VIKEY | one day, i was happy

Le café. Ta drogue. La drogue de tout homme d'affaires qui se respecte. Le besoin d'un étudiant qui doit avoir le nez dans ses bouquins pour réussir dans le métier qu'il entreprend déjà. Tu dors peu, ça te réveille. Tes nuits sont courtes, quatre-cinq heures, tout au plus. Les week-end, tu as parfois de la chance. Pourtant, ton système ne s'en plaint pas. Il ne s'en plaint plus, du moins. Tu arrives à gérer avec ce que tu as. On te dirait que le café est néfaste, en trop grande quantité. Tu le conçoit, mais jamais tu n'arrêteras. Comment arrêter un alcoolique sans perturber son train de vie? Ridicule, mais la comparaison n'est pas loin d'être identique à ta réalité quotidienne. Bref, ce matin, pas de boulot. Seulement un peu d'études, pourquoi pas? Une certaine matière nécessitait un peu plus d'attention et d'efforts de ta part, alors tu t'y mettrais rapidement. Mais pour cela? Avant cela? Direction Starbucks pour un Grande Café, un truc tout simple. T'aimais tout, ou presque. Les employés commencent à te reconnaître, tu es un habitué. Tu as tout essayé c'qui se trouve sur le menu. Bref, ayant commandé, tu décides de prendre une table près de l'entrée pour avoir un peu d'air frais provenant de l'extérieur, afin de boire ton café paisiblement, et lire un peu. C'toujours bien de se renseigner sur les plus récentes actualités..

Entre mes enfants et mes études, je dois avouer que j’étais bien contente cette année d’avoir laissé les rênes de la maison à Jasper et Alexia. Ils font tous les deux un job extraordinaire et je suis très fière d’eux. Après tout, j’ai droit à un peu de répit moi aussi après trois ans à la tête de la maison, non? Bref, aujourd’hui comme bien d’autre jour, je décidai d’aller au Starbuck pour me prendre un café et étudier un peu. Normalement, j’aime bien me rendre à la bibliothèque, mais là, j’avais une envie particulière d’être parmi des gens dans un monde actif et non pas dans un lieu où le silence est maître. L’habitude d’être entouré d’enfant peut-être. J’y entrai avec mon sac sur une épaule, les deux bras dans les airs alors que j’attachais mes cheveux en un chignon négligé sur le dessus de ma tête. Je regardai le menu, je savais déjà ce que je voulais, mais j’aimais bien vérifier pour pouvoir essayer les nouveautés –quand il y en avait.

Paisible et calme n'étaient pas les mots que l'on pouvait employer pour te décrire. Silencieux et mystérieux correspondait plus. Déjà, à vingt-six ans, tu préférais lire le journal, plutôt que de faire la grasse matinée. On te disait souvent que tu étais du genre coincé. Peut-être? Tous les domaines n'étaient pas faits pour toi, et pourtant tu excellais en bien des choses. Comme les mots croisés. Étrange. Tu ne les écris jamais, lorsque tu lis le journal. Tu les fais mentalement, en un temps record. Tu t'apprêtais à lire la dernière "énigme", lorsque tu entends la porte de l'entrée claquer. Comme par réflexe, tu relèves la tête pour voir l'arrivant. Ou plutôt, l'arrivante. Tes yeux la suivent. Ils suivent ses mains dans ses cheveux, former ce qui te paraît être une oeuvre d'art. Ils suivent son visage fixe, sérieux, observer le menu accroché en hauteur. Ils suivent son corps se mouver pour aller commander, à la caisse. Tu souris en coin. Est-ce une étudiante de l'université? Elle te semble jeune, elle est jolie. Belle, même. Au même moment où elle reçoit sa commande, tu fermes ton journal, le déposant sur le coin de la fenêtre. Torrey. Elle s'appelle Torrey. Merci à Starbucks de demander le nom des gens, lors de la commande. Tu te lèves de ta chaise, pour suivre de près ses pas. Sans gêne, tu t'approches de la table à laquelle elle vient à peine de s'installer, afin de l'aborder. "Tu viens ici souvent, dis-moi?" Même pas un bonjour. Même pas de présentations -pas tout de suite. Rien. C'est que tu as toujours été direct. Tu ne cherches pas à prendre le plus long chemin, lorsque le plus court se trouve tout juste devant toi.

Tout sur le menu me faisait envie et pourtant, je savais d’avance que j’allais, comme toujours, prendre la même chose. Un grand café latté avec deux sucres. Parce que c’était ce que je prenais pratiquement chaque jour et je ne voyais pas pourquoi je changerais une formule gagnante. Du coup, je passai ma commande et l’attendit avant de prendre mon verre et d’aller m’assoir à une table un peu plus loin, me penchant pour prendre mes livres dans mon sac et ne remarquant donc pas tout de suite qu’un bellâtre m’y avait suivit. "Tu viens ici souvent, dis-moi?" Je relevai rapidement la tête et croisai son regard. Son visage ne m’était pas tout à fait inconnu, je l’avais déjà vu c’est certain. Par contre, impossible pour moi de mettre le doigt sur son nom. « Euuh.. » Je clignai des yeux à quelques reprises et réalisai à quel point sa réplique était cliché et nulle. QU’importe, son look me faisait perdre mes mots. Il était diablement beau et pourtant semblait totalement inatteignable. Pourquoi me parler à moi plutôt qu’à cette belle blonde à la table d’à côté? « Chaque jour, et toi? » lui renvoyais-je, me sentant soudainement audacieuse.

