MAXWAN ✮ There is no fear now

Depuis quinze jours, mon dos souffre à cause des hamacs lowells. Le simple fait de m’asseoir dans un siège d'avion a le pouvoir de calmer la douleur. Direction Jersey pour le voyage des Eliots. Pas de retour à Cambridge. Les nouvelles d'Harvard ne sont pas bonnes. Depuis que les confréries ont fermés, c'est le gros bordel là haut. Prise d'otage, blessés. Bref, éviter Harvard n'est pas plus mal. Suite aux deux semaines passées avec les artistes, ça me fait plaisir de revoir les bleus. Du moins les anciens bleus urgh. Installé, et Lizie entre les mains de bonnes personnes, je cherche Maxym. Elle s'est faite tirer dessus par une des folles lors de la prise d'otage. Elle ne peut pas savoir à quel point elle m'a fait peur. Après avoir demandé où elle se trouvait à une amie, je me rends sur la plage où j’aperçois la silhouette brune. Si la prendre dans mes bras paraissait évident il y a deux secondes, maintenant je suis bloqué. Je la fixe sans réellement connaitre la suite. Des milliers de grains de sables nous séparent. Comme la métaphore d'un mur. Un putain de mur qui s'est installé entre nous. En silence, et avec des brises de vent frais dans les cheveux, j’espère secrètement qu'elle tourne sa tête.

Le silence, entre-coupé du bruit des vagues. Et quand elle ferme les yeux, le silence de mort, entre-coupé du bruit des balles, des cris, et des sirènes. Maxym ose à peine dormir, et quand elle l'ose, ses muscles abîmés lui rappellent qu'elle n'en a pas le droit. Ses quelques jours au Brésil l'ont apaisé,  lui ont presque fait oublier ce qu'elle voulait cacher sous le lit. Les sentiments, ça prend la poussière aussi. Surtout quand on vous aide. Enfin, la voilà les pieds nus bien encrés dans le sable froid. Cette fraicheur qui lui rappelle le prix de se sentir vivante, le vent s'engouffrant dans sa robe et ses cheveux, fait voler les pans de son gilet. Elle inspire, profondément, assez pour lui brûler les poumons. Et son regard se tourne vers celui qui l'observe. L'attaque a nourrit sa paranoïa, mais ses traits s'apaisent en voyant Antwan. Seul tortionnaire accepté. T'façon, il a plus de balle dans son chargeur l'amoureux. La dernière, elle l'a reçu en voyant la chevelure rousse dans un recoin de l'hotel. Maxym lui sourit, parce qu'elle a plus que ça à faire. Allez, vient, j'te creuse une porte dans le mur.  

Son sourire entrouvre une porte dans notre mur. Le seul accès permettant de la rejoindre. A mon tour, je lui offre un petit rictus. C'est suffisant. Broyer les petites particules de sable ne me gênant pas, j’accélère le rythme de mes pas afin de réduire au plus vite l'écart. Me voilà devant elle. « Salut. » Mes pupilles observent le bandage au niveau de son épaule me rappelant l'épreuve que Maxym a dû subir. Je n'ai eu que des échos, des pauvres sms, rien de réel. J'ignore la douleur et la peur qu'elle a ressenti ainsi que toutes les personnes présentes. Je ne fais que l'imaginer, ça me suffit amplement. Connaitre l'effroi ne m'aidera pas à comprendre les violeurs. « Tu vas bien ? » Cela ne sert à rien de rappeler la belle connerie qu'elle a faite en ouvrant la bouche. Elle aurait pu mourir, oui, mais pas sur que l'eliot s'en rende compte. Elle est trop insouciante pour voir qu'elle a frôlé le gouffre.

