Les hommes sont des brutes épaisses et les femmes des petites choses fragiles ; voilà comment je vois les choses. J'ai bien conscience de nager dans les clichés, mais ces pensées ont été confirmées tellement de fois. Du coup, je ne suis pas du tout la même avec l'un ou l'autre, et trouve bien plus sécurisant de faire confiance à une personne du même sexe que moi.
Ma langue trouve la sienne dans un baiser tendre, et je frissonne de la tête aux pieds à son simple contact. Doucement, je me rapproche encore, et glisse une jambe entre les siennes pour me remettre au dessus d'elle. Mes joues sont roses, mais elle ne peut pas le voir ; tout autant que je ne peux pas distinguer la manière dont ses traits réagissent vraiment. Je le devine, vaguement, me doute qu'elle prendra peur si j'essaie d'aller plus loin. Alors je reste ainsi un moment, caressant ses cheveux doux comme la soie en jouant avec ses lèvres. Je m'en détache une seconde, le souffle déjà plus profond. "Tu ne me détesteras pas, demain ?" Je murmure, ma voix est inquiète, c'est normal. Je n'ai pas envie de perdre mon amie sous le coup d'une bête pulsion.
Les choses deviennent presque plus intenses, je ne sais pas si je suis prête pour coucher avec une fille... ça m'est déjà arrivée, et j'étais bourrée aussi cette fois-ci, mais là avec Willow... c'était différent, on était censées être les meilleures amies, j'avais peur qu'après avoir dépassé le cap des baisers tout serait différent entre elle et moi le lendemain. Je ne voulais pas que notre amitié soit en danger à cause de ça, et lorsqu'elle se retrouva au dessus de moi, à me poser cette question, je demeurais silencieuse... Elle est super tendre avec moi, ça me perturbe clairement et je ne sais plus trop où j'en suis, puisque dernièrement trop de trucs m'arrivaient, et pas forcément des bonnes choses... Ma gorge se noue, mon coeur se serre, je n'ai pas non plus envie qu'elle se fasse des films après ça...
"Je...j'en serais incapable, tu sais, tout ça, ça me perturbe, je ne pensais pas que tu puisses être attirée par moi. Et si ça continue je crois que j'vais finir par t'apprécier plus qu'avant. Je ne sais même pas si je suis prête à dépasser le stade des baisers, du moins pas dans mon état... Je ne veux pas te décevoir et ne pas m'en souvenir en me réveillant demain ou tout à l'heure...." J'étais sincère, s'il devait se passer un truc, j'aurais préféré être sobre en fait. Mais je n'ai pas envie qu'elle parte, et je viens attraper son visage dans mes mains pour venir chercher encore ses lèvres si douces.
J'ai un sourire doux, quelques peu rassuré lorsqu'elle vient prendre mon visage pour m'embrasser encore. Cela signifie beaucoup pour moi, mais je ne veux pas lui mettre de pression inutile.. Il ne s'agit que d'une attirance, certes intense, certes nourrie depuis longtemps, mais je ne suis pas sur le point de la demander en mariage. Les choses sont plus compliquées que ça, elles le sont toujours.
Je détache mes lèvres des siennes pour me laisser retomber à ses côtés et glisser mon visage dans son cou et l'y embrasser, plus sensuellement, jouant de ma langue et de mes dents sur sa peau douce et brûlante. Son parfum m'enivre plus que je ne le suis déjà, me met dans un état de quasi-transe. Et j'ai du mal à m'en détacher. Mais après une minute bien trop courte, je m'écarte, lui souris, le regard vaporeux. "Bonne nuit, May." Un sourire joueur ; une partie de moi se résigne à dormir malgré une certaine frustration -elle serait toujours là, cela dit, jusqu'au lendemain-, mais l'autre garde un faible espoir de la rendre davantage curieuse, de faire naître un semblant de désir comme elle pourrait en avoir pour un homme. Enfin, ce serait au pire des cas la note finale de cette soirée surprenante... Je m'éloigne un peu, passe mes mains sur mon oreiller pour mieux me caler, gardant le regard posé sur elle quelques instants avant de fermer les yeux.
