Lisbeth attendait patiemment la réponse de Ruben et, quand elle tomba, elle hocha la tête : elle en avait vu d’autres ! Elle prit la mignonette et se dirigea vers la fenêtre ouverte. L’air frais de la nuit s’engouffrait dans la chambre spacieuse et caressa son visage. Elle but une rasade de whisky avant de poser la flasque sur le rebord intérieur de la fenêtre. Elle jeta un regard vers la table qui se préparait doucement pour cette séance peu commune.
« Pas de soucis. »
Ce n’était pas comme si elle avait d’autres choses à faire à cette heure déjà tardive ! La jeune femme profita de ces quelques minutes pour s’en fumer une. Elle ferma un instant les yeux, profitant de ce moment d’accalmie avant que les choses sérieuses ne commencent. Puis elle balança son mégot par la fenêtre avant de rejoindre sa place attribuée. Elle attendait les instructions de son tatoueur.
Ruben enfila son masque de chirurgien sur le visage. C'était pour minimiser les risques d'infection. Le carbone était prêt à poser.
"Je vais devoir te raser la cheville... C'est pas le moment le plus plaisant."
Il désinfectais d'abord la peau de la jeune demoiselle avant de passer le rasoir. C'était pour raser le fin duvet que tout le monde avait. Il s’exécutait sans un bruit en prenant soin d’être le plus doux possible. Il fallait maintenant appliquer le produit pour que carbone puis marquer la peau de la jeune demoiselle. Il appliquait lentement le calque sur la peau de Lisbeth. Cette étape était assez délicate.
"Dit moi si la position te convient ? Après il sera trop tard."
Lisbeth était plus que prête. Elle arriva tant bien que mal à soulever le bas de son pantalon pour exposer sa cheville gauche encore vierge de toute encre. Elle trouva rapidement une bonne position car elle savait que la séance allait durer pas mal de temps. Ne lui avait-il pas dit plus tôt qu’il allait s’appliquer au maximum pour inscrire ce phénix sur sa peau ? Elle était prête. Elle le laissa ôter le fin duvet invisible à l’œil nu sans broncher. Ce n’était pas ça qui allait lui faire mal, surtout que Ruben était très précautionneux dans ces gestes. Avant qu’il n’applique le produit, elle se tortilla sur sa chaise et extirpa son portable de sa poche. A présent, elle était prête et était dans une bonne position. « C’est bon, je suis prête. »
Ce n’était pas comme si c’était la première fois qu’elle passait chez un tatoueur. Elle savait qu’adopter une position confortable était primordial et qu’il fallait bouger le moins possible, voire pas du tout. Elle se rappelait encore ces longues séances chez sa tatoueuse, quand elle exécutait son dragon ornant son dos. Ça avait été long et quelques fois douloureux mais la jeune femme n’avait pas bronché une seule fois. Son seuil de tolérance à la douleur était très élevé.
C'était le moment ou les choses sérieuses commençaient. Il mit son masque sur son visage. Enfilait ses gants. Il appuyait sur sa pédale pour charger la machine en encre. Le bruit de la machine rotative retentissait dans toute la chambre. C'était le moment du premier trait.
"Je pique."
Toujours en bas à droite. C'était pour ne pas effacer le carbone quand il nettoyait la peau de la jeune femme. Penché sur la cheville de la jeune femme, sa lampe frontale éclairait la peau. Au bout de quelques traits, il demandait :
"Ça va au niveau de la douleur ? On continue ?"
Il ajustait le voltage de la machine et essuyait une première fois le surplus d'encre sur la peau. Tout se passait comme prévu. Il estimait le temps de travail à une bonne heure et demie.
