How you leave me breathless #2 Ft. THOMAS

Le jeune homme se leva alors, et passa devant Elynn pour aller chercher quelque chose, créant un léger courant d'air sur son passage, la laissant découvrir son odeur. Elle aurait pu imaginer qu'il sentirait l'homme sale et plein de cambouis, mais malgré les efforts qu'il avait l'air d'avoir fourni, il n'en était rien. Il sentait le propre, et cela chatouilla les narines de la littéraire, qui eut de nouveau l'impression que tout le monde la voyait s'intéresser à ce garçon, comme si c'était écrit sur son visage qu'elle le trouvait attirant. Lorsqu'il revint s'asseoir à côté d'elle, quelques secondes plus tard, elle regarda les photos qu'il lui montrait des voitures de collection qu'il avait entretenu, et elle dit« c'est vraiment cool. » Elle prit une nouvelle gorgée de bière puis son regard se posa sur le jeune homme, visiblement absorbé par ses images. Il avait quelque chose de doux dans le regard, quelque chose de pure, comme dénué de tout sous entendu et perversité humaine. Très différent de la plupart des hommes chez qui elle avait déjà été. Elle n'était pas particulièrement une charmeuse d'homme mais elle voyait dans leurs yeux qu'elle leur plaisait et que son physique les satisfaisait amplement. Thomas était différent, il la regardait sans que ses yeux ne traînent sur sa poitrine ou ses hanches, il ne regardait pas ses lèvres lorsqu'elle parlait, mais bien ses yeux, il était respectueux, peut-être même un peu trop..?

Il y avait une part de lui dans chacune de ces voitures, il avait passé des heures à faire briller leurs rouages. Des heures de travail et une minutie sans pareille. Elynn semblait sincèrement intéressée par son album, elle n'avait pas ce sourire pincé que d'autres femmes arboraient dès qu'il se mettait à évoquer son "travail" de garagiste. Pour la gent féminine, il n'y avait rien de particulièrement glamour à évoquer la mécanique d'une voiture qui avait déjà avalé des milliers de kilomètres. Il avait à peine touché à sa bière, elle trônait quasi-pleine sur la table basse du salon. Thomas en avait vu passer des voitures dans son garage, c'était presque naturel d'octroyer quelques heures de travail à des véhicules d'un autre temps et il était plutôt fier de l'évoquer avec Elynn. Arrivé à la dernière page de l'album photo, Thomas se sentit déjà nostalgique. Demain, il continuerait d'avancer sur la locataire actuelle de son garage. Au lieu de se relever pour recaser l'album dans son tiroir d'origine, il le déposa à côté de son verre rempli de bière.
- Faut que j'arrête, je pourrais en parler toute la soirée, plaisanta t-il. A vrai dire, il avait surtout envie de parler d'elle.
- Dis m'en un peu plus sur toi...

Il n'était pas tard, pourtant l'hiver approchant à grands pas, la luminosité du jour s'échappait rapidement, laissant place aux ombres de la nuit peu à peu. Elynn qui avait déjà bu une partie de sa bière, à la différence de son hôte qui semblait la savourer, se dit qu'il fallait qu'elle ralentisse un peu la cadence. Le jeune homme avait fini de lui montrer le photos des voitures qu'il avait réparé et avait posé le petit album sur la table de salon. A sa demande, la jeune femme fut quelque peu surprise, n'ayant pas particulièrement l'habitude de parler d'elle avec les autres garçons qu'elle pouvait fréquenter « J'ai grandit en Norvège, le genre de pays très froid où les habitants ont le coeur chaud. C'est très différent d'ici... Et puis j'ai fais mes premières années d'études à Londres, puis je suis arrivée à Harvard l'an dernier. » Voilà qui résumait très bien une vie des plus ordinaires. Comment une jeune femme si atypique pouvait avoir eu une vie si commune ? Des parents aimants, des notes moyennes à l'école, puis des études.. Rien d'extravagant, très différent de ce qu'on pourrait penser en connaissant Elynn...

