Prends-moi comme un sens interdit (Aaron)

 « C’était quoi le défi ? » Il avait piqué ma curiosité là pour le coup, surtout si il ne comptait pas le refaire, ça devait vendre du rêve, je voulais savoir. On parlait ensuite des autres soirées, les immanquables sur le campus, les events aussi… Il vendait tellement bien la chose, il donnait tellement envie que je le questionnais sur le post université, la vie d’après, si ça n’allait pas lui manquer tout ça. Il s’accordait à reconnaître que si, mais il fallait tourner la page. « Je suis d’accord avec toi. » lançai-je, mon sourire s’estompant quelques secondes en ayant une pensée sur la page que moi, je venais de tourner. Le pensionnat. Les religieuses rigides qui le tenaient. Les sentences sévères et sévices qu’elles nous réservaient là bas. J’en tremblerais presque encore, mais j’avais mieux à faire et une gorgée de bière et un peu d’effort pour chasser ces souvenirs plus tard, j’étais de nouveau focalisé sur mon interlocuteur. J’étais exigeante, j’voulais qu’il me fasse rêver en jouant les guides de luxe. Il annonça qu’il allait se surpasser et cette simple idée fit apparaître un sourire éclatant sur mes lèvres. Quelques pas à l’extérieur et je me sentis vite électrisé. L’ambiance, le bruit des conversations animées, les rires qui fusaient de partout. Mon regard se perdaient sur toute cette foule souriante et ambiancée, je ne savais plus où poser mes yeux c’est pour dire. « Waw… C’est… surprenant. » Je reportais mon regard sur lui, reprenant une gorgée de bière avant de demander : « C’est tout le temps comme ça ici ? »

J’explosai de rire à sa réponse, malgré moi, portant ma main à ma bouche pour essayer de me calmer, pinçant ensuite des lèvres pour me retenir de pouffer davantage, ne pas le vexer non plus alors qu’on venait de se rencontrer. « Oh my god, ça devait tellement valoir le détour. » Mon regard se posa sur lui, quelques secondes, le scrutant en essayant d’imaginer la scène, la soirée, le délire. « Oh dis moi qu’il y a des photos ou des films de ça, j’aimerais vraiment les voir. » Ca devait en effet être hilarant. Et je comprenais mieux pourquoi il n’avait pas l’intention de remettre ça. Ca foutait un coup à sa virilité quand même. Je rigolai de nouveau à sa réflexion suivante, sur les talons. « Question d’entrainement. » répondis-je avant de reprendre : « T’as vraiment porté des talons ? Il me faut définitivement des clichés de cette soirée. » On dévia en parlant de nos études, des siennes qui touchaient à leur fin, des miennes qui débutaient. « Première année : théâtre et philo, monsieur. » annonçai-je en redressant le menton avec un petit air d’élève sérieuse alors qu’il me questionnait sur l’avant. « J’étais en pensionnat religieux. Théologie, Jésus et tout le blabla… » résumai-je avant de faire un petit mouvement de main : « Pas intéressant quoi, sauf si on veut devenir nonne… » Ce qui n’était clairement pas le cas. Pour preuve je m’initiais déjà aux soirées interdites… Et avec Aaron comme guide, c’était parfait. Il me faisait découvrir le background, l’extérieur, où je fus très vite conquise par l’ambiance particulière des lieux. « Tu as gagné le droit de me ramener ici aux beaux jours alors… » répliquai-je quand il me révéla qu’avec le printemps et l’été, c’était encore mieux. J’aimais ses paroles suivantes, le champ de possibilité qu’il existait ici. La cabot était magique, familiale, conviviale, cocooning aussi… Mais il y avait des règles de bienséances, on était toutes plus ou moins censées bien se tenir. C’est cette étiquette qui avait disparu ici. Je fis néanmoins moins la fière lorsqu’il m’entraina vers un endroit où un groupe s’adonnait à des jeux de boissons… Déjà que ma bière qu’à moitié vide me montait à la tête. Je la finis d’ailleurs, comme pour me donner du courage et je soufflai à Aaron : « Montre moi, je ne sais pas jouer… »