Toute cette mise en scène caractéristique d’une séance de tatouage fit remonter des souvenirs dans l’esprit de Lisbeth. Elle se rappelait parfaitement la première fois que ses pieds avaient franchi la porte de chez sa tatoueuse. Elle avait une idée bien précise de son premier tatouage (et pas des moindres) : un immense dragon. Sur son dos. Rien de plus petit avant. Et elle avait dû insister pour faire céder la tatoueuse ! Les premières piqures l’avaient fait grimacer de douleur à l’époque puis plus rien. Ce n’était rien comparé à tout ce qu’elle avait déjà vécu. Quand Ruben l’avertit qu’il allait la piquer, c’est à peine si elle réagit. Vas-y, fais-toi plaisir !
« Tu peux continuer. J’en suis pas à mon premier essai. »
S’il voyait l’œuvre dans son dos, il resterait sûrement encore plus admiratif que quand il avait observé ses avant-bras. La jeune femme était prête à rester cette heure et demi assise, sans bouger, la cheville tendue vers le tatoueur concentré. Pour passer le temps, elle s’empara de son portable et se connecta directement sur certains sites pour amorcer la recherche d’appartements pour Ruben. Dans la foulée, elle prit contact avec celui qui lui devait un service. Ce dernier l’appela rapidement et Lisbeth répondit. Elle lui exposa rapidement la situation et ses conditions d’un ton assuré et qui ne permettait aucune protestation. C’est qu’elle avait un caractère de cochon, cette fille ! Une fois satisfaite, elle envoya la liste des appartements à visiter avec le prix des loyers et des photos sur l’adresse e-mail de Ruben.
« Tu verras, je t’ai envoyé la liste des appart. »
« Tu peux continuer. J’en suis pas à mon premier essai. »
La jeune femme ne bougeait pas. Elle devait avoir l'habitude de se faire tatouer. C'est bien. De son coté il avançait sur son motif. Les contours étaient maintenant terminés. Une petite pause s'imposait.
"J'ai bien avancé, j'ai fini les contours. Dit moi si c'est toujours ok pour toi."
Pendant que Lisbeth admirait le travail de Ruben, il faisait un peu de nettoyage sur son plan de travail. Il allait maintenant changer d'aiguille, changer de machine. C'était sans compté sur sa maladresse. Le pot d'encre s'ouvrait en deux et explosait sur le pantalon de la jeune femme.
"Oh merde !! Je suis désolé. File vite dans la salle de bain, essaye de rincer avec du savon"
C'était vraiment plus fort que lui, parfois, il pouvait se montrer extrêmement maladroit. Quand il tatouait, il se concentrait pour ne faire aucunes bêtises, mais dès qu'il relâchait la pression, c'était foutu. Ca n'avait pas loupé. Il était véritablement désolé....
Lisbeth pouvait se montrer patiente, très patiente même. Surtout quand il s’agissait de se faire tatouer. Elle resta parfaitement immobile et jetait de temps en temps un coup d’œil au phénix qui prenait forme sur sa cheville. Pour le moment, le résultat la satisfaisait amplement. Même plus que ça. Quand Ruben s’arrêta, les contours étaient parfaitement esquissés. Elle déposa son pied au sol et se rendit compte qu’il était tout engourdi. Bon sang, combien de temps était-elle restée dans cette position ? Elle bougea un peu sa cheville et grimaça légèrement. Bon, il fallait qu’elle se dégourdisse un peu les… Jambes. Un pot d’encre se renversa sur son pantalon et Lisbeth n’eut pas le temps de se reculer à temps pour l’éviter. Poissarde un jour, poissarde toujours. Elle se leva et fit signe à Ruben que ce n’était rien.
« Je crois que c’est ce que je vais faire. »
Elle se dirigea vers la salle de bain et ferma la porte derrière elle. Elle tenta tant bien que mal de nettoyer l’encre indélébile qui souillait son jeans mais sans grand résultat. Elle soupira et le retira pour pouvoir mieux le frotter avec le savon. Après quelques minutes, le résultat était beaucoup plus concluant. Mais bon, son pantalon était bien humide. La jeune femme avisa sa petite tenue et grommela. Merde, elle allait faire comment, maintenant ? Bon, heureusement pour elle, elle avait bien choisi ses sous-vêtements et elle avait presque l’impression de se voir en bas de maillot de bain. Elle suspendit son pantalon et sortit de la pièce. Elle portait un shorty noir recouvrant très partiellement le tatouage situé sur sa cuisse droite, la seule marquée indélébilement pour le moment. Ses jambes étaient très bien proportionnées, légèrement musclées mais pas trop, signe de longues heures d’entraînement acharnées avec son « professeur ». Elle s’approcha de Ruben alors qu’un léger sourire se dessinait sur ses lèvres et qu’elle exposait sa cuisse au tatoueur.
