À croire qu'il ne pouvait pas rester sérieux une minute mais c'est également cette joie de vivre qui m'attirait tant chez Aaron. Malgré un passé difficile, il arrivait toujours à rire, jouer les enfants, presque insouciant parfois. J'aimerais pouvoir me comporter comme lui, mais je n'y arrivais pas. Pourtant, il arrivait parfois à déteindre sur moi, et c'est sans doute pour ça que j'apprécie autant sa compagnie. Parce qu'avec lui, j'ai l'impression que tous mes problèmes et ma peine s'envolait, et qu'enfin, je pouvais vivre ma vie comme je le sentais. Ainsi, je me retrouvais avec une trace de sauce tomate en forme de bouche sur la joue et ça ne me gênait même pas! J'en rigolais même. « Oui, mais finalement, je préférais donner plutôt que recevoir. Tu me connais, je suis si généreux… ! » Sa remarque me fit lever les yeux au ciel, tandis que moi-même, je me levais pour lui rendre la pareille. Fière de mon coup, je passais un doigt sur sa joue juste en dessous de mon chef d'oeuvre - mais ça n'empêche qu'un peu de sauce s'était retrouvé dessus. Je lui demandais même de le garder toute la soirée. C'est pas de ma faute, c'est ma plus belle réussite... Et puis, ça donnait tellement bien sur son visage. « T’es sérieuse ? Mais on va sentir la tomate toute la soirée. » Une nouvelle fois, je pris une petite mine boudeuse, telle une enfant, et je l'accusais aussi par la même occasion. « Et bien t'avais qu'à pas commencer! » Oui, une enfant. C'est l'effet Connor, je vous le dis moi. Quoique l'effet Connor pouvait tout aussi rendre les femmes toute chose et c'était bien ce qui m'arrivait en ce moment alors qu'il prenait le bout de mon doit couvert de sauce tomate en bouche. J'écarquillais les yeux sous ce geste alors qu'une nouvelle fois, je virais couleur brique. Heureusement que je me tenais à lui sinon, j'sentais que j'allais perdre l'utilité de mes jambes et retrouver à fondre sur le sol. C'est vraiment pas juste, pourquoi les hommes pouvaient se montrer aussi irrésistible, surtout après une connerie? Je me mordis légèrement la lèvre alors qu'il libérait mon doigt de la torture qu'il venait de lui infliger. « C’est pas bien de jouer avec la nourriture, tu sais ? Mais je te pardonne, parce que c’est toi. » Mes yeux dans le sien, je ne voulais pas le lâcher du regard, même pas une minute. Du coup, je ne me dégageait même pas quand le bout de son nez vint caresser le mien. Je ne fis qu'afficher un doux sourire, profitant de ce moment - intense, faut l'admettre. « Quel honneur... » Son sourire un peu trop charmeur me prit de court. Je sentais une faveur arriver et je savais que je ne pourrais qu'accepter après ce qu'il venait de faire. C'était un piège tout ça en fait! Pour m'obliger à accepter ce qu'il allait me demander! Oh le manipulateur! « Tu sais… je dois aller chercher Baggy chez l’éleveur demain matin. Et comme il est dans ton quartier, au lieu de me ramener jusqu’à chez moi ce soir, tu accepterais de m’offrir ton canapé et un misérable plaid pour la nuit ? » Son regard de chien battu me fit légèrement frissonner tandis qu'une nouvelle fois, je me mordis la lèvre, comme si j'hésitais. Mais de toute façon, il savait que j'accepterais. Je ne voyais même pas pourquoi il m'avait posé la question, et encore moins en utilisant l'excuse de son chien. « J'avais déjà prévu le coup quand tu m'as demandé de venir te cherché. Du coup, j'ai préparé la chambre d'ami. » Ce qui était genre, très rare quoi. Parce que je n'avais pas vraiment l'habitude d'accueillir des gens chez moi, sauf lui, mais à chaque fois - ou presque - ça se faisait à l'improviste et le pauvre se retrouvait dans le canapé. Enfin, j'dis pas qu'il n'est pas confortable hein, mais rien ne vaut un lit douillet.
