais quelqu'un ne m'avait autant intrigué que lui. Et encore moins un homme. Je n'avais rencontré que des gens banals, tout ce qu'il y a de plus simple à la limite d'être ennuyeux. Cette fois c'était différent, il m'inspirait et me provoquait une bousculade de questions dans mon esprit. J'ignorais quel rôle il jouait ou pour quelle raison il s’infligeait cette carapace par dessus lui évitant toute découverte sur sa propre personne. Et cette méfiance m'attirait. J'avais cette envie de percer le mystère et de découvrir qui il était. Ce n'était surement pas une "mise en garde" qui allait m'empêcher de faire cette requête. « C’est à ton tour. Qu’est-ce qui fait de toi la femme la plus désirable dans cette pièce? Qui es-tu? » Je n'avais rien demandé et encore moins de devenir cette femme qu'il venait de décrire. J'étais venu à cette soirée sans grands intérêts, à part peut-être celui d'enjamber une nouvelle année quand minuit sonnerait. « Peut-être parce que je suis la seule femme à ne pas être venue accompagnée. » avais-je tout simplement répondu. Il suffisait de garder aux alentours pour voir que tout le monde était en compagnie de quelqu'un. La plus part était même venus en amoureux, ne se quittant plus d'une semelle.

Je donnerais n’importe quoi pour savoir lire dans les pensées, les siennes, juste un instant. Je me sentais mis au défi de l’impressionner, de l’apprivoiser, elle prenait son temps pour mijoter mes réponses et cela me faisait craindre de rompre la magie. Je nous sentais libre, un, je ne voyais qu’elle parmi la marre de danseur et je voulais retenir son regard qu’à moi. À qui pense-t-elle en souriant ainsi? Quel souvenir ai-je remis en sa mémoire en disant ça, en faisant ça? Quelles mains l’ont saisi comme je le fais la dernière fois? « Peut-être parce que je suis la seule femme à ne pas être venue accompagnée. » J’adorais cette réponse, plus qu’elle ne se l’imaginait sans doute. «Je crois qu’on a prouvé ce soir qu’un homme ne s’arrête pas devant la présence d’un autre, quand il veut quelque chose, il va le chercher.» Mes yeux se perdirent un instant encore dans la profondeur des siens, leur noirceur réchauffait mon coeur. «C’est sans doute la vénusté de tes yeux.» D’une beauté rare qu’on voudrait tous y planter domicile. «Comptes-tu me dire ton prénom un jour? Il pourrait me servir.» Peut-être que moi je n’avais plus envie de n’être qu’un souvenir.

 

Les musiques continuaient à défilées les unes après les autres. Je n'y prenais pas attention, j'étais bien trop captivée par le jeune homme, que c'est comme si nous n'étions plus que deux à danser sur cette grande piste de danse. « Je crois qu’on a prouvé ce soir qu’un homme ne s’arrête pas devant la présence d’un autre, quand il veut quelque chose, il va le chercher. » Devais-je prendre ça au mot et le prendre en tant que compliment ou comme simple phrase joliment dite. Je ne savais quoi penser de sa manière de se comporter vis-à-vis de moi. Il était énigmatique, provoquait en moi cette envie d'apprendre à le connaître même si ça allait être une chose difficile. « Dois-je en conclure que je fais partie d'un de tes désirs en cette soirée? » Peut-être est-ce que la réponse qui allait suivre allait m'éclairer sur un point, ou bien allait-il encore répondre quelque chose de mystérieux une fois encore. « C’est sans doute la vanusté de tes yeux. » Je ne pouvais décrocher ce sourire qui illuminait mon visage. J'étais passionnée par son personnage, et tel un enfant, j'avais envie d'en savoir plus. « Comptes-tu me dire ton prénom un jour? Il pourrait me servir. » Voilà maintenant qu'il voulait savoir mon prénom. Mais ce qui m'intriguait par dessus tout était son fin de phrase. En quoi mon prénom pourrait lui servir? « Si je te le dit, prendras-tu la peine à ton tour de me révéler le tiens? » C'était donnant-donnant. Si lui voulait jouer la carte du mystère absolu, je pouvais moi aussi me glisser dans la peau de la femme mystérieuse.

Je sentais ses doigts fondre entre les miens, comme un métal chaud, coulant et s’étendant jusqu’à en durcir de nouveau. Il me semblait fusionner avec sa paume, en ressentir chaque détails comme si je l’avais toujours côtoyé. Sa main était ce que je connaissais le plus, son parfum aussi, l’étrange sentiment qui habitait mon coeur quand elle souriait par ma cause. Un éventail de sentiments me retenait à elle, je ne pouvais la quitter de peur que ce soit un adieu, je l’avais encore fait... je me suis attaché, trop tôt et trop tard. « Dois-je en conclure que je fais partie d'un de tes désirs en cette soirée? » J’avais le désir de me servir d’elle pour alimenter mon ego, mais c’est elle maintenant qui menait la danse. «J’ai le désir de ne plus être seul.» Dis-je seulement en lui laissant croire que n’importe qu’elle autre m’aurait suffit, me bouleverserait comme elle le fait sans savoir. Je lui avais fait la simple demande de me dévoiler un peu plus son identité, mais je ne m’attendais pas à une réponse simple. Cela ne me déplaisait pas de devoir travailler pour avoir ce que je désirais. « Si je te le dit, prendras-tu la peine à ton tour de me révéler le tiens? » J’haussai les épaules, resserrant mon étreinte autour de sa taille. «Je m’appelle...» Soufflais-je à son oreille. «Mais ensuite qu’est-ce qui te garantirais que j’aie dis la vérité?»