« Je crois que tu as l’occasion de voir le modèle en vrai, c’est ton jour de chance. »
Car non, ce n’était pas dans l’habitude de Lisbeth de se dévoiler ainsi devant un inconnu. Mais elle devait bien donner le change face à ce petit incident d’encre, non ?
Sa cliente était encore dans la salle de bain quand Ruben se maudissait encore. Comment diable avait il pu être aussi maladroit ? C’est tout son professionnalisme qui était remis en cause. Dans sa courte, mais néanmoins dense carrière, jamais il n'avait fait d’erreurs. Il nettoyait son espace de travail quand la jeune fille revenait vers lui en culotte. Pendant quelques secondes, il posa un regard sur les courbes de Lisbeth. Mais il revernit rapidement à la réalité.
"Je crois qu'on peut faire une pause. C'est un signe du destin. Je peux bien te payer une cigarette ou un autre whisky pour me faire pardonner ?"
Il observait également la cuisse de la jeune fille. Sans aucuns doutes, c'était un véritable travail de qualité.
"Magnifique cuisse. Je serais très curieux de voir plus de travaux de cette artiste. Peut-être que moi aussi j'aimerais passer sous ses aiguilles."
Il se dirigeait vers la fenêtre et sortit une cigarette.
Lisbeth avait parfaitement remarqué le regard de Ruben sur ses courbes, chose qu’étrangement, elle apprécia. Mais… ça ne va pas la tête ? Elle venait tout juste de rompre avec Maverick, pour sa sécurité à lui, et voilà qu’elle se retrouvait en petite tenue devant son tatoueur. Décidément, peut-être que ça ne tournait pas rond, là-dedans. Elle sourit légèrement et réfléchit un court instant à sa proposition. « Je dirais plutôt un whisky. »
Voilà qu’elle exposait sa cuisse presque nue pour lui montrer le modèle en chair et en os (mais surtout en chair) du dragon qu’elle voulait de l’autre côté. Les paroles de Ruben ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd. Il voulait voir encore plus de travaux de son artiste ? Mais c’est comme si c’était fait !
« Attends, alors. »
La jeune suédoise lui tourna volontairement le dos et souleva lentement son T-shirt, dévoilant petit à petit son dos presque entièrement recouvert d’un magnifique dragon qui semblait fixer le regard indiscret du British. Finalement, il fut entièrement dévoilé et Lisbeth laissa tomber son T-shirt au sol. Seules les bretelles de son soutien-gorge masquaient encore une infime partie de cette œuvre d’art. « Si tu veux passer sous ses aiguilles, tu vas devoir te rendre à Stockholm. » Fit-elle tout en restant dos à lui.
La cigarette le calmait grandement. Pas de doutes, il était complétement accro. Il ne se pardonnait toujours pas sa maladresse. Il piocha dans le mini-bar un whisky et il le posa sur la table, près de Lisbeth.
Elle tombait le haut. La jeune femme était maintenant en petite tenue devant lui. La pièce était encore plus magnifique que les autres. Il ouvrait la bouche comme ébahi.
"C'est...magnifique... Tellement précis..."
Il s'approchait lentement et scrutait chaque détail de la pièce. Une finesse inégalée. Ce travail avait du prendre de longues heures. Hypnotisé, il se surpris à approcher sa main légèrement du dos de la jeune femme. Il effleurait sa peau comme pour lire un texte en braille. Il n'était plus lui même. Ce travail était magnifique. Il était maintenant à une dizaine de centimètres de son dos et continuait à parcourir celui-ci.