(Flashforward)"Uhm, Patrick, Alphonse, Hubert...EUGÈNE ?!" (feat Finn)

Couper et éplucher des légumes chez un prof, ça avait quelque chose de drôle presque, et puis avouons-le, c'était plutôt pas mal pour se changer les idées tout ça, donc finalement c'était même avec plaisir que j'épluchais les légumes. Je chantonnais, et Finn me fit sortir de mes pensées, me disant que je chantais bien. Zut je n'avais pas fait attention à lui, pensant être toute seule, généralement lorsque je chantais, c'était surtout pour moi, et pas pour les autres. Alors qu'il venait de me complimenter, je lui souris, avant de rougir comme une tomate, répondant ensuite à sa réponse.

"Bingo ! Je fais mes études dans le domaine de la musique et de la danse classique, mais je dois avouer que ça fait un petit moment que je n'ai pas dansé... ni même chanté. Mais ça reviendra, ça n'est pas le genre de choses qui s'oublient facilement."

Je le laissais éplucher donc l'oignon, parce que moi je détestais faire ça, et j'avais suffisamment pleuré pour aujourd'hui. D'ailleurs en sortant de l'hôpital je n'avais même pas pris le temps de me maquiller, alors avec mes yeux rouges je ne devais ressembler à rien.

"Et vous, vous êtes professeur en quelle matière ?" On se vouvoyait encore, mais j'espérais que d'ici le repas on commencerait par se tutoyer, puisque effectivement il n'était pas mon professeur. Et pour un prof, il était plutôt mignon, et ses yeux bleus... à tomber.

Comme chez quatre-vingts-dix pour cent des femmes, le compliment de Finn provoqua chez May une mignonne rougeur au niveau des joues qui lui donna l'allure d'une belle petite poupée tout droit sortie d'un manga. Il était vrai qu'elle avait des traits asiatiques et pourtant Finn ne percevait pas d'accent. Quelque chose comme la Corée, à voir la forme de son visage et de ses yeux. En tout cas, elle savait très bien se servir d'un couteau pour quelqu'un qui n'avait pas pu se défendre d'une agression, huit ans auparavant.
Elle éclaira enfin une zone d'ombre de sa personnalité. Musique et danse...qu'elle ne pratiquait visiblement pas beaucoup.

« Ah ? S'étonna Finn, son café toujours dans les mains. Vous ne faites donc que de la théorie pour l'instant ? D'ailleurs, en quelle année êtes vous ? »

Mieux valait ne pas se risquer à donner à âge à une femme car si jamais on se trompait, cela vous faisait baisser dans l'estime de Madame. Il ignorait si May prenait ce genre de choses à cœur mais il préféra ne pas tenter tout de suite. S'ils se connaissaient depuis des années, ils ne se connaissaient pas forcément bien. Il ne voulait pas risquer de blesser celle qu'il convoitait, c'était se mettre des bâtons dans les roues avant d'avoir commencé quoi que ce soit.

« D'une matière que vous trouverez horriblement ennuyante ; les neurosciences. Vous voyez, il n'y aucune chance que nous nous croisions à l'université. Alors pas de secrets entre nous, voulez-vous. »

Finn aurait aimé avoir une élève aussi charmante sur les bancs de son amphithéâtre ; le genre au premier rang, à toujours poser des questions et à faire des interventions pertinentes pour faire avancer le cours. Malheureusement cela devrait rester dans le domaine du fantasme puisqu'elle étudiait l'art.
Et franchement, valait mieux.

Je secouais la tête alors qu'il me demandait si je ne faisais que de la théorie, mais ça n'était pas le cas, c'était juste qu'avec tout ce que je devais faire en tant que présidente de ma confrérie, je n'avais plus vraiment le temps d'aller m'entraîner dans une salle de danse ou bien même d'étudier d'autres chansons.
"Non non, c'est que dernièrement... j'ai été plutôt occupée, mais dès que j'ai l'occasion d'aller m'entraîner en danse, vous serez le premier prévenu." Je lui souriais, je me sentais à l'aise avec lui que j'avais presque envie de lui demander si je pouvais le tutoyer.

"Neurosciences ? J'ai un grand frère à Séoul qui fais ses études là dedans, il paraît que c'est assez compliqué. Pas de secrets entre nous ? Hum... ça me va, mais à condition que vous m'autorisiez à vous tutoyer, et que vous fassiez de même d'accord ?"

