(Lux) Spotted.

Apparemment, elle ne me parlera pas de ce moment de flottement où j'aurais voulu l'embrasser. Ca n'a pourtant pas pu lui échapper... Mais soit, je comprends le malaise que cela amènerait, fatalement.

"C'était chouette, oui..." dis-je en reprenant ses mots, l'air légèrement absent. Et puis je la sens se redresser derrière moi, le canapé s'avachir dans mon dos. "Chinois, ça me va." J'aurais bien mangé tout autre chose, mais les règles de la décence m'empêchent d'exprimer cette pensée fugace. "Je m'occupe de commander, va prendre ta douche. Fais attention à ne pas te casser une jambe." Un léger sourire, et je dégaine mon portable, croise les jambes en tailleur, ramenant par la même occasion mon sac vers moi. Autant profiter de ce temps pour bosser sur les prochains cours.

Ça tangue un peu quand tu te lèves trop rapidement du canapé, tu aurais peut-être dû lui dire ce que tu avais ressenti après le fait qu'il ait essayé de t'embrasser dans la salle de danse. Tu as tellement de questions en ce moment et tu ne sais même pas où vous en êtes. Tu files dans la salle de bain que vous partagez, tu y entres, tu laisses glisser tes vêtements par terre et fais couler l'eau chaude dans la baignoire.
Quelques minutes plus tard tu entres dans la baignoire, l'eau chaude te fais du bien mais les vapeurs te montent un peu à la tête, et avec l'alcool que tu as ingurgité quelques heures plus tôt, ça ne fait pas bon ménage.

Quand t'es dans le bain, généralement ça t'aides à te vider la tête, mais là tu as juste trop chaud et tu sens que tu vas finir par perdre connaissance. Et c'est le black-out.

La commande passée, je repose mon portable, plonge consciencieusement dans mes cours. Quitte à me vider l'esprit, autant le faire de manière productive.

Le temps passe, sans que je n'y prête tellement attention. Je ne suis ramené à la réalité que par la sonnerie. Lux est toujours dans la salle de bains. Je soupire. Les femmes. Je ferme mon carnet, attrape mon portefeuille et paie le type. Après avoir déposé le sac dans la cuisine, je remonte le couloir, jusqu'à approcher de la salle de bain. "Lux, c'est prêt !" Je hausse le ton qu'elle puisse m'entendre à travers la paroi. Mais... Pas de réponse. Je toque à la porte. "Lux ? Tout va bien ?" Toujours rien.

Finalement inquiété par ce silence, je prends une profonde inspiration et pousse sur la poignée ; la porte s'ouvre et libère une quantité assez impressionnante de vapeur. Par terre, ses vêtements éparpillés. Le voile se lève et je vois sa tête dépasser de la baignoire, posée sur le rebord. "Hey !" Je réitère, en vain, et cède à mes premiers réflexe. J'approche plus franchement, et voyant qu'elle ne se réveillera pas, passe les bras sous les siens. Mes manches baignent dans l'eau tiède et blanchâtre ; elle est juste un poids mort, difficile à soulever, d'autant plus que sa peau a la fâcheuse tendance à glisser sous ma prise. Tant bien que mal, je tâche d'ignorer le fait qu'elle est à poil -j'ai de toutes façons une préférence pour les femmes éveillées, me concentre sur l'idée de la faire sortir d'ici. On manque clairement d'air, et c'est certainement ce qui l'aura assommée.

"Ah, putain..." Après moult efforts, je parviens à l'arracher à l'emprise de cette foutue baignoire, la soulève. Mes yeux se posent instinctivement sur sa poitrine, figent un instant, avant de descendre jusqu'à son entrejambe. Je me pince les lèvres, puis secoue rapidement la tête. Ca va pas, Nick, vraiment pas.

