How you leave me breathless #2 Ft. THOMAS

Elynn prit de nouveau sa bière et en bu une gorgée. Le jeune homme lui avait posé certes, une question des plus banales, mais montrait en cela un intérêt pour elle, et bien qu'elle n'aimait pas particulièrement parler d'elle, le fait qu'on s'intéresse à elle n'était pas désagréable.  « j'aime toute sorte de films. Sauf les films de guerre. » Elle n'évoqua pas ses séances de cinématographie avec sa mère durant son enfance, n'y voyait aucun intérêt. « Je ne sais pas, parle moi de ton enfance par exemple. Tu as toujours vécu dans la région ? Et ta famille ? Tu as des frères et soeurs ? » Elle était curieuse de nature, mais plus encore à son sujet. Il avait quelque chose que les autres garçons de son âge n'avaient pas. Une aura, un karma, peut-être était-ce quelque chose de superficiel seulement, indéfinissable pour l'instant... mais cela piquait sa curiosité et elle voulait apprendre à le connaître pour savoir justement, de quoi il s'agissait.

Thomas resta un instant avec son verre à la main, sans broncher. Depuis qu'ils s'étaient installés sur le canapé, l'odeur des cheveux d'Elynn lui chatouillait les narines. Pendant qu'elle le questionnait, certainement inconsciente de ce qu'il pensait là, maintenant, il la regardait furtivement. Il n'avait pas jeté un seul regard à la pendule du salon depuis qu'elle était entrée dans son appartement. Il n'avait même pas pris le temps de se changer.
- Le premier film qui te vient en tête, alors ? demanda t-il, curieux. Les films de guerre n'étaient pas non plus sa tasse de thé. On pouvait croire que c'était viril de regarder des scènes de champs de bataille pendant 3 heures d'affilé mais très peu pour lui. Thomas fronça les sourcils, réfléchissant à ce qu'il allait dire. Il ne rentrerait pas dans les détails d'une enfance qu'il avait considérée comme incomplète.
- Je suis fils unique, en fait. A son ton, elle comprendrait certainement que ce choix de vie n'avait pas été le sien. Il aurait tellement voulu grandir avec un frère ou une soeur à ses côtés. J'ai grandi à Philadelphie et j'ai quitté la maison pour venir ici. D'un geste, il embrassa la pièce. Il se sentait chez lui dans ce petit appartement. Il fixa Elynn et sentit un picotement suivre la ligne de son cou.

Le ton de sa voix était mystérieux, comme si il ne souhaitait pas parler en détail de son enfance. La jeune femme n'insista donc pas, après tout ils ne se connaissaient pas encore assez pour qu'elle ose le pousser à parler de lui. N'aimant pas non plus s'éterniser sur son propre sujet, elle comprenait tout à fait qu'il ne le souhaite pas. « Un film ? Vous avez un message. » Des dizaines d'images lui revinrent en mémoire en prononçant le titre de ce film. Des dimanches après midi à se goinfrer avec sa mère « Il a marqué mon enfance, bien que j'avais quelques années déjà lorsqu'il est sorti. C'est un film romantique et noeuds-noeuds à souhait, c'est un peu mon plaisir honteux... » Elynn rit à cet aveux. C'était incroyable qu'avec tous les films qu'elle avait vu, c'était celui là qui lui venait en premier à l'esprit. En regardant Thomas dans les yeux, elle se rendit compte qu'il avait des taches grises dans ces yeux clairs, comme des pierres plongées dans un océan... Ne voulant pas l'embêter avec des questions trop personnelles, elle continua sur le sujet cinématographique, banal mais briseur de glace « Et toi ? Un film ? » Elle sourit au jeune homme en regardant ses lèvres sans s'en rendre vraiment compte...

Thomas n'était pas comme tous ses camarades, à avoir un planning bien préparé pour chaque journée de la semaine. Il était partisan du "Je fais ce que je veux, quand j'en ai envie". Il pouvait disparaître une journée complète et s'offrir une petite virée de quelques heures avec des amis, sans même prévenir son entourage. Il avait assez peu d'attaches sur Cambridge, mis à part sa cousine Keyla et quelques bons amis. « Un film ? Vous avez un message. », il fronça les sourcils, certain de ne jamais en avoir entendu parler. Thomas allumait la télé pour avoir un fond sonore mais ne suivait pas franchement les programmes, ni les séries.
- ça ne me dit rien... Il sourit à Elynn. On a tous des plaisirs honteux, mais je crois qu'il faudra que je jette un oeil à celui-ci. Tu sais, pour vérifier ce que les filles trouvent à ce genre de film... Il n'était pas adepte des comédies romantiques made in USA, assez mal ficelées et faisant pourtant salle comble grâce à un casting 5 étoiles. J'ai vu Into the Wild à sa sortie. Sans dire que c'est mon film préféré, je lui ai trouvé un sens. Ce besoin de liberté qu'il avait, de se détacher de ce qui était conventionnel. C'était un peu lui, en plus extrême. Il respira difficilement en tournant le regard vers Elynn. C'était quoi ça ? Il avait beau être chez lui, dans un environnement qu'il connaissait mieux que personne, il sentait que quelque chose clochait. Lorsqu'il voulut récupérer son verre de bière, sa main croisa de nouveau cellle d'Elynn.