Je crois que... après ça j'allais commencer à me poser des questions, que ça allait me torturer jusqu'à ce que je mette les choses au clair avec moi-même. Et ensuite avec Willow. Est ce que ça faisait longtemps que je lui plaisais et qu'elle avait cette envie de m'embrasser ? Si oui alors pourquoi elle ne m'en avait encore jamais parlé ? Est ce qu'elle avait eu peur que je la rembarre et coupe les ponts avec elle ? Elle me connaissait, elle savait que je n'étais pas méchante, ni même homophobe, alors pourquoi n'était-elle pas venue me voir avant ? Je frissonnais lorsqu'elle vint m'embrasser de le cou, c'était loin d'être désagréable, et si ce soir là je n'avais pas autant bu, je crois que j'aurais aimé aller plus loin avec elle.
Puis c'est l'heure de dormir, enfin, on est crevées toutes les deux et même si on est dans l'obscurité plus ou moins totale, parce que dehors il ne va pas tarder à faire, j'arrive à voir son sourire qui me perturbe encore.
"Bonne nuit ma Wiwi, fait de beaux rêves." Je cherche son visage, et viens l'embrasser sur le bout du nez et je me cale à mon tour sous les couettes. La nuit va être longue, et le réveil sera horrible avec nos gueules de bois.
Le matin est là depuis plusieurs heures déjà, le soleil tape contre la fenêtre et me réveille. Mais je n'en ai pas envie, je me sens épuisée, faible, j'ai mal aux jambes, au dos, et à la tête putain. Ma bouche est sèche, tout autant que mes yeux, et mon estomac semble se plaindre en me donnant la nausée. Comme tout jeune qui se réveille un lendemain de cuite, je me dis "plus jamais".
J'entrouvre les yeux et distingue la tignasse ébouriffée de May devant moi. Elle dort encore, je ne vois que son dos, mais le souvenir de la veille me revient de plein fouet et je me mets à rougir. Qu'est ce qu'il m'avait pris de l'embrasser comme ça ? Pourquoi je n'avais pas le souvenir de m'être fait rembarrée ? J'espérais finalement que ce ne fut qu'un rêve, mais les sensations qui regagnaient mes lèvres m'incitaient à penser le contraire.
Je me redresse, regarde autour de moi ; l'appartement semble calme pour le moment, du moins je n'entends pas de bruit derrière la porte de la chambre. Mais je me lève finalement. J'ai toujours ma robe, que je replace à peu près correctement, ainsi que mes cheveux qui ne doivent plus ressembler à grand chose. Est-ce que je devrais me sauver ? Non, ce serait tellement malpoli... Mais c'est si gênant de rester, je n'ai pas envie de débriefer de ce qu'il s'était passé. Peut-être devrais-je au moins attendre qu'elle se réveille. Je retrouve mes chaussures aux deux coins de la chambre et me rassois au bout du lit pour les remettre dans un soupire. J'ai froid aux pieds, je n'ai pas la force de rentrer, ni de rester, ni de rien.
J'ai pas arrêté de bouger cette nuit, de repenser aux baisers qu'on avait échangé elle et moi, à ce qu'il aurait pu se passer si on avait pas été aussi éméchées que ça elle et moi, ouais je m'étais posée trop pleins de questions et du coup j'avais passé la nuit à cogiter... Du coup j'avais réussi à m'endormir en fin de matinée, mais je sentais que Willow bougeait, elle était déjà réveillée et je me demandais si elle comptait me fuir sans même que je n'ai le temps de me lever de mon lit...