On sort de la salle de bains ; j'entre dans sa chambre, cogne malencontreusement la tête de la princesse dans le cadre de la porte -oups-, et la dépose enfin sur son lit. "Ahhh..." Je me redresse, les mains dans mon dos, et m'étire. Elle fait son poids, la grognasse... Il en faut peu pour que mes esprits se perdent à nouveau sur son corps. Sa peau fine et pâle ; ses airs endormis ; ses attributs féminins. Bordel... Dire que j'étais à deux putain de doigts de coucher avec elle. Si j'avais bu ne serait-ce qu'un verre ou deux de moins... Si j'avais rangé une capote dans mon pantalon plutôt que dans mon portefeuille... Nom de dieu.

"Ahem." Je toussote, me résous finalement à rabattre la couette sur la jeune femme, m'asseyant ensuite à ses côtés, le temps de reprendre le fil des choses. Elle m'en aura fait voir de toutes les couleurs...

C'est seulement au bout de quelques longues minutes que tu ouvres les yeux, apercevant Nick assis sur ton lit. Tu ne comprends pas trop ce qu'il s'est passé et surtout tu te rends compte que tu es toute nue sous ta couette. Tu as presque envie de pousser un hurlement de honte, mais aucun son ne sors de ta bouche. "Nick...qu'est ce qui s'est passé ? J'étais dans la salle de bain et...me dis pas que tu m'as vue toute nue ?" Ce qui est probablement le cas puisque tu es à poil sous tes couettes. Alors oui forcément tu piques un fard, honteuse et tu as même envie de pleurer. Tu ne pouvais pas imaginer pire comme situation, bon certes quelques jours avant vous étiez sur le point de coucher ensemble, mais là ce n'est pas pareil. "Tu...tu veux bien sortir de ma chambre ?"

Je la sens bouger. La belle au bois dormant se réveille. Mon regard se pose alors sur le sien, devine aisément toute la gêne qui en ressort. "Tu t'es évanouie, je viens tout juste de t'amener ici." Je lui réponds, sentant la barrière qui s'érige entre nous de quelques briques de plus. Je pourrais bien me dire que c'est bon, je l'ai vue à poil, et qu'est ce que je pourrais bien vouloir de plus ? Le fantasme n'a plus lieu d'être, et l'on peut reprendre nos petites vies respectives. Mais.. Quand elle me demande de sortir, je tique.

"Yep." A votre bon vouloir, Madame de Pudeur, je ne voudrais point brusquer vos précieux sentiments. Et oh, mettons de côté tous ces malencontreux instants d'égarement de votre part qui auront simplement consisté à aguicher mes sens. Oublions par la même que mes seuls intentions eurent été de vous secourir d'une potentielle mort par asphyxie ou noyade.

Je la fixe quelques secondes, une boule de frustration brûlante au creux des côtes, et me relève en un long soupire, pour quitter sa foutue chambre.

Ne le retiens pas, ce serait une belle connerie de lui demander de rester avec toi, qu'il te prenne enfin dans ses bras. Quand il quitte la chambre, tu sens quelques larmes couler sur tes joues, et tu te caches sous la couette, un air triste sur le visage. Quelle conne ! Qu'est ce qui t'as pris de lui demander de quitter la chambre ? Tu finis par te redresser, tu enfiles un teeshirt, ton bas de pyjama et sors de la chambre, ne sachant pas vraiment quoi lui dire. Il est juste là à quelques pas de toi, tu sens que ton cœur va te lâcher "Nick attends, je suis désolée, j'aurais d'abord dû te remercier de m'avoir sortie de la salle de bain... Je me suis juste sentie honteuse que tu m'aies vue toute nue..."

Continuer à vivre ici est une mauvaise idée. Ca devient carrément évident. Je l'avoue, pourtant, je n'ai pas déployé beaucoup d'efforts pour trouver mon propre appartement dans le coin. Ca ne serait pas si compliqué, pour un prof d'Harvard. C'est un boulot stable, bien vu, l'on ne me demanderait pas davantage. Mais je ne sais pas, peut-être ai-je commencé à trouver un certain confort, ici. Lux dégage quelque chose d'incroyablement chaleureux, et je me sentirais certainement bien seul ailleurs.

