(flashback) Isaiah&Thaïs + be my hero of the day !

Tiens, il n’était arrivé qu’en septembre ? Bien sûr, Thaïs n’avait pas la science infuse ni la capacité de lire dans les pensées, par conséquent il lui était impossible de savoir ce genre de choses mais au moins, il lui offrait la possibilité de choisir entre plusieurs restaurants. A Cambridge comme partout, toutes les adresses ne se valaient pas et puisque la jolie irlandaise avait été admise à Harvard sept ans plus tôt, il allait sans dire qu’elle avait côtoyé plus d’un restaurant, même en étant fauchée comme les blés. Sa situation financière n’était guère stable, surtout en ce moment, mais elle n’était pas sans job, bien que son emploi au Burlesque soit tout sauf quelque chose dont elle pouvait se vanter… bah, une chance qu’Isaiah non plus ne lise pas dans les pensées ! « Je peux te guider avec plaisir ! Souhaites-tu que je choisisse moi-même le restaurant ou que je te file les cartes de plusieurs pour que tu fasses ton choix ? L’un dans l’autre ça m’est égal, tous ceux que je connais sont très bien et on se remplit bien la panse, ce qui est quand même l’idéal. » Thaïs avait beau donner l’impression d’être une grignette comme ça, elle n’en demeurait pas moins gourmande et possédait un excellent coup de fourchette. En définitive, c’était la personne idéale à côtoyer lorsque l’on voulait manger dans un bon endroit. « Je ne connais pas mon numéro par cœur, je t’avoue… mais note le tien dans mon téléphone et tu trouveras mon numéro à mon prénom dans mon répertoire… je t’avoue que c’est plus simple vu que je casse souvent mon téléphone, maladresse oblige ! Comme ça tu m’appelleras quand tu le souhaites pour qu’on se la fasse, cette fameuse bouffe… »

Je n'avais jamais été une personne difficile, mes parents étant du genre à ne pas l'être non plus. Alors non, mon enfance n'avait pas été hilarante : très vieux jeu, ma mère avait instauré de nombreuses règles, visant essentiellement à me pomper l'air et depuis tout petit, elle se battait avec moi pour que je mange de tout. J'imagine qu'il aurait fallut la remercier désormais : ça n'avait pas été très drôle mais résultat, je n'avais pas une petite brioche en guise de ventre et je ne répugnais pas à avaler tout ce qui n'était pas recouvert de sucre. Alors franchement, je me moquais bien de voir les cartes, à la limite autant avoir la surprise surtout que la nourriture indienne, on retrouve les mêmes choses partout et j'étais pas non plus sur qu'il y est vingt-huit restaurants en proposant à Cambridge. Si tu les trouves tous bons, c'est l'important. T'auras qu'à me faire la surprise proposais-je. Tant qu'on mangeait bien, j'allais pas faire le moins du monde la fine bouche et elle avait l'air d'avoir du goût, alors je lui faisais confiance. Elle m'expliqua ensuite qu'elle avait tendance à oublier son numéro, si bien qu'elle l'avait inscrit dans son portable, en guise de précaution. J'acquiesça. Pas de problème. D'accord, on fait comme ça. Je tendis une main vers elle, attendant qu'elle en fasse de même. Passe moi ton téléphone si tu veux, comme ça je te rentre le mien de suite. Proposais-je. Bon, c'est pas comme si on était pas sur le même campus et sans doute voués à se revoir de toute façon, mais il y avait quand même du monde à Harvard et je ne savais pas si elle m'avait dit son nom de famille. Enfin bref, autant s'échanger les numéros maintenant.

(c) darkdreams/marine

Thaïs n’était pas non plus très difficile au niveau nourriture, pas alors que ses moyens ne lui permettaient pas de faire la fine bouche. Elle avait certes un bon coup de fourchette et cela ne l’empêchait pas d’avoir d’excellents goûts quand elle s’y mettait mais la tempétueuse blonde savait tout aussi bien se contenter de la carte offerte par un dinner que celle d’un restaurant un peu plus huppé. Après tout, il lui aurait été difficile de faire la fine bouche étant donné que même lorsqu’elle voyait encore, elle n’avait jamais été dans la peau d’un formidable cordon bleu… « Va pour la surprise ! Ce sera d’autant plus sympa pour toi… » reprit-elle aussitôt car de son côté, elle adorait les surprises de ce genre, qui égayait son existence, elle qui restait vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans le noir le plus total. Certes, Isaiah n’était pas dans la même position qu’elle mais cela ne l’empêcherait certainement pas de profiter d’un moment agréable, sans arrière pensée ni prise de tête car Thaïs n’était experte ni dans l’un ni dans l’autre, en plus de ne pas en éprouver la plus petite envie. « Voilà mon téléphone, déjà » fit-elle en le cherchant dans son sac non sans attraper sa main au passage, remerciant son ouïe particulièrement aiguisée pour être à l’affut du plus petit bruit, y compris celui de l’air que l’on déplace en faisant un geste quelconque. « J’espère que ça ne te dérange pas de me prévenir… après tout je ne me ballade que dans les salles de danse et de musique, je vais rarement ailleurs et quand bien même, le désavantage c’est qu’à moins de t’entendre parler dans un couloir j’aurais du mal à te reconnaître » avoua-t-elle en haussant légèrement les épaules.

