Il n'a pas à me remercier, après avoir emmené sa fille à l'autre bout du globe, même en l'ayant prévenu, c'était la moindre des choses que de lui offrir cela, de m'offrir cela, écouter sa voix rassurante dans laquelle raisonnait toute l'inquiétude qu'il ressentait à chaque fois qu'il me voyait ou se retrouvait face à mes conneries en ce moment. S'il prenait des rides c'était à cause de moi, à cause de tous les soucis que je lui causais, parce qu'ils étaient plutôt nombreux en cette période. Est ce qu'il devait aussi me remercier pour le lit ? Non plus ! Je me fichais bien de tout ça, c'était du matériel et cela n'avait pas d'importance, tant que j'étais dans mon cocon, dans mes souvenirs pour tenter de m'apporter un peu de baume au coeur, il n'y avait rien de plus importants. Et puis je dois dire que même si je ne l'avais jamais imaginé, et bien je me retrouvais avec la famille que j'avais toujours rêvé de composer dans cet appartement et c'était plutôt une belle chose. J'attirai Priape jusqu'à la salle de bains, à croire que nous avons tous les deux un souci avec cette pièce, mais cette fois je ne fermai pas le verrou derrière moi, je me contentai de nous planter tous les deux devant le miroir. Il tenta une petite pirouette sur l'air de l'Ukraine mais je n'étais pas dupe, il ne fallait pas me prendre pour une idiote et je savais qu'il avait juste tenté de noyer le poisson. « Qu'est ce qu'il est fort l'air de l'Ukraine pour faire ça aussi vite alors que tu viens d’atterrir ! » Même s'il y a un peu de route en l'aéroport et l'appartement, il n'aurait pas eu le temps de faire un tel ravage sur son visage, en une heure, même en pleurant à chaudes larmes, je n'avais pas cette tête, c'était la tête de plusieurs jours de tristesse, d'inquiétude, de mal être ou de malaise. « C'est plus facile à dire qu'à faire.... Et c'est plus facile à essayer qu'à réellement faire surtout quand le coeur lutte contre la tête... » Mais est ce que je peux vraiment m'imposer ça ? Le voir évoluer, le voir être heureux et moi me cantonner dans ce rôle de petite femme présidente de sa confrérie, étudiante brillante quand elle n'est pas complètement déprimée et maman à ses heures perdues ? Non, j'ai besoin comme tout le monde d'être heureuse, de me sentir aimer et pas qu'en amitié. Je suis plutôt timide et réservée mais j'ai aussi ressenti après Mila le besoin de plaire, de voir peut être cette petite lueur qui était allumée dans le regard de Priape, la voir dans celui de quelqu'un d'autre. C'est la raison du pourquoi je me suis laissée aller avec Maxime ou Joachim, je me suis accrochée à l'envie de voir cette lueur, à l'envie d'avancer moi aussi, mais ça a été des échecs, des échecs que maintenant mon ex petit ami peut me reprocher et peut détourner à sa guise pour avoir des arguments en plus pour me repousser. Assis tous les deux sur le canapé, je jouais franc jeu avec le jeune homme. Il me répondit et le voyant gober d'une traite son verre je lui en servis un deuxième comme pour l'encourager à l'avaler aussi alors que je buvais cul sec, mon premier. Reposés sur le dossier du canapé, complètement avachis dedans tous les deux, son regard se posa sur moi alors qu'il attendait surement la réponse à sa question sur le fait qu'il embrasse mal ou soit un mauvais coup. Mais ces deux derniers mots restaient plantés dans mon coeur alors je pris la bouteille et me servis un second verre aussi donnant le sien à Priape pour trinquer et le boire aussi vite. Je reposai tout sur la table puis me remettait en place en fixant le plafond. « Maxime... Joachim... Après Mila ton regard a changé, puis il y a eu Brynn et j'ai compris que je t'avais vraiment perdu, que tu ne reviendrais pas... Je jouais la bonne copine, mais la bonne copine ne voyait pas un seul regard qui disait qu'elle n'était pas qu'une maman, qu'elle pouvait être aussi une jolie femme, une femme désirable... Ton regard, ce regard me manquait... J'ai eu besoin de me rassurer et d'essayer d'aller le chercher ailleurs, espérant le trouver pour te laisser tranquillement vivre ta nouvelle vie en couple et ne pas en arriver à couper les ponts avec toi, en arriver là. » J'avale difficilement ma salive. Je ne pense pas avoir raconter à Priape le cheminement qu'il s'est produit dans ma tête pour en arriver jusqu'ici, du moins pas avec autant de ressenti, pas avec autant de franchise, de sincérité. « Mais ces deux "histoires d'un soir" ...» dis je en faisant les guillemets avec mes doigts, « ... n'ont fait que me renvoyer plus fortement à la figure que je ne parvenais pas à passer à autre chose alors que toi tu le faisais très bien et la tête que j'avais peut être faussement réussi à sortir un peu de l'eau, s'est retrouvée entrainée au fin fond d'un océan sans fond, toujours tirée plus bas. » Le plafond ne tourne pas sous l'effet de l'alcool, pas encore, les deux premiers verres ça va en général. Ma tête se laisse tomber du côté de Priape pour le regarder quand j'en reviens à la question cachée de la fin de sa phrase. « Alors ne me demande pas si tu embrasses mal ou si tu es un mauvais coup, parce que je ne serais jamais objective sur ce point... Et je te dirais toujours que j'espère que t'as été un mauvais coup pour elle puisque j'espérai fortement que vous n'en soyez pas encore arrivés à là, le reste, l'attachement, les sentiments enfin je ne sais quoi mais votre statut de couple, de vrai couple qui se donne une chance, étant déjà bien assez douloureux. » Voilà là au moins il savait vraiment tout. Au moins il comprenait maintenant que mes coucheries n'étaient pas dues à des sentiments mais à une envie d'avancer, de retrouver confiance ce qui avait complètement échoué et que j'avais aussi mal vécu le fait qu'il soit en couple avec des sentiments que lui vivait le fait que j'ai couché avec Maxime et Joachim, ou peut être pire, je n'en sais rien, chaque personne est différente.