 

J'étais littéralement séduite par sa façon d'être. Il éveillait en moi cette curiosité que très peu avait réussi à faire resurgir. « J’ai le désir de ne plus être seul. » Cette réponse n'était pas tout à fait celle que j'attendais. Comme aucune de celles qu'il m'adressait à vrai dire. Sauf que cette fois, elle signifiait quelque chose de plus précis. Sans doute s'était-t-il donc échoué vers moi par pur hasard. Je n'ajouta rien de plus à cette parole, ne décrochant pas ce sourire affiché sur mes lèvres. Il voulait savoir mon prénom et en échange je voulais savoir le sien. « Je m'appelle... » souffla-t-il à mon oreille. « Mais ensuite qu’est-ce qui te garantirais que j’aie dis la vérité? » Je savais qu'il ne me le dirait pas. Ca aurait été trop facile sinon, et il semblait aimer compliquer les choses. Il n'avait pas tord pour la peine. Il pouvait très bien me dire n'importe quel nom, rien ne me prouvait que c'était réellement le sien. « Rien du tout, tu as raison. » dis-je en haussant les épaules et basculant légèrement la tête sur le côté. « Je te laisse imaginer le mien dans ce cas. » Nos corps étaient toujours liés, tournoyants au milieu de toute cette foule. S'il ne voulait pas me le dire, moi non plus.

Just Dance

« Rien du tout, tu as raison. » J’adorais la tonalité de sa voix, la forme de ses lèvres. Mon prénom redorerait sans doute l’érotisme qui lui était dû si elle le prononcer. Il lui appartiendrait et je ne pourrais plus l’oublier, cette première fois, cette part de moi qu’elle aurait réussie à m’arracher, sans douleur aucune. Je jouais avec le feu, celui-ci brûlant entre mes entrailles, s’alimentant de sa manière de me répondre, de me surprendre. Elle me fait penser à quelqu’un que je connais, c’est pour ces raisons que je suis tomber la première fois, en amour d’abord, dans le désespoir ensuite. « Je te laisse imaginer le mien dans ce cas. » La première lettre au moins? N’importe quoi pour en avoir juste un peu, plus que ce que je possède maintenant. «Quelle raison as-tu de le garder secret?» J’en avais une fort bonne de mon côté, simplement trop difficilement avouable à une inconnue qui n’avait rien de demander, mais qui me plaisait malgré ma volonté. «On change les règles du jeu. Dis le moi et je reste... sinon, je suis sûr qu’un autre jeune homme se ferait tout un plaisir de prendre la relève.» Cette pensée me peinait déjà. Mon coeur est si sensible, je le déteste.  

Jamais je n'avais pris autant de temps pour connaître le nom d'un homme. Habituellement, on me le disait très rapidement, sans chercher à me le cacher, jouant à cache à cache avec la vérité. Alors je faisais pareil, je cachais mon identité, dans l'espoir que ce dernier me révèle la sienne. « Quelle raison as-tu de le garder secret? » Il était insistant sur le fait. Il voulait savoir comment je m'appelais, autant que  moi je voulais savoir qui il était également. « Et toi, pourquoi me le cacher aussi? » Je sourirais. A vrai dire, la situation m'amusait. « On change les règles du jeu. Dis le moi et je reste... sinon, je suis sûr qu’un autre jeune homme se serait tout un plaisir de prendre la relève. » Le chantage prenait place. Il avait touché un point que je ne voulais pas qu'il se produise. « Faudrait-il que j'en ai envie que quelqu'un d'autre prenne la relève. » J'expira une bouffée d'air. Je m'avouais vaincue, prête à lui donner ce qu'il voulait tant. « Orlane. Je m’appelle Orlane. » Je n'avais pas pu faire autrement et avait succombé à son chantage. Je n'aurai pas voulu qu'il m'abandonne. Il me passionnait beaucoup trop pour en arriver là. « Je ne vais pas te retourner la question puisque je sais déjà que tu ne me répondras pas. » dis-je presque désespérée.

« Et toi, pourquoi me le cacher aussi? » La question tomba comme un mauvais présage. Je devais m’y attendre pourtant, quand je posais une question, elle attendait un retour. Je savais mentir, mais pour une fois, j’avais du mal à choisir quelle identité emprunter. «J’ai le coeur trop léger, il est facile de me le voler... le moins tu en sais, le mieux il se portera. Ainsi tu ne me dois rien.» La vérité ce sera, pourquoi pas? Je n’avais eu d’autre choix que de changer les cartes du jeu, je n’aurais osé le faire sans avoir la parfaite assurance de m’en sortir gagnant. Ses doigts semblaient être fait pour gésir entre les miens. « Faudrait-il que j'en ai envie que quelqu'un d'autre prenne la relève. » Elle tira ce soupire de défaite qui me réjouis. Son souffle s’écrasant sur la peau de mon cou, délicieux. « Orlane. Je m’appelle Orlane. » Je souris à demi. L’index de ma main lui occupant la hanche se mit, sans réflexion, à lui tracer des formes que je croyais aléatoire. «Orlane...» Qu'un souffle. La forme se spécifia, se répéta juste assez de fois pour me faire deviner qu’il s’agissait d’un coeur. «C’est très jolie, Orlane.» Je ne pouvais le ravaler, je l’avais, collé aux bords des lèvres, comme un baiser qu’elle c’était finalement décidé à me rendre. « Je ne vais pas te retourner la question puisque je sais déjà que tu ne me répondras pas. » Vrai, tu me plais beaucoup trop. «Si seulement... j’en ai déjà trop vu, trop su pour te laisser m’approcher, tu me casserais en deux sans même essayer. Dans une autre vie, peut-être.»