(+Thais) Un Weyss peut en cacher un autre.

Le coup avait réveillé mes migraines mais ce n’était rien comparé à l’inquiétude que je conservais à l’égard de ma femme. Qu’est-ce qui avait bien pu la mettre dans cet état. « Merci »marmonnais-je tandis que j’attrapais les cotons pour essayer d’endiguer la vague rouge qui était en train de salir tout le lavabo. J’étais même bon pour faire une rapide toilette également. « Ce n’est pas ta faute… Retourne sous la couette, j’arrive dans cinq minutes » lui ordonnais-je en essayant de mettre un peu de douceur mais pour le coup, j’étais un peu grognon comme tout ours mal luné qui venait de se manger un coup de boule. Au bout de cinq minutes, je revenais dans la chambre, la retrouvant en train de grelotter dans le lit. « Qu’est-ce qui se passe ? » lui demandais-je en déposant ma main sur son front. « Tu as de la fièvre, je vais appeler le médecin » décidais-je en cherchant mon portable sur la table de nuit.

Thaïs n’avait pas esquissé un mot supplémentaire, retournant sur le lit mais en position assise, incapable qu’elle était de s’allonger de peur que le cauchemar ne recommence. Vraiment, la visite de ses parents adoptifs ne lui avaient pas fait du bien et même la présence de Samuel, d’Anna, de Caleb et de ses parents n’avait pas réussi à endiguer le mal et les souvenirs qu’elle ressentait. La jeune irlandaise triturait nerveusement ses mains au moment où son mari fut de retour dans la chambre et dès lors qu’il lui eut posé la question, les larmes se mirent à couler. « Non ! Ça va aller, j’ai toujours une poussée de fièvre quand je fais des cauchemars de ce type, vraiment » attrapa-t-elle sa main car à l’heure actuelle, Thaïs avait surtout besoin de sa présence à lui, pas d’un toubib qui ne pourrait de toute façon rien pour elle. « Tout s’est mélangé dans ma tête… je te revoyais à l’hôpital me repoussant sans me reconnaître, puis avec Isaline en appelant nos bébés « mon gosse » en t’effaçant de l’équation et puis j’ai revu des dizaines de souvenirs de mon passé en Irlande et j’avais beau hurler il n’y avait personne… j’avais l’impression d’être au bord d’un gouffre et tout ce que je pouvais faire, c’était plonger d’un pas en avant, comme s’il n’y avait plus aucun autre espoir ! »

« Chaton, viens ici »murmurais-je en l’accueillant dans mes bras, toujours aussi sensible à ses pleurs. Je n’aimais pas lorsqu’elle pleurait, je me sentais toujours aussi impuissant à calmer ses chagrins alors, comme à mon habitude, je lui offrais ma présence, ma chaleur pour tenter de l’apaiser, la berçant tout contre moi. Je me sentais tellement coupable d’être en partie responsable de ses cauchemars. Je souhaiterai tellement pouvoir faire plus, lui permettre d’oublier mais je ne possédais pas ce pouvoir. Malheureusement. « J’aimerai remonter le temps et me mettre des claques pour t’avoir fait souffrir durant mon amnésie ; J’aimerai pouvoir effacer ces souvenirs douloureux de ta mémoire… Thaïs, peut-être qu’il serait bien qu’on consulte tous les deux ? Je ne sais pas, un thérapeute de couple pour surmonter cette épreuve ensemble. Je vois bien qu’elle te travaille et qu’elle continue de te faire souffrir. C’est peut-être une solution ? » lui proposais-je. J’étais prêt à faire n’importe quoi pour l’aider à surmonter ce traumatisme.