Oui, je savais pertinemment qu’Ana me laisserait dormir chez elle, sans que je n’aie à le lui demander. Disons que sa porte me restait ouverte, tout comme la mienne pour elle. C’était ainsi, sans que l’on s’en rende compte. Elle oubliait parfois quelques unes de ses affaires chez moi, et j’imaginais sans trop de mal que certaines des miennes gisaient quelque part ici. Mais comme nous le disions si bien : ce n’est pas comme si nous n’allions pas nous revoir.
- La chambre d’ami ? Waouh ! Je suis chanceux aujourd’hui !
Je la taquinais. Le fait est que je dormais la plupart du temps dans le canapé dans la mesure où nos soirées se faisaient à l’improviste. Et j’avais beau lui rappeler encore et encore que je me fichais que la chambre d’ami ne soit pas rangée ou nettoyée, rien à faire. Allez contredire une femme dans de pareilles circonstances. De toute façon, le canapé m’allait très bien. Il faut savoir que je suis capable de dormir n’importe où, comme dans une baignoire. Et si j’ai assez d’alcool dans le sang, je peux mettre trouver le sol particulièrement confortable, sauf le lendemain matin en me levant avec je ne sais combien de courbatures.
- Merci, Fawkes.
Une fois le dîner fini, bien plus tard dans la soirée, nous nous étions posés dans le canapé devant la télévision, en deux bons gros flemmards. Le fait est que je commençais réellement à fatiguer – oui, ça arrive ! Et si nous étions en train de plaisanter devant un reportage grotesque et particulièrement mal fait, peu à peu, je commençais à sentir le sommeil pointer le bout de son nez. J’étais désormais allongé de tout mon long, sur le canapé, contre le dossier en gardant Ana contre moi. Ce genre de moments câlins qui nous correspondaient parfaitement. J’aurais pu quitter le salon pour filer dans la chambre d’ami afin de ne pas commencer ma nuit sur le canapé, cependant, je n’avais pas envie de quitter Fawkes maintenant. Je me plaisais à la garder dans mes bras et à sentir son parfum qui avait l’incroyable don de m’apaiser.
Finalement, le son de la télévision fut plus lointain alors que je me permettais de fermer les yeux juste une seconde. Une seule. M’oui… Et voilà que je tombais de sommeil. Toujours allongé, l’une de mes mains s’était liée à la sienne, enroulant son corps dans mon bras. Mon visage vient instinctivement se placer dans son dos, dans une position confortable. Voilà, on venait de me perdre. J'étais serein, là, contre Ana et son parfum que j'aimais tant.
« La chambre d’ami ? Waouh ! Je suis chanceux aujourd’hui ! » Je pouffais légèrement à sa remarque. « Profites-en alors. » C'est clair que, déjà, j'allais le chercher, puis je nous préparais un bon repas - enfin, lui plus tôt, je n'avais fait que la salade - et enfin, il avait la possibilité de dormir dans un lit. Il n'y a rien à dire, c'est presque mieux que les soirées précédentes, j'ai bien dit presque. « Merci, Fawkes » Je ne fis que sourire à son remerciement tandis que je me détachais de lui pour qu'on puisse terminer notre repas.
