L’étrange histoire autour de la Widener Library.Vous passez devant tous les jours, les plus studieux y vont pour étudier, pour construire leur avenir, d’autres encore rentrent à l’intérieur une unique fois, par pure curiosité, après avoir admiré cette façade aux allures de panthéon grec avec ses multiples colonnes. Mais combien d’entre vous connaissent l’histoire qui se cache derrière la célèbre Widener Library de notre douce université ?
Certains d’entre vous l’auront probablement remarqué, c’est un des rares bâtiments de l’université à ne pas avoir vu une seule pierre de son édifice déplacée, et son nombre impressionnant d’étages est tel qu’un étudiant pourrait y courir l’équivalent de deux marathons environ. (Nous vous rappelons cependant qu’il est interdit de courir à la bibliothèque, naturellement.) Alors pourquoi cette construction uniquement en profondeur, pourquoi ne pas allonger et modifier la structure de ce bâtiment, même en conservant son charme originel ? Il ne s’agit pas là de la seule volonté de l’administration de l’université, loin de là. Et croyez-le ou non, c’est la mort d’un étudiant d’Harvard qui est à l’origine de l’histoire et du nom de cet édifice. Vous croyez sincèrement que l’histoire tragique d’Harvard ne remonte qu’à quelques années seulement ? Absolument pas.
Harry Elkins Widener, diplômé en 1907, a commencé à recueillir ardemment de nombreux livres au cours de sa première année à Harvard, et ses riches parents lui ont souvent offert des livres rares comme cadeaux pour combler son impressionnante collection. Quand il a finalement rejoint l'entreprise familiale, Harry était ainsi sur le point de devenir un collectionneur de livres de premier plan. En 1912, il embarque pour le voyage de sa vie, à Londres, où il a l’occasion de rencontrer de nombreux libraires, et d’acquérir certains livres pour compléter sa collection. Il possédait notamment une version originale de la bible de Gutenberg, un des 23 exemplaires entiers restant au monde, qu’il put acheter en France, avant d’embarquer avec ses parents à Cherbourg, en avril 1915, pour un voyage de retour à destination de New York City. Hélas, ce bateau n’atteindra jamais sa destination.
Le 15 avril 1915, en effet, le tristement célèbre
Titanic heurte un Iceberg et finit engloutit en mer, emportant ainsi avec lui le jeune passionné de livres, Harry Elkins Widener, ainsi que son père. Eleanor Widener survécut quant à elle au naufrage, embarquée sur le bateau de sauvetage numéro 4, aux côtés notamment de la femme de John Jacob Astor , un homme d'affaires, inventeur, écrivain et militaire américain également décédé la nuit du naufrage. Très jeune déjà, Harry avait rédigé un testament, dans lequel il annonçait léguer ses livres à Harvard car "Chaque fois que (sa mère) aborde le sujet, elle dit que l'Université de Harvard va prendre les meilleures dispositions pour bien prendre soin d'eux.". Après sa mort, une fois la douleur du deuil apaisée, Mrs Widener informa l’université de la volonté de son défunt fils de leur confier son immense collection de livres. Elle donna également près de deux millions de dollars pour la construction d’un bâtiment qui abriterait la collection de son fils et, avec l’aide du libraire Cary Coolidge et du président Lowell (à l’origine de la création de notre Lowell House actuelle), en 1915, la Harry Elkins Widener Memorial Library fut inaugurée, réalisée par l’architecte Horace Trumbauer.
Maintenant, j’en viens à l’explication : Pourquoi la bibliothèque n’a jamais été modifiée dans sa façade extérieure ?
Durant l’élaboration des derniers plans de construction de la bibliothèque Widener, les termes d’un accord avec Eleanor Elkins Widener furent mis en place, la mère du bibliophile étant à l’origine du financement du projet. Ainsi, Harvard a convenu que pas une seule brique ou pierre de l'extérieur serait modifiée sur le bâtiment, et qu'il ne "permettra aucune structure de tout genre à être érigée dans les cours autour dudit bâtiment, pour que le bâtiment soit maintenu ouvert à la lumière et l'air. " Une grande romantique, Mrs Elkins Widener, et surtout, une fervente croyante, qui espérait probablement que son fils puisse voir l’immense bâtiment créé en son honneur, et en l’honneur de sa passion pour les livres.
La rumeur dit qu’Eleanor Widener émit une seconde condition. Celle-ci, non présente dans les termes officiels de l’accord passé avec Harvard, s’est transmise d’étudiant en étudiant, et c’est à mon tour de partager cette anecdote avec vous : Vous n’êtes pas sans savoir que chaque étudiant d’Harvard doit obligatoirement savoir nager avant de sortir diplômé de l’université. Il s’agirait là de la demande de Mrs Widener, convaincue que si son fils avait su nager, peut-être aurait-il pu sortir vivant du naufrage du Titanic, pour lui revenir. Fiction ou réalité sur ce point, je laisse votre imagination travailler. Mais avouez tout de même que c’est plus cool de raconter l’histoire du jeune Widener, plutôt que de parler d’exigences venues de nulle part de l’administration.
Margot Weasley.