Il avait démonté sa première pièce auto alors qu'il était encore adolescent. C'était certainement l'une des rares choses que son père avait pris le temps de lui montrer. Il avait passé des journées et de longues soirées à dépoussiérer et démonter de vieilles voitures, pièces à pièces. Il se demandait ce qui se cachait derrière le regard clair d'Elynn. Elle parlait assez peu mais il captait tous les éléments d'informations qu'elle voulait bien lui donner. C'était assez étrange de parler voitures avec Elynn, ils ne se connaissaient que trop peu et pourtant, il avait eu envie de ressortir son vieil album. Il l'avait bien montré à un ou deux amis, mais toujours à des personnes proches. Il écoutait Elynn en sirotant enfin une gorgée de sa bière, encore remplie aux 3/4.
- Entre la Norvège, Londres et Harvard, ça fait pas mal de voyage...Il l'imaginait globe-trotter, un peu comme le Thomas qu'il s'était représenté dans sa tête alors qu'il n'était qu'un ado. Comment c'est la Norvège ? Une étendue de neige blanche s'imposait aussitôt dans son esprit, un pays où les températures descendaient régulièrement sous la barre des -10°C.

La Norvège, c'était son pays d'origine, sa maison. Même si elle avait l'intention de voyager toute sa vie, elle savait que c'est le pays où elle allait passer ses vieux jours. C'était un endroit calme, et paisible. Pleins de petites îles marchandes poissonnières, avec des écoles presque vides tant la population était minime, d'immenses étendues d'herbe se transformant en tapis de neige lors de la saison.  « C'est un pays où règne la paix et où les gens ont le coeur chaud. » C'était quelque chose qui l'avait étonné lorsqu'elle était arrivée aux Etats Unis. Encore, les Anglais étaient assez originaux, un peu dans la Lune pour la plupart, mais les Américains étaient très modelés à leur société. Il fallait être brillant, beau et généreux. Il fallait faire à tout prix des études, être médecin ou avocat pour avoir l'honneur de dire que l'on a réussi dans la vie. Il fallait avoir une belle voiture, une grande maison, une magnifique femme, et une sensuelle maîtresse. C'était des nourrices qui élevaient les enfants, qui leur faisait à manger et qui les aidait pour leurs devoirs.« C'est... » Elle réfléchi une seconde avant de continuer. Elle ne pouvait pas dire tout ça, Thomas était américain, il risquait de mal le prendre. « C'est très différent d'ici. »

Entendre Elynn évoquer son pays natal, c'était presque un voyage par procuration. Il y avait quelque chose dans sa voix qui trahissait un manque. Thomas le savait, même s'il avait du mal à le reconnaître, ça lui arrivait souvent de repenser au port de Philadelphie. Il y avait passé plus de temps étant ado que sa propre chambre. L'essentiel n'était pas où il se trouvait mais où il se sentait chez lui, et il n'avait jamais eu autant l'impression d'être maître de son destin que depuis qu'il avait passé les portes d'Harvard. C'était ici désormais son chez lui, à des kilomètres en avion de ses parents et du reste de sa famille. « C'est un pays où règne la pais et où les gens ont le coeur chaud. » Il baissa la tête pour cacher le sourire qui s'affichait sur ses lèvres. Elynn aimait son pays, ça se voyait. Thomas se sentait sur le point de rétorquer que les américains, pour certains, avaient le coeur aussi chaud que les norvégiens. Mais ça, il ne pouvait pas lui prouver. Il ne pouvait s'empêcher de la regarder droit dans les yeux. Bon Dieu qu'elle était jolie.
- Différent comment ?

Bien évidemment, il lui demandait de préciser sa pensée, ce qu'elle n'osait faire. Elle lui aurait dit qu'en Norvège, on s'occupe plus de son bonheur réel que de sa garde robe, qu'on se fiche d'être vu comme des campagnards parce qu'on sait gérer les temps de grands froids sans que tout le monde fasse grève ou ne rate le travail à cause de l'arrêt des transports. Elle lui aurait précisé que personne ne connaissait le président, car il était à l'image des norvégiens : discret. Mais il ne l'aurait peut-être pas cru, en plus d'être vexé. Parce qu'Elynn n'était pas une norvégienne comme les autres. Elle était discrète mais très extravagante. Pas terre à terre pour un sous, elle avait passé son enfance à être la perchée de la classe, l'originale, l'unique. Ici, les américains faisaient beaucoup moins attention à l'attitude de chacun. Ils s'acceptaient les uns les autres, ils aimaient l'originalité. « Il y a beaucoup de petites villes, où tout se sait. Dans la mienne, si un amoureux offrait une rose à son amoureuse, tout le monde était au courant.. L'intimité est en option là-bas.. En dehors de ça, on prend le bus, ou on monte avec le voison plutôt que de prendre seul sa voiture. Et quand je rentrais à pieds l'hiver, il y avait toujours quelqu'un pour me ramener chez moi. Un inconnu. Les gens ne craignent pas ce qu'ils ne connaissent pas chez moi. » Elynn avait pris sa bouteille de bière dans les mains, et la faisait tourner contre ses paumes tout en parlant, les yeux rivés dans ceux de Thomas.