Celui n'étonnait pas la jeune femme que Thomas ne connaisse pas le film dont elle parlait, bien que Tom Hanks et Meg Ryan était un couple absolument divin qui méritait d'être connu du monde entier, à défaut d'être réel. « C'est un culte du romantisme à l'américaine. Mais pas comme les gros films lourds à la Garry Marshall -bien qu'ils me fassent beaucoup rire avec tous ces clichés américains -, plutôt le romantisme tendre et naïf des années 80-90, l'amour pur et simple... » A ces mots, elle rougit légèrement, sans raison apparente.. En revanche, elle se rendit compte avec le film qu'il cita, qu'il était probablement moins traditionnel qu'elle aurait pu le croire. Film typique apprécié des amoureux d'aventure, Into The Wild était un choix très surprenant pour un étudiant de Harvard. « Ce film me donne des frissons, surtout quand on sait qu'il s'agit d'une histoire vraie ! » Frissons qu'elle ressentait à ce moment-même, pour une toute autre raison. Thomas et elle avaient décidé de reprendre leur bière au même moment, et leur mains étaient restées figées, leur peau s'effleurant, leur visage plus près. Elle leva les yeux vers le jeune homme qui la regardait sans bouger, ni son corps, ni sa main.

Sa meilleure amie, Vanille, avait bien essayé de le faire visionner quelques-uns de ces films à l'eau de rose. Sans succès. Il trouvait toujours quelque chose de mieux à faire comme mettre le nez dans ses bouquins ou s'enfermer dans son garage. Thomas se demandait ce qu'on pouvait bien trouver à ces films si prévisibles, une chose était certaine ; on ne les regardait pas pour l'intrigue.
- Peut-être que je changerais d'avis sur le genre si tu me proposes de le voir. Il sourit franchement, l'idée ne lui déplaisait pas s'il était en compagnie d'Elynn.
- C'est toute la différence avec les films romantiques. Finalement, on n'a pas besoin d'inventer des histoires pour faire rêver les gens, il suffit de s'arrêter et de choisir quelqu'un dont la vie a été disons...un peu moins ordinaire que les autres. L’inspiration était dans le réel, dans le concret. Il sentait la main d'Elynn sous ses doigts. D'ordinaire, il aurait retirer sa main rapidement et sourit d'un air gêné. Mais c'était agréable, rassurant de savoir qu'elle était là. Il tenta de se raisonner, il ne la connaissait que depuis quelques semaines et avait pourtant l'impression qu'il la reverrait bientôt.
- Tu as froid ? Tes mains sont gelées...Son pouce dessina un cercle sur le dos de sa main comme pour lui indiquer qu'il pouvait la réchauffer.

« Je suis tout à fait d'accord avec toi, mais j'aime l'idée de créer des personnages de A à Z, avec leur histoire, leur caractère, leurs traits... Pouvoir inventer des aventures imaginaires, exactement comme on les veut... » Elynn n'était pas du genre coeur d'artichaud. Rien de très profond ni très sincère en tout cas. Elle avait eu pas mal de petits amis, des garçons qu'elle avait réellement aimé et chéri, mais ne connaissait pas l'amour passionné, le vrai, comme celui qu'elle avait lu des dizaines de fois dans les romans. Et avoir le coeur qui bat, rien qu'au léger touché d'une main, c'était tout nouveau. Peut-être était-ce la bière qui la rendait soudainement tachycarde, la fatigue, le froid, mais le fait que frôler la main de Thomas et de sentir des frissons et une chaleur intérieure était très étrange pour la jeune femme. La caresse de Thomas sur le dos de sa main lui parut d'une douceur incroyable, comme le baiser d'une plume à la chaleur humaine. Elle sentit à ce moment là quelque chose parcourir sa colonne, comme de l'électricité. Mais c'était impossible, de l'électricité dans son corps, non ? Sans trouver de mot, Elynn bégaya un instant avant de réussir à répondre quelque chose « non j'ai... les extrémités toujours froides... » Ses yeux ne pouvaient à présent quitter le regard du blond, comme envoûtée par sa caresse.

