new york ♥

J'essayais de lui montrer ses options. Ce n'est pas la première fois que j'aborde ce genre de sujet avec Sloan... mais les dernières fois, il était beaucoup moins réceptif. Peut-être que je ne connaissais pas son amour pour la boxe avant, mais j'ai bien senti que Georges lui empêchait d'être l'homme qu'il est réellement... Il a fallut quelques temps pour qu'il le réalise lui-même ou du moins, qu'il cherche à se retrouver. Je l'écoute de A à Z et hausse les épaules. Peut-être que tu ne devrais pas poursuivre tes études en économie alors ! Enfin... prend le temps de réfléchir à ce qui te ferait plaisir... il y a des conseillers en orientation que tu peux rencontrer gratuitement à Harvard, tu sais ? Juste en discutant avec eux, en faisant des tests de personnalités, tu pourrais en découvrir plus sur toi et tes passions. Je lui prend la main et le regarde avec un petit sourire. Rien ne presse.

Toutes ses questions restaient en suspens dans sa tête sans trouver la moindre réponse possible. Sloan vivait mal en ce moment et avait cette douloureuse impression de tourner en rond. Il ne savait plus qui il était et rien ni personne ne pouvait être en mesure de lui dire. Les réponses, il devait les trouver lui-même et c'était le plus dur dans cette histoire. Peut-être qu'il connaissait la solution, encore fallait-il qu'il s'ouvre un peu. « Changer de cursus ? Suzy, j'ai pas fait huit ans pour tout balayer d'un coup. J'ai pas envie de recommencer de zéro, j'en ai marre d'Harvard. J'ai quand-même vingt cinq ans, il est temps que j'évolue un peu. » Peut-être que Sloan ne se voyait plus en tant qu'étudiant, peut-être qu'il avait juste besoin d'entrer dans la vie active, qui sait. Il afficha un mince sourire en la voyant aussi attentive. « Non, rien ne presse, faut que je prenne le temps de bien faire les choses. » lui assura-t-il en reprenant la route, direction la pitoyable maison dans laquelle il avait grandit.

Sloan ne savait pas ce qu'il voulait faire de sa vie... mais réellement faire de sa vie. Il a toujours vécu sous les ordres et désirs de son beau-père, alors je peux comprendre que ce soit démotivant pour lui de recommencer à zéro maintenant. En l'écoutant parler, j'essaie de me mettre à sa place et j'peux parfaitement comprendre... Imaginons que la médecine ne m'intéresse plus du jour au lendemain, après 7 ans d'acharnement, je ne suis pas sure que j'aurais la motivation de tout refaire. Oui j'comprends. Après... tu peux abandonner et faire autre chose. Contrairement à c'qu'on dit, tu peux très bien réussir ta vie sans diplôme... Si t'es heureux sur un ring de boxe, par exemple, t'as pas besoin d'un doctorat pour ça ! Sloan me souriait en retour et je lui caresse encore la main pour essayer de le rassurer. Bref, peut-être vaut mieux changer de sujet avant qu'il réfléchisse trop et qu'il se mette trop de pression sur les épaules. Quelques instants plus tard, Sloan cesse de marcher et je regarde un peu autour de nous. Nous sommes atterrit dans un coin du quartier plus tranquille... peut-être que c'est juste une impression. On est où, maintenant ?

Le chemin entre le club de fight et son ancienne maison, lui semblait tellement familier. Il avait cette putain d'impression de n'avoir jamais quitté le Bronx et pourtant, il en avait parcouru du chemin depuis son départ. Ses pas marchaient presque tout seul, il se laissait guidé par le besoin de montrer à Suzy l'endroit où il a vécut. Ils arrivèrent devant une rangée de maisons, toutes identiques, sans la moindre personnalité. Il n'y avait pas un chat dehors, pas étonnant vu l'heure qu'il était. « A ton avis ? » répondit-il sans la moindre émotion dans le timbre de sa voix. Sloan s'arrêta de marcher et leva les yeux vers l'une d'entre elles. Il prit une grande inspiration, il se sentait plus nostalgique que jamais. « J'la vois encore ouvrir la porte et me hurler dessus pour que je revienne à la maison. » Sa voix manquait d'assurance mais il s'en foutait, se remémorer tout ça lui faisait du bien. Il vint laisser échapper un faible rire discret. « Elle sortait en pyjama en pleine nuit, une fois elle m'a balancé un énorme cailloux sur la tête pour me faire réagir .. le problème c'est qu'elle sait aussi bien viser que moi, elle m'a ouvert l'arcade .. bah j'suis resté. » Il rigola plus franchement. Aussi étrange que ça puisse paraître, Sloan réussissait à ne garder que les bons côtés du taudis dans lequel il a grandit. La maison était vraiment minuscule et ne payait pas de mine. Il se tourna vers Suzy et haussa les épaules. « J'suis désolé, y'a pas grand chose à voir ici au final, j'peux pas te faire visiter l'intérieur. »

