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Son corps est aussi de pierre et de bois, c'est à peine s'il sait qu'il a froid.
J’ai retrouvé ce fils de pute. Quoi, vous croyez sérieusement que j’allais en resté là ? Que j’allais laisser passer ça ? Depuis la visite de Wade au Summer Camp les images n’ont eu de cesse d’envahir mon esprit. Toutes plus répugnantes les unes que les autres. Sage, dans la rue, et ce type qui lui fonce dessus. P’tain, j’en ai gerbé, plus d’une fois, de tous les côtés. J’ai eu la haine envers moi-même comme elle me haïssait, la haine envers l’humanité entière. J’allais pas laisser faire, c’est impossible. Qu’importe le peu d’informations que j’avais, qu’importe qu’elle n’ait pas voulu m’en parler. Je voulais retrouver cet enfoiré et le faire souffrir. Lui éclater la gueule tous les jours de sa putain de vie pour que jamais il oublie ce qu’il a fait. Pour que son corps porte les mêmes marques qu’il lui a fait porter à elle. La colère, la rage. Jamais elles n’ont été aussi immenses à l’intérieur de moi, jamais je ne me suis senti autant habité par le démon. J’ai engagé Neils principalement pour ça. Pour qu’il retrouve ce type, pour dégommer ce gars. Ça n’a pas été facile et je l’ai indemnisé un paquet pour qu’il fasse de cette recherche sa priorité. Et ça a fonctionné. J’ai tourné comme un loup en cage pendant des semaines, mais ça a marché : « Il s’appelle Ethan, il travaille dans un garage au croisement de la 118ème et de Havey Road. Il termine le travail tous les jours à 22h. Le mardi soir, il se rend à l’Irish Pub et parie sur des matchs de catch. Tous les premiers vendredi du mois il rend visite à sa mère qu’est interné à l’hôpital psychiatrique de la cinquième rue ». Je reste bouché bée, stoïque. Cette sensation étrange quand vous attendiez un truc fort, trop fort, en pensant que ça allait enfin calmer vos nerfs, mais rien. Quand je raccroche le téléphone, j’suis pris par une étrange frénésie. Excitation macabre. Neils me confirme l’adresse et je m’y rends sans réfléchir. En fait, mon cerveau s’éteins. Je vois rouge, j’ai le regard noir, je marche comme un zombie avec une seule idée en tête : crever ce salopard. Je l’ai retrouvé, je l’ai retrouvé ce connard. Et quand je le vois là de loin détacher le cadenas de sa moto, je n’en démords pas. Je marche droit sur lui, j’crois qu’il comprend pas. Qu’il comprend pas ce qui lui arrive, qu’il comprend pas la tempête qu’est entrain de s’abattre sur lui. J’ne me suis jamais senti autant démuni, autant dominé par mes instincts bestiaux. Ma tête ne réponds plus de rien, plus je le regarde, plus je cogne, tragique refrain. J’crois que rien ne pourrais m’arrêter. Ouai, j’y déverse ma rage, ma colère et tous ces trucs morbides qui me tordent le ventre. J’ai le visage de Sage en permanence dans les yeux et mes coups se font de plus en plus forts. J’crois que je n’ai jamais frappé comme ça. Ses cheveux dans ma main j’éclate sa gueule contre le pavé, j’y fous des coups de poings, des coups de pieds. J’frappe dans ses couilles de toutes mes forces, même quand il implore ma pitié, je ne m’arrête pas, j’recommence, encore et encore. J’me fiche des gens autour, de la bonne femme qui se met à hurler devant le bain de sang. Son sang ouai, parlons en. J’en ai plein les mains, j’en ai plein les dents. J’crois que je lui ai à moitié arraché l’oreille en mordant dedans. J’sais plus qui j’suis, j’sais pas ce que je fais. Je vais te buter enfoiré, t’as pas idée. T’avais pas le droit, pas le droit de la toucher, pas le droit de l’approcher, et tous les jours de ta putain de vie je viendrais te le rappeler. Je pousse des hurlements effroyables à en faire pâlir le diable. Des minutes ou des heures, j’suis incapable de dire combien de temps ça a duré. Tout ce que je sais, c’est que j’empoigne ses cheveux d’une main pour photographié son visage pathétique. Et qu’une fois fait, je lève le poing pour frapper encore. Ils ont dû être deux pour m’arrêter. Un qui me pousse en arrière, l’autre qui retient mon bras. J’crois même qu’il m’a mis un coup de poing dans le ventre pour me calmer. J’distingue une femme au téléphone paniqué et qui me fixe, peut-être qu’elle appelle les pompiers, peut-être qu’elle appelle la police. Et là dans le coin, j’la reconnais. Le double d’Echo. J’reconnais cette fille. Depuis quand est-ce qu’elle est là ? Est-ce qu’elle a vu toute la scène ? J’sais pas, j’sais pas. D’un mouvement d’épaule j’fais lâcher leur emprise aux deux gars : « ça va, ça va ». Même si j’parlais, ils ne comprendraient pas. Ce que je ressens en voyant sa gueule de mort-né, l’envie encore pressente de le défigurer plus qu’il ne l’est. Je m’éloigne malgré les réticences, faut pas que j’reste là, j’vais vraiment le tuer. Puis tout le monde semble s’inquiéter pour le violeur et croire que j’suis le coupable : « Dis-leur ce que t’as fait enfoiré, dis-leur au lieu de pleurer comme une pucelle ! ». Sans m’en rendre compte, j’cours de nouveau vers lui. Un bras me rattrape de justesse et me pousse sur le côté : « Mec, maintenant tu te barres ». Le mec a l’air sympa, peut-être qu’il a compris, peut-être qu’il sait ce que c’est : « J’peux pas le laisser comme ça, j’veux le tuer ce fils de pute », « Mec, arrête de déconner, les flics vont pas tarder, barres-toi ». Je regarde alternativement l’épave et lui. Et j’finis par céder : « Il mériterait qu’on lui arrache les couilles et qu’on lui fasse bouffer ». Je m’éloigne de quelques pas. Ma main qui tremble plein de sang et d’ecchymose envoie la photo à Sage. Toujours le vide en moi, même ça, ça ne m’a pas calmé. Je m’éloigne un peu plus loin, j’peux plus le regarder, j’vais exploser. Et j’atterris à côté du double d’Echo : « T’es toujours là quand il faut », sortant une clope de mon paquet, l’allumant à mes lèvres, prés à déguerpir.
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