Après tout il ne devait pas être bien plus âgé que moi, ou alors il ne faisait pas son âge, puis comme je le regardais je ne faisais plus attention à ce que je faisais, du coup je me coupais légèrement le doigt.

"Aïe !"

« Des entraînements ? Vous n'avez pas des cours où vous êtes obligée d'aller ? »

Elle lui assura qu'il serait le premier prévenu lorsqu'elle retournerait s’exercer. Une vision furtive de la magnifique jeune femme en justaucorps lui traversa l'esprit. Une gêne s'en ressentit dans son pantalon et ses pensées se tordirent tant et si bien qu'il se déconnecta de la réalité sans réellement entendre ce que disait May par la suite, si ce n'était un truc du genre « tutoyons-nous ». L'action suivante le fit cependant rapidement descendre sur Terre ; May venait de se couper le doigt. Finn posa sa tasse et saisit aussitôt la main de la jeune femme pour examiner la blessure.

« Tu ne t'es pas loupée. » remarqua-t-il en voyant le sillon carmin laissé par une goutte de sang qui vint s'écraser sur le sol.

Par réflexe, il bascula la main de la jeune femme dans l'évier.

« Ne bouge pas, on va mettre quelque chose. »

Se détournant, il disparut dans le salon afin de trouver le placard dans lequel il rangeait tout son nécessaire à pharmacie. Il saisit une boîte de pansements et du coton avant de retrouver la jeune femme dans la cuisine et d'examiner son doigt. Sans vraiment réfléchir, il le porta à ses lèvres, enveloppant la chair de sa langue. Puis il le ressortir aussitôt avant de l'envelopper d'un pansement.

« Les bisous sont les meilleurs désinfectants du monde. »

Il se baissa afin d'essuyer la tâche de sang sur le sol avec le coton et jeta ce dernier dans la poubelle. Puis il se redressa, semblant soudain se réveiller d'une transe, et vida sa tasse de café d'un trait avant de se concentrer de nouveau sur ses oignons. Il les éminça entièrement avant de les lancer dans le wok qui se mit à crépiter tandis que les légumes déjà présents prenaient une légère teinte dorée.

Effectivement je ne m'étais pas loupée, qu'est ce qui m'arrivait ? Moi qui étais une bonne cuisinière je me laissais troubler par un homme qui m'avait emmenée chez lui pour que je puisse me reposer correctement... ce n'était pas mon genre, mais pas du tout, surtout que je m'étais jurée de ne pas me laisser troubler par qui que ce soit depuis ma rupture avec Owen... J'n'eus le temps de rien dire alors que Finn revenait avec un coton et un sparadrap pour ma plaie, mais c'est surtout le contact de sa langue sur mon doigt qui me fit sursauter... Depuis quand on était devenus aussi intimes en si peu de temps ? Je rougissais, et sur ma peau claire ça se verrait facilement... J'allais dire quelque chose, je devais dire quelque chose, mais aucun son ne semblait vouloir sortir de ma bouche...

Puis il retourna à la cuisson des légumes comme si de rien était... j'avais encore l'impression de sentir sa langue sur mon doigt, mais à la place se trouvait un pansement. Je secouais la tête comme pour chasser toutes les pensées bizarres qui me hantaient...

"Dis... c'était quoi ça ?" réussis-je finalement à placer correctement.

« Je ne sais pas, on peut ne plus en parler ? » répondit simplement Finn avec un sourire.

Il tâcha de ne pas montrer le trouble qui l'habitait actuellement et qui lui rappelait curieusement celui qu'il avait vu se peindre sur le visage d'un amant inopiné, quelques semaines auparavant, alors qu'il n'avait pas encore revu May. Cette scène venait de lui prouver qu'il n'avait pas besoin d'être ivre mort pour faire n'importe quoi. Finn avait la désagréable habitude de foncer sans réfléchir afin de ne rien regretter plus tard. Et ç'avait des conséquences bizarres comme celle-ci. Tant pis, assume.

« On mange ? » proposa-t-il.

Il saisit alors le manche du wok avant d'agiter le récipient pour mélanger les légumes entre eux. La lueur bleue du feu émanant de la gazinière disparut, mais Finn eut l'impression que c'était pour mieux gagner ses joues et son estomac.

