kithina ✗ remember me

Une boîte sous le bras, j'allais tranquillement chez Athina. Comme convenu, nous avions prévu de nous faire une après-midi... Souvenirs. Et bon sang, y'avait quand même matière à y passer l'aprèm, la soirée et la nuit. On avait vécu tellement de choses ensemble... Alors, moi et ma boîte "spéciale Glasgow" nous étions plantés devant chez elle. Merde, mais qu'est-ce que je devais faire en arrivant ? L'embrasser, comme un... Couple ? Nan, j'voulais pas faire de connerie, j'allais simplement me contenter de sourire, et voir si elle avait envie de se jeter sur moi ou pas. J'voulais plus prendre les devants, c'était moi qui avait tout mené l'autre soir, alors... En plus, j'étais pas chez moi cette fois. J'étais l'invité. Et j'étais d'autant plus mal à l'aise par rapport à notre conversation messagère d'il y a quelques jours. Ouais, fallait pas que je me sorte de la tête que l'autre plouc était encore en lice... Ruben, là. Bon, pour l'occasion, en plus d'avoir amené ma boîte pleine à craquer, je m'étais même arrangé pour avoir l'air présentable. Je m'impressionnais, parfois. Salut Thina. Patientant devant sa porte, j'avais souri, tout bêtement souri, une fois qu'elle m'avait ouvert. Et c'était parti pour la blinde de souvenirs, d'émotions, de tout...

Assise sur le canapé, je joue avec ma bague. La bague de fiançailles que Kit m'avait offerte trois ans auparavant. Un bijou délicat : une légère émeraude, un anneau travaillé dans un style ancien. Pas tape à l'oeil, pas conventionnelle, d'un autre temps : elle est parfaite. Depuis que Kit est revenu, je la regarde de plus en plus souvent, me demandant ce qu'elle signifie pour moi, pour nous. J'aime les objets qui ont un sens, et elle en avait : une promesse, puis un souvenir. Mais maintenant, que veut elle dire ? Je la range dans ma poche en entendant frapper à la porte. Je suis comme une gamine à son premier rendez-vous... J'ai rangé l'appartement, aéré, fait les poussières. J'ai balancé les bouteilles qui jonchaient le dessous de mon lit à la poubelle. Ouais, je tiens pas à ce que Kit voit dans quel état je me mets... Boire est devenu essentiel à mon sommeil ces derniers temps : boire au lit, c'est pas très glorieux ! Putain, j'ai le coeur qui bat à 3000 à l'heure ! Qu'est-ce que je suis censée faire au juste ? Ce qui est arrivé l'autre soir... J'étais bourrée, il etait déchiré. Il avait envie de me voire en amie, ou alors ?... Moi je peux pas fais semblant, le voir est devenu un BESOIN. Mais y a eu notre prise de bec vis à vis de l'Australie... Je chasse cette idée de mon esprit et vais ouvrir. Vis l'instant présent Athina ! Devant moi se tient Kit, tout sourire, une boute sous le bras. Je ne peux m'empêcher de remarquer les signes qui marquent qu'il est clean. Ces signes, je les connais par coeur, et ça me transporte de joie de le voir comme ça ! Je lui souris sincèrement : "Kit ! Salut !" Je lui fais signe d'entrer et ajoute : "Ca va ? T'as pris la fameuse boîte apparemment !" Je le regarde entrer dans mon appart et je me demande si je dois/peux l'embrasser... J'en crève d'envie... Je m'approche  de  lui, à deux doigts de l'embrasser, puis je me ravise. "Tu veux boire quelque chose ?"

