Invité
est en ligne
Invité
Ils sont tous morts et toi t'es aussi en train de crever Lucrezia. T'as beau délirer au milieu des décombres, t'as beau ignorer tes plaies comme tu l'as si longtemps fait, aujourd'hui la mort t'as finalement rattrapée. Tu vois son ombre te surplomber, elle te menace du tranchant de sa faux et toi tu lui ouvres les bras comme tu saluerais une vieille amie. T'as joué avec elle plus d'une fois ces dernières années, tu l'as provoquée sans jamais réellement la désirer et maintenant tu ne peux plus faire marche arrière. Les mains sur ton abdomen, tu peux sentir le carmin inonder ton vêtement pour finalement glisser entre tes doigts, et tu constates impuissante ton essence se répandre à tes genoux. Puis il y a cette douleur, insoutenable. Elle t'empêche de réfléchir, elle s'intensifie à chaque respiration et tu regrettes de ne pas pouvoir perdre connaissance. De ne pas pouvoir prendre la fuite comme tu l'as toujours si bien fait et t'évanouir dans l'obscurité. Mais t'es trop forte pour ça Lucrezia alors tu resteras alerte jusqu'à ton dernier souffle. A bout de forces, tu finis par t'écrouler sur le côté et tu peux sentir ta chair se davantage faire mutiler par l'éclat de contreplaqué. A ce stade, il est ton salut et ta damnation. Il te tue à petit feu mais te garde en vie en ralentissant l’hémorragie. Tu lâches un nouveau sanglot, une énième complainte qui se perd dans le brouillard de poussière et de gravats. La main tendue vers celle que tu penses être Stella, tu serais presque tentée d'abandonner. Ce serait si simple de se laisser aller, de la rejoindre, où qu'elle soit. Mais c'est sans compter sur ta rage de vivre et ta témérité. Puis le bruit des sirènes que tu entends au loin. C'est dur de l'admettre, ça te demande un ultime effort, mais t'as pas envie de mourir, pas ici, pas comme ça, pas maintenant. Tu veux te sortir de cet enfer, et c'est portée par tes espoirs d'être secourue que tu utilises tes dernières forces pour te traîner hors de là. Tu rampes, tu écorches tes bras et tes cuisses, tu remues les débris dans tes plaies. Elles laissent derrière toi une traînée vermeil se mélangeant aux autres effusions de sang. Chaque mouvement t'arrache une grimace de douleur, mais tu persistes. T'as du avancer de quelques mètres, quand t'arrives à la hauteur d'une camionnette. Tu pries pour que ça soit les pompiers, mais le bruit de verre brisé ne t'inspire rien de bon. Tu lèves les yeux, et tu le vois. S'il est là, alors qui était l'autre homme près de Stella ? Etait-ce vraiment elle d'ailleurs ? T'essayes de prononcer son prénom, mais ta voix se brise. « Réveilles-toi. » t'arrives finalement à articuler dans un soupire. Ses yeux sont clos. Il peut pas partir, pas lui. Pas maintenant putain. Il doit rester, au moins pour sa soeur si elle s'avère être en vie. Puis aussi un peu pour toi. T'as encore trop de truc à lui dire. « Stella ... elle est ... » mais t'arrives pas à aller au bout de ta phrase, tes poumons te font défaut. Qu'aurais-tu dit de toute façon ? Là-bas ? Morte ? En vie ? T'en sais rien. En réalité, tu voulais juste qu'il pense à elle. Qu'il s'accroche à son souvenir pour pas mourir. Elle est sa faiblesse, mais aussi sa plus grande force et tu le sais. Mais Cosmo il te répond pas. Il reste là, comme endormi. Tu veux te relever, appeler les secours, mais c'est trop pour toi. Tu tombes, ton dos retrouve la rugosité du sol et le choc te coupe la respiration. Une seconde. Dix secondes. Trente secondes. Les yeux rivés vers l'infini, tu regrettes que le ciel soit gris. T'aurais aimé voir un beau soleil dans un ciel bleu. T'aurais aimé entendre le chant des oiseaux ou une connerie dans le genre. T'aurais voulu que ça se passe autrement, mais si la vie t'as bien appris un truc, c'est que rien ne se passe jamais comme on l'espère. Face à ta détresse, ton corps s'agite, ton cerveau t'envoie des impulsions pour que tu respires mais rien n'y fait, c'est déjà trop tard. T'entends ton pouls se raréfier, t'as des flashs à chaque battement de ton coeur, entre deux visions d'horreur.
Ton frère.
Les flammes.
Tes parents.
Les cendres.
Ta meilleure amie.
La fumée.
Cosmo.
Le bleu des gyrophares.
Tu revois la Toscane, tu sens les pousses de blé glisser entre tes doigts.
Le visage d'un pompier penché au dessus de toi.
Le soleil qui réchauffe tes épaules, le son des criquets, l'odeur de la terre.
Et puis plus rien.
@STELLA CAVALERO @COSMO CAVALERO
OUT
The bitch is dead
(Invité)