L'univers entier essayait de lui rappeler la réalité. Que quand on se montre imprudente, on se fait punir, parfois au prix du sang. Qu'on a le droit de lui dire non, et que McAllister ou non, on ne peut lutter contre certains battements de cœur. Antwan, c'était son désastre à elle. « Salut. » Mais un foutu beau désastre, quand même. Ses lèvres se soulignent d'un fin sourire adorable. « Tu vas bien ? » Combien de fois on lui a demandé ça ? Ca va, t'as pas trop mal ? C'était pas trop horrible ? Si ca fait mal, si c'était horrible, même pour moi qui m'en fout de tout. Si tu me manques. Si j'en ai marre qu'on se fuit. « J'ai jamais été aussi bien. » Quelle connerie. Mais elle essaye. Elle avance. Aller voir Ric, c'était tourner la page, marcher vers l'avenir plutôt que regarder la page bleuté. « Je sais pas. » L'ironie laisse place à la sincérité. « Je sais pas si ça va ou pas. » Elle répète avec un demi-sourire, et avec une délicatesse inhabituelle, vient prendre Antwan dans ses bras, logeant ses traits dans le cou masculin.

« J'ai jamais été aussi bien. » Son ironie me rappelle la connerie de ma question. Bien sûr qu'elle a mal. La médecine d'aujourd'hui ne guérit pas les blessures par balle en quelques jours. Je laisse un soupir discret sortir de ma bouche. Qu'elle me parle sincèrement. Ca a toujours été le cas depuis qu'on est gamin. Reprenons les bonnes habitudes. « Je sais pas. Je sais pas si ça va ou pas. » La brune se loge dans mes bras. Geste tendre et affectif qui a souvent été réclamé par ma tête et mon corps. « Tout va bien. Il n'y a plus de crainte maintenant. » Des mots que je ne pense pas réellement. En trois ans, Harvard a été attaqué deux fois et je doute que cela s’arrête surtout avec ce qui se passe en ce moment. Le vague de terrorisme franchira les barrières atlantiques, sans aucun doute. Une grande université devra surveiller ses arrières plus que jamais. « Je suis là. » Oui, tout va bien quand on est deux.  

J'ai dis dans ses bras ? Disons dans son bras, vu qu'il y en a un hors service. L'autre se glisse dans le dos masculin, afin de ne pas tirer sur son épaule. « Tout va bien. Il n'y a plus de crainte maintenant. » C'est faux, il le sait, elle le sait. C'est que le début. Il faut jouer avec la peur, essayer de l'oublier dans un coin, et se concentrer sur les moments heureux. « Tu sais pas mentir Antwan. » Qu'elle lui chuchote, toujours installée contre lui. Y a pas grand chose qui va bien, dans le monde, entre eux. Comme si quelqu'un s'amusait à frapper dans le tas de cartes qu'ils se sont amusés à monter toutes ces années ensemble. « Je suis là. » Elle inspire, s'imprègne. Ca panse des blessures. Il est là. Ca paraît évident maintenant, ça ne l'était pas il y a encore quelques secondes. Max le libère de son emprise, et tout en gardant une proximité nécessaire, le sonde de ses billes expressives. « Et demain ? » Non pas demain, littéralement. Demain, après-demain, la semaine prochaine, quand l'amour prendra plus de place qu'une amitié d'enfance, tu seras encore là ?

« Tu sais pas mentir Antwan. » Je grimace connaissant mes torts. Certes, mes talents de menteur ne sont pas excellents, mais généralement j'arrive à trouver les mots pour argumenter dans mon sens. Or là, rien ne sort. Elle a raison, point final. Alors au lieu d'épuiser de la salive vainement, mes bras serrent la brune contre mon torse. Une bulle, aux minces paroi, nous a enveloppé. Il ne suffit que d'un geste pour transformer le mal en bien. Car actuellement tout me parait bien. Mais l'eliot rompt notre étreinte. « Et demain ? » Sa question se rapporte à un sujet bien trop vague. Je ne sais plus où on en est. T'façon, la brune m'a perdue le jour où elle s'est éloignée de moi. « Toujours choisir l'amitié. C'est ce qu'on m'a dit. Et demain, quoi qu'il arrive, je suivrais cette règle. » C'est une règle d'or a mes yeux. L'amour c'est bien, c'est beau, mais l'amitié c'est bien plus important.