Finalement je décide d'ouvrir les yeux, prête à l'affronter, à lui dire que tout c'qui s'était passé ça m'avait plu et que peut-être que j'en redemanderais plus, rien que d'y penser je piquais un fard... "Hey... tu vas partir ?" Dans ma voix ça s'entendait presque que j'étais frustrée, je ne voulais pas qu'elle parte, je voulais qu'elle reste, qu'on prenne notre petit déj' ensemble sans non plus ressembler à un couple, mais juste partager encore un peu de temps ensemble.
"Si tu veux partir, tu peux hein, je ne te retiendrais pas... mais je crois que j'ai vraiment apprécié c'qui s'est passé hier, j'veux dire c'était chouette et doux, mais bizarre." Je me grattais l'arrière de la tête, gênée, je ne savais plus où me mettre. Je ne voulais pas perdre son amitié pour ça.
Sa voix me fait presque sursauter. Je me tourne vers elle, l'écoute sans savoir quoi dire, et me mets à rougir. Elle me le confirme, ça n'était pas un rêve, ni une hallucination. A moins que je ne soit encore en train de dormir, mais je n'en ai pas la sensation. "Je..." ma voix se casse, j'ai du passer trop de temps à crier et respirer la fumée des autres pendant sa soirée. De quoi me gêner encore plus. J'ignore ce qu'elle veut, ce qu'elle attend de moi, mais c'est finalement réciproque, et je ne peux que la comprendre. J'étais effectivement sur le point de partir, mais ses mots me font reconsidérer cette décision.
"J'aurais du te dire bien plus tôt que j'aimais les femmes tout autant que les hommes, je suis désolée." Sachant qu'elle m'avait même défendu des rumeurs me visant, j'ai de quoi culpabiliser. "... et que tu me plais." je le dis plus doucement, comme à moitié assumé, même si l'évidence est bien là. Je baisse les yeux, l'imite en me grattant la tête, je ne me sens pas à ma place. Même si elle affirme avoir aimé ce moment qu'on avait partagé, les choses deviendront sans doute de plus en plus "bizarres"...
"On devrait peut-être oublier tout ça... Non ?" Non, dis moi juste non et embrasse moi. Dis moi que je suis bête, que tout cela n'est pas aussi improbable que je le pense, qu'il y a une chance, au fond, que tu puisses un jour ressentir la même attirance que j'ai pour toi. Un sourire triste s'étire sur mes lèvres ; ça n'arrivera pas.
C'était la situation la plus akward qu'il pouvait nous arriver, moi je ne voulais pas qu'elle parte, et elle, s'excusait de ne pas m'avoir avoué plus tôt qu'elle appréciait les hommes et les femmes... et qu'au passage je lui plaisais aussi. Je ne savais plus où me mettre, parce que ça réveillait en moi un tout nouveau sentiment, je pensais que ce genre de situation ne m'arriverait jamais, que c'était juste le genre de choses qui arrivaient dans les films ou les séries... Genre les deux meilleures amies au monde et que finalement l'autre se sait bi et que sa meilleure amie lui plaît vraiment... Bon ça n'était pas comme si Willow m'avait avoué qu'elle m'aimait, ça n'était pas comme si elle disait m'avoir attendu tout ce temps comme me l'avait dit quelques jours plus tôt Finn... En pensant à lui je me rendais compte qu'avec lui aussi c'était le gros bordel et avec Wiwi ça n'arrangeait vraiment pas les choses...
D'ailleurs je devrais peut-être lui en parler, que cet homme s'était pointé dans ma vie m'annonçant que c'était lui qui m'avait sauvée le soir de mon agression quand je n'avais que 16 ans...