J'avais vraiment de tout dans ce carton. Et ne parlons même pas de la valeur sentimentale de chaque chose. Quand Matthew était passé chez nous, à Glasgow, il avait foutu en vrac mes affaires dans un carton. De retour chez mon père, j'avais du trier toutes ces affaires, et si j'avais jeté des tonnes de trucs sans importance, tout ce qui était relié de près ou de loin à Athina, j'avais pas pu. C'était mon petit côté romantique et fleur-bleue. J'pouvais me montrer d'une grande nostalgie pour tout ce qui touchait à Thina, et aujourd'hui, c'était atroce. Atroce, d'autant plus qu'elle s'était approchée de moi, et encore une fois, j'avais l'impression que le temps allait se ralentir pour nous. Mais que dalle. Je m'étais penché vers elle, doucement et... Et allez que tu peux aller te faire voir. Alors, j'avais soupiré, et j'avais baissé la tête, le carton dans les mains. C'était ça, donc. On était des potes. Su-per. Nan, c'est bon. Air de déception sur le visage, j'avais pas envie qu'elle me serve quoi que ce soit. En fait, si, je mourrais d'envie d'un truc fort, là. Mais ça n'en valait pas la peine, c'était mort. J'avais hésité, j'avais vraiment hésité à péter mon câble à cet instant. Ah ouais, c'est tout, alors ? C'était pas tout, chez moi. Donc, j'suis plus que ton vieux pote de lycée. Salop...eries de sentiments. Allez, zen, j'étais pas là pour ça, après tout, c'était pas le moment de perdre pied. Putain, mais dire que j'avais tout fait pour ce moment soit parfait... J'étais complètement clean, j'avais pris soin de me pointer à l'heure et de ramasser précieusement toutes les affaires de la boîte. Frustration... J'pose tout ça où ? Je lui montrai la boîte, et j'avais redressé un peu la tête, mais toute trace de sourire s'était envolée. Ouais, j'étais plus trop d'humeur à sourire, pas après... Après ce rien. A la base, j'voulais juste qu'on se pose affalés sur un canapé en déballant nos trésors, j'voulais qu'on rigole comme des cons, que ça soit super et comme avant. Enfin bon. J'étais à peine arrivé, fallait pas que je commence à faire la gueule. Putain, j'aurais bien voulu exploser la gueule de son mec, quand même.

J'aurai voulu l'embrasser, pas le planter là comme ça... Mais j'arrive pas à m'enlever Ruben de la tête ! La trahison habite mon esprit et faire ça, encore, ce serait tellement... Bon et coupable. Je vois bien que Kit est déçu, mais je ne sais pas quoi faire pour rattraper ça. C'est clair, il me déteste à ce moment là... Et donc je comprends quelque chose. Je comprends qu'il faut plus que j'hésite, sinon je vais le perdre... Je me suis foutue dans cette situation, à moi de me débrouiller. J'ai choisi les deux, alors je vivrai mon amour avec les deux en oubliant l'autre ! Du coup, après que Kit ait décliné ma proposition de rafraichissement, je lui désigne la table du salon : "T'as qu'à mettre ça là ! Et on peut se mettre sur le canapé! J'ai hâte de voir ce que t'as ramené ! J'ai sorti les albums !" Je parle des albums photos de Glasgow, voire de Boston qu'on a fait. On était adeptes de ce genre de chose, mais on les avait jamais feuilletés jusqu'à aujourd'hui. Je le laisse déposer sa boite, je tire la bague de ma poche et l'enfile à mon doigt alors qu'il a le dos tourné. Je viens me placer en face de lui. Cette fois-ci je n'hesite pas. Je me mets sur la pointe des pieds (ouais, Kit est plus grand que moi aussi, cherchez pas, je suis une naine), et je pose mes lèvres sur les siennes. "Je suis désolée de mon hésitation... Mais je suis nerveuse, je sais pas ce que tu me laisses le droit de faire ou pas..." En clair, t'acceptes qu'on se fasse du bien/mal ensemble ? Je me laisse tomber sur le canapé et je tapote la place à côté de moi. "Tu t'assois ? Ma bague de fiançailles est bien en vue à mon annulaire gauche, reste à voir comment il va le prendre....

Lorsqu'Athina m'avait désigné la table du salon, c'était limite si je ne m'étais pas précipité dessus. Ouais, ça commençait déjà à devenir tendu, alors mieux valait obéir sagement, et au moins, l'espace d'environ dix secondes, on n'aurait rien eu à se reprocher mutuellement. C'était... Pitoyable d'en arriver là. J'en venais presque même à regretter d'être venu. D'être réapparu dans sa vie tout simplement. Tout avait du être bien plus simple avant que je ne me pointe et que je fasse chier tout le monde. Enfin bon, j'étais là, j'étais pas mort, et j'avais qu'à assumer mes conneries, même si elles dataient quand même. Le passé me pourchassait toujours. Et puis, elle s'était bien rattrapée, elle était -enfiiin- venue m'embrasser. Au moins, son geste eut le mérite de m'arracher un sourire. Un sourire, et pas seulement. En trois secondes, j'avais l'impression que tous mes soucis s'étaient envolés. Hop, plus qu'elle et moi à nouveau. T'inquiète. C'est pas comme si j'allais te refuser quoi que ce soit. Eh ouais, parce qu'il y avait toujours l'autre connard dans sa tête, je le savais. Enfin, fallait vraiment que je le chasse de mes pensées si j'voulais pas péter un boulon. Et ça ne tardait pas, quand, s'étant assise, elle avait mis la bague en évidence. Enfin, pas une bague, nan, LA bague, elle la portait autour du doigt, et à ce moment là, j'ai su qu'on était toujours fiancés, finalement. Ouais, la mort n'avait pas encore réussi à nous séparer. Pas d'bol. Alors, j'avais souri encore plus, j'pensais plus qu'à nous, on était encore seuls au monde. C'était comme si rien n'avait changé depuis Glasgow. J'avais plein de papillons dans le ventre, je me sentais enfin trop bien. M'asseyant à la place qu'elle m'avait indiquée, j'avais passé un bras autour de ses épaules et j'avais saisi sa main. Tu sais qu'j'ai galéré à la trouver, celle-là ? En fait, pour rien te cacher, j'ai fait huit magasins parce que j'en trouvais pas d'assez bien. Véridique, en plus. J'avais vraiment fait tout mon possible pour dégoter celle qui lui irait à merveille, celle qui lui plairait plus que n'importe quelle autre. L'amour...

