Prends-moi comme un sens interdit (Aaron)

 J’eus un petit rire quand Aaron reprit au sujet de mon ex, et quand il interpréta la chose en comprenant que ce dernier s’accrochait. « Il s’accroche pour rien. Il est fiancé, il tourne autour de tout ce qui bouge, c’est bon c’est vraiment pas un type comme ça qu’il me faut. » expliquai-je, non sans un petit pincement au cœur. C’était mon premier amour ce gars. Hadès. Ca me brisait de devoir m’éloigner alors que j’étais encore amoureuse de lui, mais là, il fallait tourner la page, changer de chapitre, fermer le livre, parce que sinon… Peut être que c’était pour ça aussi, que j’avais tant besoin de me mêler à l’univers mather. Je savais qu’ici je ne risquais pas de tomber sur mon Eliot d’ex. Je confessais ensuite être novice en matière d’alcool, et le côté prévenant du garçon m’arracha un sourire attendri. D’autres auraient profité, m’auraient resservie, non, lui il s’inquiétait. « Ok, j’espère que tu trouveras un peu de temps pour moi alors. » répondis-je quand la question de cours informatique fut abordée alors qu’autour de la roulette, on enchainait quelques culs secs. Les jeux d’alcools c’était franchement traitre et je commençais à avoir la vision floue et l’impression que tout tournait autour de moi. M’accrochant à son bras, je le laissais m’éloigner avec prudence des jeux et il me désigna alors la ‘piste’ improvisée, meilleur moyen pour dessaouler. « Tu peux le dire que t’as envie de danser avec moi Aaron, pas besoin de prétendre que c’est pour ‘faire passer’. » rigolai-je en attrapant sa main et en l’emmenant alors sur la piste, commençant à bouger en rythme avec la musique, échangeant un regard complice avec le garçon.

 Faut que je m’en détache… Je savais bien qu’Hadès et mes sentiments persistants pour lui étaient toxiques pour moi. Ca m’empêchait d’avancer, de m’ouvrir… La preuve, si j’avais écouté le belge, je ne serais jamais sortie ici ce soir, je ne serais pas en compagnie de ce charmant mather à découvrir cette autre facette d’Harvard. Festive. Légère. Insouciante. Cette facette du campus, et une facette de moi aussi. J’avais besoin de moments de ce genre, de faire le vide, de m’échapper aux mœurs distinguées de mon milieu. « Oui, plein de choix… » Et mon regard le détailla un instant, un peu trop longtemps surement, d’ailleurs mes joues rosissaient déjà et pour dissiper mon trouble je repris : « Davantage qu’au pensionnat religieux c’est sûr en tout cas. » Oui, là bas, que des filles et des bonnes sœurs, donc autant dire que ce n’était pas les rencontres que j’avais pu faire là bas qui m’avaient dévergondée. Aaron promit de trouver un peu de temps pour moi, pour mes cours d’informatique et un jeu d’alcool plus tard, nous voilà sur la ‘piste’. Je m’amusais de son invitation pour m’emmener là bas et commençai à bouger en rythme avec la mélodie qui s’échappait des enceintes. L’alcool qui circulait dans mes veines aidant… On était loin des valses coincées que je devais danser habituellement aux galas familiaux, et j’avoue que c’était beaucoup plus drôle surtout avec Aaron qui faisait le clown m’arrachant quelques rires. Mes mains s’accrochèrent à sa nuque, j’approchais mon visage du sien et réclamai alors sur un ton enfantin : « Fais moi tourner Aaron… » Je voulais tournoyer encore plus…