"T'as pas à t'excuser tu sais, et puis tu as de la chance je ne suis pas rancunière... Je n'ai pas non plus envie d'oublier ça, c'était tout nouveau pour moi tu sais... Mais... dans ma vie en ce moment c'est tellement le bordel... Quand j'avais 16 ans je me suis faite agressée et violée, je ne t'en avais encore jamais parlé et ce soir-là j'ai eu un ange gardien qui m'a sauvée... Et cette personne c'était un homme, qui s'est pointé dans ma vie il y a quelques jours de ça... C'est un prof, peut-être que tu le connais, il enseigne les neurosciences, et il m'a annoncé qu'il m'avait cherché pendant ces huit dernières années... en m'avouant ses sentiments pour moi... Donc tu vois, en plus de ça, maintenant il y a toi, et je t'avoue que c'est le bordel dans ma tête, je crois que j'vais avoir besoin de m'éloigner de ma vie ici pendant un petit bout de temps..." Finalement c'était un long dialogue et je n'savais pas comment Wiwi réagirait...
Elle m'explique tout un tas de choses, je me sens perdue... Une agression ? D'un coup je me sens mal, mal de ne pas avoir été là pour elle. Je hais l'idée qu'elle ait pu souffrir. Mais... Un homme est intervenu. Mon regard se fige complètement dans le sien quand elle me parle d'un prof de neurosciences. Non, pitié, dites moi que ce n'est pas celui auquel je pense, que c'en est un autre que celui avec qui j'avais... bref. Quelques images me reviennent malgré moi, je me sens rougir, mais préfère les chasser de mon esprit. La coïncidence serait trop énorme pour être crédible. Je raccroche au train de ses paroles quand elle parle de s'en aller. Mon coeur s'affole, mon timing était horrible, et je n'avais aucune envie que ce baiser la pousse à partir.
"Non, je... Ne t'en va pas. Personne ne te force à faire un choix, je ne suis pas là pour te passer la bague au doigt, je ne vais pas te demander de sortir avec moi, rien de tout ça. Je vais déjà bien mieux de savoir que je ne te dégoûte pas, et ça me suffit, vraiment." J'angoisse, ça s'entend, mais le fait qu'elle affirme vouloir partir à cause, en partie, de moi, me fait totalement reconsidérer ce que j'attends d'elle. Sa présence me suffirait. J'en avais toujours eu besoin, depuis notre rencontre, et l'amitié qui nous lie est devenue trop forte pour être brisée juste comme ça. Si elle veut finir avec ce type, tant pis, je ne pourrais rien faire quant à ses préférences sexuelles de toutes façons. Mais je sauverai ce qui peut encore l'être.
Je me rapproche, pose une main sur son bras pour finalement la serrer contre moi. Sans arrières pensées cette fois-ci, juste avec toute l'affection que je lui portais.
Elle semble perdue dans ses pensées quand je lui raconte ce qu'il m'est arrivée lorsque je n'étais qu'une gamine... Mais semble régir quand je lui dis que je vais peut-être mettre les voiles pour réfléchir à tout ce qu'il se passe dans ma vie, elle ne veut pas que je parte, elle doit penser que c'est de sa faute, alors que c'est loin d'être le cas. C'est surtout de ma faute, mais aussi de celle de cette vie qui ne fait que d'être une garce avec moi. Elle ne veut pas que je parte et ça me touche, ça me donne envie de rester, pour elle uniquement, je la laisse me prendre dans ses bras et mon coeur s'affole, comme à son habitude, comme quand elle m'avait embrassée ce matin à 5 heures... Je glisse mes mains dans son dos et le lui caresse, doucement et timidement, puis ma main droite remonte jusqu'à sa nuque, se glisse dans ses cheveux, mais rien d'autre...
"T'en fais pas... j'partirais pas, et certainement pas à cause de toi, j'suis incapable de laisser ma meilleure amie derrière moi..."
Puis on frappe à la porte de ma chambre, c'est mes amis qui me signalent qu'ils partent et qu'ils m'appelleraient pour savoir à quand aurait lieu la prochaine soirée. Je ne dis rien, ils doivent penser que je dors, et ne viendront pas nous déranger. Je met fin à l'étreinte avec Wiwi et je lui souris, un peu amusée.
"Bon, au moins on a l'appart pour nous deux, tu veux que je nous prépare des dolipranes ou bien on opte pour deux cafés bien chauds ?"