(fb) x WYATT ─ la psychologie des poissons

Je n'ai jamais vu un ciel bleu aussi longtemps que durant ce summer camp. Il se passait tellement bien, en réalité, que je croirais presque le rêver. Pas un seul véritable problème n'était venue mettre une ombre au tableau, et c'était tant mieux, car me prendre la tête était la dernière chose que je souhaitais. Ce jour-là, j'avais décidé de me payer une petite escapade en bateau, un truc comme du 'tourisme marin', ou je ne sais plus quel nom ils avaient donné à cela. Ce qui m'avait attiré sur la brochure, c'était le fait que le bateau ait un fond vitré qui permettait de voir ce qui se passait sous l'eau. Le genre de chose qui me fait rêver tout autant que cela me fait peur, ayant une véritable phobie des profondeurs aquatiques. Vêtue d'un short et d'un débardeur, passés pardessus mon maillot que je ne quittais presque plus, et chaussant d'agréables compensées que j'avais payé une petite fortune à Cambridge en prévision de mes vacances, je me dirigeais vers le point de rendez-vous. Ayant l'orientation d'une huitre, je m'aidais du gps de mon portable, mais arrivant à quelques rues du port, je rentrais dans quelqu'un par inadvertance. « Ah excusez-m.. » En relevant la tête, je reconnaissais alors une personne à qui je n'avais pas eu trop l'occasion de parler, malgré le fait qu'il se trouve dans mon équipe. « Hey, Wyatt. Dis, tu saurais pas où se trouve le port? » demandai-je alors. Qui sait, peut-être qu'il était plus informé que moi sur la question.

Est-ce que je pouvais être au plus mal ? J’avais rompu avec Torrey, il y a de ça quelques jours. Pour en rajouter sur le feu, j’avais dû subir la défense d’Apple. Chose dont je ne me serais bien passé. Puis, il y avait le fait que j’allais être père. Dans quelle atmosphère allait-il naitre ? Il m’avait fallu beaucoup de temps pour prendre conscience que j’allais avoir un enfant et lorsqu’on m’avait annoncé que j’allais avoir un petit garçon, il y a eu une sorte de déclic : j’allais être père. A présent, il n’y avait que lui qui comptait. Déambulant sur la croisette, je m’apprêtais à rejoindre le port pour une visite lorsqu’une jeune femme me rentrait littéralement dedans. « Ah excusez-m.. » De ma hauteur, je ne pouvais voir qu’une masse de cheveux bruns. C’est en relevant son visage vers moi que je reconnus Despe. Je ne l’avais pas vraiment reparlé depuis ce fameux jour dans le parc. A part cela, je la croisais de temps en temps sur le bateau, car nous faisions partie de la même équipe. « Hey, Wyatt. Dis, tu saurais pas où se trouve le port? » Un peu que je savais ! « Justement, j’y allais. On peut y aller ensemble » Je lui souriais sincèrement, avant de reprendre la route avec elle. « Tu vas faire quoi sur le port ? »

Si je n'ai aucun sens de l'orientation, c'était aussi parce que durant mon enfance, je n'avais jamais eu à aller nul part de moi-même. Alors j'avais grandi avec cette incapacité à me repérer, et je bénissais souvent la technologie pour le faire à ma place. J'étais donc rentrée dans quelqu'un, qui se trouvait être Wyatt, que j'avais retrouvé dans mon équipe pour le summer camp, et lui avait demandé s'il savait où se trouvait le port, comme pour ma part, c'était peine perdue.  « Justement, j’y allais. On peut y aller ensemble » « Tu me sauves la vie. » soupirai-je en souriant tout en reprenant le chemin du port. « Tu vas faire quoi sur le port ? » Etant moi-même incapable de décrire précisément le nom de cette activité, je sortis de la poche arrière de mon short la brochure qui n'était pas épaisse et donc pratique à transporter, avant de la déplier et de la lui tendre. « Ceci, en fait. » Je souhaitais profiter au maximum de mes vacances; c'était bien parti pour, en même temps. Mais ce qui me plaisait le plus, c'était aussi de passer de bons moments avec les personnes que je connaissais. Jusque là, j'avais eu le plaisir de revoir presque tout le monde, à quelques exceptions près.