J'approuvais d'un signe de tête. Je n'avais jamais été un très grand fan des surprises : j'avais écopé ça de mon père, homme méticuleux n'aspirant à rien plus qu'à conserver un contrôle permanent. J'avais moi aussi ce besoin, sans doute moins marqué cependant et pour ce qui était d'une surprise alimentaire, je risquais pas grand chose, c'était le genre que je pouvais tolérer. Oui, c'est ce que je me disais confirmais-je. Je lui demandais ensuite son téléphone, afin de me rentrer parmi ces contacts. J'avais tendu ma main, mais je comptais plutôt récupérer le téléphone dans la sienne pour lui faciliter la tâche. Non. Elle attrapa ma main, sous mes yeux dans lesquels perçait une certaine admiration mêlée à une larme de surprise. J'avais une boule dans l'estomac en essayant de me figurer comment elle devait se sentir. Être sans arrêt plongé dans la noir. J'avais beau ne pas trouver ma vie des plus lumineuses, encore moins en ce moment, au moins, je voyais clair. C'était injuste, de part son caractère et sa gentillesse, son insistance pour me rendre la pareille, je ne comprenais pas que ce genre de choses arrive à une fille comme elle. La vie est une garce. Une vraie. J'étais curieux au sujet de ce qui avait put l'amener à perdre sa vue, mais je ne voulais pas demander. Ca devait être un sujet très difficile et ça ne me regardait pas : je n'aurais pas apprécié de recevoir une question personnelle, susceptible de faire remonter des émotions fortes. Je pouvais comprendre qu'on ne veuille pas répondre à certaines questions et je tenais pas à la mettre dans ce genre de positions. Plongé dans ma réflexion à propos de ce qu'on pouvait bien ressentir à être brusquement privé d'un sens, de quelque chose qu'on croyait éternel, je m'étais stoppé en plein mouvement, ma main toujours tendue vers Thaïs, refermée sur son téléphone. Je secoua la tête. Excuse moi, je planais répondis-je en m'activant, rentrant rapidement mon numéro sous mon prénom dans son répertoire. Non, ça ne me dérange pas du tout, ne t'en fais pas arguais-je avant de lui mettre son téléphone dans sa main. Et voilà.

(c) darkdreams/marine

Effectivement, un silence relativement long s’installa entre eux mais plutôt que d’en être dérangée, Thaïs s’y habitua, comme à tant d’autres silences auxquelles elle se trouvait confrontée dans la vie de tous les jours. Isaiah ne pourrait sûrement jamais le comprendre, mais l’ignorance était le sentiment qu’elle ressentait la majeure partie du temps. La jolie irlandaise avait appris à ignorer de la même façon mais cela ne voulait pas dire que pareil comportement ne la blessait pas. Elle qui avait le cœur sur la main et de l’affection à revendre, se retrouver en position de quantité négligeable la mettait si mal à l’aise que parfois, elle s’asseyait contre l’un des innombrables escaliers de Harvard pour réfléchir, posément, dans une solitude qu’ELLE aurait choisie, et pas un autre individu lambda rencontré au hasard. Mais cette fois-ci, ce silence ne lui paraissait pas gênant ou même à briser à tout prix de façon rapide et sans bavure. Il existait, point barre, et lorsque son interlocuteur choisit de reprendre la parole, Thaïs ne put qu’accueillir la chose avec un sourire chaleureux. « Tout va bien ? » s’enquit-elle sans même savoir pourquoi et sans vouloir interférer dans le fil de ses pensées mais juste parce qu’elle se souciait en toute simplicité du bien-être des autres. « Merci pour ton aide aussi pour ça, décidément tu as été l’homme de la situation aujourd’hui ! » s’exclama-t-elle non sans remettre l’appareil au sein de son sac pour éviter de le perdre : ce n’est pas qu’elle n’avait pas sans arrêt les moyens de s’acheter un nouveau téléphone mais presque. « Tu veux peut-être que je te laisse tranquille ? Je crois que je t’ai suffisamment emmerdé pour les trois cent douze prochaines années ! Ou au moins pour aujourd’hui… »