Il y avait tellement de choses que Sloan pouvait faire dans sa vie. Mais ce sujet commençait à devenir un peu lourd et le but n'est pas de l'étouffer. L'ancien Eliot cesse de marcher et je l'imite aussitôt. Lorsque je lui demande où on est, il me demande c'que j'en pense... en regardant les maisons, je me fais une petite idée... et à l'écoute de ses souvenirs, je la confirme. Sloan a déjà habité ici. Les maisons sont en rangée, elles sont toutes identique et leurs façades sont très fades... Elles n'ont aucune personnalité, mais à entendre Sloan, elles sont remplies de bon souvenirs. Il regarde sa maison et moi, je le regarde lui. Mon cœur se serre, parce qu'il parle de sa mère... et c'est tellement rare, qu'il me parle d'elle comme ça. Lorsqu'il se retourne vers moi pour me dire que ça ne servait à rien de venir ici parce qu'on ne peut pas aller à l'intérieure, je lui souris. Au contraire... Il n'y a pas de voiture devant la maison, aucune lumière, aucun signe de vie... Et depuis quand est-ce que Sloan Bushnell a peur de commettre un petit délit aujuste, hm ? Certes, là, on est dans le Bronx et si on se fait prendre... bah ça peut chauffer, plus vite que j'le pense. Aller, viens ! C'est à mon tour de coucher avec toi dans ta chambre de jeune adolescent. Je lui fais un petit clin d’œil avant de rire, puis gambade presque jusqu'aux fenêtres. Je voulais m'assurer qu'il n'y avait personne, alors je cogne à la porte. Aucune réponse. Je tente d'ouvrir la porte, mais celle-ci est verrouillée... tant pis. Je passe ma main dans mes cheveux et attrape une bobbypin. Tu veux le faire, ou j'le fais ? Lui demandai-je, en arquant un sourcil, le sourire aux lèvres.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Sloan évoquait quelques souvenirs de son enfance ici et parlait des images qu'il lui restait de sa défunte mère. Le silence de Suzy en disait long sur son ressenti. Peut-être s'en foutait-elle de ce genre d'anecdote, peut-être en avait-elle strictement rien à foutre. Il baissa les yeux avant de reporter son attention sur la brunette, lui indiquant qu'il n'y avait rien à voir ici. Il n'avait pas forcément l'envie de traîner ici, les moments de mélancolie étaient bénéfiques, seulement à petite dose. Mais sa femme en décida autrement, elle voulait en voir plus. Sloan ne comprenait pas où elle voulait en venir. « Et alors ? » la questionna-t-il, ne voyant absolument pas ce qu'elle comptait faire. Suzy vint rapidement lui dévoiler son plan. Elle voulait coucher avec lui dans son ancienne chambre ou du moins, dans la pièce qui avait servit de sanctuaire à l'époque. Les sourcils du jeune homme se froncèrent et avant même qu'il ait pu dire quelque chose, elle partit en direction de la porte pour essayer de l'ouvrir. Sloan appréciait sa spontanéité mais là, non. Il monta les quelques marches jusqu'à la porte et s'adressa directement à elle. « Qu'est ce que tu fais ? Ranges moi ça, on n'entrera pas par effraction dans cette maison. » Sloan avait trop de respect pour son Bronx pour souiller son ancienne maison. Merde quoi, l'âme et les souvenirs de sa mère régnaient encore ici. « On pourra baiser où tu veux dans New York mais pas là. » dit-il calmement. Cette situation ne l'excitait pas du tout, bien au contraire, il était surpris de cette initiative un peu déroutante. Le contexte entre la maison de ses grands-parents un soir de noël et la maison de son enfance habitée par des pauvres gens, était totalement différent.

Je prenais l'initiative, je voulais que Sloan fasse un tour complet des endroits qui lui ont été important au cours de sa vie... et j'avoue qu'à trop vouloir en apprendre, j'ai poussé le bouchon trop loin. Je lui fais comprendre qu'il n'y avait personne à la maison, qu'on pourrait aller coucher ensemble dans son ancienne chambre... et très tôt, je comprends que j'ai fais une belle erreur. Oh... okay. Je range ma pince à cheveux dans ma poche et déglutis. Sloan était très calme en me disant qu'on pourrait coucher où on veut dans la ville, sauf ici... Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je me sens triste tout d'un coup. Probablement parce que j'ai encore fait quelque chose qu'il ne fallait pas... J'suis désolée. Je pensais que tu voulais rentrer à l'intérieure... la proposition était pour te faire rire, 'fin je... j'suis désolée. Est-ce que j'suis aussi nulle que ça, pour comprendre ses besoins ? ses envies ? Je lui fais un mince sourire, un peu timide mais tout de même sincère. On continue de marcher ? Lui demandai-je, en descendant les escaliers.

