Weekend rando. PV.

« Oh tu n’as pas à t’excuser ! Au contraire, cela me fait plaisir de te voir si enthousiaste » rectifia-t-il tout de suite. Peut-être qu’il s’était montré un brin trop pessimiste. Il était ironique d’ailleurs de voir combien le sujet de sa jambe amputée provoquait un véritable paradoxe en lui. D’ordinaire, Bonaventure était le genre d’homme à voir le verre à moitié plein, toujours optimiste voire utopiste par moment. Il aimait voir le bon côté des gens, de la vie. Certes, par moment, cela lui jouait des tours mais dans tous les cas, il ne se forçait pas. C’était d’instinct, pour lui la vie était miraculeuse. Or, quand on abordait avec lui ce sujet-là… Les choses étaient différentes. Il avait du mal à se projeter dans l’avenir, à croire qu’il pourrait réaliser l’impensable ; Autrement dit : le verre était à moitié vide. Cependant, avec Amanda, il arrivait à en parler, à mettre des mots sur des émotions, des sensations car il savait qu’elle ne le jugerait pas ni ne le prendrait en pitié. C’est ce qu’il appréciait tant chez son amie.   « Ah non, tu oublies de suite ! Pas de petites fleurs » rigola-t-il rapidement tant elle avait su détourner son attention pour le ramener à quelque chose de plus léger, de plus drôle. « Hors de question que de faire du shopping avec toi ou même Summer. Je tiens à rester neutre sur la plage ! Déjà que ça va être un enfer » marmonna-t-il. Pourquoi l’enfer ? Tout simplement par les corps dénudés des femmes. Oui, c’était incroyable mais cela avait le don de le mettre mal à l’aise. Il ne fallait pas oublier qu’il était musulman bien que très ouvert sur la société contemporaine.

« M’obliger à t’écouter ? Voyons Amanda, tu sais que je t’adore ! Je n’ai pas besoin de m’obliger à quoique ce soit avec toi » protesta-t-il en souriant. Il n’y avait qu’elle pour sortir des idioties pareilles mais rapidement, Bonaventure eut un nouvel éclat de rire. « C’est un surnom qui lui va comme un gant ! N’empêche, j’espère qui la rendra heureuse. On ne peut pas dire que son ex était une lumière »soupira le métisse qui ne voulait que le bonheur de ses amies.

Le jeune homme n’ajouta rien concernant son passé ni même sa famille biologique. Il y avait des conversations qui étaient dures de poursuivre sur le long terme. Cela le rendait toujours un peu triste de se dire qu’il ne pourrait jamais parler à la femme qui l’avait mise au monde et il était hors de question que d’être si déprimant alors qu’il passait un week-end avec Amanda. Cette dernière sembla sous le choc d’apprendre qu’il avait une petite-amie si bien qu’il ne put se retenir de rigoler. « Depuis le début ? Cela risque d’être long mais je vais essayer de résumer les choses. Alors j’ai connu Andrea sur un forum en ligne en lien avec ma passion des comics. Cela a de suite accroché entre nous et on s’est vu pour la première fois en novembre. Elle m’a plu de suite mais il ne s’est rien passé, je veux dire, j’ai rien tenté. En décembre, on s’est revu pour un restau et un ciné » commença-t-il à lui dire en réfléchissant sur ce qu’il pouvait bien expliquer. « Entre temps, j’ai eu une relation sexuelle avec une femme qui s’est avérée être la grande sœur d’Andrea. Elle l’a mal pris et a déboulé à la Quincy House pour me passer un savon. Il s’est avéré que je lui plaisais autant qu’elle me plaisait mais dès le lendemain, elle a commencé à m’éviter… Cette fois-ci, j’ai tout fait pour la confronter. Résultat, on a passé la nuit ensemble, en tout bien tout honneur chez elle mais on s’est violement disputé le lendemain pour une raison que je ne peux pas te révéler » continua-t-il accompagné d’une petite grimace d’excuse. « Sa sœur a eu un accident de voiture. D’ailleurs, le petit-ami de Summer était avec elle ce jour-là ; J’étais au Maroc avec une amie quand Andrea m’a envoyé des sms. J’ai pris le premier avion pour rentrer afin d’être auprès d’elle dans cette épreuve. Et voilà… on s’est expliqué et on a décidé de tenter l’aventure à deux »