« Je vous laisse prendre deux assiettes dans le placard, les couverts sont dans le tiroir. Vous me rejoignez dans le salon ? »

Disparaissant, Finn essaya de reprendre contenance. Mon dieu parfois il laissait ressortir de comportement de collégien prépubère horriblement niais. Il avait trente ans bordel, et à trente ans, on prenait ses couilles à deux mains et on sortait sa queue quand on avait des problèmes de ce genre. Oui bon, il n'allait tout de même pas poser sa bite sur la table en hurlant « dégagez l'sel ! Voici le filet mignon ! ».

Il dégagea plutôt le pot de fleurs pour déposer un dessous de plat qui vint accueillir le wok aussi frémissant que le sang qui circulait à toute vitesse dans ses veines. Il faisait chaud ici, désormais. Finn s'était un peu trop ouvert d'un coup, et il aurait préféré que ce soit May qui s'ouvre. Elle n'avait rien d'une femme entreprenante.
Il la brusquait beaucoup trop de fois en trop peu de temps.

Il semblait gêné et je sais pas, je crois que ça avait un côté mignon pour le coup. Mais mon sourire s'effaça lorsqu'il se remit à me vouvoyer, je lui avais pourtant demandé à ce qu'il me tutoie... Je ne relevais pas et m'exécutais alors pour prendre les couverts et venir le rejoindre ensuite dans le salon, plaçant les couverts correctement alors que j'étais un peu vexée par le fait qu'il se soit remit à me vouvoyer. Je ne voulais pas qu'il y ait déjà un froid entre nous et tentais de garder mon calme face à cette situation qui avait été gênante dans la cuisine...

Je venais de déposer mon assiette ainsi que la sienne mais me rendais compte que j'avais oublié de prendre une fourchette, du coup je me redressais pour aller en chercher une autre, mais j'en profitais aussi pour me passer un peu d'eau sur le visage. J'étais de nouveau mal à l'aise, ne sachant toujours pas quoi lui dire après son coup de langue inattendu sur mon doigt meurtri.
Soupir, puis je repartais dans le salon, déposant la fourchette manquante du côté gauche de l'assiette de Finn, puis au passage j'en profitais pour déposer un baiser sur sa joue, hop, un geste non réfléchis.

Puis je m'installais enfin en face de lui, le rouge revenant à l'attaque sur mes joues.
"Pour te remercier pour le pansement et surtout pour le repas. Bon appétit."

Il sembla s'écouler un temps interminable jusqu'à ce que May, après avoir récupéré une fourchette, vienne enfin s'asseoir. Le malaise qui planait serrait l'estomac de Finn tant et si bien qu'il sentit qu'il ne pourrait rien avaler si ce manège continuait.
Il sursauta presque cependant lorsque May l'embrassa sur la joue, comme en réponse à son geste étrange dans la cuisine lorsqu'elle s'était blessée. Finn se reprit aussi rapidement qu'il le put ; les choses devaient avancer. Après tout, ils se trouvaient entre adultes et se tutoyaient déjà. Si Finn ne lui expliquait pas tout de suite la force du lien qui les liait, il ne le ferait jamais.

« Je vous en prie, c'est normal. »

Normal pour quoi ? Parce que la sauver était devenue une habitude ?
Les légumes avaient certainement très bon goût mais ne passaient pas. Finn les avala de force avec un verre d'eau mais il les sentit distinctement glisser dans son œsophage avec toute la difficulté du monde. Prenant une légère inspiration, il regarda la jeune femme dans les yeux, s'assurant de capter son attention.

« May puisqu'il n'y a pas de secrets entre nous, il vaut mieux que je t'explique quelque chose tout de suite. »

Malgré le sérieux de la situation, il tentait de garder un ton simple et détaché. Les événements avaient après tout eu lieu huit ans auparavant. Finn posa ses couverts contre son assiette avant de joindre ses mains près de son menton.

« Il y a huit ans, quand tu t'es faite agressée, c'est moi qui t'ai sauvée et qui t'ai ramenée à l'hôpital. C'est pour ça que je te connais et que je connais ton prénom. »

Il venait de lâcher une bombe et en prenait réellement conscience. Cependant il était quelqu'un de direct et quand il avait le pouvoir de dénouer un lien il le faisait. Son bien être comptait, sa santé mentale aussi ; et elle était en train de foutre le camp depuis sa nouvelle rencontre avec May.

