(laurandy) ✽ You learn to take life as it comes at you... to make each day count.

tu n'avais pas deviné... évidemment que non. C'était, disons, pour amener la chose que j'avais présenté les choses de cette manière parce que tu n'avais aucune possibilité de savoir. Je finis par t'annoncer au passage que j'étais sans-abri et l'espace d'un instant, tu sembles hésiter à savoir si je dis la vérité ou si c'est une blague. Ou peut-être cherches-tu comment réagir ? J'eus un léger rire à ta réplique, tapotant ma cigarette au-dessus du cendrier. Ça peut être une solution. J'n'avais déjà pas dit oui pour emménager avec Loïs, ce n'était certainement pas en plus pour être un poids auprès de la fille qui me faisait tourner la tête. Non merci. C'est gentil, mais je vais devoir décliner ton offre, répondis-je avec un sourire. Cela dit je retiens ta proposition pour les cas d'urgence. On a un deal ? J'en avais bien eu quelques uns depuis le début, des cas d'urgence. C'était surtout l'hiver le problème, quand les foyers étaient submergés, que le climat dehors nous rendait la vie impossible et que les gens ne s'arrêtaient pas 20s pour nous donner quoique ce soit. En été, c'était bien plus simple malgré la chaleur écrasante. Du coup tu m'en voudras pas de pas t'inviter chez moi en retour, ça me prendrait trop d'énergie de pimper ma voiture, ajoutai-je dans un rire avant d'ouvrir ma bière à mon tour. Ça me donnait soif toute cette histoire, et aussi ce soleil de plomb.

Ça peut être une solution, mais pourtant, tu n'acceptes pas l'offre. Le sourire aux lèvres, tu me proposes cependant d'accepter seulement en cas d'urgence. Parce que ce n'est pas le cas présentement ? Comme je disais plus tôt, peut-être que ta situation n'est simplement que temporaire, que tu ne ressens pas le besoin d'emprunter le canapé d'une inconnue pour le moment. En bref, je n'ai pas à m'inquiéter, j'suppose. D'accord, pas de soucis, deal. Tu sais où j'habite, tu viens cogner peu importe l'heure, alors. Parce que tu ne peux pas m'écrire un texto ou passer un petit coup de fil. Je ris à ta blague, qui au fond, n'en était probablement pas une. Oh vraiment ? C'est dommage, moi qui pensait aller voir les rénovations dans ta chambre. Je tape la cigarette avec mon index pour me débarrasser des cendres, puis prend une autre bouffée. J'ai droit d'te demander si ça fait longtemps, que tu vis comme ça ?

Ca me va... merci. J'm'en étais douté, t'étais une personne bien. Je pensais pas m'être trompé sur toi. Y avait toujours un risque que tu ne sois que poli et qu'à la minute où je franchirais la porte, on ne se revoie plus... mais ça ne semblait pas être toi. Mais je ne te connaissais pas assez finalement, alors je le verrais vite. Je bus dans ma bière et me passai une main dans les cheveux. Attend que je me dépatouille avec l'administration et je t'inviterai dans ma vraie chambre. Tu me diras c'que t'en penses à ce moment-là ! Et du lit aussi ? Je m'avançais un peu, certes. Mais bon je venais peut-être de griller mes chances alors qu'on me laisse fantasmer, au moins. Ça fait un peu plus de deux ans, quasiment trois en fait. Les démarches sociales sont mal foutues, ils ralentissent pour tout et n'importe quoi. Mais j'les aurai à l'usure, j'ai pas l'intention de crever dans cette voiture même si je l'adore, ajoutai-je avec un sourire en terminant ma cigarette, que j'écrasais par la suite dans le cendrier, bière dans l'autre main. Tu te rappelles quand je t'ai dit qu'j'avais pas aimé le droit. Je t'ai menti, ajoutai-je pensivement. C'était bien un des seuls trucs sur lesquels j'avais du mentir... Pour le reste, je m'étais débrouillé pour ne pas te dire la vérité sans mentir pour autant. J'pense que quand ce merdier sera terminé, je continuerai le droit pour défendre tous ceux qui se retrouvent dans la merde comme moi aujourd'hui.

