TOPIC DE GROUPE #003 ✱ la piste de danse

Il parlait avec tant d'assurance, comme si la réponse eut été évidente. Un mince sourire conquis se dressa sur mes lèvres alors qu'une jeune femme trébuchait, renversant son verre sur ma robe. Je mis quelques secondes avant de réaliser ce qui se passait et quelques secondes de plus avant de reconnaître la responsable. Figée, je la dévisageais, ahurie et furieuse, sourcils froncés et bouche retroussée. Prenant la parole, l'étudiante se mit à pleurer sur l'épaule de Sasha, lui expliquant être dans cet état parce qu'on lui avait posé un lapin. Immédiatement, j'effaçais mes mimiques outrées et reprenais un visage qui se voulait serein mais qui était en réalité plus indéchiffrable qu'autre chose. Mes joues rosirent, comme en feu, seul témoin de mes sentiments intérieurs. Plus préoccupée par cette vision grotesque d'une Elie en pleurs sur les bras de mon petit-ami que par ma tenue, je baissais néanmoins le regard sur ma robe et ouvris la bouche de laquelle ne sortait que le silence. Si l'une des rumeurs qui courrait à mon propos pouvait être vraie, il s'agissait bien de celle-là : je suis une petite précieuse. Je ne supporte pas que l'on me décoiffe, d'être tâchée ou d'être prise de court. Mon esprit vacillait entre l'envie de hurler, rien qu'en sentant le liquide transpercer le tissu de ma robe et celui-ci de me pendre lorsque mon regard jonglait entre mon petit-ami et ma petite-amie. Sasha échangea alors un regard avec moi, me gratifiant de ce si gentil : je te laisse faire du coin de l’œil. Bouillonnant, je me retenais de provoquer la jolie blonde, de peur qu'elle ne dévoile notre intimité devant un Sasha qui lui prouverait indubitablement qu'elle a tort. « Je... vais aller nettoyer ça. » Décrétais-je. « Et toi, tu vas m'aider. » Dis-je en lançant un regard noir à Elie, brûlant d'envie de lui demander s'il s'agissait bel et bien de moi dont elle parlait tout à l'heure. Quelque peu nombriliste, je me doutais de la réponse mais préférais lui demander au cas ou, par fierté. Je décidais volontairement de ne pas les présenter, de peur que Sasha se présente comme mon petit-ami, voulant à tout prix les éloigner. Je me tournais vers celui-ci : « Je reviens... tâche de t'amuser... » Je m'éloignais rapidement, de peur qu'il ne m'embrasse et entraînais Elie par le bras en direction du couloir.

Je dansais toujours avec Doryan, me disant que c’était bien après tout d’avoir accepté son invitation. J’espérais tellement qu’il n’était pas en train de se jouer de moi… Je n’avais pas vraiment besoin de ça disons le ainsi. Il me fit remarquer que je n’étais pas très bavarde et je n’exprimai qu’un petit rire en le regardant et en détournant un peu le regard. Quelques minutes après, c’est ma belle Lara qui vint nous déranger. Ça ne me dérangeait pas vraiment, je dois l’admettre. Elle m’avait tellement manqué! Je fis un sourire désolé à Doryan et suivis mon amie plus loin. « T’en fais pas chérie, je ne comptais pas repartir avec lui ce soir! » Je me mis à rire, me sentant plus légère maintenant que j’étais avec elle.

« J'te demande pardon ? » Lâchais-je, abandonnant son bras et me postant devant elle pour lui faire face. « De quoi tu parles ?! » Incrédule, je la dévisageais, les bras ballants, oscillant entre les mains sur les hanches puis les bras croisés. « Tu te rends compte de ce que tu dis ? T'es complètement ivre ! » Alors que l'on commençait à nous dévisager de manière significative, je faisais signe à Elie, désespérément de baisser le ton afin que de ne pas attirer l'attention sur nous. « Je n'suis pas une lâche ! » Répliquais-je du tac au tac, ne supportant pas d'être jugée et qualifiée pour une chose que je ne comprenais pas. Je pouvais tout à fait comprendre son agacement, sa jalousie mais jusqu'à présent Sasha et moi n'avions fait que danser et deux amis peuvent danser n'est-ce pas ? « Ce n'est pas un rencard. » Murmurais-je, m'approchant de ma douce alors qu'elle m'ordonna de ne plus l'appeler, comme si elle mettait un terme à notre relation. Je sentis alors mon cœur s'affoler et mes joues bouillir plus que de raison et, pendant qu'elle quittait la salle, ma première réaction fut de me tourner vers Sasha qui avait disparu, probablement passé au bar à m'attendre comme le gentleman qu'il avait été ce soir. Je courrais alors vers la sortie dans l'espoir de la retrouver dans l'obscurité. « Elie-Sara Lincoln ! » Beuglais-je. Je la repérais à sa chevelure blonde et l'attrapais par le bras. « C'est quoi ce cirque. »