« Tu me sauves la vie. » C’était assez simple de s’y retrouver ici. Pour cela, il suffisait de suivre le mouvement de la foule. Alors, que nous marchions côte à côte, j’en profitais pour demander à Despe ce qu’elle voulait faire sur le port. « Ceci, en fait. » Sortant de son sac un dépliant, elle le dépliait devant moi pour que je puisse voir de quoi elle parlait. Il était question d’un tour de bateau ou nous pourrions voir les fonds marins à travers une espèce de vitre intérieure. En fait, c’était l’activité que je m’apprêtais à faire. « Cool, tu fais la même chose que moi » répondais-je avec aisance. « On peut le faire ensemble si ça te tente. A moins, que t’avais déjà prévu quelque chose ? » Bah quoi ? Elle avait peut-être un rencard ou quelque chose comme ça. Je ne voulais pas foirer les plans de sa journée. Attendant sa réponse, je détournais le regard pour voir où nous marchions. Sans nous en rendre compte tout de suite, nous étions rentrés dans le port. Pas loin de nous, je repérais le bateau qui était sur la photo de la brochure.

Lorsque j'avais mon portable, j'arrivais encore à me repérer; je n'allais pas me perdre dans une ville comme je l'avais fait dans la forêt de Porto Rico avec Dorian. Mais désormais, je n'étais plus seule, et Wyatt connaissait la route, à mon soulagement. Lorsque je lui eu montré ce que je comptais faire, il me dit alors s'apprêter à faire la même chose. « Cool, tu fais la même chose que moi. On peut le faire ensemble si ça te tente. A moins, que t’avais déjà prévu quelque chose ? » Je secouai la tête avant de lui répondre. « Non, j'avais rien prévu, alors ça me ferait plaisir. » Nous continuions d'avancer et finîmes dans le port, où nombre de bateaux étaient amarrés. Quelques personnes s'apprêtaient sûrement à prendre le large, et on pouvait discerner au loin un grand bateau de croisière, sûrement le genre qui traverse les océans pour rejoindre le continent opposé. En arrivant là où le bateau était supposé se trouver, j'étais surprise de voir qu'il y avait très peu de monde dans cette zone-ci. Un homme d'un certain âge, nous voyant nous diriger vers lui, vint spontanément vers nous avant de nous servir un nombre d'indications impossibles à toute enregistrer. En tout cas, j'avais la certitude que l'on ne s'était pas trompés au vu de ce qu'il racontait. Bref, nous finîmes par embarquer sur ledit bateau et l'homme s'en fût là où se trouvaient les commandes. « Et sinon, ça va? » demandai-je du tac au tac, cherchant quelque chose pour démarrer une conversation. Ce n'était pas comme si je le connaissais si bien que ça, alors forcément, je n'avais pas de sujet qui fleurissait instantanément dans ma tête.

Despe acceptait de faire cette activité avec moi. Au moins, nous serions moins seuls et d’après ce que je voyais, nous allions être que tous les deux pour l’après-midi. C’était si ringard que ça ou bien le bateau de croisière accaparait les visiteurs ? Suivant la jeune femme à l’intérieur, un vieil homme venait nous aborder pour nous donner certaines indications. Puis, il repartait aux commandes, après avoir fermé l’accès au bateau. En l’espace de quelques minutes, nous nous retrouvions seuls sur un grand bateau avec pour accompagnant, un commandant speed. « Et sinon, ça va? » Baissant mon regard vers la jeune femme, je prenais en compte la question qu’elle venait de me poser. Question que je m’efforçais d’éviter, car je connaissais la réponse. Les choses n’allaient pas si bien que ça pour moi. Quelques jours plus tôt, j’avais rompu avec ma petite amie, après avoir découvert qu’un de mes frères de fraternité l’avait embrassé. Injuste comme rupture, non ? Surtout quand on savait qu’elle l’avait repoussé. Seulement, il ne s’agissait pas que de cela. Notre couple n’allait pas très bien et cela depuis que j’avais appris que j’allais être père. Attention, cela ne voulait pas dire que je n’allais pas m’occuper de mon fils. J’avais déjà pris les mesures nécessaires pour assurer cet enfant. « Disons que ça peut aller et toi ? » Pourquoi mentir ? « Je crois que c’est de là qu’on peut voir les poissons » Un peu plus loin à ma droite, il y avait une porte qui avait l’air de donner accès à la cabine vitré.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait foule, mais de là à ce qu'il n'y ait vraiment personne, c'était tout aussi étonnant. Enfin bon, c'était tout aussi bien d'être au calme que d'être dans un brouhaha qui empêcherait quiconque d'entendre quoi que ce soit, n'est-ce-pas? Lorsque je lui demandai comment il allait, il sembla avoir quelques secondes de réflexion. « Disons que ça peut aller et toi ? » Je levai les yeux vers lui un instant. « Ça va, merci. » Regardant où je mettais les pieds, il reprit alors la parole. « Je crois que c’est de là qu’on peut voir les poissons » Nous avançâmes jusqu'à ladite porte avant de pénétrer à l'intérieur de la pièce. « Ça.. peut aller? » répétais-je plus bas en relevant la tête vers Wyatt. C'était le genre de réponse bien plus négatives qu'elles n'étaient positives, et je n'aimais pas savoir que les gens aillaient mal, que ce soit pour de petites emmerdes.. ou de bien plus importantes. En fait, j'avais reposé ça de manière tout à fait naturelle, mais je savais très bien qu'il ne me répondrait peut-être pas. La dernière fois où nous avions parlé, il était également préoccupé par quelque chose, si je me souvenais bien. Je ne comptais pas le forcer à parler, bien entendu, mais.. j'espérais quand même qu'il me ferait un tant soi peu confiance.

