HAPPASIYA ► so jealous...

Mes propos pouvaient paraître parfaitement incohérents à Happy et c'était parfaitement normal puisque tout se contredisait et je lui devais des explications. J'étais prête à les lui donner, maintenant lovée contre lui bien que ne pouvant pour autant retenir mes larmes.

-Oui, j'ai éprouvé de la jalousie de te voir avec cette fille et de la rage en croyant que tu m'avais menti alors que tu as toute ma confiance. Oui, j'ai dit que je m'en foutais de ce baiser parce qu'en moi-même je n'attendais que lui mais je me le suis interdit pour ne pas souffrir davantage. Je voulais m'auto-persuader, sans voir plus loin que le bout de mon nez. Et j'en suis vraiment sincèrement désolée. Parce que je sais maintenant que tu as été sincère et que j'ai réagi n'importe comment...

Un long soupir s’échappa soudainement des lèvres d’Happy. Il ne s’agissait pas vraiment d’autre chose que d’une intense lassitude. Et pour cause, il trouvait que leur dispute de la veille n’était rien d’autre qu’un immense gâchis, alors que la journée aurait pu tourner d’une manière bien différente. « Tu sais le problème, c’est qu’à force de s’interdire des choses, c’est toi que tu rends malheureuse. Et moi, aussi, un peu quand même… si on ne prend pas de risque, rien ne vaut la peine à ce moment là. J’ai d’autant plus de raisons que toi de me dire que non, l’amour ce n’est pas pour moi, j’ai trop de casseroles et de problématiques pourries à mon actif mais je sais pas… ça m’a semblé naturel quand je t’ai embrassé. Ton manque de réaction m’avait déjà fait mal et tes propos n’ont fait que remuer le couteau dans la plaie, énonçant une vérité qu’en plus je connaissais déjà… »

Je gardais le regard rivé sur le sol en écoutant Happy. Il avait raison sur toute la ligne mais je ne parvenais pas à me détendre et à apprivoiser les paroles qu'ils me disaient. J'avais tant de mal à changer d'idées sur tout ça...

-Mais j'ai déjà pris des risques et j'ai toujours eu le revers...

Je soupirai, restant collée contre lui. J'avais bien conscience que son baiser était tout ce que j'attendais au fond de moi mais...

-Je n'arrive plus à faire confiance... Je vois le mal partout...

« C’est vrai que t’es déjà une mémé toute croulante » tenta-t-il un peu d’humour, ainsi qu’un sourire. Non pas amusé, plutôt intimidé, mais néanmoins bien là. Happy ne possédait pas la solution, bien qu’il ait eu vent des quelques mauvaises expériences d’Anastasiya avec les hommes. Il ne pouvait pas non plus décider à sa place… si elle ne pouvait pas lui faire confiance, alors ce n’était effectivement pas la peine. Il relâcha un brin son étreinte, regardant l’horizon. « C’est sûr que c’est pas idéal. Mais tu ne seras jamais pire que moi, qui suis obligé de vivre en ayant toujours en mémoire chaque crasse qu’on m’a faite ! Et alors ? J’essaye de me dire que le monde entier n’est pas pourri. Sinon à quoi bon ? A part se tirer une balle dans la tronche, je ne vois pas… »

La petite réflexion d'Happy me fit sourire très légèrement, mais rien de plus, je n'avais pas le coeur suffisamment joyeux pour le moment.

-Happy... Je n'ai pas envie de passer pour une dépressive ou je ne sais quoi mais j'en ai assez de souffrir psychologiquement. Depuis que j'ai 4 ans, à chaque fois que je m'attache à quelqu'un, ça tourne mal... A commencer par mon père que j'ai retrouvé tout juste suicidé, ma mère de substitution morte en donnant la vie, mes parents adoptifs morts dans un crash et j'en passe. Alors, au-delà de la peur de la trahison, j'ai aussi peur de perdre encore ceux que j'aime. De te perdre, toi...

Happy savait que s’il possédait des casseroles, à traîner à la cheville comme le boulet d’un condamné à mort, Anastasiya en avait tout autant. Ce fut sans doute cette idée qui le poussa à serrer tout bonnement sa main dans la sienne, sans arrière pensée. « Il y a toujours un risque de perdre un être aimé, Ana. Je ne peux pas te promettre qu’il ne m’arrivera jamais rien, au même titre que tu ne peux pas me faire cette promesse. Surtout que mon existence ne sera pas facile, surtout quand j’aurai perdu l’ouïe. Et ce moment va arriver. Il y aurait des bons comme des mauvais moments si on prenait ce risque là. Ce risque d’être ensemble. D’un autre côté… s’arrêter là et reprendre notre amitié, c’est nous priver de quelque chose qui pourrait être beau, et remplir nos coquilles vides. Tu es heureuse avec juste ce que tu as là, maintenant ? Si c’est le cas, je m’incline. Si ce n’est pas le cas… moi je dis qu’on a rien à perdre à essayer. Vu qu’on a déjà perdu beaucoup… avoir quelque chose à nouveau… c’est peut-être pas mal. »

Happy savait manier les mots et se montrer convainquant. J'avais maintenant une parfaite confiance en lui mais comment me décider. Je ne pouvais pas prendre une décision si lourde de conséquences en seulement quelques secondes.

-Ca va trop vite, Happy. Je ne peux pas m'engager comme ça si vite...

Happy se passa une main contre sa nuque avant de s’allonger purement et simplement sur le sable. Il ferma les yeux à peine quelques secondes, pour mieux les rouvrir et constater la beauté du ciel. Cet état de fait lui apporta une paix certaine, à l’opposé de la colère ayant été la sienne la veille. « Je ne sais pas quoi te dire d’autre. Mais je sais que je n’ai pas dit qu’on était obligé de se marier, d’habiter ensemble et tout le Saint Frusquin. Je n'ai rien dit de tel. Qui te dit qu’on ne peut pas juste passer du temps ensemble ? » fit-il en soupirant. A croire que chacun de ses mots serait déformé. « Je pense qu’en fait je vais juste me taire. Lorsque je parle je te stresse, alors je ferme mon clapet » reprit-il en plaçant ses mains sous sa tête, l’air apaisé.

Je n'étais désormais plus dans les bras de Happy qui s'était étendu sur le sable. Je le regardai un moment avant de me laisser tomber en arrière en prenant appui sur un bras.

-Je crois que j'ai besoin de temps. Mais... J'ai envie de me donner une chance, de nous donner une chance.

Je baissai le regard momentanément avant de m'allonger sur le côté et de poser ma tête sur son bras.

-Mais il faudra que tu m'aides...

Happy esquissa un petit sourire avant de passer furtivement son doigt contre le nez d’Anastasiya. « Oh crois-moi j’en suis conscient. Je n’ai pas envie de précipiter les choses non plus… sans compter que j’ai la question de mon boulot à régler. On se donne une chance avec du temps ? » proposa-t-il sans bouger davantage, sans chercher à la toucher, à la brusquer ou quoi que ce soit d’autre. Au contraire, l’américain se mettait dans la position de la laisser venir… ce qu’elle fit une première fois en plaçant sa tête contre le bras d’Happy une fois allongée sur le côté. « Tu peux compter sur moi pour absolument tout Ana. Tout. Puis faudra que tu m’aides aussi… je suis… rouillé ! » rit-il, rendant tout de suite l'atmosphère nettement plus légère.