※ one day a nerdy boy will get the princess Danae

Bon bon bon. Voilà voilà. Tirons un avantage de la gêne occasionnée par ces discours maladroits ; Danae et Cody ne s'engueulaient plus. Dommage que pour cela, Cody ait dû s'auto-embrouillé le cerveau, avouant ne pas vouloir que son histoire avec Danae finisse avant qu'elle ne commence. Si on parlait de leur amitié, clairement, elle avait déjà commencé. En fait, dès demain, il devrait se replonger dans les cours de philosophie qu'il avait suivi au lycée. Son cours parlait de la manifestation du subconscient, du sur-lui, bref, de choses qu'avait dit Freud et qui permettait de mettre en cause l'état de santé mental du philosophe et si oui ou non il était adepte de la ganja à l'époque. Mais on s'en foutait de Freud en fait. « Ouais OK d'accord cool super ça marche. » Non. Cody ne lisait pas le dictionnaire des synonymes de 'd'accord'. Il répondait juste bêtement à Danae, en se massant sévèrement la nuque. C'était vrai qu'ils étaient mal partis pour être meilleurs amis. Mais comme si Cody en avait besoin d'une autre avec qui s'engueuler quand leurs avis divergeaient. « De toute manière, la distribution du rôle de la BFF est déjà faite. » Craignant que Danae lui lance son regard WTF qu'il n'aimait pas, il s'expliqua ; « Ouais, dans ma tête, ma vie est un film. Il y a un casting, des rôles, des intrigues … Et des rôles sont déjà pris, d'autres non. Là tu vois, le bal est tellement ennuyant qu'il faudra couper la scène au montage. » Et là, comme pour illustrer ses dires, il mima un ciseau avec ses doigts et trancha une bobine invisible. Il fallait qu'on installe un bouton PAUSE sur Cody, et un PLAY aussi. Il n'était pas foutu de trouver le juste milieu entre les moments où il en disait trop et ceux où il n'en disait pas assez. « Aaaah la fatigue. » fit-il en s'étirant les bras vers le plafond, comme pour justifier ses paroles sans queue ni tête.

Intérieurement, Cody comptait les verres sirotés ce soir. Un, deux … Il n'y en avait pas tant que ça. Mais sérieusement quoi. Du coup, il ignorait un peu pourquoi il partait dans des monologues chelou, évoquant comment fonctionnait son cerveau comme s'il était face à sa psychologue. Oh non pitié, sa psychologue. Le pire, c'est que Danae adoptait ce genre de comportement bienveillant avec lui, limite si elle ne demandait pas à ce qu'il lui raconte les peurs refoulées de son enfance, bouuuh. Donc voilà, si vous ne saviez pas, Cody imaginait sa vie comme dans un film. Le début, les péripéties, le générique de fin. Les personnages qui avaient un rôle prépondérant s'appelaient Jackie et Cerceï ses deux meilleures amies radicalement opposées, Maggie l'ex relou et accessoirement mère de sa fille, Joan l'autre ex relou plutôt du genre à venir lui demander son avis sur son nouveau boyfriend. Quelle belle brochette. Danae, elle lui posa une colle. Quel rôle lui donner ? La raison le guidait vers celui de l'amie adorable, sur laquelle on peut toujours compter, vous savez. Sauf qu'il éprouvait un blocage, une part de lui l'empêchait de répondre ça. « Je n'ai ... pas encore défini ton rôle. » lâcha-t-il soudainement. Il passait pour le mec qui hésitait, qui réfléchissait à ce qu'il allait faire de Danae, en écoutant du Céline Dion dans son salon. « Mais je te fais signe quand j'aurais trouvé le rôle, l'intrigue, pour que tu saches à quoi t'attendre, que tu te prépares, que tu prennes tes précautions, tu vois. » Sympathique le principe de prendre ses précautions avant l'intrigue. Pendant une fraction de seconde il avait senti qu'il regagnait des points dans son estime mais s'il continuait à ne pas trouver les bons mots, son ascension ne durerait pas.

Même Cody admettait qu'il avait une manière assez terrifiante de présenter la future intrigue à Danae. Comme si elle devait tenir un grand rôle dans sa vie, comme s'il était déterminant, ou comme si elle risquait au contraire de tenir un rôle pas cool. Mais en fait, il n'en savait rien, il n'en saurait rien tant qu'il ne parviendrait pas à caler Danae dans une case. Ils revinrent au bar où le Lowell s'assit sur le tabouret voisin. Il ne reprit pas son verre. Il n'en ressentait pas l'envie, se concentrant sur les questions de Danae qui s'intéressait visiblement aux films du jeune homme. Elle demanda le genre. « … Porno. » termina-t-il tout naturellement, dans la continuité de la phrase de Danae. Face à cette nonchalance déconcertante, elle devait le prendre pour un obsédé, un détraqué sexuel, quelque chose du style. Il se rattrapa donc presque instantanément et posa sa main sur le poignet de la jeune femme – sans vraiment s'en rendre compte – puis corrigea, amusé ; « Je déconne, hein. Une comédie c'est parfait. » Même s'il n'avait pas perçu le ressort comique quand son ex lui avait arraché sa fille des bras ou quand il a commencé à avoir besoin de l'alcool pour se sentir heureux. « J'pense pas non. J'verrais plus, par exemple, une adaptation sur toi, sur tes exploits en Afrique pour aider des orphelins. » Il marqua une pause, lui lança un regard narquois en référence à leur effritement de toute à l'heure. Il abrégea, il n'avait pas fini son discours ; « Et moi je serais un second rôle, le gars en arrière-plan qui a beau être drôle, être le plus gentil du monde, ce sera jamais lui qui aura la fille. Tu vois où je veux en venir ? » Il parlait du style de personnage, en lui-même quoi. Même s'il aurait pu être plus clair.