Après m’avoir dit qu’elle allait bien, je lui signalais la porte qui nous mènerait dans la cabine sous-marine. Sans plus attendre, nous nous approchions de la porte, avant de pénétrer à l’intérieur. Refermant la porte derrière moi, nous nous retrouvions soudainement plongé dans le noir avec pour seul éclairage, les fonds marins que l’on pouvait apercevoir de la capsule. Autour de nous, il n’y avait aucune fenêtre et les reflets de l’eau se projetaient sur les murs blancs de la pièce. « Ça.. peut aller? » Je savais que ce genre de réponses étaient la porte ouverte à des interrogations. La preuve aujourd’hui. Je ne connaissais pas vraiment Despe et par conséquent, je ne devais pas lui parler de choses privées. Pourtant, elle s’était bien confiée à moi l’autre fois. La moindre des politesses, serait de lui répondre honnêtement. « J’ai rompu avec ma copine…enfin mon ex. On va dire que c’est pas facile, surtout qu’elle attends mon enfant » Contrairement à il y a quelques mois, je n’avais plus honte de dire que j’allais être père. Au contraire, je l’assumais.

« J’ai rompu avec ma copine…enfin mon ex. On va dire que c’est pas facile, surtout qu’elle attends mon enfant » Toutes les femmes tombent enceinte, en ce moment, ou c'est juste Harvard qui envoie ce genre d'ondes? Bien que légèrement surprise, j'étais aussi un peu mal pour lui. Si cela faisait trois ans que je n'avais pas été en couple, je me rappelle clairement de ma rupture avec mon ex; les histoires sérieuses sont rarement les plus agréable à arrêter. « Je.. suis désolée de l'apprendre, Wyatt. » Je n'avais pas la moindre idée de qui était sa copine, et d'ailleurs, je ne savais même pas qu'il avait été en couple, cela dit, c'était dommage pour lui. « Du coup, je ne sais pas si dire félicitations est vraiment de circonstances, enfin.. » Je balayais la salle des yeux, me faisant lentement à l'obscurité malgré que celle-ci ne soit que minime. « J'aurai peut-être pas du poser la question. » soupirai-je en parlant plus bas. J'avais l'habitude d'entendre ce genre de choses, en soi, et pourtant, c'était aussi le genre de situations que je gérais le moins. Tu parles d'une étudiante en psychologie, je faisais pâle figure face à certaines personnes que je croisais en cours qui semblaient aussi impassibles qu'un juge lors d'un examen. En fait, c'est surtout que lorsque ce sont des personnes que je connais, peu ou non, j'ai toujours plus de mal, qu'importe la situation.

« Je.. suis désolée de l'apprendre, Wyatt. » L’un des plus grand mystère de l’humanité était d’être désolé pour quelqu’un qui venait de rompre. Je n’aimais pas être pris en pitié. Heureusement pour moi, ce n’est pas ce que je comprenais dans le ton de Despe. Elle était tout simplement désolée. « Ne le soit pas. Les choses ne peuvent pas tout le temps être comme on le voudrait » Comme par exemple, le fait que mes parents ou plutôt ma mère m’en veuille, alors que j’aurais aimé qu’ils soient plus compréhensif. « Du coup, je ne sais pas si dire félicitations est vraiment de circonstances, enfin.. J'aurai peut-être pas du poser la question. » Je laissais échapper un faible rire. En effet, les circonstances étaient plus ou moins compliquées. « T’inquiète. » Je lui adressais un sourire chaleureux, avant de me rapprocher de la capsule. « Et toi ça va mieux avec ta famille ou pas du tout ? » Pour mieux voir les poissons, je décidais d’aller m’assoir sur la banquette blanche, le regard rivé sur les fonds marins.