(+) A côté de nous, Roméo & Juliette passe pour une comédie. w/ Elisandra

« A partir de ce jour, tu t’occuperas de la clientèle féminine de l’agence »décrétais-je. Pour Elisandra, tout semblait totalement naturel, ce qui n’avait de cesse de me convaincre qu’elle se fichait bien de ce que cela pouvait me faire. Il fallait que je me calme, elle en avait de bonnes. « J’ai investi dans plusieurs propriétés à travers le monde. J’aime voyager et montrer à Archi d’autres horizons que Boston » marmonnais-je. Je devais prendre du recul, abandonner l’idée que cette femme m’appartenait car elle était passée visiblement à autre chose et que j’étais fatigué.

« Quoi ? Pourquoi la clientèle féminine ?? » s’étrangla-t-elle à moitié devant cette punition manifeste tout ça parce qu’elle prenait les choses à la légère, comme d’habitude. Elisandra était comme ça, cela ne datait pourtant pas d’hier : elle se mettait rarement en colère car justement, cela lui déplaisait… et prenait les choses avec ironie. Ca ne l’empêcha pas de suivre Hyppolite jusqu’à son appartement et, une fois dans son salon, à le pousser à s’asseoir sur une chaise pour mieux commencer à lui masser légèrement la nuque. « Je peux savoir pourquoi tu me punis ? Limite m’occuper de la clientèle féminine je m’en tape mais un coup tu es froid comme un glaçon et après tu joues les chaleureux… tu me fais de la douche écossaise ou je rêve ? Pas facile de savoir ce que tu veux, pour ça que je fais pas un pas vers toi, pas envie de me prendre une porte dans la tronche au sens figuré. »

Je ne répondais pas à sa question car je ne voulais pas m’étendre sur ma décision. Au moins, auprès des femmes, je ne craignais pas qu’elle me soit volée. C’était complétement dingue, Elisandra ne m’appartenait pas mais je n’arrivais pas à me défaire d’elle. Je l’aimais à en crever et je n’arrivais pas à tuer ces sentiments. « Je ne te punis pas »fis-je buté avant de fermer les yeux sentant mes muscles se détendre légèrement. « J’ai essayé d’être abordable mais tu ne réagis pas. J’ai conscience que tu n’as plus les mêmes attentes et que tu es passée à autre chose mais je n’arrive pas à renoncer à toi et cela me perdre mon calme légendaire. Je n’arrive pas… J’essaie pourtant de me dire que j’en ai que faire que tu rencontres quelqu’un, que des hommes te regardent et profite de ta compagnie mais je n’y arrive pas »

« Tu es au courant qu’en théorie tu es celui me connaissant le mieux et que pourtant tu agis comme quelqu’un qui me connait pas ? » soupira-t-elle en levant les yeux au ciel comme s’il venait de dire la plus grande énormité de l’année. Elisandra ne cessa cependant pas son massage, partant du principe qu’il en avait grandement besoin. « Tu sais très bien que j’agis souvent à la légère quand je sais pas quoi dire ou que je sais pas comment me comporter. Tu te rends compte que je dois rattraper quatre ans de ma vie et que ça fait à peine deux semaines que je suis sortie de l’hosto ? Tu m’en demandes beaucoup là. J’ai des tonnes de choses auxquelles il faut que je m’habitue à commencer par le fait que tu as été dans d’autres bras. Et je peux t’assurer que ça fait chier de le savoir. Tu sais, on m'a volé quatre ans de ma vie mais pas seulement. »

"Je crois que je ne suis plus habitué à avoir une personne aussi proche de moi"soupirais-je. J'avais certes connu de nouvelles amitiés mais rien d'aussi fort que le lien qui m'unissait à Elisandra. "Ce n'était que des corps féminin sans importance, aucune n'a compté à mes yeux... Elles n'étaient là que pour compenser ton absence et il n'y en a eu que trois en quatre ans" avouais-je sans trop savoir quoi dire. "Je sais que tu dois te reconstruire mais cela fait quatre ans que j'attendais ce moment et tout part de travers. J'aimerai pouvoir être capable de te prendre dans mes bras, de t'embrasser, de te faire l'amour mais je n'y arrive pas. J'ai toujours l'impression que je vais me réveiller ou que tu vas te rendormir pour quatre ans de plus" avouais-je finalement en me relevant pour m'approcher de la terrasse. Elle m'avait abandonné comme tous ceux auxquels j'avais tenu par le passé.