Je me mordis la lèvre. Ah ouais, je voulais pas lui poser de questions qui puisse la gêner, alors j'avais préféré opter pour un silence gênant. Bien joué, Isaiah, continu donc comme ça. Je secoua la tête. Oui, oui, je vais bien. Répondis-je en m'efforçant de le faire ressentir dans ma voix. Oui, j'allais vraiment bien c'était juste que voilà, parfois je divaguais et je me paralysais tout seul en plein milieu d'une conversation. Normal. Son commentaire me fit sourire. Elle lésinait vraiment pas sur les compliments ou les remerciements. On pouvait pas le lui reprocher. De rien, j'ai mes jours comme ça ou j'aime porter secours aux jolies blondes en détresse qui m'attrapent en pleine traversée de couloirs. Enfin, mes heures plutôt plaisantais-je. Oui, les heures c'était mieux. J'avais jamais été quelqu'un d'égoïste, je n'avais pas toujours fais le bien autour de moi, soit et ça me hantait toujours, mais en dépit de toutes mes erreurs, je n'arrivais pas à me considérer comme une personne au fond purement mauvais. Je n'étais pas le méchant, juste pas le gentil non plus. Je lui rendis son téléphone portable et alla r'enfouir mes mains dans les poches de ma veste. Elle me proposa de me laisser à présent et je réfléchis un peu, tout en m'efforçant un peu de ne pas nous instaurer un nouveau silence pesant au coeur de notre conversation. Il fallait que j'aille récupérer Lady maintenant. Ca allait être ce genre de moments mignons auxquels je suis pas habitué, le genre ou on découvre pleins de petits chiots, en attente d'une famille et qu'on vous indique que le votre, c'est forcément celui que vous trouvez le plus mignon, parmi tous. Huhu, j'allais m'amuser, même si je ne doutais pas de ma capacité à fondre devant un petit chiot. J'avais un coeur, quand même. Avec sa gentillesse, ses sourires et son agréable conversation, je ne put m'empêcher de penser que c'était le genre de choses qui pourrait plaire à Thaïs. Tu aimes bien les chiens ? Lui demandais-je, attendant sa réponse pour lui proposer ou non de m'accompagner chercher ma nouvelle petite colocataire.

(c) darkdreams/marine

Thaïs n’insista pas une fois rassurée sur le fait qu’il aille bien : c’était le genre de réponse qui généralement lui suffisait et pour la peine, elle lui offrit un sourire radieux sans rajouter un seul mot. Qu’y avait-il à dire ? Puisqu’elle ne comptait pas lui faire subir un interrogatoire en règle, chose qui aurait été d’un irrespect total à ses yeux, la jolie irlandaise attendait qu’il ne reprenne la parole pour ne surtout pas paraître lourde. Chose qu’il ne manqua pas de faire plus rapidement qu’elle ne l’aurait prédit, d’ailleurs… « Hey, tu devrais en faire une vocation, tu étais parfait dans le rôle, tu sais ! » avoua-t-elle non sans éclater de rire car leur rencontre risquait de rester dans les annales. Thaïs savait désormais que le culot pouvait s’avérer payant et autant dire qu’elle risquait de réutiliser ce procédé en cas de merde, même dans la vie de tous les jours. « Si j’aime ? J’adore tu veux dire ! » s’exclama-t-elle aussitôt, plus qu’étonnée de sa question à vrai dire. La tempétueuse blonde préférait même les chiens aux chats, surtout lorsque l’on savait à quel point ils pourraient l’aider dans la vie de tous les jours. « J’en avais un en Irlande, que j’adorais et qui est mort très, très vieux. Et puis récemment, j’ai essayé un chien d’aveugle, juste essayé car je n’ai pas les moyens de m’offrir ce genre de choses mais j’ai un très bon feeling avec les chiens, en fait, tout bien réfléchi… ils sont très intuitifs là où moi je ne fonce pas, je défonce » avoua-t-elle avec une large dose d’amusement dans la voix, tandis que son sourire semblait décidé à ne pas la quitter. « Pourquoi cette question ? »