Je fis semblant de m'étouffer d'une façon moyennement élégante mais c'était juste histoire de rire, ou même de contrer son compliment. En tout cas j'avais bizarrement chaud, et franchement c'était probablement dû à ce qu'il venait de me dire. Bon d'accord entre lui et moi cela avait toujours été ambiguë entre nous, je savais que du coup les gens pensaient que nous formions un couple, mais enfaîte pas tellement. Et ce tas de compliments et cette ambiguïté faisaient que sur le coup je me posais des questions. Je n'avais jamais cherché à savoir ce que je ressentais pour lui. Je suis sûre seulement que je ressens de l'amour pour lui, mais savoir si c'est de l'amour ou pas je ne sais pas vraiment. Je n'ai jamais eu de petit ami, de relation amoureuse, et je n'ai jamais ressenti d'amour à mon avis pour une personne. La vie s'ouvrait depuis peu à moi, un an et demi dans l vrai monde ce n'est pas grand chose enfaîte. Et je crois qu'il me manquait beaucoup au sujet existentielle.. la vie.

Je déglutis et je perdis mon sourire. Mon coeur battait vite. Je m'en voudrais de savoir que des filles étaient intéressées par mon meilleur ami et qu'elles n'osaient rien à cause de moi. Mais dans un sens, je ne voulais pas le partager. Je suis un peu possessive comme personne. Et surtout avec lui, jalouse un peu aussi, je l'aurais surement accepté s'il avait trouvé l'amour. D'un coup je me sentais perturbée par ce que je ressentais à ce moment précis...

- Euh.. tu veux pas qu'on sorte.; j'ai chaud.. et.. euh.. s'il te plait.. ? pour qu'on soit tous les deux ?

« Collé-Serré ? Ce n'est pas ce que j'appelle collé-serré... » J'eus un rictus agacé, suivi d'un soupir. Je ne savais pas comment rattraper la situation ni si je pouvais la récupérer de quelque manière que ce soit, je savais simplement que mon état de sobriété ne me permettait pas d'agir sous mes impulsions. Néanmoins la peur de la perdre me laissait une boule au ventre et je me rapprochais une nouvelle fois de ma petite-amie, sentant la situation m'échapper. « Bien sûr que si je suis sincère ! » Dis-je, outrée alors que les derniers arrivants entraient dans la salle, nous jetant des œillades pendant que nous faisions notre petite scène. Je sentis un frisson me parcourir l'échine, peu m'importait le climat, Elie et moi devions s'expliquer. « Je... » Je n'aime pas mentir et pourtant je le fais constamment en lui cachant la vérité... néanmoins jurer cela m'était impossible. « C'est dingue que tu doives me demander ça parce que t'es incapable de me croire. » J'étais aussi vexée qu'elle ne me fasse pas confiance bien qu'elle ait en réalité tous les droits de le faire. « Tu sais quoi, je... » Me demandant alors de l'embrasser dehors bien que subsistaient devant l'entrée du bâtiment des résistants au froid et quelques fumeurs, je me sentis piégée, trahie. Comment pouvait-elle me poser un ultimatum de ce genre ? Comment osait-elle nous afficher en public comme ça ? Je l'entraînais sur le côté, lui faisant des yeux noirs. « Comment oses-tu... Tu m'fais pas confiance ? Très bien, casse-toi ! J'vois pas pourquoi j'te ferais confiance non plus. Tu savais depuis le début... et pourtant tu m'fais ce genre de scène... »

« Elie, tu te rends compte de ce que tu fais ? » Je n'y croyais pas. Impossible. Elie ne pouvait rompre, nous ne pouvions cesser notre relation sur cette simple soirée. Je l'aurais mérité si elle avait découvert la vérité mais tout ce que ma petite-amie avait découvert était un couple de danseurs, assez proches physiquement pour être amis, tout simplement. « Tu te rends compte de ce que tu m'accuses ? » Je remarquais alors en levant les yeux, en la regardant vraiment, qu'elle pleurait. Je me sentis si coupable ! « Elie, fais pas ça... » Je plongeais dans ses yeux si attristés et y restais quelques secondes, le temps de rassembler mes pensées. « Je n'ai pas honte de toi... ne redis plus jamais ça. » Et puis, je décidais de l'avoir sur un raisonnement plus ou moins logique. « Est-ce que tu m'as vu l'embrasser ? Non à ce que je sache ! Je dansais avec un ami, c'était un ami ! » Dieu soit loué il portait lui aussi un masque qui lui avait couvert les yeux. « Tu veux savoir la vérité ? Très bien ! Nous sommes amis. Quand il a apprit que j'y allais seule, il m'a confié que lui aussi et m'a proposé d'y aller entre amis, sans aucune ambiguïté. Comment voulais-tu que je refuse ? N'ai-je pas le droit d'accompagner un ami sur la piste de danse ? » Néanmoins je sentais Elie s'éloigner de secondes en seconde. La peur au ventre et l'angoisse de perdre la femme pour laquelle j'avais des sentiments me poussa à la supplier. « Je t'en prie, ne fais pas ça... » Et je réalisais que je l'aimais... « Elie je... » Ma respiration devenait bruyante, j'avais honte, j'avais peur... « Je t'interdis de me parler comme ça parce que... parce que je t'aime. »

OUT