Ces temps-ci, c'est que tu avais bien du mal à sortir tes meilleures répliques de drague. Certainement, ça ne devait pas être normal, mais tu n'en faisais pas cas. Ton café dans les mains, tu n'avais pu t'empêcher de suivre cette brunette. Pourquoi? Parce que c'était l'une de tes bonnes journées où tu te sentais aimable, peut-être? Peut-être. Euuh.. Elle te semble perdue, d'un coup. Perdue, c'est le cas de le dire : on aurait dit qu'elle ne savait plus où elle était, et c'qu'elle faisait. L'effet de chaleur qu'tu faisais aux femmes? Ton sourire en coin s'agrandit. Chaque jour, et toi? Ah! Elle te lançait la perche. Du moins, subtilement. Maintenant que tu t'étais engagé sur ce terrain, pourquoi ne pas continuer? Ton regard se fait charmeur, alors que ta main parcoures doucement le rebord de la table à laquelle elle est assise. "Dans ce cas, je viendrai tous les jours." Tu venais déjà tous les jours, quoique à l'occasion, t'essayais de nouveaux endroits. Fallait sortir de sa routine, à l'occasion. "Puis-je m'asseoir?"

Son sourire s’agrandit à ma réplique et je ne pus m’empêcher de partager son sourire, le lui retournant. "Dans ce cas, je viendrai tous les jours." J’haussai les sourcils, surprise par une telle réponse. Il ne passait définitivement pas par quatre chemins. Il allait droit au but avec sa pensée et, franchement, j’aimais ça. "Puis-je m'asseoir?" Je gloussai doucement en hochant la tête. Pourquoi pas. Je poussai légèrement mes livres sur le côté et lui fis un signe de tête. « T’es étudiant à Harvard? » demandai-je finalement en prenant une gorgée de mon café, le sirotant lentement en appréciant la chaleur qui descendait dans ma gorge.

Son sourire est étincelant. Ça te réjouit, en si bonne heure de la journée. En plus du café, le sourire d'une femme est le deuxième meilleur réveil-matin, la deuxième merveille qui puisse exister en ce monde. Qu'est-ce que tu peux être rêveur, parfois. Elle accepte que tu prennes place devant elle. Pour dire vrai, si elle avait refusé, tu aurais certes été déçu, mais tu serais parti. L'une de tes plus grandes qualités, de tes plus grandes valeurs, était le respect. T’es étudiant à Harvard? Tout en prenant place, tu sirotes ton café, pour ensuite brasser ton verre dans le vide. "Depuis quelques années. Je suis de la Dunster. Et toi, t'y es aussi?" À croire que oui, si elle te le demande. Tes yeux se perdent dans les siens, comme pour chercher quelque chose. Comme pour paraître plus intimidant que tu ne l'es, peut-être.

Il prit finalement place à la table et je ne pus m’empêcher de me demander quel était son nom. Pourtant, je n’osais pas le lui demander. S’il voulait me le dire, il le ferait bien, non? "Depuis quelques années. Je suis de la Dunster. Et toi, t'y es aussi?" J’haussai les sourcils le dévisageai pendant un moment. C’était une blague, pas vrai? Il était à la Dunster depuis quelques années et je ne l’avais jamais vu? Il m’avait certainement vu lui. « J’y ai été présidente ces trois dernières années oui… » Soit il se foutait de ma gueule, soit il ne venait jamais à la maison et à nos sorties. Je me calai dans ma chaise et le regardai encore un peu, tenant de voir laquelle de mes hypothèses étaient la plus plausible. Impossible de savoir, son expression était indéchiffrable.

« J’y ai été présidente ces trois dernières années oui… » Voilà que son visage te revenait. Du moins, vaguement, mais il t'était familier. Présidente de la Dunster House depuis trois ans. À vrai dire, ce n'était réellement que depuis cette année que tu cherchais à t'intégrer, que tu sortais avec les autres lorsque venais le temps des voyages, ou de tous trucs de ce genre organisés par ta maison. À vrai dire, tu n'y vivais même pas, à la Dunster. Trop d'argent et trop de colocataires pour y habiter. Tu possédais ta propre maison à Inman Square. "Ça ne te tentait plus, cette année?" Curieux et intrigué par la demoiselle. Tu ne laissais certes rien paraître, bien trop habitué à dissimuler tes émotions. Tu bois quelques gorgées de café, lentement, cherchant on ne sait quoi. "Y'a un prénom que je pourrais mettre sur ce joli minois, ou bien je vais devoir te surnommer la fille du Starbucks?", demandes-tu en te mordant la lèvre, sans même t'en rendre compte. Tu étais peut-être un livre fermé et scellé, elle par contre, tu parvenais presque à tout lire sur son visage. Et ça te faisait bien sourire.

Il me regarda pendant un moment, semblant comprendre où il m’avait vu avant. Ouais, bienvenue dans la civilisation! Je ne savais toujours pas comment réagir et décidai de laisser couler. "Ça ne te tentait plus, cette année?" Je secouai négativement la tête, ne sachant pas trop si je devais lui expliquer la vérité ou non. « J’avais.. d’autre engagement. » choisis-je finalement de répondre. C’était plus simple ainsi et je n’avais pas à lui parler de mes enfants. Allez savoir pourquoi, j’avais peur que ça ne le fasse fuir. Pourtant, je n’avais aucune raison de m’en cacher, pas vrai? "Y'a un prénom que je pourrais mettre sur ce joli minois, ou bien je vais devoir te surnommer la fille du Starbucks?" Je souris un peu, buvant une grande gorgée de mon café. « Torrey… et toi? » Je relevai mon regard vers lui et encrai mon regard au sien.