La fin de la soirée se passa au calme, devant la télévision, comme à notre habitude. Dans un premier temps, nous commentions sur un documentaire particulièrement mal réalité mais bientôt, je remarquais Aaron moins réceptif. Il devait être épuisé, malgré qu'il dise qu'il était robuste comme l'acier. D'autant plus que nous étions tous les deux couchés dans ce canapé. Heureusement qu'il était long et large. Bref, il était bien facile de s'endormir, surtout qu'il n'y avait absolument rien d'intéressant à la télévision. Au bout d'un moment, je tournais la tête et un léger sourire s'afficha sur mes lèvres quand je remarquais les yeux fermés d'Aaron. Doucement, je me dégageais de son étreinte avant de me hisser hors de ce canapé. Je restais deux secondes devant lui, à le regarder avant de me lever et de me diriger vers ma chambre pour me changer en un simple pyjama: un t-shirt et un short, rien de bien exceptionnel. Je ressortais ensuite, jetant un coup d'oeil à Connor qui semblait ne pas avoir bougé d'un centimètre. Il allait attraper froid cette nuit. Malgré que la température montait petit à petit, les nuits restaient quand même fraîche. J'entrais donc dans la chambre d'amis et pris une léger plaid mais assez quand même pour ne pas qu'il ait froid la nuit. Je ressortais tout aussi silencieusement et me dirigeais à nouveau vers le salon. Doucement, je le recouvrais de la couverture. Et une nouvelle fois, je m'abaissais pour le regarder. Il avait l'air si serein. Ma main vint caresser ses cheveux puis sa joue. Me penchant légèrement, je vins poser mes lèvres sur son front avant de me relever. Bon, l'heure du dodo était arrivé!
J’étais tombé de sommeil comme une masse. Rien à faire. Même avec la meilleure volonté du monde, je n’arrivais plus à rester éveillé. Entre le séjour où j’avais très peu dormi et le retour en avion, je restais très exténué malgré mon habituelle bonne résistance à la fatigue. Et puis, en toute sincérité, me retrouver ici, dans un endroit où je suis parfaitement à l’aise, les bras enroulés autour d’Ana, je ne pouvais qu’être apaisé au point de me plonger dans mes songes. Voilà que je débutais ma phase de sommeil réparateur, parfaitement installé contre cette femme dont je ne pouvais visiblement plus me passer.
Je me réveillais quelques heures plus tard, en pleine nuit. Ma main se déposa sur le plaid qui avait pris place à l’endroit où était installée plus tôt Ana. J’en déduisais donc qu’elle était partie se coucher dans sa chambre. Cependant, le fait qu’elle pense à me donner une couverture afin que je n’aie pas froid, sans chercher à me réveiller, me fit esquisser un tendre sourire. Elle est adorable. Je me levais finalement, afin de rejoindre la chambre d’ami et ainsi retrouver un véritable lit. Entre temps, je passais devant celle d’Ana et entrouvrais la porte afin de m’assurer qu’elle dormait. Allez savoir pourquoi, j’ai toujours été très protecteur avec elle, sans pour autant l’étouffer par ma présence. Un nouveau sourire vint fendre mon visage en la voyant assoupie à poings fermés, enroulée dans sa couette. Je refermais la porte sans faire aucun bruit, puis allais me coucher.
Habituellement matinal, je me réveillais en même temps que le soleil. Il était encore tôt mais je n’avais guère besoin de beaucoup d’heures de sommeil. Sortant du lit, en boxer, je m’étirais longuement avant de passer mes paumes contre mes yeux en bâillant. J’attrapais finalement mes affaires afin de me rendre dans la salle de bain. Oui, au fond, je fais comme chez moi. Une douche de quelques minutes plus tard – aussi bien parce que je n’étais pas du genre à m’éterniser seul et afin de ne pas faire trop de bruit, je ressortais, propre et habillé de la même tenue qu’hier. J’avais laissé ma valise dans la voiture d’Ana pour ne finalement récupérer que ma brosse à dents.
Un coup d’œil sur ma montre, puis je décidais de sortir afin de préparer un bon petit déjeuner à la jeune femme. Je sortais donc dans la rue et m’allumais une cigarette sur le chemin qui m’emmena jusqu’à la boulangerie. Entre temps, je récupérais un journal dans un kiosque afin de refaire le point avec l’actualité. Finalement arrivé en face de la vendeuse, j’achetais croissants et pains au chocolat. Il n’est pas commun de prendre un petit déjeuner français ici, mais croyez-moi, quand vous avez la chance d’avoir une bonne boulangerie tenue par un couple francophone aussi sympathique que talentueux, vous changez vos habitudes culinaires. De retour à l’appartement, mon premier réflexe fut de faire couler une cafetière. J’entreposais finalement les viennoiseries encore chaudes sur un plateau avec deux mugs de cafés et deux verres de jus d’orange. J’emmenais le tout jusqu’à la chambre d’Ana dont j’ouvrais doucement la porte. Le plateau fut posé sur la table de chevet tandis que je me penchais vers la jeune femme afin de la réveiller en l’embrassant sur la joue et en murmurant :
- Allez, on se réveille la marmotte. Le printemps est arrivé.