« Si je suis ici à Harvard c'était pour te retrouver. Tu as hanté mes pensées toutes ces années. J'avais besoin de te revoir. »

Il semblait...si sérieux que c'en était troublant, déconcertant, tout ce que vous voulez, mais je ne savais absolument pas de quoi il souhaitait me parler. En fait, c'était limite flippant, je m'attendais à ce qu'il m'annonce un truc super grave, ou bien que j'étais retenue en otage contre mon gré, enfin je me faisais plein de films vous voyez ?

Puis la bombe était lâchée, mes vagues souvenirs concernant mon agression m'explosaient à la figure, comme si chaque coups que j'avais subi ce soir-là étaient en train de refaire surface, comme si je revivais cette soirée de purs cauchemars... J'avais été violée et battue à mort, laissée pour morte dans une ruelle sombre dans les quartiers mal famés de New York alors que je n'étais encore qu'une adolescente. Finn me révélait les réelles raisons de pourquoi il me connaissait, et moi j'avais l'impression que le monde s'arrêtait de tourner, que le temps s'arrêtait également, bref le bug complet.

Je déglutis, comme pour tenter de me réveiller de l'état dans lequel je me trouvais, pourquoi ? Pourquoi avait-il mis huit années pour venir m'en parler ? Pourquoi n'était-il pas resté à mon chevet ce jour-là pour qu'il me permette de voir le visage de mon sauveur ?

Je n'y comprenais rien, mon esprit était embrumé, mais ma vue surtout était brouillée par les larmes qui perlaient sur mes joues. Je lâchais mes couverts, un peu brusquement, ne sachant même pas comment je devais réagir.
Je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas croire qu'il était venu exprès dans cette université pour me retrouver, alors que je n'étais qu'une fille parmi tant d'autres... et à son âge, ne devait-il pas être en couple ou bien fiancé à la femme de ses rêves.

"Je...je ne sais pas quoi penser de toutes ces révélations... je crois que j'ai envie de vomir..." J'étais pâle, encore plus que d'habitude mais je n'arrivais même pas à me lever pour fuir cet endroit, pour oublier ce qu'il venait de me balancer à la figure.

Évidemment, bien sûr.
Elle n'allait pas brusquement cesser de manger et se fendre d'un grand sourire et lui sauter au cou à cette révélation, avant de lui faire tendrement l'amour sur la table du salon pour le remercier de lui avoir sauvé la vie. C'était un scénario trop facile qui ne prenait effet que dans les comédies de bas étage du mainstream. Elle aurait pu tout aussi bien se mettre à hurler et partir en claquant la porte, ce qui l'aurait mis dans la mouise et projeté à son point de départ. Ou encore elle aurait pu continuer à manger tranquillement en lui lançant un regard entendu qui signifiait qu'elle ne voulait plus en parler et qu'elle le remercierait quand elle aurait le ventre plein parce que bordel, la bouffe n'attend pas.

Mais elle ne fit rien de tout cela et ce fut ce qui compliqua drastiquement la situation. Vomir ? Vomir quoi, elle n'avait absolument rien dans le ventre et c'était bien le problème. Fort heureusement cette réaction fit comprendre à Finn que quelque part en elle, May en avait quelque chose à foutre.
Et qu'est-ce que ça changeait ? Elle était vivante alors qu'elle aurait pu crever dans l'attentat. Elle avait quitté son précédent petit ami donc elle était libre. Elle n'était visiblement pas indifférente à ses charmes et avait demandé à le tutoyer alors qu'ils se connaissaient depuis deux heures. Ca changeait absolument TOUT.

« Il y a des choses qui doivent être dites. Prends le temps de les digérer, je ne vais pas te presser. Mais je préfère être sincère avec toi plutôt que de te cacher les choses plus longtemps. Ca fait huit ans que je pense à toi, six ans que je te cherche discrètement pour ne pas paraître comme te voulant du mal et me faire éjecter de la seule opportunité de te retrouver. »

Il saisit son verre qu'il vida d'une nouvelle gorgée.

« Ca doit peut-être te mettre mal à l'aise d'attiser le désir chez un homme plus vieux que toi, j'en suis désolé. Je ne te demande rien. Tu es tombée sur ma route, je ne pouvais pas te laisser comme ça. Mais je ne voulais pas non plus d'emmerdes par la suite. Je voulais juste vivre ma vie sans avoir ta mort sur la conscience. Mais ma conscience a décidé que tu signifiais quelque chose d'important pour moi. »