« Qu’il y en ai eut trois ou dix c’est la même chose Hyppolite… tu t’es consolé dans d’autres bras et c’est dur à encaisser. Je ne te blâme pas, mais comprends que ce soit pourri à gérer pour moi » reprit-elle avant de froncer les sourcils de plus belle face à ses paroles pour mieux le voir se diriger vers la terrasse. Cette fois-ci, Elisandra faisait preuve de beaucoup moins de légèreté ou d’ironie… « Minute, c’est moi ou tu pars du principe que je t’ai abandonné et que je peux le faire à nouveau n’importe quand ? »

"Je ne suis pas un moine Elisandra ni même un ermite. J'avais besoin de me sentir moins seul de temps en temps" me justifiais-je car je ne voulais ni la blâmer ni me jeter la pierre. J'étais un être humain avec des besoins, des envies également et si je n'avais jamais désiré aucune de ces femmes, mon corps lui, avait éprouvé le besoin de se perdre entre des cuisses féminines. "Je ne sais pas. J'ai peur de te perdre à nouveau Elisandra... J'ai l'impression que je t'ai perdu il y a quatre ans et que rien ne pourra changer la donne. Je ne sais pas comment me comporter. Je ne peux pas être l'amant amoureux ni l'homme d'affaires avisé qui fonctionne au profit et non à l'affectif. Je ne sais pas non plus être simplement un ami. Je ne sais pas quelle est ma place dans ta vie mise à part être le père de ton fils"

« Je n’ai pas dit que t’en étais un mais moi, si j’avais envie d’exulter pour ainsi dire, je pourrais pas le faire parce que tu me pèterais un câble derrière » fit-elle remarquer à juste titre, pensant par conséquent qu’il n’était pas très bien placé pour lui jeter la pierre à ce sujet. « Je n’ai pas choisi de me faire agresser et qu’on me vole ma vie, Hyppolite. Tu te rends compte que mon fils ne me connaît pas et que j’ai loupé quatre ans de sa vie ?! J’essaye de rester debout et pourtant dieu sait combien j’ai envie de m’effondrer. Mais moi je n’ai pas changé d’un copeck. Que ce soit au niveau carafon ou même de mes sentiments je suis toujours la même. Par contre je crois pas qu’il y ait de la place pour moi dans le « nouveau toi ». Ou en tout cas tout me porte à le croire vu que t’as l’air encore plus paumé que je le suis et… tu l’as dit, t’arrive pas à m’embrasser alors… voilà. Pourquoi tu m’as invitée à dîner à la base ? Non que je sache parce que là j’ai plutôt l’impression d’être en plein jugement dernier ! »

"Que veux-tu que je te dise? Que tu dois aller dans les bras d'autres hommes pour que nous soyons sur un terrain d'égalité?"lui demandais-je presque désespéré que cette conversation vire à la dispute. Nous nous disputions déjà il y a quatre ans mais nous trouvions toujours une façon agréable de résoudre les conflits. Là, seul un goût amer me restait en bouche. "C'Est-ce que tu penses? Qu'il n'y a plus de place pour toi dans ma vie? Au contraire, la place est laissée à l'abandon depuis bien trop longtemps. Je crois que ce diner était une mauvaise idée. Tu peux partir, je te donne ta soirée... Je parlerai demain à Archibald et ainsi, tu pourras le voir le plus rapidement possible" lui dis-je en ouvrant la baie vitrée pour aller prendre l'air mais juste avant de passer celle-ci, je me retournais vers elle. "Qui sait, un jour, nous arriverons peut-être à nous retrouver mais pour l'heure, je crois que tu as besoin de te reconstruire et de refaire ta vie et en cela, je serais toujours un obstacle pour toi"

« Tu me congédies ? » fit-elle, choquée de sa réaction. Elisandra tenta de se contenir mais là encore, c’était lui beaucoup lui demander. « Un pas en avant dix en arrière, c’est ta nouvelle manière de fonctionner, apparemment. On arrivera pas à se retrouver Hyppolite parce que je crois que tu as encore plus peur que moi que je ne finisse par partir, d’une manière ou d’une autre. Je ne sais pas si tu m’en veux pour mon coma ou si c’est juste plus fort que toi, mais… c’était une mauvaise idée tout court de te demander de l’aide. Tu peux considérer que je démissionne, je me débrouillerais autrement. » La norvégienne tourna les talons et quitta les lieux d’un pas décidé et particulièrement en colère. Si c’était un test, il n’aurait pas dû la pousser juste là car sitôt rentrée chez elle, Elie rassembla aussitôt le peu d’affaires qu’elle possédait. La comédie avait assez duré. Elle ne savait pas où elle atterrirait mais ça ne serait sûrement pas pire que la discussion de ce soir.