Je me sens trop bien quand je suis avec Kit, trop bien pour l'ignorer. Je rêve que tout soit comme avant et j'ai envie de me foutre des claques ! Je profite de l'absence de mes colocs et du fait que mon copain soit occupé pour inviter chez moi mon (ex)fiancé. Quand je pense que s'il avait pas fait le con on serait mariés, vivant je ne sais où sur la planète : on était capables de tout ! Cette bague, c3'st ce qu'elle signifie en fait : regarde tout le temps qu'on a gâché, maintenant faut qu'on le rattrape ! Avait-on perdu notre temps ? Ben je ne le crois pas, et je ne crois pas non plus que le temps puisse être rattrapé. Il nous file entre les doigts comme du sable fin et on a beau serrer les phalanges, il s'écoule. On n'y peut rien ! Ce qu'il me dit après notre baiser me rassure et en même temps, je me sens coupable, parce que je le fais souffrir et qu'au lieu de me détester, il est consentant. Au final, je pense qu'on est tous les deux victimes du destin, on a merdé/on merde tous les deux et on en subit les conséquences ! Il est heureux de voir que j'ai ma bague et je suis aussi heureuse de la porter. "Ah ! D'où les fameux catalogues de bijoutiers ! " J'arrive toujours pas à croire qu'il ait gardé ça ! "En tout cas, t'aurai pas pu en trouver une mieux.. Je l'adore !" Comment vous dire que le sentir si proche, son bras sur mes épaules le goût dans tous mes états ! Je me contente de poser ma tête contre le creux de son épaule.

C'était à nouveau trop cool entre elle et moi. D'accord, ces derniers temps avaient été plutôt chaotiques et riches en émotions, mais malgré tout, j'étais absolument incapable de lui en tenir rigueur. Plus à cet instant en tout cas, même si dans ma tête, malgré le bien-être du moment, il y avait toujours un arrière-goût de Ruben, comme une épée de Damoclès au dessus de mon crâne qui pouvait me trancher à tout moment. Mais j'essayais tant bien que mal de penser à autre chose, de me focaliser sur l'instant présent, et en l’occurrence, ça n'était pas si mal puisque je tenais Athina dans mes bras. Ah, les catalogues. Quelle histoire, en effet. C'est pas que je tenais à eux ou qu'ils avaient de la valeur... C'est qu'ils me faisaient penser à toi, et c'est pour ça que j'les ai toujours, j'ai jamais pu jeter quoi que ce soit qui me rappelait toi. Je rigolais, parce que je sentais bien que ces catalogues allaient me suivre. J'aurais jamais du lui balancer une telle connerie, et j'aurais encore moins du les ramener... Bonjour l'image de virilité que je renvoyais. J'suis super content qu'elle te plaise, alors. Je l'avais regardée en souriant, enfin heureux. Damn, on avait vraiment l'air d'un couple... Et c'était cool. D'autant plus cool qu'elle posait sa tête sur mon épaule.