« Ouais crois-moi, j’en suis pas vraiment fier » marmonna Bonaventure. Avec le recul, il s’en vouait réellement. Ce n’était pas son genre de sauter sur les femmes et encore moins une femme enceinte. Mais qu’est-ce qui lui avait passé par le crâne ce jour-là ? Leanne n’avait eu simplement qu’à le regarder avec insistance pour qu’il ait envie de quoi ? De s’envoyer en l’air ? Avec le recul, il comprenait qu’il n’avait pas couché avec Leanne parce qu’il avait été attiré par elle mais qu’il avait simplement confondu « égo » et « désir ». Par égoïsme, il avait cédé aux avances de cette femme parce qu’elle l’avait fait se sentir désirable l’espace d’un instant. C’était complétement crétin et sûrement allait-il s’en mordre les doigts plus tard. « Je regrette d’avoir couché avec elle, je parle même pas parce qu’elles s’avèrent être sœurs. C’est juste que tu me connais, je ne suis pas du genre… bon sang, j’aime pas les coucheries » grommela-t-il honteux. Certes, avec Amanda aussi il s’était allé à une nuit de passion mais c’était différent. Ils avaient été attirés l’un par l’autre et peut-être en avaient-ils eu besoin pour que les choses soient claires entre eux. L’amour n’avait pas été au rendez-vous point final. Bonaventure ne regrettait aucunement ce qu’il s’était passé entre eux car cela avait été dans une démarche à la fois tendre et respectueuse. Avec Leanne, cela avait été à la sauvette dans un vestiaire de l’hôpital et depuis, ils ne s’étaient pas vraiment reparlé. Une pulsion sexuelle. Oui, il n’y avait pas de quoi en être fier.

« Oui cela me manquait beaucoup… je veux dire, être en couple, avoir quelqu’un a choyé, ça me manquait » avoua-t-il cette fois-ci avec un sourire bien plus vrai. Bonaventure était content d’être à nouveau en couple et il était heureux qu’Amanda soit heureuse pour lui. Son opinion comme celle de Summer comptait énormément à ses yeux. « On va te trouver quelqu’un, tu vas voir ! Et puis, même si nous sommes en couple, nous aurons toujours le temps de nous faire des soirées en Quincy » lui dit-il avec entrain. Hors de question que de laisser la jolie blonde sur le bas-côté. Amanda le fit rire à nouveau alors qu’elle se morfondait légèrement sur sa soirée de Saint-Valentin. « Je t’offrirai même un bouquet de roses » lui promit-il avant de l’attraper par la main pour la forcer à accélérer l’allure. « Viens vite, je crois que j’ai vu une biche par-là » murmura-t-il en entrainant son amie dans son sillage. « Regarde là-bas, elle est avec son petit »

Amanda avait raison, c’était de l’histoire ancienne et Andrea semblait lui avoir pardonné d’avoir couché avec Leanne. En même temps, sa petite-amie avait eu un passé autant amoureux que sexuel, pourquoi n’en serait-il pas de même pour lui ? Certes, leur lien de parenté rendait les choses plus délicates mais Bonaventure ne l’avait su que bien après. « Oui Carpe Diem… en parlant de ça… Toi et moi, nous n’en avons jamais reparlé… De ce qui s’était passé entre nous. Je n’ai pas envie que tu penses que je regrette quoique ce soit en ce qui te concerne malgré les propos que je viens de tenir. Ce qui s’est passé avec Leanne… C’était différent de ce que toi et moi, nous avons vécu et je tenais à te dire que je regrettais pas même si au final, nous nous sommes rendus compte toi comme moi que l’amitié était ce qui nous liait » lui répondit-il avec sincérité et tendresse. Oui, le métisse ne regrettait absolument pas cette nuit passée entre ses bras mais il avait également compris au final qu’Amanda n’était qu’une amie tout comme il savait qu’elle en était venue à la même conclusion que lui. Il y a des histoires comme la leur qui n’était pas destiné à être davantage qu’une très belle amitié et cette dernière lui était vraiment précieuse.

« Tu mérites bien plus qu’une simple fleur voyons » protesta-t-il avec un grand sourire. Bonaventure Weasley, l’âme généreuse au possible. Il ne dépensait presque jamais rien mise à part pour sa passion des voyages alors, quand il pouvait gâter un proche, il ne s’en privait pas. L’argent, on ne l’emportait pas dans la tombe et puis, il n’avait aucun souci de ce côté-là. Amanda allait lui confier quelque chose mais son regard surprit un magnifique spectacle si bien qu’il l’attira avec lui pour le lui montrer. « Je ne pense pas, je crois qu’on leur ferait peur » murmura-t-il avant de prendre son appareil photo numérique et de zoomer pour qu’elle puisse voir de plus près les deux animaux. « Au fait, qu’est-ce que tu voulais m’avouer ? Je t’ai interrompu, pardonne moi » lui demanda-t-il alors qu’elle s’était interrompue. Là pour le coup, il était vraiment curieux de savoir ce qu’elle cherchait à lui dire