Dès que tu auras trouvé l'aide financière, tu me promettais de m'inviter dans ta vraie chambre... Je me suis mise à rire encore une fois. C'est un autre deal. Ça veut dire alors, qu'il faudra qu'on se revoit après aujourd'hui. Pour terminer le dessin, pour que je t'apprenne le français, pour que je vois ta future chambre et si jamais il y a urgence, tu sais que tu peux venir chez moi. Pour une deuxième rencontre, j'trouve qu'on s'est pas mal fais de plans pour se revoir à l'avenir. Si ça se trouve, t'as autant envie que moi de me revoir. Tu m'avoues que ça fait deux ans -presque trois- que tu es dans cette situation et pour le coup, je m'étonne un peu plus. Ta mère... tu n'en étais pas proche ? Comment ça se fait qu'elle te laisse dans cette situation-là ? Je te dévisage, je ne sais pas quoi dire et j'suis même un peu mal à l'aise parce que j'ai l'impression d'avoir manqué un épisode. En plus de tout ça, tu m'avoues avoir menti pour tes études, que tu ne les a pas volontairement arrêtés... et que quand tu seras sorti de cette merde, tu vas reprendre ta vie en main et celle des autres dans ta situation. Attend... tu vis dans ta voiture... depuis trois ans ? Trois ans. Je n'en reviens toujours pas en fait. Je fronce les sourcils, puis jette mon mégot également. C'est pour ça, que tu joues de la guitare dans les rues ? Si y'en a beaucoup qui font ça en espérant se faire découvrir artistiquement parlant, ça ferait du sens que tu le fasses pour ramasser des sous. Et moi, j'suis là, j't'accueille chez moi comme une personne normal, j't'offre des bières et des pizzas, j'agis comme j'agirais avec n'importe quel mec qui m'intéresserait. J'me demande du coup... Est-ce que t'es ici pour moi ? Non attend. T'as décliné mon offre de rester, t'as jamais forcé pour que je te donne de l'argent ni rien en fait. Ça n'a juste pas l'air d'être ton genre, de manipuler les gens contre du fric. T'es juste... un type bien, qui a sincèrement envie de s'en sortir. J'suis désolée ? J'veux pas te donner l'impression que j'te juge. Je plisse les yeux avant de te faire un sourire délicat, sincère. C'est juste que j'réalise que t'es encore plus intéressant que j'pensais. Mais, ta mère... ?

Un autre deal ? Ça me plaît, répondis-je sincèrement. Le problème était que je n'avais absolument aucune idée de quand j'aurai une réelle chambre, mais me projeter aidait beaucoup à garder la tête hors de l'eau pour être honnête, donc je refusais carrément pas l'idée, quand bien même ça risquait de ne pas arriver. Quoiqu'il en soit, je sentais qu'à mesure de mes réponses, tu étais de plus en plus perplexe. Et je savais pourquoi. Mes réponses amenaient d'autres questions, et tu ne pourrais pas comprendre véritablement le pourquoi du comment sans que je te raconte toute l'histoire, notamment... le début, fatalement. Pour l'instant, tu n'avais que la fin. J'acquiesçai en silence quand tu répétas que ça faisait trois ans, visiblement surprise. Oui trois ans, c'était long. Mais le pire c'était que j'avais rencontré d'autres sdf dans mon périple, qui avaient abandonné les démarches, s'étaient résolus à vivre dans la rue jusqu'à la fin... et pour eux, ça durait depuis bien plus de trois ans. S'il y avait bien une chose dont j'étais certain, c'était que je voulais pas finir comme ça. Disons que je préfère jouer de la guitare plutôt que me contenter de lever la main avec un regard pitoyable, ça me donne la sensation de travailler un peu, répondis-je avec un semblant de rire. T'excuses pas. Je crois des trous du cul à longueur de journée et j'ai rapidement compris que t'en faisais pas partie. Je te renvoyais ton sourire. J'avais encore ma fierté et mon caractère, mais j'avais appris à faire la part des choses et à ne plus avoir honte de parler de ma situation. J'étais pas à ma place parce que j'avais fait quelque chose de mal mais parce que j'avais pas eu de chance, après tout. Ça faisait pas de moi un misérable. Quand tu évoquais de nouveau ma mère, je te dévisageai un court instant avant de sourire de nouveau. Rappelle-moi qui me disait y a quelques heures "Heey tu m'as presque rien dit sur toi"... ? Ça commence à faire beaucoup finalement, faut garder un peu de mystère. Je terminai ma bière et la reposai sur la table. Surtout si tu me trouves intéressant, j'vais quand même pas perdre mon avantage maintenant, ajoutai-je avec un regard de défi, alors que la sonnette de l'entrée retentissait. L'heure de la bouffe était arrivée on dirait.