  Je me marrais malgré moi, essayant de contenir ce rire parce que je ne cherchais surtout pas à vexer mon interlocuteur, c’était juste qu’il était tellement… viril que c’était dur de l’imaginer travesti. Il m’autorisa à rigoler, lui même souriant, pas vexé avant de préciser néanmoins que je pouvais toujours rêver pour me procurer les photos. « Tout s’obtient quand on sait monnayer… » répliquai-je en me promettant d’enquêter pour mettre la main sur les clichés, s’ils existaient, de cette fameuse soirée. La question des talons fit revenir mon rire. Tellement pas le genre de pompes dans lequel je le visualisais. « Je suis sûr que t’étais so sexy. » Grand sourire amusé. Ouais surement moins sexy qu’en bad boy mather me guidant parmi les étudiants déchainés et ambiancés de sa confrérie. Il me questionna sur ce que j’imaginais pour ma carrière future, et je répondis avec un ton un peu désabusé : « Disons que je viens d’un milieu où savoir jouer la comédie, c’est une question de survie. » Sourire à des gens qu’on détestait, serrer des mains quand on aurait voulu les broyer, diplomatie et faux semblant, merci la royauté. Desfois, je me disais que c’était une chance que je ne sois pas l’aînée. J’avais surement moins de poids que Cece sur mes petites épaules. « Et toi alors tu étudies quoi ? » Il était en dernière année, alors je voulais savoir si j’étais en face d’un futur trader, avocat ou médecin… Ou tout autre métier prestigieux. Quand on sortait diplômé d’Harvard, on était forcément promis à une grande carrière non ? Quand je parlais de mes années passées en pensionnat religieux, il comprit aussitôt la part rebelle qui dormait en moi. Un petit rire s’échappa de mes lèvres : « Je crois juste que mes parents ont trop voulu me brider en m’envoyant là bas… » Et maintenant j’avais des années de retard et bien trop de choses à rattraper pour n’être qu’une sage petite étudiante transparente sur ce campus. Et la découverte de cette partie cachée de la mather house me conquit complètement. Je réclamais quand même, à ses mots, une nouvelle visite sous le soleil, quand le printemps aurait pointé le bout de son nez, et mes paroles ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd. « Tu vas pas pouvoir tout m’apprendre et tout me montrer ce soir j’imagine qu’il nous faudra une prochaine fois. » répondis-je malicieusement, mon regard étincelant accrochant le sien quelques secondes. Et puis l’instant d’après, il m’entraina jusqu’à un premier jeu de boisson. Le garçon fit alors tourner une sorte de roulette de casino entourée de shooteurs divers. « Comment ça marche alors ? On choisit notre numéro et on boit si la roulette s’arrête sur ce dernier ? » supposai-je en essayant de me rappeler de la règle dans les salles de jeux.

