(Lux) Spotted.

”J’y pensais, oui. Puisqu’on est amenés à vivre ensemble, autant se faire amis.” Sur ces bons mots, je pose une main dans le creux de ses reins, la bascule legerement en arrière pour me pencher au dessus d’elle. J’espère qu’elle n’y voit que de l’innocence. Que du pur professionnalisme, ou tout au mieux une bonne entente. Bien sur, il y a plus. Bien sur, je veux plus. Concrétiser ce que l’on aura commencé. Et voir, après. Au pire, je demenagerai. Au pire, l’on ne sera plus rien l’un pour l’autre et le schema se répétera avec d’autres inconnus.

Je soutiens son regard quelques instants avant de la faire se redresser. “L’art, c'est toute ma vie. Mais je ne me suis jamais donné les moyens d’être un grand peintre ou un sculpteur renommé. Alors je suis devenu prof. Ça me paraissait être le plan idéal pour vivre d’une passion et partir d’Angleterre.” Je la fais tourner encore, la récupère plus près de moi. “Tout ça pour provoquer la même étincelle chez les étudiants qui supportent mes bavardages.” bavard, c'est bien le mot, et je suis en train de le lui prouver, encore. Je souris en me rendant compte que je parle trop, mais poursuis. “Donc oui jeune fille, compte sur moi pour te faire bouffer des expos à gogo. Tu me remercieras, plus tard.”

Tu danses avec ton prof et heureusement que personne n'est là pour vous voir...et si jamais quelqu'un vous trouve ici, ça pourrait bien passer pour autre chose. Mais ce petit rapprochement ne t'es pas désagréable loin de là, et quand sa main se pose dans le creux de tes reins, forcément ça te fais un petit quelque chose. Des frissons, voilà ce que tu ressens et avec les rougeurs sur tes joues il va vite s'en rendre compte. Tu secoues la tête, mais quand il rapproche son visage du tien, tu ne peux pas t'empêcher de fixer ses beaux yeux, son regard qui te trouble tellement. Et il parle, parle, pire qu'une fille mais évidement ça te fais sourire "Jeune fille ? Je te rappelle que je ne suis pas plus vieille que toi, enfin quelques années d'écart mais ça s'arrête là." et tu lui tires la langue, un geste purement puéril mais c'est lui qui te rends comme ça. Et tu ne t'es même pas rendue compte que la musique a pris fin. Et tu es toujours dans ses bras. Puis t'as qu'une envie là, c'est de pouvoir l'embrasser à nouveau, comme le soir de la dernière fois...

Les dernières notes sonnent la fin de notre valse ; quelques minutes à peine qui auront suffi à me plonger dans un tout autre monde. Loin des cours, des collègues, des problèmes, de tout le reste. Il n'y a plus qu'elle et moi, plantés bêtement au beau milieu de la scène trop vide, sous des lumières trop blanches.

Ma main remonte lentement le long de son dos, habite le silence du simple froissement de ses vêtements. Je suis incapable de détacher mon regard du sien, happé corps et âme par chacune de ses mimiques, chacune de ses respirations, ses lèvres qui s'étirent, ses iris brillantes. C'est stupide. Ce qui se trame entre nous est dangereux. Absurde. J'ai pourtant la sensation que rien ne sera assez fort pour nous faire choir tant que l'on se tiendra ici, plus haut que le monde.

Mes doigts glissent sur sa nuque, se mêlent à quelques mèches de sa chevelure sombre auxquelles son chignon aura daigné rendre la liberté. Je crois... que je me laisse aller. Et tant pis si le réveil est brutal. Je ne lui réponds que par un mince sourire. J'ai l'esprit trop occupé à se battre. A peser le pour et le contre. Fatalement, je me penche vers elle, l'attire, prends mon temps, fais durer cet insupportable suspense. Cette attente intenable de saisir ses lèvres, l'emporter avec moi dans cette ivresse rêveuse.

Mais la porte claque, s'ouvre. Je lâche tout, recule brusquement, deux grandes enjambées, et tourne la tête. Un groupe d'étudiants. Rien qu'à les voir, on imagine aisément qu'ils cachent un pack de bières sous leurs affaires, cherchent un coin tranquille pour picoler. Ils nous voient, ne me laissent pas le temps de réagir, pouffent et décampent aussitôt. Merde.