Inventer. C'est ce qu'il avait fait une partie de son enfance en se racontant des histoires, prétextant que son père n'avait tout simplement pas le temps de l'emmener voir un match de football américain, ni même lui payer un milkshake. La vérité, c'était qu'il passait plus de temps enfermé dans son bureau qu'aux côtés de sa femme et de son fils.
- C'est presque trop facile. Dans les films, tous les obstacles sont surmontés si vite, c'est parfois un peu trop éloigné de la réalité. Il comprenait maintenant ce qu'elle recherchait en regardant ce type de film. C'était sa façon à elle de s'échapper, de s'imaginer vivre certaines rencontres. Il s'était presque attendu à ce qu'Elynn le repousse, elle en aurait eu tous les droits. C'était déplacé de sa part, mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait ressenti la même chose. Ce courant qui passait entre eux, sans qu'ils aient besoin de parler davantage.
- Je reviens, dit-il en serrant légèrement la main d'Elynn avant de quitter le canapé. Il disparut au détour du couloir, ouvrant les portes du placard et fouillant dans ses affaires. Elle devait bien être par-là, pensa t-il en déplaçant les cartons. Thomas fit demi-tour et brandit un grand plaid blanc, avec un air triomphant. Il se rapprocha du canapé et reprit sa place, se rapprochant de quelques centimètres encore de la jeune femme. Thomas déposa le plaid sur ses épaules, recouvrant ainsi tout le haut du corps d'Elynn.
- Tu veux rester manger ? demanda t-il avec un légère appréhension. Je peux commander quelque chose.

Son cœur ne cessait de battre, sans pour cela avoir la tête qui tourne, comme après avoir courut.  « Justement, l'intérêt c'est l'espoir que provoque cette facilité à surmonter les épreuves de la vie. On se sent plus fort après avoir vu ça, on se dit "pourquoi pas moi?" » Un simple geste tendre, le tout premier qu'il eut pour elle, et son cœur battait déjà la chamade. Que ce passait-il ? Pourquoi Elynn avait-elle l'impression d'être dans un roman à l'eau de rose trop beau pour être réel ? Il faisait trop beau pour un mois de décembre, il était trop gentil, trop intéressant et vraiment, vraiment trop beau pour que ce soit réel. La jeune femme attendit donc simplement de se réveiller, mais rien n'y fit. Et ce fut lorsque Thomas lâcha sa main qu'elle redescendit de son petit nuage. « merci ! » lança-t-elle comme un soupir lorsqu'elle senti le plaid se déposer sur ses épaules. Un nouveau frisson apparut alors, celui de la chaleur venant, ou du corps de Thomas plus près du sien à présent...  « Avec plaisir ! » Dit-elle à sa proposition. C'était peut-être simplement une demande de courtoisie de la part du jeune homme, mais elle n'avait pas envie de partir, elle ne souhaitait pas que ce moment se termine.

Il sourit en remarquant qu'Elynn se réchauffait au contact du grand plaid. C'était un cadeau de sa mère pour son déménagement, et dire qu'il était resté dans le placard depuis l'hiver dernier. Thomas n'était pas du genre frileux, il avait l'habitude de travailler dans son garage non chauffé à longueur d'année. Encore une chose qu'il ne tenait pas de son père.
- Sur le moment, peut-être. Comment pouvait-il être aussi désabusé à l'âge qu'il avait ? Bien sûr que certains de ses potes avaient eu une enfance bien plus tranquille que la sienne, mais certains, bien plus complexes que celle qu'il avait passé à Philadelphie. Il n'avait pas à se plaindre. Mais chacun sa méthode pour voir le bout du tunnel, termina t-il en souriant. Son leitmotiv, c'était le sport et le dépassement de soi. Il n'avait pas peur de grand chose, passait le plus clair de son temps à étudier et faire du sport sans s'inquiéter du reste. Il récupéra un flyer qui trônait sur la table basse et entreprit de lire le détails des plats à emporter. Pizza, crêpe, gaufres...ça ne risquait pas d'être le repas le plus léger de la semaine.
- Sûre ? Je comprendrais si tu étais attendue ailleurs...Il avait parlé sans réfléchir, mais redoutait un peu d'apprendre que quelqu'un l'attendait quelque part...