Bonaventure était soulagé qu’Amanda soit sur la même longueur d’ondes que lui car la dernière chose qu’il souhaitait, c’était qu’elle prenne mal ses propos. Au moins, les deux amis étaient clairs au sujet de la nuit qu’ils avaient passé ensemble. Une nuit qu’ils ne regrettaient pas mais qui avait eu le don de leur confirmer que leur amitié était bien trop précieuse à leurs yeux. En ce qui concerne Leanne, le métisse n’en était pas aussi sûr. Après tout, en dehors de l’hôpital, ils n’avaient échangé que quelques mots du coup, il avait l’impression de s’être plus servi d’elle qu’autre chose -son côté bien trop respectueux le poussant à le croire. « Oui, elle travaille à l’hôpital. Décidément, le monde est vraiment petit… » rétorqua-t-il surpris et amusé par ce constat.

La biche et son petit avaient par la suite retenu son attention, le poussant à interrompre une confession de la part de son ami, ce qui le poussa à le lui demander par la suite. Amanda lui confia alors qu’elle entretenait une sorte de relation poussée avec son psy. Son étonnement se manifesta par un frémissement de sourcils. « Je comprends…mais tu es sûre que c’est une bonne chose pour toi ? » lui demanda-t-il avec précaution. Il ne jugeait pas cette relation car on ne pouvait contrôler ses sentiments mais il craignait bien plus les répercussions pour Amanda. Cet homme était censé l’aider, être un soutien psychologique… S’ils en venaient à tout mélanger, qui aiderait concrètement la jeune femme ?   « Je ne te juge pas hein ! Je suis même très heureux de te voir sourire à nouveau mais je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter. Est-il sérieux avec toi ? Je veux dire, est-ce une personne digne de confiance ? » lui demanda-t-il toujours avec douceur. Cet homme devait être plus âgé qu’elle et Bonaventure voulait s’assurer de la sincérité de ce professeur en croisant les doigts qu’il ne s’agisse pas là, d’un abus d’influence. Doucement, il l’arrêta de marcher pour soulever son menton du bout des doigts. « Est-ce que tu es heureuse auprès de lui ? Car c’est tout ce que je souhaite »

La première réaction de Bonaventure avait la surprise puis l’inquiétude. Amanda était une femme qui lui était vraiment précieuse, elle était plus qu’une amie à ses yeux, elle était l’une des plus proches amies voire la meilleure. Il n’avait plus aucun secret ou presque entre eux et le fait d’avoir couché ensemble, les avait particulièrement rendus sensible à l’autre. De ce fait, il craignait beaucoup que cet homme ne cherche à abuser d’elle, de sa confiance aveugle qu’elle semblait mettre en lui. Le métisse lui-même, faisait confiance à son jugement alors qui croire ? Amanda ou ses propres doutes ?! Bonne question. « Je crois que dans un sens, j’ai envie de le remercier car te voir aussi triste, cela me brisait le cœur » avoua-t-il conscient que cet homme semblait vraiment sincère dans sa démarche vis-à-vis de la jolie blonde. Seulement, il rechignait à le reconnaitre car il était bien trop protecteur envers elle ou même envers Summer. Ce duo de femmes était tout pour lui, Bonaventure ne voyait plus son existence sans ses deux merveilleuses amies. Alors peut-être se montrait-il trop prudent, se gardant toutefois d’émettre le moindre jugement. « Est-ce que ce ne serait pas tout simplement de la gratitude que tu ressens à son égard ? Je veux dire, il t’est venu en aide et peut-être que tu confonds gratitude avec un autre sentiment plus profond ? » tenta-t-il de savoir, toujours avec douceur. Son but n’était pas de se mettre à dos Amanda mais bel et bien d’essayer de la guider au travers du tumulte de ses sentiments. Après tout, c’était à ça que servait un ami n’est-ce pas ? Savoir être l’avocat du diable et un guide objectif même si motivé par le bonheur de l’autre.

A l’annonce de son âge, il poussa un soupire de plaisir. « 28 ans ? Je crois que je suis rassuré… Quand tu m’as dit qu’il était psy et professeur, j’entrevoyais un homme d’une quarantaine d’années d’où mes doutes à son égard » avoua-t-il bien plus détendu. Amanda et cet inconnu devaient avoir six ans d’écart, rien de bien méchant. « Parle-moi de lui, comment il s’appelle déjà ? Je te promets de garder le secret » reprit-il en lâchant sa main pour lever les mains en l’air. « Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer »s’amusa-t-il à citer cette vieille phrase enfantine.