Je pris un air perplexe puis sérieux, comme si j'envisageais sérieusement l'idée. Psychologue ou super héros. Ca fait un plan B, question de l'orientation réglée plaisantais-je. J'aurais tout de même adoré voir la tête que tirerait mon père si je lui sortais un truc pareil. Même mon choix d'études le faisait sourire, pourtant, c'était quand même sérieux, mon domaine. Ma mère pour sa part, aurait sans doute esquisser un minuscule sourire avant de me dire que ce n'est pas amusant plus de deux secondes et qu'à mon âge, je devrais sérieusement réfléchir, le tout avant de m'imprimer tout un tas de brochures sur l'orientation. Comme si, alors que mon père m'envoyait ainsi en mission, j'allais avoir la tête à bosser d'arrache-pied pour décrocher un super job, quand il n'était pas exclu que je demeure éternellement le pantin de mon père, dépendant de lui, bien sûr, mais aussi de ma mère qui n'avait franchement à mes yeux pas besoin de ça. Bref, je changea brusquement de sujets, lui sortant une question venue de nulle part. Si elle fut un peu prise au dépourvue, normal en même temps j'avais fais fort dans le genre retournement de sujet de conversation. Sa réponse me fit sourire. C'est bien ce que je me disais : Thaïs avait définitivement une tête à aimer les animaux. Je laissa échapper un petit rire en enrouant mes bras sur mon torse. J'ai adopté un petit chiot, il y a quelques semaines et je peux aller la chercher à partir d'aujourd'hui. Enfin, je suis sensé m'y rendre dans une heure, mais c'est pas dramatique si je suis en avance. Commençais-je à lui expliquer. Avec n'importe qui d'autre, j'aurais eu l'impression de raconter ma vie, ce qui n'intéresserait strictement personne, mais pas avec Thaïs, y avait qu'à voir ce que j'avais appris sur elle et sur son caractère en une heure et demi à tout casser. Je ne l'embêtais pas. Ca te dit de venir la chercher avec moi ? C'est pas bien loin du campus. Lui proposais-je simplement.

(c) darkdreams/marine

Rien qu’à entendre le minuscule silence qui suivit la phrase de Thaïs, elle sut par avance qu’il faisait mine de réfléchir comme si c’était une option envisageable. Ma foi, certains le pensaient bien ! En tout cas, la jolie irlandaise ne mit pas une seconde avant d’éclater littéralement de rire. « Faut toujours avoir un plan B dans la vie, et l’avantage, c’est qu’aujourd’hui tu as découvert que tu étais doué dans les tâches quotidiennes d’un super héros ! » Ne jamais partir du principe que Thaïs n’était pas capable de sortir connerie sur connerie en un temps record car elle détrompait tout de suite son monde. Mais quelque part, cela lui faisait plaisir qu’il aille un petit minimum dans son sens de l’humour carambar : elle finissait par avoir du mal avec les gens trop sérieux. Après tout, pas besoin de se connaître depuis mille ans pour partager un délire… il suffit d’une seconde. « Tu as adopté un chiot ? Excellent ! » s’exclama-t-elle en laissant ses traits de porcelaine se teinter aussitôt d’un enthousiasme on ne peut plus sincère. Au moins, ce chiot ne risquait pas d’être abandonné ou tué, c’est ce qu’il fallait se dire… « Je suis tout à fait disponible et je viens avec grand plaisir ! Ça me dégourdira les jambes après tout le stress dû à cet examen de malheur… par contre, pardon de te demander ça mais ça te dérange si je m’accroche à ton bras pour mieux te suivre ? Sinon je risque de partir à dam ou d’être à la bourre parce qu’à mon avis tu as de bien plus grandes guibolles que les miennes… je me ferai petite, promis. »

Elle avait un rire communicatif, le genre qui vous donne envie de rire et si vous craquez pas, qui vous fait au moins sourire, car c'est agréable, ce genre de sons. Totalement, alors tu vois, en me révélant ainsi, tu m'as rendu un gros service. T'es peut-être une héroïne, toi aussi arguais-je avec un petit haussement d'épaules. Bon, on partait loin, là. On vira ensuite de sujets. Et bien voilà, j'avais trouver quelqu'un avec qui allait chercher ma nouvelle copine à quatre pattes. Ca m'aurait vraiment pas dérangé tout seul (je m'étais accommodé à la solitude depuis longtemps, encore plus depuis mon arrivée à Cambridge), mais j'étais malgré tout heureux de ne pas y aller seul. Et puis, rien ne m'avait forcé à proposer à Thaïs de m'accompagner. Si je l'avais fait, c'est car j'en avais eu envie. Fallait pas chercher plus loin. J'acquiesça d'un signe de tête. Ouais, ça manquait un peu de vie, dans mon appartement c'est clair que là-bas, c'était pas franchement la fête. Dans le fond, mon appart' s'accommodait davantage à une espèce de décharge ordonnée qu'à un petit nid douillet, mais c'était voulu. C'était pas mon nid. Je ne comptais pas m'installer sur la longueur, d'ou le fait que j'avais pas trouvé la moindre utilité dans le fait de déballer mes affaires, préférant les laisser dans des cartons et piocher dedans au besoin. Oui bien sûr confirmais-je. Elle arrêtait pas de me demander si des petites choses me gênaient. Elle devait avoir l'impression d'en demander beaucoup alors que franchement, non. Et pourtant, j'étais vraiment pas la personne la plus généreuse de la terre. Je lui proposa mon bras. C'est parti.

(c) darkdreams/marine