Spoiler:

Il sentait bien qu'elle ne lui disait pas tout, elle semblait ailleurs. A des milliers de kilomètres des Etats-Unis en fait, sur le sol montagneux de la Norvège. ça devait être plutôt difficile de s'adapter à de nouvelles coutumes, dire "Bonjour" dans une langue différente et surtout se sentir purement et simplement déraciné. Elynn semblait plutôt bien intégrée, du peu qu'il en savait sur son compte, elle avait un travail chez Mme Nelly et étudiait dans l'une des meilleurs facultés du pays. Encore une fois, il avait envie de lui dire que ces comportements existaient dans certaines petites villes américaines.
- C'est aussi possible sur le sol américain. Tu m'as ramené de chez Mme Nelly la dernière fois alors qu'on ne se connaissait pas le moins du monde. Tu vois, ta part de norvégienne déteint sur ceux qui t'entoure, dans le bon sens. Il lui sourit avec sympathie. ça lui paraissait complètement déplacé dans son esprit, mais il avait envie de lui prouver qu'elle pouvait se sentir en sécurité dans cette ville. Il détourna son regard un instant pour avaler une gorgée de sa bière. Sans savoir pourquoi, il avait les joues en feu à chaque fois qu'il croisait le regard innocent d'Elynn.

Spoiler:

Il n'avait pas tord. Elle l'avait ramené la dernière fois, car c'était naturel pour elle de ne pas laisser quelqu'un rentrer dans le noir, alors qu'elle avait une voiture. Surtout quelqu'un avec qui elle avait envie de passer un peu de temps pour apprendre à le connaître... Le jeune homme détourna le regard, et Elynn sentit ses joues revenir à une couleur normale, et leur température diminuer.  « tu n'as pas tord. Et puis nombreux sont les films américains où il y a des villes paumées comme chez moi ! » Elle se rappelait des dimanches après midi qu'elle avait passé avec sa mère, à regarder des vieux films, après avoir préparé toute sorte de choses à grignoter. « les petites villes comme ça, il doit y en avoir dans tous les pays j'imagine.. » Peu importait, le sujet de conversation ne lui plaisait pas vraiment. Elle n'aimait pas parler d'elle, car elle savait déjà tout et n'avait rien à découvrir. Elle préférait que ses interlocuteurs parlent d'eux « Et toi alors ? Parles moi un peu de toi ! »

Elynn aurait eu sa place dans une confrérie comme les Quincy, ils auraient certainement pu s'y croiser des années auparavant. Du peu qu'il connaissait l'étudiante, elle semblait à des années lumière des cervelles creuses qu'il croisait sur le chemin de la faculté. Elle était plutôt drôle, souriante et aimait voyager. Il y avait aussi ce côté aventurier que Thomas n'avait pas décelé chez elle lors de leur première rencontre mais qui lui plaisait.
- En parlant de films, tu es plutôt policier, historique...?
Il voyait bien qu'elle esquivait un certain nombre de questions, elle ne semblait pas à l'aise lorsqu'il s'agissait de parler d'elle. Mais Thomas était plutôt têtu et Elynn l'intriguait.
- C'est certainement celles dans lesquelles on se sent le plus chez soi. ça devait être facile de jouer au ballon sur la route lorsqu'on grandissait dans un petit village. Bien sûr, il fallait aller chercher le pain à pied, et se rendre à la première "ville" voisine dès qu'on avait besoin de quoique ce soit...mais on pouvait se lever le matin et, en écartant le rideau, voir autre chose que des routes bétonnées et des bouchons. Thomas resta interdit quelques secondes avant de poser sa bière et de détailler Elynn avec un air sérieux. Son regard croisa celui de la jeune femme et son premier réflexe fut de regarder ailleurs, sur ses lèvres en mouvement.
- Dis-moi ce que tu veux savoir.