Jouer dans la guitare dans les rues, ça te donne l'impression de travailler, ça te sauve un peu la face. Je suis contente de voir qu'après trois ans, tu gardes toujours la tête haute et tu n'as toujours pas perdu espoir d'un jour, avoir ta propre chambre à nouveau. Je m'excuse du coup pour (peut-être) te donner l'impression que je te juge et tu me demandes de ne pas m'excuser. Ta réponse me fait sourire mais tu n'as toujours pas répondu concernant ta maman. À la place, tu m'as dévisagé pendant une seconde avant de me dire que je t'en demande trop et que tu veux encore garder un peu de mystère. Je prend une gorgée de ma bière, pas contente. Mais bon, t'as pas tort... c'est vrai qu'en quelques heures, je t'en demande beaucoup. Pourtant, j'suis pas le genre de fille à poser des questions, à m'intéresser aux autres, presque autant que je m'intéresse à la médecine. T'ajoutes à tout ça que tu as maintenant un avantage et que tu ne voudrais pas la perdre, parce que je te trouve intéressant. Ton regard me défi et je te le rend. J'étais prête à t'avouer que même en sachant cette information sur ta mère, tu resterais intéressant à mes yeux mais... j'ai été sauvée par la sonnette d'entrée. On va à la soupe, alors. J'hausse les sourcils et me retourne pour ouvrir la porte patio et traverse l'appartement pour aller ouvrir au livreur de pizza. Je prend tout et dépose sur la table avant de retourner auprès de lui pour payer. Une fois le livreur parti, je ferme la porte et me tourne vers toi. Tu veux qu'on regarde un film français maintenant alors ? Puisque j'ai apparemment plus le droit de te poser de questions. Ça sonne comme un reproche, mais avec le sourire sur mes lèvres, on comprend que c'est juste une casse pour te taquiner. Cela dit, la proposition était sérieuse.

L'idée même de me contenter de la pitié des gens pour gagner quelques dollars m'horripilait. Au moins quand ils posaient quelques pièces dans mon étui à guitare, je me disais qu'ils le faisaient pour aider un artiste amateur ou pour me remercier d'avoir mis un peu d'ambiance dans la rue, plutôt que parce qu'ils se disaient "le pauvre" en me regardant. J'acceptais l'aide mais je ne voulais pas qu'on me plaigne. C'était dur, y avait beaucoup de mauvais côté, je galérais à m'en sortir mais pour autant... étais-je le plus malheureux ? Probablement pas. Je n'étais pas prisonnier, je pouvais rouler où bon me semblait, voir qui je voulais et dépenser mon fric dans ce que je voulais. Des choses simples, que des personnes bridées n'avaient pas. Tu semblais déçue de ne pas avoir la réponse concernant ma mère et je m'en amusais un peu. Tu finirais bien par le savoir si on continuait à se voir, c'était juste trop tôt. C'n'était que notre deuxième rendez-vous au final... rendez-vous, haha. Je me faisais rire à voir les choses sous cet angle. Allons donc entretenir notre santé avec tout ce gras, ajoutai-je avec un rire, me levant et te rejoignant dans le salon alors que tu payais le livreur dans l'embrasure de la porte. Il repartit et tu revins vers moi. J'étais psychologiquement pas préparé à le voir cet après-midi mais après tout, pourquoi pas, répondis-je en m'asseyant sur le canapé à côté de toi. J'opterais pour un film avec du vocabulaire pas trop compliqué, tu vois ? Genre Peppa Pig, Babar, Marsupilami, un Disney ? J'eus un rire à la fin de ma phrase. J'étais pas sérieux, plutôt crever que de regarder Babar. Mais dans l'idée, un truc pas trop prise de tête quoi. Qu'est-ce que t'as comme film ?

