(+) A côté de nous, Roméo & Juliette passe pour une comédie. w/ Elisandra

La poisse. Ce soir se tenait l’une des plus grandes soirées de Boston et si j’avais songé à placer tous mes anges de manière intelligente, j’avais oublié un détail de son importance : ma propre cavalière. D’ordinaire, je ne me montrais pas aussi tête en l’air mais il fallait croire que le retour d’Elisandra dans ma vie m’avait retourné bien plus que je ne le montrais. En parlant du loup, je sonnais à sa porte dans un smoking fait sur mesure. « Bonsoir. Tu as du travail pour ce soir. Je t’engage pour la soirée, tu seras ma cavalière. Peux-tu te préparer en peu de temps ? Je n’aime pas être en retard »lui demandais-je en regardant ma montre. Il était urgent que j’arrive à prendre mes distances avec elle mais tout me ramenait à elle… A commencer par mon propre cœur.

Elisandra n’était pas censée travailler ce soir, du coup, elle s’était mis dans ses projets de construction afin de rattraper le retard monstrueux pris vis-à-vis de ses études et c’est le salon blindé de papiers qu’elle ouvrit, alors qu’elle n’était vêtue que d’une nuisette. « On t’a jamais dit que t’étais aimable comme une porte de chiottes ? » soupira-t-elle face à sa demande tout sauf gentille. « Robe à mon appréciation pour gagner du temps, ça te va ? Faudrait que tu m’expliques pourquoi tu me choisis moi alors qu’il y a des dizaines d’anges qui aurait tué pour cet « honneur » hein » fit-elle en accentuant le mot d’un guillemet mimé.

"Oui, on me le dit souvent"haussais-je les épaules en m'efforçant à ce que mon regard ne se pose que sur son visage d'ange et non sur le reste de sa personne qu'une nuisette m'était allégrement en valeur. "Les anges sont toutes placées ce soir. J'ai simplement oublié de me trouver une cavalière pour la soirée. Je te laisse libre choix quant à ta tenue tant que celle-ci est élégante et pas le moins du monde outrancière. Je ne suis pas un grand friand des décolletés vertigineux ou des échancrures à ne plus laisser place à la moindre imagination" me contentais-je de lui dire, l'attendant d'ors et déjà de pieds fermes.

« Alors ça, quel scoop ! » s’amusa-t-elle à répondre avant d’éclater de rire. « Donc en fait je suis le bouche trou ? Waw super flatteur… tu dois vraiment être à la limite du suicide face à ta soirée importante pour me demander à moi… mais je sais me tenir et mettre un bavoir quand je mange tu sais, j’en mets pas partout » fit-elle avec un sourire carnassier en secouant négativement la tête de droite à gauche. « Tu connais mon rang Casanova, y’a pas marqué « pute » sur mon front alors arrête de m’insulter. » Elisandra disparut quelques minutes à peine dans sa chambre, le temps de mettre une robe classe et sexy à la fois et de se mettre de la prairie en boîte. « Ca te va, pas trop « petite femme de Pigalle » à ton goût ? »

"Je suis honnête avec toi. Préférais-tu que je te mente comme je l'aurais fait en temps normal? Tu peux te targuer que je ne te manipule pas comme je le fais avec le commun des mortels" protestais-je tandis que je checkais mes mails sur mon cellulaire. Je préférais m'occuper l'esprit et non le perdre devant son corps magnifique. "Tu perds du temps et je ne t'insultais pas. J'insistais simplement sur mes préférences concernant ta tenue. Libre à toi de le prendre comme une offense mais ce n'était pas le cas"soufflais-je sur un ton distrait avant de lever les yeux quand quelques minutes plus tard, elle revenait apprêtée d'une magnifique robe. "Parfait. Tu es ravissante"

« Mon dieu t’es toujours aussi doux qu’un rasoir » soupira-t-elle avant de disparaître et de revenir à la vitesse de l’éclair, preuve qu’elle avait entendu l’urgence de la situation. « Tu m’as fait un compliment… waw t’es malade ? Tu veux que j’appelle un médecin ? » fit-elle avant d’éclater de rire et de le devancer sans même prendre de manteau. Elle restait une norvégienne, une pure, une vraie ! « Allez en scelle cowboy, ton pince-fesse nous attend je crois. »

"Ce genre de réaction est sensée me rendre doux comme un agneau?"lui demandais-je avec une certaine froideur. Je n'étais plus vraiment habituée à ce qu'on me rabroue de la sorte même avec le sourire. Eli avait déserté ma vie depuis quatre ans et mon cœur s'était fermé à ce genre de gentillesse. "Mon pince fesse?"lui demandais-je en fronçant les sourcils pour mieux l'accompagner au garage où nous attendait ma voiture de luxe. J'aimais les voitures si bien que dans mon manoir anglais, mon garage était rempli de voiture de collection. "As-tu regardé les vidéos?"lui demandais-je par curiosité.

« Ah non, ton cas est incurable ça c’est net » plaisanta-t-elle, toujours piquante, n’estimant pas devoir courber l’échine tant qu’elle restait à peu près respectueuse et qu’il ne l’engueulait pas pour ça. Après tout, il titillait sa fierté depuis tout à l’heure non ? Voilà un juste retour des choses en somme. « Bah ouais ton pince-fesse… là où il y aura des tonnes de gens pour te serrer la paluche, te faire des risettes alors que dans le fond ils te détestent. » Elisandra détestait les galas, ça ne datait pas d’hier mais le peuple l’aimait, au moins. Elle dégageait une profonde gentillesse, une folie très attirante et une grande sympathie, cela aidait. « Bien sûr… il est magnifique, t’as fait du beau boulot » répondit-elle d’un air nettement plus sombre et plus froid.

"Je vois que tu n'as pas tout oublié" soulignais-je tout en lui ouvrant la portière passager. Je n'étais guère aimé pour la simple et unique raison qu'on me considérait toujours comme le gosse de la rue, le miséreux que mon grand-père avait sauvé pour en faire son héritier. Dans le monde bien pensant d'Elisandra, je n'étais qu'une tâche quoique je fasse. "Je n'ai pas besoin que les gens m'aiment tant qu'ils signent de gros chèque, le reste n'a aucune importance pour moi" haussais-je les épaules avant de me glisser derrière le volant. "Nous l'avons fait à deux... Je pense que tu pourras bientôt le voir"lui dis-je en quittant le garage pour me diriger vers une soirée qui risquait d'être d'un ennui profond.

« J’ai été quatre ans dans le coma, je suis pas amnésique chou » fit-elle en ponctuant ses paroles d’un sourire on ne peut plus sarcastique. « C’est bien ça le problème, tu peux me dire ce dont tu ne te fous pas ? Hormis ton gros compte en banque, tes belles bagnoles et ton précieux pouvoir bien sûr. » Elisandra était plutôt dans la discrétion à ce niveau là. Elle se moquait de la richesse matérielle et de ce qu’elle pouvait procurer. En l’occurrence, cette dernière ne l’avait pas empêchée d’être brisée. Elle hocha donc la tête en tentant un faible sourire avant de se reprendre pour faire une grande entrée dans la fameuse réception. Elie avait cependant du mal à rester au bras d’Hyppolite, heureusement qu’un duo de deux hommes vinrent saluer son cavalier, la complimentant au passage sur sa beauté.