Je tique, contrarié, et n'attends pas davantage pour descendre de la scène. "Merde." Je passe mes mains sur mon visage, me foutrait bien deux baffes si cela ne me ridiculisait pas instantanément. C'est con, Nick, et ça n'est pas comme si vous ne pouviez pas prendre votre putain de temps ; ne serait-ce que patienter jusqu'au soir pour laisser libre cour à ces foutues poussées affectueuses.

T'es dans ses bras, quelques centimètres seulement vous séparent l'un de l'autre, tu peux sentir le souffle de ses lèvres sur les tiennes et rien que ça, ça te fait rêver... Qu'est ce que tu attends Nick...? que tu penses alors que tes yeux parcourent son visage, ses lèvres, tu bloques sur ses lèvres encore... Le temps s'arrête quand tu es avec lui, c'est la première fois que ça te fait ça quand tu es avec un garçon, t'y es pas habituée et tu commences même à avoir peur de tout ça. Et pourtant... Le temps reprends son cours quand des étudiants débarquent dans la salle, la magie s'arrête là, ç'aurait été tellement plus simple si tu ne l'avais pas connu ou bien si tu n'étais plus étudiante à Harvard. Il te repousse, ça aurait pu être pire que ça, mais heureusement qu'il ne s'est rien passé. "Je...je devrais y aller, j'ai un cours dans pas longtemps, on se retrouve ce soir. Bonne journée "professeur".

Tu t'éloignes de lui, le cœur battant bien trop rapidement, tu récupères ton sac, ta clé USB et tu quittes la salle sans te retourner.

Je soupire, encore, puisqu'il n'y a plus que ça à faire. Putain. Quel boulet. Sérieusement. La belle se décide à briser le silence pour m'annoncer son départ. Je n'ai pas la moindre raison de la retenir ; au contraire, pourvu que l'on se sépare aussi vite que possible. Je hoche la tête, la laisse filer, et reste ici pour le reste de ma pause, installé sur les sièges rembourrés à lorgner sur le plancher à peine foulé.

On se retrouve ce soir, oui. Justement, nous y voilà. J'ai fini les cours vers 17h, pris ma caisse sans m'attarder sur le campus et roulé jusqu'à l'appartement. Personne. Lux n'est pas encore arrivée. Tant mieux, tant pis, je n'en sais rien. J'entre, laisse tomber mes affaires et ma veste sur le canapé, mes clés sur la table basse. Et quand elle rentrera, qu'est ce que je ferai ? Cette question me martèle l'esprit, me saoule déjà de trop. Je crois qu'il faudra tout bonnement improviser sur le tas. En attendant, et parce que c'est sans doute la seule chose qui puisse réellement me détendre, j'allume la chaîne hifi, fouille dans les nombreux CD que j'aurai ramenés d'Angleterre et en choisis un de Queen. Je passe quelques chansons jusqu'à atteindre I want to break free. Je monte le son. Et je me saisis de l'aspirateur pour faire un peu de ménage, sans me priver de chanter à tue-tête, l'appareil ne suffisant largement pas à couvrir ma voix et ma détermination.

Tu es partie, laissant Nick et cette danse partagée avec lui derrière toi, tu as mis les voiles un peu trop rapidement, telle une voleuse... Tu aurais dû faire quoi ? Rester et braver les interdits avec lui ? Risquer de vous faire griller, risquer sa place au sein du corps professoral et te faire virer de la fac ? T'es perdue, tu ne sais plus quoi penser, et finalement au lieu de retourner en cours, tu optes pour quitter la fac et te changer les idées. C'est seulement après quelques pintes de bière que tu décides de rentrer à l'appart, légèrement éméchée et sentant la clope mais pas que. T'avais besoin d'oublier les rapprochements beaucoup trop dangereux avec Nick. Tu tournes la clé dans la serrure, tu entends de la musique et le bruit de l'aspirateur.

C'est là que tu le vois en train de chanter sur du Queen, et tu retiens un rire nerveux, laissant tomber ton sac de cours par terre. "J'aurais jamais cru voir ça un jour Loewy." que tu lui fais pour lui signaler ta présence.

"I don't want to live alone, hey, God knows, got to make it on my own. So baby can't you see, I've got to break free !" Petit déhanché bien rythmé en passant l'aspirateur, au calme. Une voix vient cela dit m'interrompre dans mon délire lorsque Freddy Mercury laisse leur place aux instruments pour reprendre le dessus. Je me retourne, légèrement surpris mais loin d'être gêné. Je devrais, surement, mais Queen a ce drôle d'effet sur mon humeur : ils balaient tout ce que j'ai de pessimisme.

