(+) A côté de nous, Roméo & Juliette passe pour une comédie. w/ Elisandra

« Oui »consentis-je à répondre avant qu’elle ne revienne avec une bouteille de scotch. Elle n’avait tout de même pas osé me proposer de l’alcool ?! Je n’avais pas entendu ce que je venais d’entendre. « Je ne bois pas mais tu trouveras des verres dans le bar derrière toi…Sache que je n’ai pas besoin d’alcool pour me décoincer comme tu dis »déclarais-je froidement mais c’était une réaction hypodermique. J’avais souffert durant trop d’années sous les coups d’un ivrogne pour aimer trinquer ou me décoincer à l’alcool. Je me dirigeais vers la cuisine pour me préparer rapidement un cocktail de fruit histoire de me calmer. Je n’en voulais pas à Elisandra mais pour le coup, elle venait de commettre une jolie boulette.

Elisandra grimaça en se souvenant subitement de ce qu’il lui avait raconté sur son père. « Et merde… » fit-elle une fois seule, déposant la bouteille pour mieux le rejoindre dans la cuisine. « Tu sais, tu as le droit de dire que je suis conne comme mes pieds, je t’en voudrais pas. Je suis vraiment désolée Hyppo » reprit-elle après s’être raclé la gorge pour signaler sa présence. « Tu veux que je te laisse seul ? Ça vaudrait peut-être mieux… j’ai des plans à finir, ça va m’occuper la nuit après tout. »

« Tu n’es pas conne. Il est normal que des réflexes ne reviennent pas de suite. Je n’ai pas à t’en vouloir pour cela »lui dis-je d’un ton qui se voulait doux. « Tu as le droit de trinquer à l’alcool, cela ne me dérange pas et puis, j’ai l’habitude »haussais-je les épaules avant de me retourner et de la dépasser. Je m’arrêtais simplement à sa hauteur pour déposer un baiser sur son front vieux réflexe du passé comme à chaque fois qu’elle venait s’excuser auprès de moi. « J’aimerai que tu restes un peu… s’il te plait » lui demandais-je en allumant la chaîne hifi pour mettre un peu de musique jazzie en fond sonore. « Je n’ai pas de rock désolé »

« Mouais m’enfin… vais essayer de pas finir ivre, en théorie tu sais j’ai pas le droit à l’alcool, mon doc m’assassinerait direct si jamais il me voyait » soupira-t-elle mais d’un autre côté, Elisandra avait besoin de s’anesthésier après cette soirée… en demi teinte, même si elle sourit avec le baiser que lui offrit Hyppolite sur son front. « Tu te souviens que j’aime le rock ? Pas grave, j’écouterai mes classiques tout à l’heure en dessinant. Mais au fait j’y pense Einstein, si tu es si jaloux, pourquoi tu m’as pas embauché tous ces soirs comme ton escort ? Tu fais ça de temps en temps d’après Mona » le charria-t-elle légèrement en se servant un petit verre.

« Tu es en somme une vilaine fille ? » plaisantais-je sur un ton badin avant de détourner le regard en rougissant faiblement. Je remerciais silencieusement l’ambiance tamisée qui me protégeait de son regard. « Parce que je n’ai pas envie de t’imposer ma présence de cette manière. Je pourrais exiger que tu me réserves tes soirées mais en quoi cela m’aiderait à te reconquérir ? Je ne vois pas. »avouais-je avec assurance. J’étais un homme qui avait toujours su obtenir ce qu’il voulait mais même si j’avais tendance à savoir pleinement que je la voulais, je restais transi de peur à l’idée de la perdre une nouvelle fois. « Je préfère quand tu restes par toi-même »

Elisandra se pencha vers lui en murmurant d’un ton taquin : « vilaine, je l’ai toujours été » avant de se reculer précautionneusement et de boire une gorgée de son scotch, une pure merveille. « C’était de l’humour, allo ! » s’exclama-t-elle en éclatant de rire. « Ceci dit quand tu me demandes pas un truc pareil tu marmonnes, t’es glacial… alors excuse-moi mais c’est pas franchement mieux. C’est limite à croire que t’es réincarné en Mister Freeze ! Ceci dit je te rassure, je suis toujours moi-même. C’est bien ça le problème souvent » fit-elle avec ironie avant de s’asseoir pour mieux lui montrer ses mains se tétanisant quelques secondes. « T’as vu comme c’est la merde ? Des fois je peux à peine tenir un crayon. »

« J’ai bien une vanne qui me viendrait à l’esprit mais tu risques de me taxer de pervers avant même que je la termine »lâchais-je avec un léger sourire signe que je ne prenais pas sa remarque de manière dramatique. Non, je commençais un peu à me détendre à croire qu’être sur mon territoire me permettait de me sentir moins stressé. « Cela va s’arranger avec le temps, tu le sais ? » lui dis-je en prenant ses mains dans les miennes pour les porter à mes lèvres. « Accorde toi du temps, ton corps en a besoin mais ta tête également. Tu sais, j’habite juste en face de ton appartement, ma porte te sera donc toujours ouverte si tu as besoin d’une oreille attentive ou simplement d’une présence. Je ne suis pas trop mauvais dans cet exercice »

« Mais t’es un pervers Hyppopotamus !! Il n’y a que toi pour faire style que non… » le charria-t-elle avant d’être surprise qu’il ne vienne embrasser ses mains après les avoir prises dans les siennes. Cette douceur dont il faisait preuve étonnait grandement Elisandra après qu’il ait tant fait preuve de froideur. « Je sais mais je galère un peu on va dire… je suis insomniaque, j’ai peur de fermer l’œil. A chaque fois que j’en prends le risque, je me remémore la scène de mon agression, c’est atroce. Des fois j’ai le corps qui se tétanise… et je tombe. Pff… quelle connerie je te jure. Enfin t’inquiète pas si tu m’entends hurler, c’est normal. Pas de quoi se mettre la rate au court bouillon. »

« A une certaine époque, cela ne te gênait pas » eue-je un léger rire en prononçant ses paroles pour mieux regagner mon sérieux à l’écoute de son petit discours. Je fronçais les sourcils. Elle ne pouvait pas continuer à vivre seule dans ces conditions-là. « Viens vivre ici. Tu ne serais pas seule, je pourrais m’assurer que tu vas bien et t’aider en cas de chute. Et puis, cela sera une façon de préparer Archi au mieux. Nous ne sommes pas obligés de lui dire de suite que tu es sa mère »proposais-je subitement en plongeant mon regard dans le sien.

« Oh mais j’ai pas dit que ça me gênait, je suis pire que toi » sifflota-t-elle d’un air faussement innocent avant de lui offrir un petit sourire attendri. « Et tu vas me mettre où dans ton grand paradis blanc, hein ? Tu sais malgré les apparences et même si ma situation sucks à mort je peux à peu près gérer encore. Puis tu te rends compte… pas pouvoir dire à mon fils que je suis sa mère… c’est ignoble ! C’est dans ces moments là que j’ai le plus envie de hurler en fait… ou de me souler la trombine. »