En soi, la chaleur de Caleb était déjà d’un réconfort certain. Thaïs se permit même de fermer les yeux un instant, sentant ses larmes s’amoindrir pour mieux finir par s’apaiser totalement. Quelle ne fut pas sa surprise d’entendre son mari lui proposer une thérapie de couple pour surmonter ses cauchemars ! Peut-être était-ce une solution mais sur le coup, la jeune irlandaise devait s’avouer septique, au point de s’écarter légèrement de lui non sans rester à quelques millimètres seulement. « Une thérapie ? Tu crois que ça pourra nous aider, vraiment ? Je veux dire, toi tu ne sembles pas faire de cauchemars, je comprends pas pourquoi ça m’affecte autant alors que je t’ai retrouvé, que l’on a même appris que l’on allait avoir des jumeaux, que l’on allait se marier ici, dans la clairière où on s’est rencontrés… je crois que j’ai une trouille bleue de te perdre et que la venue de mon passé qui m’a sauté en pleine gueule ne m’a pas aidée. »

La thérapie de couple me paraissait être une bonne idée sur le moment car pour tout avouer, cela m’avait toujours été d’une grande aide que ce soit au moment où j’avais dû faire face aux abus du père de mon défunt meilleur ami ou encore durant mes deux cures de désintoxication. « Chaton, nous n’avons pas vécu cet épisode de la même manière. J’avais perdu la mémoire, je n’avais pas conscience ni de mes sentiments ni même de notre passé contrairement à toi. Je n'étais qu’une page blanche alors que toi, tu devais vivre avec nos souvenirs, avec notre amour. Il est normal que tu sois davantage marqué par tout cela et crois-moi, je passerai ma vie a essayé de te faire oublier tout cela » l’embrassais-je avec tendresse avant de ramener une mèche de cheveux derrière son oreille. « Tu ne me perdras plus… Je crois même que je vais faire une vidéo où je parle de combien je t’aime, combien je suis heureux avec toi si jamais une connerie pareille devait m’arriver à nouveau ce que je n’espère pas »

Thaïs n’était pas fermée à l’option, mais ça l’effrayait tout de même de devoir parler de choses aussi personnelles avec un parfait inconnu. Cela pouvait sembler effrayant mais si Caleb lui assurait que c’était une chose à tenter, elle voulait bien lui faire aveuglément confiance, comme depuis tant de mois où elle n’avait pas hésité une seule seconde à le suivre… « J’adorerais oublier cet épisode, j’avoue… rien que d’y penser, ça me tue. Mais ce qui me tue le plus c’est que j’ai l’impression de radoter les mêmes choses depuis qu’on est arrivés, j’avance pas, j’y arrive pas ! J’ai beau essayer de toutes mes forces, dès que tu n’es pas à côté je m’inquiète direct, et encore, tu ne m’as pas proposé d’aller faire les courses ! J’en viens à éviter de te parler de mes envies de femme enceinte même si elles virent à l’obsession parfois… si jamais il t’arrive à nouveau une chose pareille, je crois que je pète un boulon et que je me tire une balle ! Mais je veux bien voir la vidéo quand même » rigola-t-elle sur la fin de son discours.

Nous n’étions pas obligés de parler devant un inconnu, je pense qu’un de nos amis communs pourrait très bien faire l’affaire même si pour le coup, je serais bien plus à l’aise devant un professionnel. Au moins j’étais certain que notre vie privée n’atterrirait pas à la une de ce torchon qui circulait de temps en temps dans les couloirs. « Chérie, écoute moi bien attentivement » lui répondis-je en me décalant pour mieux prendre son visage entre mes mains, plongeant mon regard dans le sien même si elle n’était pas capable encore, de s’en rendre compte. « Je ne veux pas que tu me tiennes en dehors de ta vie ou de tes envies sous prétexte que j’ai eu un accident. Cela aurait m’arriver en sortant des cours ou même en intervention… On ne peut pas prédire l’avenir surtout que tu aurais pu être blessée également… Je sais que tu as peur de me perdre à nouveau et crois-moi, je ressens cette peur tous les jours car je n’ai qu’une trouille, c’est qu’il t’arrive quelque chose pendant l’accouchement. Nous devons essayer de faire avec nos peurs, de les dépasser avant qu’elles nous bouffent. Nous sommes en vie tous les deux et nous devons en profiter » monologuais-je un court instant. « Pourquoi ne ferions-nous pas cette vidéo ensemble ? Cela pourrait être amusant dans cinquante ans, de la regarder à nouveau » terminais-je sur une touche bien plus légère.