Kit et moi c'est naturel. C'est bien d'être ensemble et de ne soucier de rien d'autre que nous, que ces souvenirs. C'est une manière de relier le passé au présent. Il m'a fallu toute la matinée pour retrouver les affaires de Glasgow, disséminées dans l'appart. Ouais, je suis bordelique et avant que les filles n'emménagent, tout était stocké dans les deux chambres de rab de l'appartement. Mais quand elles se sont installées, j'ai tout trié et j'ai jeté pas mal de trucs. De Paris essentiellement... Glasgow... J'pouvais pas. Tout me rappelait Kit et je pouvais pas jeter ça, c'aurait été m'arracher le coeur. A part ça, je ne suis pas matérialiste, hein ! Pour tout vous dire, après sa "mort" j'avais traîné des semaines durant le t-shirt de Kit, qu'il avait porté la veille. Un peu bizarre, mais je l'avais senti pendant des jours, j'avais pleuré assez pour faire pousser une forêt dessus. Jusqu'à ce qu'il perde son odeur. A partir de là, j'ai décidé de me relever, je me suis inscrite à la fac à Paris et je le suis cassée. Ce t-shirt par exemple, était dans une valise, les albums photo dans des tiroirs, des malles dans ma chambre, un carnet de places de ciné dans mon sac à main et -oui, je le confesse, c'est extrêment gnan-gnan- les catalogues de robes de mariée dans mon armoire. Tout ça est a présent sur la table de mon salon, face à nous. "Tu veux qu'on fasse quoi ? Y a des choses dont j'ai honte aussi là : catalogues de robes de mariées... Et puis les photos ! Faut qu'on regarde les photos !" Je sais pas si c'est une bonne idée de remuer tout ça, peut-être qu'on a plus rien à voir avec les deux ados qu'on était alors... Mais bon, ça on le saura que quand on aura essayé hein !

Je me posais une question, une seule question, mais plutôt fondamentale dans son essence ; qu'étions nous l'un pour l'autre, en fait ? Étions-nous toujours fiancés ? Enfin, j'veux dire, on ne s'était jamais séparés "officiellement" -quoique la "mort" était un bon prétexte, mais passons-, et à moins qu'elle se soit mariée dans l'intervalle... Techniquement, nous devions être toujours fiancés. Mais... J'en savais rien. J'pouvais plus la voir comme "ma fiancée". Elle était plutôt, maintenant, "prise et pas par moi". Et ça, ça avait le mérite de me les casser bien comme il faut. Bon, mieux valait en revenir aux souvenirs. Alors, là, j'avais bien rigolé, d'un rire franc et sincère. Tu vois que j'suis pas le seul à kiffer les catalogues. J'en reviens pas... Mais, attends... Je pris soudainement conscience d'une évidence qui m'avait pourtant échappée jusque là. A Glasgow, je m'étais fait arrêter à peine une semaine avant la date prévue de notre mariage. Ça ne se jouait pas à plus de trois ou quatre jours, même. Alors... Merde, est-ce qu'elle avait acheté la robe ? Oh putain. Me dis pas que... T'avais acheté une robe ? Je m'en serais voulu, mais alors voulu qu'elle me réponde par l'affirmative. Meeerde, en plus, vu le prix des robes... J'veux dire, je m'en serais voulu encore plus que je ne m'en voulais déjà. Putaaain... Clairement, je m'étais redressé, et j'avais légèrement froncé les sourcils, une mine de surprise teintée d'anxiété sur le visage.

Je repense au jour où Kit est "mort". C'était la semaine qui précédait notre mariage, la dernière semaine avant ce passage vers l'éternité ensemble. Et bon sang ! Qu'on faisait un beau couple ! J'étais même pas majeure aux yeux de la loi écossaise et on était tellement insouciants ! On avait invité quelques potes de Glasgow, j'avais choisi des filles de la fac comme demoiselles d'honneur, je me souviens plus de qui était le témoin de Kit. Et on avait quand même décidé de faire les choses bien : avec la robe et tout. Donc oui, j'avais fini par choisir une robe meringuée à froufrous... Non, celle que j'avais choisie était blanche mais simple : à bustier, longue, de la dentelle dessinait des motifs floraux du bas jusqu'à ma taille. Une robe simple, mais élégante. Elle aurait plu à Kit. "Oui, j'en avais achetée une... Mais n'en fais pas tout un drame mon amour, je l'ai tout de suite décommandée et elle a été remboursée... Je l'ai même pas eu à l'appart, elle était aux retouches quand t'es parti." Je veux pas qu'il m'imagine pleurer dans ma robe de mariée qu'il ne verrait jamais. Le truc trop horrible ! "J'peux te la montrer si ça t'intéresse... Elle est dans un des catalogues." Je prend conscience que je l'ai appelé"mon amour". J'y peux rien, ça me vient sans réfléchir... Je suis dans ses bras, sur mon canapé et je me sens tellement bien ! J'en oublierai presque le problème principal de notre relation : mes sentiments pour Ruben... Bon sang Kit, pourquoi a-t-il fallu que tu partes ?