Je m’asseyais sur le bord du lit et glissais mes doigts dans les cheveux ébouriffés d’Ana, un sourire sur les lèvres. Si les femmes sont souvent persuadées d’être hideuses au réveil, je pouvais affirmer sans crainte que Fawkes n’en tenais que davantage son charme.
J'avais passé une bonne soirée. Une très bonne soirée même. Je pensais que j'aurais pu dormir d'un sommeil sans rêve, ou alors un doux, mais non. Il a fallu que je me retrouve à cet endroit, à cette heure-là. La porte qui sonnait et que j'allais l'ouvrir. Mais à la place de ce policier se tenait mon mari. C'était un beau rêve. C'était ce qui aurait dû se passer... Jusqu'à ce que son visage change et prenne les traits d'Aaron. Mais ce n'était pas un cauchemar non plus. C'était juste... très perturbant. Surtout que je faisais comme si de rien n'était. Du coup, quand j'ouvris doucement les yeux et que mon regard se posa sur lui, je les refermais immédiatement. J'aurais voulu ne pas m'en souvenir, de ce rêve. Et surtout, je ne comprenais pas ce qu'il signifiait. Doucement, je vins passer un bras autour de sa taille. « J'veux pas, encore un peu. » Je n'avais jamais été du matin, surtout que là, je voulais oublier ce qui m'avait hanté cette nuit. Sauf que l'arôme du café vint me chatouiller le nez. Je rouvrais les yeux et un doux sourire s'afficha sur mes lèvres quand je vis le petit déjeuné sur la table de chevet. Je décidais aller d'émerger de mes couvertures. « Un petit déjeuné au lit? Qu'ai-je fait pour mériter ça? » Une lueur amusée, je me redressais avant de me tirer hors de ma couverture. « Je reviens. » Un petit tour dans la salle de bain pour me débarbouiller. Ben ouais, faut bien hein! Je revins rapidement dans ma chambre et dans mon lit, prenant la tasse de café entre les doigts. « C'est adorable, merci Connor. »
Je trouvais Ana adorable. Davantage lorsque je la tirais de son sommeil car la plupart du temps, elle ronchonnait. Oui, Fawkes peut être une grande dormeuse. Ainsi, il ne faut pas lui demander grand-chose le matin, contrairement à moi qui aime me lever de bonne heure afin de profiter au maximum de la journée. Et si lorsque j’accepte de trainer au lit, c’est uniquement parce que je suis en bonne compagnie, trop occupé à m’envoyer en l’air, ou bien tout simplement à passer un moment câlin comme cela pouvait l’être avec Ana.
- Et bien en fait, figure toi qu’en me levant, j’avais encore faim. Et comme tu as une boulangerie en bas de chez toi et que j’ai trouvé dans le plus grand des hasards quelques dollars dans mes poches, je me suis dit : « Hey, Aaron ! Et si tu achetais quelques croissants et pains au chocolat ? Ah mais oui, il y a Ana aussi. » Bref, ce fut un pur hasard et absolument pas fait pour être mignon.
Sourire charmeur. Je ne suis pas le genre d’hommes à commenter mes bonnes actions. C’est la raison pour laquelle je les tourne au ridicule. J’aime agir, sans avoir à m’expliquer avec sérieux. J’observais finalement Ana se tirer des draps avec beaucoup d’énergie pour filer jusqu’à la salle de bain. Sans aucun doute préférait-elle se refaire une beauté plutôt que je la vois ainsi à peine tirée du lit. Une réaction qui me fit lever les yeux au ciel. Toutes les mêmes. Lorsqu’elle revint, j’arquais un sourcil, sans trop voir la différence. Pour tout avouer, je la trouvais toujours aussi belle. Elle se réinstalla dans le lit avec un mug de café dans les mains. Je pris également place sous la couette bien que, contrairement à elle, j’étais habillé et non pas en pyjama.