J'entends sa porte s'ouvrir, et tourne les yeux vers elle tandis qu'elle me rejoint dans la cuisine. "Ne t'en fais pas." Ca n'est pas ça qui me dérange. Pas exactement. "Je n'ai pas regardé." C'est faux. Je défais le noeud du sac contenant notre dîner, dépose les deux boîtes sur le plan de travail. "Tu te sens mieux ?" dis-je en essayant de laisser la frustration de côté. Elle n'aura pas eu le temps de dé-saouler, mais peut-être cela lui aura au moins remis les pieds sur terre.

Il est vexé et tu ne sais pas vraiment pourquoi, peut-être parce que tu lui as demandé de quitter ta chambre et de te laisser seule, toute nue sous la couette ? Tu n'arriveras donc jamais à comprendre les hommes ? C'est peut-être aussi pour ça que tu n'as jamais su te lancer dans une vraie relation avec un type bien, ou alors qu'ils ne veulent pas de toi pour une histoire sérieuse. Tu es perdue et tu sens une tension s'installer entre Nick et toi, comme si tu avais besoin de ça. Tu évites de le regarder plus longtemps et fais un signe de la tête pour lui faire comprendre que tu vas mieux, fuyant toujours son regard. "J'n'ai plus faim..." tu as la voix qui tremble " Si tu m'en veux pour quelque chose dis le moi, je ne supporte pas ce silence, ça me tue de penser que j'ai fais quoi que ce soit de mal..."

Elle n'a plus faim. Ca ressemble à une bonne dispute qui émerge de tout ce chaos. Je soupire, un léger pincement au coeur tandis que sa voix se met à trembler. Par ma faute. J'suis con, définitivement. "Ok, écoute.." Je repousse ce repas que l'on ne mangera de toute évidence pas tout de suite, et me tourne plus franchement vers elle. "Je... J'ai juste horreur d'avoir le cul entre deux chaises, tu comprends ?" Un léger rictus quelque peu nerveux se dessine sur mes lèvres. "Je n'ai pas l'habitude de courir après les coups d'un soir." Quelques uns seulement à mon actif, pas de quoi monter tout un tableau de chasse. "Surtout avec une fille avec qui je vis. D'autant plus maintenant que tu es... Tu sais, dans ma classe." Difficile de se dépatouiller de toute cette merde. Je me râcle la gorge, fais du mieux que je peux pour mettre les choses à plat. "Je ne veux juste pas que ce soit bizarre entre nous." Trop tard, sûrement.

"Un coup d'un soir hein ? Tu me considères comme tel alors qu'on a, je te le rappelle, rien fait à part quelques baisers et ça s'est arrêté là ? " Tu ne sais pas quoi penser de tout ça, tu pensais qu'il y aurait pu avoir autre chose entre vous deux, plus qu'un soi-disant coup d'un soir. Mais non, tu t'es trompée apparemment, et puis il n'a pas complètement tort, tu es son élève maintenant, alors ouais, forcément ça complique tout. Tu te passes une main dans les cheveux, assez nerveusement d'ailleurs puis tu lèves ton regard vers lui. "Tu as raison, il ne faut pas que ce soit bizarre, tu sais quoi, je vais faire comme s'il ne s'était jamais rien passé et reprendre une vie normale, côtoyer des jeunes de mon âge, et ne pas me prendre la tête pour une histoire d'un soir." Tu te mens à toi même, c'est tout ce que tu arrives à faire, tu n'arrives pas à te concentrer, et tu n'as pas non plus envie de te prendre la tête.

"Je te rembourserais pour le chinois, faut pas que ce soit bizarre entre nous, je vais dans ma chambre, bonne soirée..."