 Pire que des repérages oui… Parce qu’en tant que petite fille modèle, je n’étais pas censée embrasser un garçon fiévreusement dans une salle de cours désertée, et pourtant c’était comme ça que ça avait dérapé avec Amare… Et forcément, mon petit ton chargé de sous entendus laissait entendre que je n’étais pas si sage que ça, ce qu’il comprit aussitôt en répliquant que j’avais attisé sa curiosité avant de m’inviter à lui en dire plus. Je rigolai à ses mots avant de répondre : « Moi ? Faire tourner des têtes ? Je dirais plutôt que c’est ma tête qui ne fait que tourner… » Et ensuite je me confiai un peu plus, évoquant le pensionnat religieux, où là clairement, vu que c’était réservé aux filles, il n’y avait guère de tentations. Même si dans la tête du garçon, le scénario était tout autre. « Vous êtes pas possible vous les mecs… » me marrai-je avant de me laisser guider vers la piste. Une danse, puis une autre… Plus troublante. Sa main dans la mienne, je tournai puis il m’attirait à lui et son regard se planta dans le mien… J’étais ivre, voilà mon excuse. Blâmons l’alcool pour cette envie soudaine qui commençait à s’imposer dans mon esprit. Son regard ne se décrocha pas du mien, son visage se peignit juste d’une grimace à l’idée que je devais rentrer. Sa réponse, sa réaction, me firent sourire, et lorsque joueur, loin de se laisser convaincre par mes paroles, il s’approcha au contraire un peu plus de moi, c’est sur la bêtise que je risquais de faire qu’il me demandait des précisions. Mes prunelles scrutèrent les siennes, quelques secondes, avant de vriller vers ses lèvres, son sourire charmeur, son visage si proche du mien… « Ou bien, la bêtise de ne pas le faire ? » Qu’est-ce qui serait le plus dommage ? Refreiner mon envie ou au contraire profiter de ce que l’ivresse me poussait à faire ? J’étais venu ici pour ça à la base, m’amuser, oublier, tester mes limites… C’est donc dans cet élan de folie et d’interdit que mon visage finit de se s’approcher complètement du sien, ma bouche venant timidement, d’abord, se poser sur la sienne…

 Je me défendais d’être une tourneuse de tête… A la rigueur, ma tête à moi qui tournait trop c’était peut être plus plausible. Je doutais d’avoir marqué d’une quelconque manière Amare, la réciproque par contre était vraie. Je m’entichais trop vite surement, leçon à retenir, ou à reproduire… Parce que quand Aaron rigolait en répliquant que c’était lui qui me faisait de l’effet, j’aurais probablement du me protéger, jouer les distantes, nier en bloc, au lieu de quoi non… Je souriais, comme un acquiescement silencieux avant de quand même reprendre la parole pour nuancer : « Peut être… Ou peut être que j’ai juste trop bu. » Enfin mes yeux dans les siens, nos doigts accrochés, lors de cette danse, la ‘bêtise’ que j’évoquais ne pas vouloir faire, clairement on pouvait blâmer la boisson autant qu’on voulait mais y’avait aussi cette attraction, cette alchimie, ce truc qui me poussait indéniablement vers mon guide de la soirée. Alors bêtise de l’embrasser, ou ‘drame’ de ne pas le faire. Comme pour finir de me convaincre, en plus de son regard intense et pénétrant qui me scrutait, il avait ce sourire irrésistible accroché aux lèvres et me voilà donc, réduisant timidement le peu d’espace qui nous séparait encore à néant, accolant nos lèvres pour un baiser tout d’abord hésitant… Sa main dans mon dos resserra un peu son emprise, monsieur prit les commandes du baiser et mes lèvres se firent alors plus pressantes contre les siennes, plus assurées. Entrouvrant la bouche, approfondissant le baiser en laissant nos langues se rencontrer, ma main libre venant se poser au creux de sa nuque comme pour le retenir, comme pour l’empêcher de mettre fin à ce moment. Ce n’est que lorsque l’air finit par me manquer que je m’écartais, séparant nos bouches mais gardant mon visage tout proche du sien, mes paupières se rouvrant pour laisser de nouveau nos regards se connecter. « Tu embrasses aussi bien que tu danses… Tu es plein de surprises Aaron. »