(MayLowInn) Rassembler son courage.

Ce soir, May organise une petite fête dans son appartement. Evidemment, j'étais la première à avoir frappé à sa porte, pour me faire accueillir avec deux grandes bouteilles de tequila et un grand sourire aux lèvres. Zelda n'était pas venue, malheureusement. Des histoires de cours, je crois. Je n'ai pas vraiment insisté, et j'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop ; j'étais bien incapable de refuser un soir en compagnie de ma meilleure amie.

Les heures défilent, je ris avec d'anciennes et de nouvelles rencontres. J'ai rarement bu autant et en si peu de temps, à coup de jeux et défis en tout genre, et l'effet de l'alcool sur mes sensations et gestes maladroit trahissait clairement mon état plus que festif.

J'avais une petite robe noire, mi-cuisses, le genre qui se veut mignon mais pas sage. May est hétéro, elle ignore encore que je suis bi malgré les rumeurs qu'elle a du entendre et penser infondées. Je sais que je perds mon temps à me faire belle, à essayer de lui plaire, mais peut-être aurais-je au moins un prix de consolation ce soir. A force, j'avais appris à ne pas trop espérer de la demoiselle, et c'était sans doute même plus respectueux envers elle d'aller chercher ce genre d'intérêt chez quelqu'un d'autre.

J'approche de la jeune asiatique assise à une chaise, et croise mes bras autour de ses épaules dans une étreinte exagérément amicale. Elle à peu près aussi ivre que moi, alors je me dis que l'on ne peut que s'amuser.

J'avais organisé une soirée, je ne sais pour quelle raison d'ailleurs, mais j'avais besoin d'occuper toutes mes soirées pour ne pas penser à tout ce qui m'était arrivé dernièrement, parce que si je faisais les comptes, rien de vraiment bon ne m'était arrivé, et je commençais à croire que le karma était contre moi. Et à force ça allait finir par me rendre mauvaise, donc c'était peut-être pour ça que j'avais besoin de décompresser ce soir, d'me dire qu'on avait qu'une vie et qu'il fallait en profiter. On était quoi ? Environ une dizaine de personnes, bon je ne connaissais pas tout le monde par coeur non plus, mais la première qui était arrivée c'était Willow et j'étais plutôt contente de la voir, parce que dernièrement je ne lui avais pas beaucoup accordé de mon temps... Avec les présidentielles, les choses que je devais régler à la EH, remotiver mes troupes, j'étais passé en mode "absence" et donc j'essayais de me faire plus ou moins pardonner.

Mais elle semblait être de bonne humeur ce soir puisqu'elle était plutôt éméchée, tout comme moi, parce que tout le long de la soirée on avait pas mal bu et j'accueillais avec plaisir son étreinte trop suggestive pour que je ne m'en rendes compte vraiment. Je posais mes bras sur les siens alors que je discutais avec les autres, un verre à la main qui faillit être renversé by the way.

"Hey ! Tu passes une bonne soirée ma belle ?" que je lui demandais complètement hilare.

Je crois que je venais de l'interrompre, mais peu importe, je souriais encore de ce contact volé, plus encore lorsqu'elle posa ses mains sur mes bras. Pour elle ça n'est rien, pour moi c'est tout autre chose, mais je ne sais pas vraiment quoi.

"Parfaite, si ça n'est que je te vois prendre racine sur cette chaise." Je glisse ma main jusqu'à la sienne pour la faire se lever avec moi, sous les regards amusés de ses amis. Et j'avance avec elle vers la chaîne hifi, trébuche d'ailleurs en chemin mais me reprends dignement, avant de monter le volume de la musique. Là, j'attrape une bouteille au hasard sur la table pour en prendre une gorgée, grimaçant en reconnaissant le goût brûlant du rhum, et la mets entre les mains de May en l'invitant à m'imiter. Et puis je me lâche un peu plus, tournant sur moi-même pour faire voler ma robe, dévoilant mes cuisses sans pudeur. Il est bien loin le temps où je pouvais à peine tenir debout. D'autres personnes nous rejoignent pour danser, il y a bien quelques garçons mignons dans le lot, mais mon regard complice reste ancré dans celui de mon amie que je fais danser qu'elle le veuille ou non.