- Oui je sais, je suis adorable. C’est d’ailleurs mon deuxième prénom.
Je pris également un mug de café en ramenant le plateau jusqu’à nous après avoir posé au préalable les verres de jus d’orange sur la table de chevet afin d’éviter tout accident.
- Dis-moi, j’ai une question. Pourquoi vous, les femmes, vous vous sentez toujours obligée de vous refaire rapidement une petite beauté à peine sortie du lit ? Personnellement, j’adore ta crinière indisciplinée du réveil. C’est attendrissant et… sexy.
Mes yeux se plissaient en l’observant afin d’afficher un large sourire. C’est dans ce genre de moment que je recevais un « La ferme, Connor », qui sort du cœur.
C'est sûr que ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit une surprise pareille. Je n'étais pas du matin, du coup, avant chaque début de cours, je ne me préparais qu'une tasse de café, prenant un croissant ou autre en chemin. Bref, à la va-vite quoi. Je ne prenais définitivement plus le temps pour un petit déjeuné le matin alors qu'avant, je me levais toujours de bonne heure pour en offrir un à mon mari, femme serviable que j'étais - et que je suis toujours. Bref, agréablement surprise, je lui demandais pourquoi il avait fait ça. Ça réponse me fit rire et je levais les yeux au ciel. « D'accord monsieur je-ne-suis-pas-mignon. Et bien, je vous remercie d'avoir songé à moi et mon pauvre estomac. » Et je sortis de mon lit pour filer à la salle de bain, histoire de me débarbouiller. Je ne fis pas grand chose, juste passer de l'eau sur mon visage et me brosser les dents. Bref, un cinq minutes, j'étais déjà de retour dans mon lit, confortablement installée avec une tasse de café fumant entre les mains. Je rajoutais quand même qu'il était adorable. Parce qu'il l'était vraiment. « Oui je sais, je suis adorable. C’est d’ailleurs mon deuxième prénom. » J'haussais un sourcil, sourire amusé sur les lèvres. « Aaron Adorable Connor? Quel joli nom dis-moi. Pas étonnant que tu ai autant de succès auprès des femmes. » Je levais légèrement les bras quand il se redressa pour prendre le plateau avec notre petit déjeuné avant de le mettre sur le lit. Ce serait plus simple, en effet. « Dis-moi, j’ai une question. Pourquoi vous, les femmes, vous vous sentez toujours obligée de vous refaire rapidement une petite beauté à peine sortie du lit ? Personnellement, j’adore ta crinière indisciplinée du réveil. C’est attendrissant et… sexy. » À sa question, j'haussais d'abord les épaules avant de rougir à son compliment. Parce que s'en était un, n'est-ce pas? « Tais-toi et mange. » Je ne lui soufflais que cette réponse avant de tremper mes lèvres dans mon café, pour cacher les rougeurs sur mes joues. Dès le matin, ça allait pas ça. « Aaah, c'est chaud. » Ouais, j'aurais peut-être dû faire attention à mon café fumant qui venait de me brûler la langue. Les larmes aux yeux, je tirais la langue histoire de laisser l'air froid la caresser et faire disparaître cette légère douleur. Mes pauvres papilles gustatives. Je me tournais alors vers lui, d'un air accusateur, le bout de la langue toujours sortie. Et du coup, je zozotais. « Z'aurais bu ne prévenir gue z'était zaud! »
- Alors ajoute mon troisième prénom. Aaron Adorable Sexy Connor.
J’esquissais un sourire amusé face à cette fausse vantardise. Le fait est que je ne suis pas le genre d’hommes fier de ses faits et gestes. Et si j’aurais pu bomber le torse en l’entendant me rappeler le succès que je pouvais avoir avec les femmes, il n’en fut rien. J’en suis conscient, effectivement, mais je n’arrive pas à m’en vanter. Si je séduis les femmes afin de collectionner les conquêtes, ce n’est que pour répondre à des besoins qui, en vue de leur régularité, deviendraient presque malsains. Oui, je représente probablement un fantasme pour de nombreux hommes : celui du Don Juan qui couche avec une femme différente chaque soir, lorsqu’il le désir, ou bien qui peut même participer à quelques parties à plusieurs s’il est chanceux. Et si j’avouais à tous que sans l’ombre d’une hésitation, je serais capable de faire mes adieux à cette vie jouissive pour une femme comme Ana ?