Comédie, oui, comédie semblait bien le correspondre. Au moins, il n'aurait pas besoin de surjouer ; il était une grosse blague à lui tout seul. Danae se débrouillait plutôt bien dans l'art d'échafauder des intrigues, même son documentaire a priori chiant gagna tout l'intérêt de Bleeker. Par contre, il évita d'imaginer la mort de Danae. Non pas qu'il refusait de la voir mourir dans le film, c'est juste qu'elle était vachement classe ce soir, il ne voulait pas lui faire perdre tout le glamour qu'elle lui envoyait dans la face depuis qu'ils se parlaient. Néanmoins. « Tu devrais opter pour la mort asphyxiée par le cul d'un éléphant. Original, du jamais vu. » Ou alors, il ne regardait pas les bons films. Et il ne regardait certainement pas les films où le pote gentil rigolo pas beau avait la fille, d'où son scénario qui ne plaisait guère à Danae. Elle voulait jouer sur l'effet de surprise en disant que ce n'était pas le mec aux abdos qui finirait avec la fille. Et d'ailleurs, Cody avait peur de faire un amalgame, mais il n'avait pas l'impression qu'elle parlait encore de leur film. Elle parlait du personnage de Cody en disant clairement 'pourquoi tu n'aurais pas la fille' ce qui le déconcerta. Et le rassura. Merde. Pourquoi il se sentait rassuré ? Une boule de chaleur se forma au fond de ses entrailles, faisant grimacer Cody. Boule de chaleur, aussi agréable sois-tu, barre-toi de là. Ils étaient dans une conversation sérieuse, en réunion d'affaires, ils parlaient cinéma, c'était sérieux. Pas le temps pour les sentiments. Avec un air de professionnel du cinéma, style Steven Spielberg sans les lunettes de Harry Potter, il répondit ; « Bon écoute, je vais peaufiner tous les détails, étudier la satisfaction des spectateurs et présenter une étude du marché le mois prochain. » Le tout en se levant de son siège. Ce qui était marrant, ce fut la grimace que son visage dessina juste après, genre 'pourquoi j'ai dit ça merde j'ai vraiment dit ça' mais sitôt pensé, il reprit une expression normale. Danae finirait par prendre Cody pour un schizo, ça ne pouvait pas se passer autrement. Bon, maintenant qu'il était debout ; « J'te paye un verre ? J'te paye une danse ? J'te paye … J'te paye ? » On allait mettre ça sur le coup d'un GROS coup de fatigue.

En Afrique, il était peut-être courant le meurtre par asphyxie due au derrière d'un éléphant. Peut-être même que ça arrivait tous les jours, que les habitants avaient l'habitude d'écrire sur la tombe des défunts ; 'le rêve de tonton Marcel était de voyager sur la lune, il est mort en le réalisant'. Il y avait tout de même une dimension poétique, tout comme le film de Cody avait une dimension économique. Lui, t'façon, une fois qu'il était parti dans ses cours. Finalement, Cody invita Danae à danser. Jusqu'ici, tout allait bien. Du moins, si on excluait son bégaiement de Cody, signe qu'il est temps de changer de vitesse, et le sourire niais de Danae. Au moins, ils se complétaient. À eux deux ils pourraient se proposer pour devenir le sosie officiel de Simplet, le nain dans Blanche-Neige. « Super ! Parce que j'n'ai rien sur moi, je sais pas comment je t'aurais payé. » En nature. Cody n'était pas un grand adepte de danse, quelle qu'elle soit. En soirée, quand il avait quelques grammes d'alcool dans le sang, no problem. Ce soir, où il se sentait oppressé par tous les us et coutumes des bals de promo, il s'agissait là d'une autre paire de manche. Heureusement que Maxym avait été une très bonne prof avec lui. Presque très bonne. Elle s'était contentée de lui montrer les slows. Ils s'éloignèrent du bar. Pendant une fraction de seconde, Cody pensa à ses awards qu'il avait sûrement oublié là-bas. Par chance, ils n'avaient pas encore de jambes, de pieds et de super baskets pour s'en aller au Royaume de Fort Fort Lointain. Le Lowell se retroussa littéralement les manches, comme un peintre prêt à attaquer un gros chantier. Vous n'imaginez pas la concentration que danser lui demandait. « Je connais qu'une danse. » avoua-t-il enfin à Danae. « Elle ne se prête pas à cette musique. » pouffa-t-il de rire quand il remarqua que la chanson en cours pulsait, rien à voir avec ce sur quoi il s'était entraîné. Quoique lui, il s'en fichait de danser des slow, surtout avec elle. Après tout, Danae et lui étaient amis, pas d'ambiguïté, ahah. Ahah.