   C’était bien et c’était rare, appréciable donc, de discuter avec quelqu’un doué d’autodérision. Puis comme il me confiait les secrets honteux de son bizutage, je pouvais bien faire de même : « Pour l’instant je ne me plains pas trop. Mais j’ai quand même du ditribuer des confiseries déguisée en lapin lors de la ventes aux enchères cabot. » racontai-je avec une légère grimace. « Et c’était plutôt lapin mignon de livre pour mioche hein, j’avais rien d’une playmate. » me marrai-je en repensant à la scène. Ouais, ça m’avait quand même valu une crise de mon ex dont je me serais bien passé alors, surtout pour le voir ensuite sortir les billets pour une nana qui n’était même pas sur scène et même pas Cabot. Merci. En tout cas, pour ce qui était du bizutage de monsieur, j’allais tout faire pour voir les photos, et il me souhaitait bon courage alors que je le taquinais sur son côté sexy sur le moment. Sauf qu’il me lança ce regard, sourire au coin des lèvres, en laissant échapper cette question clair : était-il sexy maintenant ? Mon sourire s’élargit, mes yeux changèrent de direction, mes joues rosirent légèrement alors que je retenais un petit rire nerveux en me pinçant les lèvres… Ouais en fait, tout ça me trahissait surement. « Je n’ai pas encore assez bu pour me lancer dans ce genre d’aveu. » soufflai-je en reprenant une gorgée de ma bière, pour toute réponse, même si mon attitude ne laissait planer aucun doute sur l’avis que je portais sur la question. Je me dévoilais ensuite un peu, parlant de mes études actuelles, de mon passage par un établissement religieux, évoquant la comédie continuelle que je devais jouer dans mon milieu… Si je pouvais éviter de parler de mon statut de princesse, révéler l’identité de mes sœurs qui faisaient bien parler d’elle sur le campus, ça m’arrangerait. Restons un peu Cassie l’anonyme pour le moment. Je trouvais que ça me rendait plus accessible et les gens étaient toujours plus naturels que quand il connaissait mon patronyme complet.  Puis pour ce qui était de devoir jouer les acteurs dans sa propre vie, le garçon sembla comprendre, sans que j’ai à en dire plus. Je relevai les yeux un instant sur lui, échange de regard complice, entendu, et puis je l’écoutais ensuite me parler de ses études. « J’imagine que c’est dans l’informatique que tu vas chercher du travail donc ? Peut être que tu pourrais me donner des cours, j’ai toujours été nulle avec les nouvelles technologies, et je dois dire que le passage par un pensionnat religieux resté au temps du minitel, ça ne m’a pas aidé à m’améliorer. » rigolai-je. Tout était réglementé là bas. On avait nos téléphones mis sous clés, à notre disposition que quelques heures par jour, par d’ordi, surement pas de facebook, de twitter et compagnie. Ouais, j’étais bien en retard là dessus. Et pas que là dessus d’ailleurs. Soirée étudiante et beuverie. Sur ces points là aussi j’avais beaucoup à rattraper et Aaron allait se charger de m’initier. Je regardais la roulette tourner, la petite boule s’arrêtant sur un numéro autre que ceux de mon guide. Une demoiselle enquilla alors un shooter cul sec en grimaçant avant de porter la main à son front et d’annoncer qu’elle stoppait le jeu. Je me faufilais donc à la place libre, ayant compris le principe et je m’amusais à lancer la roue. « Je te préviens va falloir me raccompagner à la Cabot House, je risque de pas pouvoir retrouver mon chemin… » annonçai-je en attrapant l’un des shooters, la roue s’étant arrêtée sur l’un de mes numéros. Un cul sec et je grimaçai avant de relancer la roulette en riant.

  Je me moquais gentiment, riant à son récit, et histoire de lui montrer que moi aussi j’avais su faire dans le ridicule, je lui confiais ce que j’avais moi même du faire pour intégrer les roses. Ca faisait toujours de bons souvenirs. « Je suis pas restée longtemps aux enchères tu sais… Mon ex était insupportable. » confiai-je en levant les yeux au ciel et en me rappelant la crise d’Hadès devant ma tenue ou encore comment il avait décidé d’acheter cette nana. Quand Aaron s’amusa à me questionner pour savoir si je le trouvais sexy, comme ça, dans sa version masculine, lueur joueuse dans les yeux, je me refusais de répondre, me sentant néanmoins rougir, répliquant qu’il était trop tôt pour répondre, qu’après quelques verres j’en dirais plus, l’alcool déliait les langues non ? « Disons que je n’ai pas trop l’habitude de boire. J’imagine que tu vas vite pouvoir m’interroger de nouveau je risque d’être vite plus bavarde. » Je l’étais déjà surement un peu, parce que je me livrais, racontant brièvement mon parcours, il me confia ses études, informatique. Occasion parfaite pour réclamer des cours. « Je sais utiliser le traitement de texte… » résumai-je quant à mes compétences, très limitées en la matière. On commençait ensuite un jeu, autour d’une roulette qui semblait contre moi de prime abord. Un premier cul sec. Bordel, ça brulait plus que la bière que le garçon m’avait offert tout à l’heure. Je grimaçais, remplissais de nouveau les shooters et on continuait.  Ce fut au tour d’Aaron de boire, et quelques verres plus tard à ce train là, je ne tardais pas à sentir la chaleur envahir mon corps… « Je crois que j’ai la tête qui tourne… » soufflai-je en attrapant le bras de mon guide… Ha oui, je n’avais pas menti quand j’avais dit que je ne tenais pas la route.