Entretenir notre santé avec tout ce gras. Tu parles d'un entretiens ! Ça me donne trop faim cette odeur de fromage fondu, de pepperoni et de poivron grillé. Je m'attelle à sortir des assiettes et des ustensiles, pour ne pas en foutre partout sur le canapé pendant qu'on regarde un film. D'ailleurs, tu m'avoues ne pas être mentalement préparé à regarder un film en français mais tu acceptes quand même. De toute façon, y'aura les sous-titres en anglais. Et moi à côté, si tu comprends vraiment rien. Je m'installe sur le canapé à côté de toi et ouvre les boîtes de pizza et de frites pour commencer à me servir. Comme t'aimerais un vocabulaire pas trop compliqué, tu me nommes quelques idées de films et j'éclate de rire. Commencer par des films pour enfants, c'est une solution. Mais ce n'est pas ce que je possède. Eh bien... j'ai pas de Disney, mais je peux en télécharger si c'est ce que tu veux. Par contre, j'ai des films de cul en français et j'crois qu'il y a pas trop de dialogues là aussi. À part peut-être des "vas-y bébé" et des "tape-moi dans le fond, j'suis pas ta mère". Je ris en te regardant et mord dans ma pointe de pizza en faisant à nouveau danser mes sourcils, même si ça t'avais fait peur tout à l'heure.

C'est sûr, y aurait les sous-titres. Mais en même temps, quitte à regarder un film en français, je voulais essayer de le comprendre sans trop lire, sinon ça ne m'aiderait pas plus que ça. J'entrepris de me servir à mon tour et relevai vivement la tête vers toi à ta réponse, surpris. Pour te voir faire ta danse des sourcils. Le bug d'une fraction de seconde passé, j'éclatai de rire à mon tour, reposant la pizza dans laquelle je m'apprêtais à croquer. J'étais clairement pas prêt. Je crois que des ouuh yeah, d'une langue à l'autre ça doit pas beaucoup varier... quoique, tu crois qu'en thaï ça se dit comment ? J'avais pas regardé de films porno depuis des plombes pour être honnête. Pas de télé, pas de pc, pas de téléphone : le problème était vite réglé. Mais je risquais pas d'oublier à quel point ça pouvait être ridicule et hilarant plus qu'excitant parfois. Faut vraiment que t'arrêtes cette vague des sourcils là, ça te fait une de ces tronches, je suis plus très sûr d'avoir envie de rester maintenant, ajoutai-je avec un nouveau rire avant d'enfin réussir à croquer dans ma pizza. J'vais te piquer un verre d'eau, je t'en ramène un ? demandai-je en me levant, l'air suspicieux. Que tu n'en profites pas pour foutre un de tes films de merde sur l'écran, je t'avais à l'oeil.

Ma proposition t'étonne, au point de te couper l'appétit j'ai l'impression. Tu me poses une question dont je n'ai certainement pas la réponse, mais je te répond quand même en prenant mon téléphone à nouveau, en passant la traduction sur google et en écoutant le petit extrait. Ça sonne cochon. T'trouves pas ? Je ris en continuant de bouffer ma pizza tranquillement. Tu me demandes d'arrêter le jeu de sourcil et je ris avec ma poitrine entre les dents. Après avoir pris ma bouchée, je m'essuie les lèvres subtilement. Tu ne peux pas partir maintenant, l'appel de la pizza est trop forte. Tu te lèves ensuite pour aller te chercher un verre d'eau et je prend ma bouteille que j'avais laissé à côté de mon assiette, pour le brandir devant toi. Non merci. D'ailleurs, j'supporte pas très bien l'alcool et c'est peut-être ça qui me fait dire autant de merde si ça se trouve. Ça va me faire du bien, de manger un peu après avoir bu deux bières. J'en profite pour trouver un film qui correspond bien à son seul critère (dialogues faciles) et tombe sur le seul que j'ai : un film de Dora l'exploratrice. Je pense que je l'avais téléchargé avec Alex l'autre fois, quand on était tous les deux défoncés. C'est tout c'que j'ai trouvé ! J'espère que t'es chaud pour remplir les trous de silence de Dora et Chipeur... parce qu'autrement, j'vais avoir besoin d'un joint, ils me font trop peur.