Mais je ne tente rien avec Ana. Les raisons sont multiples. Elle n’est pas prête à se lancer dans une relation sérieuse et s’arrête donc à la partie « tactile sans engagement » avec les hommes. L’idée de me plonger dans une histoire importante me fait également peur lorsque je me souviens de ce qui est arrivé lorsque je l’ai fait la dernière fois. A côté de cela, Ana est ma meilleure amie. Si je suis d’un naturel séducteur, je dois avouer que face à Fawkes, je peux perdre mes moyens. Elle n’est pas une femme quelconque que je tâcherais de séduire uniquement pour coucher avec elle. Non, elle était mon amie, une personne qui comptait bien trop dans ma vie pour que j’agisse de la sorte. D’autant plus qu’il est toujours plus facile de séduire quelqu’un pour qui l’on ne ressent rien, ce qui n’était pas le cas avec Ana. Car bien sûr, je possédais de réels sentiments pour elle, sans trop oser mettre un nom dessus. J’aurais pu penser à une très bonne amitié, si seulement il ne m’arrivait pas de la désirer et si mon cœur ne faisait pas un bond violent dans ma poitrine lorsque je la croisais par hasard au détour d’un couloir. Et puis, il n’y avait pas que cette attirance. Je pensais sans cesse à elle comme je parlais souvent d’elle. A cet instant précis, par exemple, je ressentais un profond désir de la prendre dans mes bras, de jouer avec elle, de la couvrir de baisers et de la contempler avec fierté. Etait-ce donc de l’amour ? Cela en avait tout l’air, seulement je semblais refuser cette possibilité au point de me mentir à moi-même.
Ma dernière question s’était soldée par un « Tais-toi et mange » qui me faisait sourire tandis que je levais les mains en signe de paix, bouche cousue. Cependant, cela n’empêcha pas mon regard de se perdre sur ses joues rougissantes. Oui, clairement, ça m’amuse de la gêner de la sorte. Finalement, elle se précipita sur son café afin de remédier à cette gêne et ainsi, elle se brûla la langue, ce qui me fit rire, de bonne humeur.
- Oups, désolé. J’avais oublié que nous les irlandais, nous avions une coutume étrange : le café, on le sert chaud. Mille excuses.
J’arquais un sourcil alors que mon sourire ne cessait de s’élargir.
- Et même si j’avais voulu te prévenir, tu m’as ordonné de me taire et de manger. Je ne fais que suivre tes ordres, ma belle.
Comment ça, je suis un chieur doublé d’une tête à claques ? Je ne suis qu’un homme obéissant, c’est tout. Bon d’accord, je dois être la représentation même de la désobéissance mais soit, je devais bien me trouver une excuse. Je mordais dans mon croissant tout en observant Ana du coin de l’œil, la langue toujours tirée.
- Range-moi cette langue, Fawkes, c’est malpoli voyons.
Ahahah ! La bonne blague. Comme si j’étais un exemple à suivre ou bien assez poli pour oser faire des sermons.