Les peurs de Thaïs étaient en train de la bouffer complètement et pour le coup, le discours de Caleb ne pouvait pas sonner de façon plus juste à son oreille. Elle l’écoutait avec une attention somme toute particulière, cherchant à s’imprégner de ses paroles, à se les rentrer dans le crâne pour éviter de continuer à agir comme la dernière des crétines en la matière. « Mais chéri, il ne va rien m’arriver pendant l’accouchement, je vais bien ! » ne put-elle s’empêcher de s’exclamer dès lors qu’il eut mis fin à son monologue, car lui non plus ne lui avait pas fait part de ses doutes et de ses peurs. « Je te promets de ne plus rien te dissimuler si tu fais pareil avec moi… on est une équipe, toi et moi contre le reste du monde, tu te souviens ? Tu sautes, je saute. » Thaïs était diablement sincère et ponctua ses paroles d’un baiser avant qu’un petit rire cristallin n’embaume subitement la pièce. « On pourrait en faire plusieurs, histoire que je me souvienne de mon mode baleine ! » plaisanta-t-elle avant de se pencher vers la table de nuit pour mieux en sortir un petit écrin noir. « Ouvre. » Elles étaient gravées à la date de leur mariage, évidemment.

« Tout comme, il ne m’arrivera rien si je sors faire des courses » répliquais-je aussitôt pour lui montrer combien nos peurs pouvaient être paralysantes quand nous les laissions gagner du terrain. « Cela me semble être un bon compromis ! Toi et moi, nous allons nous serrer les coudes… J’aime cette idée de tu sautes, je saute » murmurais-je car je me sentais proche d’elle comme avec aucune autre personne. Elle était le centre de toute ma vie et je crois que si je venais à la perdre, j’y laisserai la vie tout simplement car Thais était mon existence même, mon souffle, ma raison de vivre. « J’irais acheter une caméra demain pour que nous commencions nos vidéos. Cela pourrait être un héritage pour nos enfants après tout… on évitera les vidéos érotiques quoique… ça ne te tenterait pas ? » rigolais-je éprouvant le besoin de faire le con pour détendre complétement l’atmosphère avant qu’elle ne me tende un écrin. « Chaton… Elles sont magnifiques ! » fis-je avec difficulté tant elle venait de me scier les jambes. « Quand est-ce que tu les as… ? Ouaw J’en perds mes mots ! » murmurais-je avant de tout simplement l’embrasser pour lui faire comprendre que je ressentais.

« J’aurais quand même le droit de t’accompagner faire les courses ? » papillonna-t-elle des yeux tout de même, car Thaïs allait vraiment être en mode poussin dans les semaines à venir, autant qu’il s’y attende. « Déjà quand on s’est rencontré à la fac c’était tu sautes, je saute, ça ne peut pas être plus vrai aujourd’hui ! » s’exclama-t-elle car combien de fois Caleb l’avait-il sortie de la merde ? Pfioow elle ne comptait plus, il ne valait mieux pas pour sa santé mentale. Mais il était devenu capital dans son existence dès le premier regard et aujourd’hui, elle ne voyait pas son existence lumineuse s’il n’en faisait pas partie. « Ah non ! Ce qui est érotique reste privé, pas envie que quelqu’un d’autre me voie nue nan mais oh ! Tu plaisantais j’espère ? » s’inquiéta-t-elle sur le coup, sa jalousie en prenant un coup dans les castagnettes. « En fait, je les avais fait faire la veille de ton accident. J’avais réservé une super table dans ton restaurant préféré et je devais te les offrir en te proposant une date pour notre mariage… mais vu que nous allons nous marier ici, je pense qu’il vaut mieux qu’on soit bien parés non ? Tu les aimes vraiment ? » Thaïs ne se priva pas pour lui rendre son baiser dans un mélange de tendresse et de passion, oubliant presque la fièvre menaçant de faire exploser littéralement sa tête. Là, tout de suite, elle s’en fichait bien.