HAPPASIYA ► so jealous...

Je m'étais arrêtée dans ma course à une distance raisonnable de Happy mais suffisante pour l'entendre me parler. Etait-ce à cause de moi qu'il était comme ça ? A cette idée, j'eus envie de prendre la fuite, de partir, loin de tout et de tout le monde, j'avais si honte. Mais ce n'était pas dans mes habitudes de fuir face aux difficultés et je ne comptais pas commencer à le faire maintenant. Prenant mon courage à deux mains, je vins m'asseoir à côté de lui et le regardai sans oser dire un mot, ou presque...

-Pardon...

Ce ne fut qu’un simple mot. Il aurait pu soulager l’intégralité de ses mots mais ce ne fut pas le cas. Cela apaisa définitivement sa colère, pour sûr. Mais Happy avait été profondément atteint. D’ordinaire, lorsqu’il était « accusé » de séduire tout ce qui portait jupon, c’était mérité. Or, là, il n’avait rien fait. Juste renseigné une blonde qui ensuite s’était crue au Club Med, prête à ouvrir ses cuisses à un américain aussi désintéressé que possible. Il se racla la gorge, refusant de pleurer à son tour, mais ses yeux était humides. « Pardon pour quoi ? T’être trompée sur la situation ou m’avoir fait comprendre qu’avoir une relation normale c’est juste exclu pour moi ? J’avais bien compris que tu t’en foutais. C’était clair pourtant. Comme quoi, faut être un enfoiré pour pas être piétiné » répliqua-t-il d’un air lasse, s’envoyant une lampée plus grande encore que toutes les autres. « T'excuse pas, j'en vaux pas la peine. »

Le voir à ce point démoralisé me mettait moi-même plus bas que terre, et pourtant, je n'avais pas le droit. Il fallait que je fasse surface et que je tente de lui redonner un peu de constance. J'étais maintenant persuadée qu'il avait été sincère avec moi plusieurs heures auparavant. Et pour lui rendre service, la première chose que je trouvai à faire fut de prendre sa bouteille de ses mains et la lancer plus loin.

-On s'est détruit l'un et l'autre... Il faut que ça cesse...

Happy aurait pu dire quelque chose au fait de voir Anastasiya s’emparer de la bouteille de scotch pour la lancer au loin mais il n’en dit mot. Sans doute avait-il assez bu pour ce soir, et que se désespérer ainsi dans l’alcool ne lui rendrait pas service. Mais la phrase de la brunette le fit soupirer de plus belle. Il ne s’en moquait pas, mais il ne possédait, à l’heure actuelle, aucune solution. « Tout ce que je t’ai dit c’était pour te pousser à me croire. Il n’y avait pas de méchanceté Ana. Il faut peut-être que cela cesse mais on ne t’a pas balancé que ton baiser, on s’en foutait. Je ne pensais pas avoir mérité ça de ta part. Faut croire que si. Je paye pour tous ces connards qui t'ont piétinée, c'est ça ? »

Le mal était fait, serait-il possible de le réparer ? Je voulais m'y efforcer, même si cela devait prendre du temps. Je ne pouvais pas laisser une belle amitié partir en fumée comme ça pour des raisons aussi idiotes. Et puis je ne pouvais pas le laisser dans cet état là.

-Happy...

Je pris une inspiration, je voulais mettre les choses au clair, du moins, c'est ce que je croyais.

-Ne te mets pas en tête que je pourrais t'aimer, même si je n'avais pas eu un passé sentimental si compliqué...

Je sentais déjà l'odeur de la grosse maladresse...

Happy ne put décemment s’empêcher un petit rire nerveux. Oh qu’elle ne se formalise surtout pas, il avait bien compris la chose. Mais cette phrase qu’elle énonça, c’était encore pire. « T’en fais pas, t’était déjà claire toute à l’heure, c’est pas la peine d’enfoncer le clou » reprit-il plus froidement. Il secoua négativement la tête de droite à gauche, levant les yeux au ciel. « C’était bien la peine de jeter une bonne bouteille tiens… faudra qu’on m’explique pourquoi tu m’as fait une telle crise. Quand on est juste attaché amicalement à quelqu’un, on ne part pas en live en balançant que cette personne a menti ou mets la planète entière dans son lit. Tu ne m’aimes pas, okay, j’ai bien compris. La prochaine fois, épargne moi de nouveaux souvenirs merdiques que je ne pourrais pas oublier, ça sera sympa ! » fit-il en se redressant, sans fuir, sans faire un pas. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait rien. Mais sûrement qu’il n’y avait rien à comprendre. En tout cas, fini le moment où il se confierait à nouveau !

J'avais eu besoin de lui dire ça, pour me convaincre moi-même, pour ne pas me laisser aller à un débordement de sentiments. Mais au lieu de ça, je m'enfonçai davantage. Décidément, je n'étais pas bien douée pour les relations humaines ! Je le regardai se redresser, j'eus envie d'en faire de même mais je me sentais si perdue, complètement à l'ouest.

-J'en peux plus... J'en peux plus, Happy... J'en ai marre de lutter contre moi-même...

Et c'est reparti pour une crise de larmes...

Happy était tendu comme la corde d’un arc et prêt à grogner comme l’aurait fait n’importe quel homme de Neandertal mais il se tourna bientôt vers Anastasiya, se rasseyant face aux propos de la brunette, mais aussi à ses larmes. A croire qu’il soit définitivement couillon ou trop gentil, mais il passa un bras protecteur autour de ses épaules pour l’inciter à se blottir contre lui. Il n’avait jamais su résister aux larmes d’une femme, jamais. Celle-ci avait beau l’avoir piétiné, il n’en n’était pas au point de la laisser sur le bas côté sans rien faire. « Qu’est-ce que tu veux dire par « lutter contre toi-même » ? Personne de te demande de lutter justement… lâche-toi, sens-toi libre… »

Je ne pensais pas que Happy allait avoir ce comportement envers moi, après tout le mal que j'avais pu lui faire, bien qu'involontairement... Je ne me fis pas prier pour me blottir contre lui et poser ma joue contre son épaule. Maintenant que j'avais commencé à parler, il me fallait poursuivre et m'expliquer jusqu'au bout.

-Je me suis promis de ne plus jamais tomber amoureuse... J'ai trop souffert par le passé... Et encore récemment, en janvier... Mais plus je me force à étouffer mes sentiments plus je perds le Nord...

Je relevais alors mon regard embué vers lui, puisque les fameux sentiments, ils étaient pour lui...

Happy ne savait vraiment pas comment il avait pu s’adoucir alors que la dureté des souvenirs ancrés dans sa mémoire ne faisait que lui revenir en pleine face. Une difficulté qu’il mettait sûrement de côté pour le moment, parce qu’Anastasiya pleurait et qu’elle avait besoin d’une épaule. Il ne s’attendait en aucune manière à ses propos, qui le firent aussitôt hausser les sourcils. « Tu perds le nord en goûtant à la jalousie et en allant jusqu’à dire que tu n’as rien eu à taper d’un baiser ? » Qu’il sache si elle parlait de lui. Autant être sûr.