C'est vrai que je prenais racine, mais en fait une fois bourrée, j'avais un peu de mal à tenir debout correctement et je ne voulais pas prendre le risque de me casser la gueule dans mon propre appartement. Willow insista tout de même pour que je lève mon popotin de la chaise où j'avais élu domicile et elle faillit tomber à son tour lorsqu'elle se dirigea vers la chaîne hifi.

"T'es déchaînée ce soir, mais j'aime ça !" que j'faisais à ma meilleure amie, me souvenant encore qu'il y avait un an de ça maintenant elle galérait pour danser correctement. Puis elle se mettait à danser, sous les yeux de tout le monde, garçons et filles, d'ailleurs on fut vite rejoint par le petit groupe qu'il y avait ce soir. Elle buvait une gorgée de rhum, je fis de même pour ne pas la laisser boire toute seule... et dansais même avec elle, parce qu'elle m'y forçait, et... c'était bizarre, je savais que j'étais bourrée, elle aussi, mais ce rapprochement... j'sais pas, c'était bizarre. J'avais entendu des rumeurs sur sa soi disant bisexualité, mais n'y croyais pas encore.

La tequila me désinhibe un peu trop, le rhum m'achève et la musique me trahit. Travail d'équipe. Non, vraiment, j'étais naturelle avec May. Elle ignorait ce petit secret à mon propos, celui qui disait que j'aimais les femmes tout autant que les hommes, mais elle savait le reste. Je voyais, cela dit, un trouble dans son regard. Peut-être étais-je trop proche, trop tactile ? Je repris un peu plus de distances, trop calculées probablement, mais n'abandonnais ni mon sourire ni notre danse, laissant finalement le duo se transformer en tout un groupe. La soirée battait son plein.

Et puis nous y voilà : les bouteilles vides ont envahi l'espace, se retrouvent partout sur chaque meuble de l'appartement. Une odeur de cigarette persiste, une note de fond de joint. Beaucoup de monde est déjà parti, certains ont déjà réquisitionné un lit pour la nuit. Et moi, je pose mes fesses sur le canapé près de May. Il est... 5h, j'ai envie de dormir. J'en suis arrivée à l'état où tout paraît irréel, lointain comme un rêve. Mélange de fatigue, d'alcool et de fumette.

Je me tourne mon amie, qui n'a pas l'air bien plus fraîche que moi, et me mets à rire. Je crois que mon regard est tendre, mais c'est bien malgré moi. Doucement, je retire la moitié de chips coincée dans ses cheveux. "Tu t'es fait des réserves ?"

La soirée est passée trop rapidement, tout est allé trop vite, odeur de cigarettes, de joints que je n'ai pas fumé, les bouteilles sont devenues des cadavres qui traînent sur le sol de mon appart... Je vais devoir tout nettoyer, tout ranger et ça me déprime, surtout que je vais me traîner une belle gueule de bois. La moitié des gens sont partis, d'autres squattent le lit dans la chambre d'amis, déjà trop morts pour continuer la soirée. Il est 5 heures du mat, heureusement que aujourd'hui c'est samedi et qu'on a pas cours. En fait je sais même pas quel jour on est. Fuck.
J'suis allongée ou presque sur un des canapés et Wiwi me rejoint dessus, j'entends à peu près correctement c'qu'elle me dit, et remarque qu'effectivement j'ai des chips dans mes cheveux. J'ai un fou rire, de ceux que vous avez quand vous êtes complètement raides.

"Ouais ça doit être ça, au cas où si j'ai une petite faim cette nuit tu vois ? J'vais avoir une flemme phénoménale le lendemain pour tout ranger... Tu restes dormir ou tu veux que je t'appelle un taxi ?"

Je me fais une place, m'allonge à côté d'elle. Un peu proche, peut-être, mais c'est normal pour des super copines comme nous, non ? Et puis, elle me connaît tactile. Y a rien de suspect. Rien du tout. Bref.

"J'ai pas la force de sortir dans le froid." C'est vrai, au cas où vous vous poseriez la question. Il caille par ici et en robe, c'est à peine supportable. Mon sourire ne s'éteint pas, mais je m'appuie sur mon coude pour me redresser, tournée vers mon amie. Elle est complètement torchée, son air ivre m'amuse d'ailleurs assez. Et une pensée me traverse l'esprit. Ce qu'il s'est passé ce soir et ce qui se passera restera pour elle un vague souvenir trop flou pour être révélateur de quoi que ce soit. Mais c'était peut-être pour moi une chance de me lancer sans prendre de risque... J'avais déjà essayé de me motiver à prendre l'initiative, des dizaines de fois même, mais m'étais toujours retrouvée bête et bredouille au moment fatidique, lui laissant comprendre systématiquement que mon estomac me faisait des misères et que cela expliquait mon comportement étrange. Mais là, c'est... différent. Et tellement tentant.