« Alors ajoute mon troisième prénom. Aaron Adorable Sexy Connor. » Je levais les yeux au ciel, totalement amusée par son comportement sans rien ajouter. Non non, fallait quand même pas que monsieur attrape la grosse tête non plus. Déjà assez de compliments pour ce matin. Ça me faisait vraiment du bien de pouvoir me réveiller et avoir de la compagnie. Habituellement, j'étais seule jusqu'à ce que je mette mes pieds à l'université. Malgré tout, je ressentais ce petit vide qui semblait ne jamais vouloir disparaître. Sauf à cet instant. Il venait d'être comblé par la présence de Connor et je ne le remercierais jamais assez de rester près de moi. Je savais que je pouvais être difficile à vivre parfois mais il ne s'en ait jamais plain. Et heureusement d'ailleurs. J'sais pas ce que je ferais si du jour au lendemain, il ne me parle plus à cause d'une connerie que j'aurais faite sans m'en rendre compte. Parce que, mine de rien, Aaron était important dans ma vie. Parfois, ça me faisait peur de voir à quel point je m'étais attachée à lui, mais dans ces moments-là, je faisais juste abstraction de tout. Comme maintenant, où mes yeux se posèrent sur lui dans un sourire, juste parce qu'il était là, à mes côtés, à mon réveil, avec un petit déjeuné au lit. J'venais de me brûler la langue mais j'essayais quand même de sourire. Bref, ça donnait quelque chose de... bizarre. « Oups, désolé. J’avais oublié que nous les irlandais, nous avions une coutume étrange : le café, on le sert chaud. Mille excuses. » Bon, ma langue était déjà dehors, je ne fis que les gros yeux pour lui dire de se taire. Encore une fois. « Et même si j’avais voulu te prévenir, tu m’as ordonné de me taire et de manger. Je ne fais que suivre tes ordres, ma belle. » Et là, je levais les yeux au ciel, totalement ennuyée par son comportement. Non mais n'importe quoi! « Range-moi cette langue, Fawkes, c’est malpoli voyons. » Et là, juste pour l'ennuyer un peu plus, je la tirais plus longuement avant de la rentrer. « J'me suis brûlée la langue et tout ce que tu fais, c'est te moquer de moi. Allez, oust, je veux plus de toi dans mon lit. » Et je fis un petit signe de la main comme pour confirmer mes dires.
- J'me suis brûlée la langue et tout ce que tu fais, c'est te moquer de moi. Allez, oust, je veux plus de toi dans mon lit.
Je levais les yeux au plafond avec un amusement non feint. Je trouvais Ana adorable, et même si je ne le lui disais pas, ou très rarement, mes yeux parlaient mieux que ma bouche. Même lorsqu’elle boudait, elle me faisait rire. Mais comme je suis un éternel enfant un poil têtu, je lui tirais la langue à mon tour, avec un regard rempli d’arrogance :
- Non, je nous ai apporté le petit-déjeuner au lit, donc je ne bougerais pas de là avant de l’avoir pris. Nah !
Oui, d’un point de vue extérieur, Ana et moi devions paraître comme de grands enfants qui se chamaillent en se tirant la langue. Et comme pour confirmer mes dires, je croquais dans mon croissant en plantant mon regard dans celui de la jeune femme. Quelques minutes plus tard, après avoir fini de mangé et avoir terminé notre café, j’avais déposé à nouveau le plateau sur la table de chevet pour m’allonger dans le lit, sous la couette avec Ana. Je semblais avoir gagné en sérieux et maturité alors que j’avais allongé mon bras sur l’oreiller de la jeune femme afin qu’elle vienne se blottir contre moi. Aucun mot ne semblait utile. Mes doigts jouaient machinalement avec les siens, alors que j’observais le plafond, d’un air pensif. Finalement mes lèvres se perdirent dans ses cheveux bruns. J’aurais aimé arrêté le temps à cet instant précis. J’étais apaisé.
- Dis-moi, tu sais qu’Harvard organise un bal de fin d’année ? Loin de moi l’idée de vouloir me fondre dans la masse mais, comme on y est convié, tu accepterais d’être ma cavalière ?
Je tournais la tête vers elle avec un fin sourire sur le visage. Avec qui d’autre pourrais-je y aller, après tout ? Et je savais déjà que si je voyais Ana au bras d’un autre homme, je serais victime d’un grand sentiment de jalousie. Non, Fawkes et moi ne sommes pas ensemble, mais je n’étais pas prêt à la voir avec un autre. A cette idée, mon cœur se serra, jusqu’à ce que je me souvienne que l’homme avec qui elle était allongée dans ce lit en ce moment, c’était moi. De quoi, donc, me rassurer.