L'espace d'une seconde, Maxym manque de céder à cette mélancolie tentante. Mais elle retient d'éventuelles vicieuses larmes, y en a eu assez dans les couloirs de l’hôpital, ou même dans ses propres billes. Suffisamment de tristesse entre eux. « Toujours choisir l'amitié. C'est ce qu'on m'a dit. Et demain, quoi qu'il arrive, je suivrais cette règle. » C'est ce qu'elle a toujours fait. Toujours sauf une fois. La fois de trop. Peut-être que c'était ça la solution, juste choisir l'amitié. Pas s'poser de questions. « Ca tombe bien, on a la même. » Et elle sourit, parce que c'est la garantie qu'ils resteraient à jamais là l'un pour l'autre, et pour l'instant, c'est tout ce qu'elle veut entendre. « Donc.. on peut dire que tu ferais n'importe quoi pour une amie proche, comme moi ? » Ses lèvres s'étirent d'avantage, la mutine se fait maline. Il est temps de se rappeler pourquoi ils sont amis. Amis avant toute chose. « Même aller dans l'eau bieen froide ? » Max le défi de son regard pétillant, le rire pour oublier tous ces sujets trop sérieux qui ont abîmé leur relation.  

« Ca tombe bien, on a la même. » L'amitié, c'est ce que j'ai de plus précieux. Pour rien au monde, je ne voudrais gâcher ça. Pas même pour un amour naissant qui pourrait n'être qu'éphémère.  Le sourire de la brune me comble sur l'instant. C'est suffisant pour le moment. « Donc.. on peut dire que tu ferais n'importe quoi pour une amie proche, comme moi ? » Mes yeux se plissent, mais mon sourire reste intact. « Ouais.. » Dit moi où tu veux en venir, McAllister. Son regard me défi, ce qui n'annonce pas quelque chose de facile. « Même aller dans l'eau bieen froide ? »  Whuut ? Elle veut que j'entre dans cette mer glaciale. Elle est un peu folle la brune. Sa balle dans l'épaule a dû endommager, par n'importe quel moyen, son cerveau. « L'amitié a ses limites. » Je ris tout en regardant l'horizon. Oh et puis soyons fou au moins une fois dans notre vie. « Okay, si j'y vais, tu y vas. » A mon tour de la défier du regard. Je ne suis pas sûr de réussir à entrer dans l'eau, mais avant même d'approcher la mer, j'veux qu'elle se prête au jeu.

« Ouais.. » Il se méfie l'animal, et il a bien raison. Tu trompes personne Max, il te connait bien. « L'amitié a ses limites. » Pas dans sa définition. C'est vrai qu'ils ont oublié de faire des choses absurdes depuis un moment, d'être un peu enfantins. Ils sont trop adultes Maxwan. « Okay, si j'y vais, tu y vas. » Elle se réjouit, l'espace d'une demie-seconde. Jusqu'à ce qu'il soit question d'elle dans la flotte quoi. « Moi ? » Elle hausse les sourcils, de l'air de la meuf qui s'étonne. « T'as oublié que j'étais handicapée à 25% là.. » Son regard se porte sur son épaule bandée, grimaçant d'une douleur imaginaire. Elle en fait trois tonnes, et tente le plus grand sérieux en posant ses billes sur lui. « Je me suis prise une balle Ant', d'une psychopathe. Une cinglée m'a tiré dessus. » Et le sérieux se fait la malle quand elle se marre à moitié. Y a que lui pour arriver à ce qu'elle s'en fiche. « Tu crois pas que j'ai assez souffert ? » Dramaqueen, acte un. Tellement pas McAllister, tellement absurde. Mais on parlait d'une eau froide là, et elle préférait largement voir Antwan se les cailler tout seul. C'est mieux d'être spectatrice quand on veut se moquer.