Partout dans New York mais pas ici. C'était au dessus de ses forces, il ne pouvait pas rentrer par effraction dans son ancienne maison. C'était impossible. Il gardait tellement de souvenirs de ce lieu qu'il aurait l'impression de le salir et de le souiller. La présence de sa mère se faisait légèrement ressentir, c'était vraiment très étrange à expliquer. Sloan ne voulait pas et, pour une fois, il vint lui dire gentiment. Pas d'énervement, pas de cri, rien. Il lui demanda simplement de renoncer à son idée mais Suzy semblait quand même déçue. « Merci. » répondit-il lorsqu'elle abandonna l'idée. La brunette mit sa pince dans sa poche et descendit les escaliers. Sloan se sentait soulagé qu'elle n'insiste pas, il craignait de devoir se disputer avec sa femme dans son quartier. Cette maison était bourrée d'histoire, il ne voulait surtout pas avoir un souvenir négatif, il ne gardait que les bons côtés. Suzy vint rapidement s'excuser, elle était toute gênée d'avoir proposé ça. « C'est pas grave Suzy, je ne t'ai rien dit de mal, c'est juste que c'est pas vraiment l'endroit pour faire ça .. Pas après tout ce que j'ai traversé ici. Si tu veux, on pourra se dire combien on s'plait à l'hôtel mais .. pas ici. » dit-il calmement avec un fin sourire sur ses lèvres. Sloan essayait de se montrer rassurant même si c'était assez maladroit de sa part. Il n'avait pas envie que cette proposition ne gâche tout le voyage. « Si tu veux .. Tu sais, il n'y a pas énormément d'endroit à visiter, on a quasiment fait le tour .. sauf si tu veux aller sur sa tombe mais j'suis pas sur que ça soit une bonne idée. » L'ancien Eliot allait de temps en temps et ressortait toujours de là, complètement démoralisé et instable. S'il pouvait y échapper, il ne dirait pas non du tout.

Sloan a tellement fait d'efforts pour moi, il dit avoir "changé" pour moi... et peut-être que sensiblement, c'est ce que j'essayais de faire. C'est maladroit parce que je n'ai pas réfléchis du tout à c'que cette maison pouvait signifier pour lui, quand je lui ai proposé d'entrer par infraction. J'ai juste été égoïste. Sloan est resté calme mais je me sentais vraiment très, très mal. Je sais Sloan... Je ne suis pas dégoûtée ni rien, j'me trouve juste un peu idiote Je lui souris aussi timidement en descendant les escaliers. Ma bêtise ne mettrait pas de froid à notre semaine à deux, ne mettrait surtout pas de froid entre nous. J'admettais mes tords - un point c'est tout. Sloan n'a pas à culpabiliser de m'avoir dit non, je suis une grande fille ! Je lui demande où on va ensuite et il me parle du cimetière, avant d'me dire que c'est surement une mauvaise idée... Après tout ce temps, après tout ces kms, il n'était pas encore prêt. Sauf que cette fois-ci, je n'étais pas déçue, pas triste, rien. En fait, je suis déjà très honorée d'avoir appris tout ce que j'ai appris sur lui aujourd'hui pour être radine. Il n'est pas prêt... il ne le sera peut-être jamais et c'est pas grave, je serai patiente. Je pense qu'on pourrait continuer de marcher alors, s'arrêter pour manger ... et je fais mine de réfléchir avant de reprendre la parole. Et après, je pense que tu devrais aller au cimetière Sloan ... enfin si tu veux hein. Je vais t'attendre à l'hôtel, mais je pense que ça pourrait te faire du bien d'y aller. Avec ou sans moi, peu importe ... Sloan a eu une journée forte en émotion et je comprendrais tout à fait qu'il ait besoin et envie de se recueillir, d'aller lui rendre visite. J'attrape la main du jeune homme et la porte à ma bouche pour l'embrasser.

C'était maladroit mais Suzy ne pouvait pas savoir que Sloan attachait encore énormément d'importance à cette putain de maison. Même s'il clamait haut et fort son ancienne appartenance au Bronx, il n'arrêtait pas de dire la souffrance que ce fut de vivre dans ce taudis. Même sur ce point il était indécis, c'était une véritable catastrophe. Puis le sujet du cimetière arriva vite, bien trop vite. La brunette ne voulait absolument pas le forcer à faire quoi que ce soit et elle n'avait pas tort sur le coup. En voyant sa réaction, elle lui proposa d'y aller seul, elle l'attendrait à hôtel et ils iraient plus tard ensemble, ou même pas du tout. Elle ne le forçait pas et lui laissait le choix. L'ancien Eliot la laissa lui prendre la main et afficha un faible sourire. « Nan, on va y aller, il faut qu'on y aille .. » Parce que sa mère ne l'avait, fatalement, pas encore vu et c'était important pour le jeune Bushnell. Sa mère fut la seule personne à savoir qui il était réellement, il fallait donc qu'elles se rencontrent. Enfin, façon de parler mais l'idée était là. La mâchoire de Sloan se serra, il se faisait violence pour ne pas changer d'avis à la dernière seconde. Non, cette petite visite au cimetière allait lui faire du bien, il en était persuadé. Il prit son téléphone pour appeler un taxi. Inutile de préciser que dans ce genre de quartier, il n'y en avait pas des masses.