Je souris à la brune, et lève le tube de l'aspirateur vers elle pour la cibler. "Je me passerai de tes commentaires, darling." Rapidement rattrapé par la frénésie du solo guitaristique, je me prends d'une inspiration de air guitar, mimant les gestes du musicien sur le manche en me rapprochant de Lux, traînant l'appareil sur ses roulettes. Je hausse un sourcil, regard de flamme, et pose les genoux à terre, me penche en arrière pour un merveilleux final, à ses pieds. Une belle sérénade s'il en est. "Oh I want to breaaaak freeee !" La musique s'arrête doucement, ma voix avec. Je me mets à rire légèrement, poussant le bouton de l'aspirateur pour mettre fin à ce boucan infernal. Toujours genoux à terre, je lève le visage vers Lux et ses petits yeux rouges qui trahissent assez clairement son état. Testons son humour enfumé avec une petite vanne ; "Alors, qu'est ce que tu en penses ? Je peux tenter Britain's got talent ou il est encore trop tôt ?"

Le voir faire de l'air guitar ça te fait sourire bien sûr, puis de toute façon c'est un rien te ferait rire dans ton état. Puis bizarrement tu prends peur quand tu le vois poser un genou à terre, c'est généralement les gestes que font les hommes pour demander la femme qu'ils aiment en mariage. Alors oui, tu flippes, après c'est peut-être qu'une impression, mais ton petit cœur lui, il s'affole. "Alors là mon vieux même pas en rêve, tu chantes comme une casserole. Mais avec un bon coach, moi, là tu auras peut-être une chance. Wooh ça tourne..."
Tu attrapes ton visage dans tes mains et cherche désespérément du regard le canapé, pour finalement y poser tes fesses dessus. "J'ai un peu trop abusé sur le joint moi..."

Et tu te laisses tomber en arrière, ta tête atterris sur un petit coussin et tu fermes les yeux " J'ai pensé à toi tout l'après-midi tu sais..." Tu balances ça comme ça sans vraiment réfléchir à c'que tu viens de dire.

"Tu me brises le coeur, Lux." dis-je en plaquant une main sur mon torse tandis qu'elle descend en flèche mes talents de chanteur. Oh, ça n'est pas ça qui me dissuaderas de recommencer à l'avenir. La belle passe, s’assoit sur le canapé. Moi, je me relève pour aller ranger l'aspirateur dans son placard non loin de là, lorsqu'elle m'avoue avoir fumé. "Ca se voit. Et ça s'entend." je lui réponds sans me soucier vraiment de son état ; elle n'a pas l'air mal. Et je reviens, approchant au moment d'une toute autre révélation. Voyez-vous donc. Pensé à moi... Mon ego frétille sous cette louange ; cela devrait me mettre mal à l'aise, mais après ce qu'il s'est passé, ça coule presque de sens. Ca aura accaparé toute mon attention également, occasionnant quelques lapsus assez dérangeants dans le reste de mes cours.

Je m'assois par terre, adossé au canapé, tends le bras pour me saisir de la télécommande restée sur la table basse, et baisse considérablement le volume de la musique qui continue, malgré tout. Je lui laisse son espace, mais demeure bien trop curieux d'en entendre plus pour m'esquiver dans une autre pièce. "Et qu'est ce que tu t'es dit ?" Je demande doucement, tournant les yeux vers son minois trop détendu.

Lux tu devrais apprendre à réfléchir avant de parler, surtout dans l'état dans lequel tu es. C'est pas ton genre de dire c'que tu as sur le cœur ou de déballer tes sentiments trop facilement. Tu as toujours appris à faire gaffe pour pas souffrir et même à accorder difficilement ta confiance aux autres, mais avec Nick c'est pas pareil. En plus d'être ton coloc, il est aussi devenu ton prof, et tu devras apprendre à faire avec, puis lui faire confiance. Tu as les yeux encore fermés, tes paupières sont lourdes et avec l'alcool ça aide pas franchement. "Je sais pas trop, écoute pas c'que je dis, j'suis un peu défoncée et je dis souvent des bêtises dans ce cas... J'ai...j'ai juste repensé à la danse qu'on a partagé, tu t'es plutôt bien débrouillé et c'était chouette." Finalement tu te redresses et glisse ta main dans tes cheveux "Je vais prendre une douche, ensuite je commande chinois, à moins que tu ne veuilles manger autre chose ?"