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À croire qu'il ne pouvait pas rester sérieux une minute mais c'est également cette joie de vivre qui m'attirait tant chez Aaron. Malgré un passé difficile, il arrivait toujours à rire, jouer les enfants, presque insouciant parfois. J'aimerais pouvoir me comporter comme lui, mais je n'y arrivais pas. Pourtant, il arrivait parfois à déteindre sur moi, et c'est sans doute pour ça que j'apprécie autant sa compagnie. Parce qu'avec lui, j'ai l'impression que tous mes problèmes et ma peine s'envolait, et qu'enfin, je pouvais vivre ma vie comme je le sentais. Ainsi, je me retrouvais avec une trace de sauce tomate en forme de bouche sur la joue et ça ne me gênait même pas! J'en rigolais même. « Oui, mais finalement, je préférais donner plutôt que recevoir. Tu me connais, je suis si généreux… ! » Sa remarque me fit lever les yeux au ciel, tandis que moi-même, je me levais pour lui rendre la pareille. Fière de mon coup, je passais un doigt sur sa joue juste en dessous de mon chef d'oeuvre - mais ça n'empêche qu'un peu de sauce s'était retrouvé dessus. Je lui demandais même de le garder toute la soirée. C'est pas de ma faute, c'est ma plus belle réussite... Et puis, ça donnait tellement bien sur son visage. « T’es sérieuse ? Mais on va sentir la tomate toute la soirée. » Une nouvelle fois, je pris une petite mine boudeuse, telle une enfant, et je l'accusais aussi par la même occasion. « Et bien t'avais qu'à pas commencer! » Oui, une enfant. C'est l'effet Connor, je vous le dis moi. Quoique l'effet Connor pouvait tout aussi rendre les femmes toute chose et c'était bien ce qui m'arrivait en ce moment alors qu'il prenait le bout de mon doit couvert de sauce tomate en bouche. J'écarquillais les yeux sous ce geste alors qu'une nouvelle fois, je virais couleur brique. Heureusement que je me tenais à lui sinon, j'sentais que j'allais perdre l'utilité de mes jambes et retrouver à fondre sur le sol. C'est vraiment pas juste, pourquoi les hommes pouvaient se montrer aussi irrésistible, surtout après une connerie? Je me mordis légèrement la lèvre alors qu'il libérait mon doigt de la torture qu'il venait de lui infliger. « C’est pas bien de jouer avec la nourriture, tu sais ? Mais je te pardonne, parce que c’est toi. » Mes yeux dans le sien, je ne voulais pas le lâcher du regard, même pas une minute. Du coup, je ne me dégageait même pas quand le bout de son nez vint caresser le mien. Je ne fis qu'afficher un doux sourire, profitant de ce moment - intense, faut l'admettre. « Quel honneur... » Son sourire un peu trop charmeur me prit de court. Je sentais une faveur arriver et je savais que je ne pourrais qu'accepter après ce qu'il venait de faire. C'était un piège tout ça en fait! Pour m'obliger à accepter ce qu'il allait me demander! Oh le manipulateur! « Tu sais… je dois aller chercher Baggy chez l’éleveur demain matin. Et comme il est dans ton quartier, au lieu de me ramener jusqu’à chez moi ce soir, tu accepterais de m’offrir ton canapé et un misérable plaid pour la nuit ? » Son regard de chien battu me fit légèrement frissonner tandis qu'une nouvelle fois, je me mordis la lèvre, comme si j'hésitais. Mais de toute façon, il savait que j'accepterais. Je ne voyais même pas pourquoi il m'avait posé la question, et encore moins en utilisant l'excuse de son chien. « J'avais déjà prévu le coup quand tu m'as demandé de venir te cherché. Du coup, j'ai préparé la chambre d'ami. » Ce qui était genre, très rare quoi. Parce que je n'avais pas vraiment l'habitude d'accueillir des gens chez moi, sauf lui, mais à chaque fois - ou presque - ça se faisait à l'improviste et le pauvre se retrouvait dans le canapé. Enfin, j'dis pas qu'il n'est pas confortable hein, mais rien ne vaut un lit douillet.