Elle rit encore, ne prête pas vraiment attention au regard contemplatif que je porte sur elle. Je ne lui laisse d'ailleurs pas le temps de réagir, et pose mes lèvres sur les siennes, dans un baiser porteur de toute la tendresse que j'avais pour elle. Oh et puis si elle s'offusquait, je n'aurais qu'à faire semblant de dormir. Ou de blaguer. Je ne sais pas, je trouverai bien.

C'est vrai que ma question était un peu conne et je pouvais comprendre qu'elle n'ait pas envie de rentrer chez elle, alors que si ça se trouve dehors il neige. Bon c'est peut-être trop tôt pour qu'il neige, alors je comprends qu'elle ne veuille pas sortir. On est là posées toutes les deux sur mon canapé, je suis limite en train de m'endormir alors que la suite des événements j'ai un peu de mal à comprendre ce qui s'passe vraiment. J'allais me lever, mais Wiwi me fixait beaucoup trop pour que je réussisse vraiment à faire quoi que ce soit... Et ses lèvres viennent de se poser sur les miennes, je bug sur le moment et m'écarte.

Les rumeurs étaient donc vraies, mais j'suis pas état de lui gueuler dessus, parce que... c'était différent des lèvres des hommes, là c'était doux... et je crois que ça me flattait en fait de savoir que je pouvais peut-être lui plaire. Je m'y attendais un peu en fait, je sais pas, depuis notre première rencontre elle avait toujours été super tactile et proche avec moi, complice.

"C'est pour quoi ce baiser ? Pour me remercier d'être une super hôte et que j'suis trop forte pour faire de bonnes soirées ? " lui fis-je un peu amusée, mais surtout...troublée.

Mes lèvres se pincent, mon coeur semble s'arrêter. Elle s'écarte en me laissant dans une atroce frustration, que je tente de dissimuler derrière un sourire. Je suis conne d'y avoir cru ne serait-ce qu'une demi-seconde.

"C'est ça !" fis-je en souriant, avant de me rallonger, posant le dos de ma main sur mon front. "Et puis tout le monde dit qu'il faut avoir embrassé une fille pendant ses années d'étudiante. Comme ça, c'est fait." Je ferme les yeux, espérant avoir réussi à faire passer ce geste pour une plaisanterie maladroite et pas du tout pour le baiser sincère qu'il était. Et puis je me redresse, sentant que j'aurai du mal à supporter de rester là après ça, finalement. "En fait je vais peut-être prendre un taxi, je ne reproche rien à ton canapé mais je préfère de loin mon cher lit qui me manque." Au détail près que je rentrerai à pieds puisqu'un taxi de nuit en plein Cambridge coûte une fortune. Mais il n'y en avait pas pour tant de temps que ça, et le froid serait toujours plus supportable que cet affreux malaise qui commence à m'envahir et que j'ai peur de bientôt ne plus pouvoir contenir.

Elle semblait presque vexée par ma réaction, et à sa voix ça s'entendait qu'elle était frustrée... je ne savais même pas pourquoi et je ne savais pas non plus comment réagir après ce baiser qui m'avait paru bien trop sincère. En fait c'était moi qui était gênée, parce que... je crois que ça m'avait presque plu et je me sentais conne de ne pas avoir réagi mieux que ça. Elle se rallongeait sur le canapé mais décida de se redresser juste après, je ne comprenais pas pourquoi, mais elle me sortait qu'elle voulait rentrer chez elle au final.
"Reste, sérieux c'est stupide que tu veuilles rentrer alors que dehors il fait ultra froid... et puis tu sais pour le baiser. Je crois que ça m'a plu, j'sais pas c'était bizarre, mais je me suis sentie flattée..." Je me sentais rougir, c'était la première fois que je rougissais près d'une fille, enfin peut-être la deuxième fois, parce que j'avais déjà eu une expérience avec une autre nana... Il y avait très longtemps de ça.

Je me redressais à mon tour et comme pour confirmer mes dires... je revenais chercher ses lèvres, après tout on est jeunes et on a le droit à toutes les expériences dans notre vie d'étudiants non ?