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Il était vrai que ça aurait pu paraître abrupte comme approche. Mon père est mort. Boum. Le truc c'était que je faisais pas partie de ces gens qui y accordaient de l'importance, qui regrettaient de ne pas l'avoir connu, qui passeraient leur vie à se demander comment il était... non. Je lui accordais bien sûr plus plus d'importance que le temps qu'il faisait dehors, mais ce n'était pour moi pas une grosse révélation, ni une grosse confidence. Mais c'en était une tout de même, pour briser la glace. Une confidence qui m'avait façonné, parce que j'avais vécu seul avec une femme de fort caractère, qui rêvait de l'Amour avec un grand A, qui avait tout donné pour moi quand mon père s'était défait de ses responsabilités, parce que les hommes le pouvaient, avaient le droit d'être faibles. C'était pas juste, et ça n'avait fait que renforcer le respect que j'avais pour les femmes avec le temps. Je continuais à dessiner tes formes, me concentrant sur tes yeux alors que tu me parlais à ton tour. Je t'écoutais en silence, songeant qu'effectivement ça n'avait pas dû être facile... mais tu avais su gérer. Tu avais réussi à te fondre dans la masse, sans perdre ton éclat. Le regard des autres pouvait être destructeur. L'enfer, c'est les autres... j'esquissai un léger sourire avec ma citation de cet auteur français que j'aimais beaucoup. Sartre n'avait jamais eu autant raison qu'avec ces quatre simples mots, et tu étais probablement aussi d'accord avec lui. Mais ça m'en disait davantage sur ce que tu avais pu traverser, et je comprenais mieux ta volonté de fer et ton caractère bien trempé. Je pense que tu es une femme magnifique, et je ne parle bien sûr pas que de ton physique avantageux. J'étais concentré, mais complètement sincère. J'observais ton visage, le moindre détail, mais surtout ton expression à ce moment précis où tu me parlais de toi. C'était ce que je cherchais, capturer ce moment où tu étais complètement toi-même, où tu étais sincère avec le monde qui t'entourait. Ce moment où on faisait tomber les masques, toi et moi. T'as une vision du monde différente des autres... n'est-ce pas ? Toi aussi parfois tu étais effarée de voir comme nous marchions sur la tête. On pourrait au moins être cyniques et se moquer des autres ensemble, j'aimais bien cette idée-là. A quel moment devions-nous redouter une fille parce qu'elle pouvait être belle et intelligente à la fois ? Je n'ajoutai rien de plus, fronçant les sourcils avec les yeux rivés sur ma feuille. J'étais vraiment dans le détail de ton visage et l'espace d'un instant, ma concentration me fit oublier tout le reste. J'ai bien avancé. Tiens bon, repris-je avec un sourire. J'imaginais bien que ses muscles devaient être tendus à force de rester immobiles.
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