Sio & Mallory - On fait ses gammes ?

Je devais voir ma filleule de chant. On nous avait demandé de faire cela des plus anciens au plus jeunes de la promo sur toutes les années. Je continuais donc de me diriger vers la salle de musique que j’avais réservée pour ma filleule. Il ne fallait pas que je sois en retard, mais bon, je marchais et donc, je me demandais bien comment est-ce qu’il fallait que je fasse le truc dans la brusquer.  Mais le prof m’avait donné des choses à lui dire et donc, il ne fallait pas non plus que je la vexe. Je continuais alors patiemment et il fallait juste que je trouve comment aborder le sujet. Parfois, je n’étais pas forcément facile, et donc, je m’interrogeais sur le pourquoi du comment. Enfin, tout en arrivant à la salle en avance, je déposais mon manteau et mes petites affaires. Je patientais le temps qu’elle vienne, la voyant devant moi après avoir poussé la porte, je lui disais : « Coucou, est-ce que tu vas bien ? Je suis Siobban, et le professeur m’a demandé de m’occuper de toi en chant. Entre, n’est pas peur, tu ne risques rien avec moi, je n’ai encore mangé personne. » Souriant doucement pour la faire sourire à son tour, je patientais tout en sortant les partitions.  

Sur le moment, lorsque son professeur de chant avait émit à Mallory la possibilité d’avoir une marraine, la jolie anglaise l’avait regardée avec des yeux ronds. Certes, de l’aide n’était jamais superflue mais elle se croyait en plein programme d’alcooliques anonymes pour être « fliquée » de cette manière… au pire, elle aurait compris que son prof lui fasse travailler d’autant plus ses gammes, ou soit davantage derrière elle, mais l’étudiante qu’il lui avait décrite ne semblait pas professionnelle à ses yeux. Ou à tout le moins, ne possédait pas une carrière lui permettant de se présenter comme telle. Cependant, Mallo voulait se faire sa propre idée sur la question et ce fut pourquoi elle se pointa dans la salle de chant prévue, d’une démarche assurée, la détaillant légèrement lorsqu’elle se présenta. « Je n’ai pas peur à vrai dire, je me demande simplement l’intérêt de la chose » fit-elle remarquer avec un brin d’arrogance, en sachant que sa « marraine » n’avait qu’un an de plus qu’elle. « Je m’appelle Mallory Hale, enchantée. »

« L’intéret de la chose est de te donner une aide supplémentaire. Je te rassure les derniers dans les études aident les petits nouveaux, et cela ne changera pas. » J’avais plusieurs filleuls, et donc, voire de l’arrogance dans leurs visages au premier rendez-vous ne m’étonnez guère. Je souriais doucement, et je disais alors patiemment : « On va commencer par les gammes. » Elle n’allait pas me prendre la tête longtemps comme ça. Patiente, je l’étais mais il ne fallait pas oublier le respect. Je me calais au piano et tout en attendant qu’elle veuille s’apprêter à le faire, je sortais les exercices qu’elle devait faire. Apparemment, elle comptait trop sur ses acquis. Notre professeur n’en pouvait plus de lui répéter toujours la même chose. On passait donc par la case « Marraine et Parrain » avant de voir un changement chez le prof. Me tournant vers Mallory, je lui demandais : « Tu es en combientième année ? »  

« Même si on fait du chant pour se détendre et pas pour être la plus grande cantatrice ? » Peut-être était-ce une sorte de test de la part de la jolie Eliot. Mallory n’était pas du genre à baisser sa garde si facilement, surtout envers quelqu’un qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Vilain réflexe que lui avait appris sa famille mais aussi son club… on n’ouvre pas les bras à un inconnu, y compris si cet inconnu paraît blindé de bonnes intentions, question de principe. Mallo lui rendit cependant son sourire, n’oubliant pas les règles de bienséance au passage, avant de s’approcher du piano. « Je suis en cinquième année. Enfin, en Droit, le chant c’est plutôt récent j’avoue. Tu veux commencer par les gammes directement, on ne s’échauffe pas d’abord ? »

  « Je me doute que tu n’en veux pas, mais même si tu as pris la matière en mineur tu ne peux pas ne pas suivre le professeur. C’est assez strict, j’en conviens. » J’avais eu pas mal de fois cette question, et donc, je tentais de la rassurer : « Je ne vais pas te coller aux basques comme ça. On se verra juste une fois par mois. Comme ça on parlera des difficultés que tu as eu. » Il ne fallait pas qu’elle panique et donc, je répondais : « Oui, il y a les échauffements bien entendu, c’était sous-entendu. » Me levant du siège, je souriais et tout en sortant un crayon pour les articulations pour la suite, je commençais à faire des petits exercices avec elle. Il fallait commencer doucement, et je tentais aussi de la rassurer pour qu’elle ne parte pas comme ça.  

« Je n’ai pas dit que je ne comptais pas suivre les conseils du professeur… mais tu ne peux pas me blâmer de chercher l’intérêt de la chose » avoua-t-elle en toute sincérité, sans froideur exacerbée, juste en vue de lui faire comprendre que Mallory n’était pas une fanatique des actions inutiles. Pour elle, chaque chose exécutée doit avoir un but précis. Sans quoi tout part à volo et ne sert plus à rien… certes, il ne s’agissait que d’une aide en chant et non d’une action capitale affectant des millions de vie, mais le principe demeurait tout de même. « Difficultés, d’accord. En quelque sorte, tu seras autant mon oreille attentive que mon chaperon, c’est bien ça ? Des difficultés j’en ai déjà. Je ne connais pas le solfège, par exemple… donc si tu utilises un jargon lié à ça, je risque de ne pas te comprendre. Je dis ça juste histoire que tu le saches… »

« Non, je ne t’en veux pas du tout. On va essayer de trouver des petites choses que tu aimes dans le chant et l’adapter à ta voix. Ne t’inquiètes pas tout se passera bien. » Je l’écoutais alors attentivement, et je lui disais : « Oui c’est un peu l’idée. D’accord pour le solfège, je peux te l’apprendre en même temps. » Souriant, je me demandais bien comment est-ce qu’il fallait donc que je continue donc d’essayer alors de lui parler. Tout en la regardant, je lui disais : « On va commencer par des exercices de respiration pour le début. » 

« Ah très bien. Disons que vu que j’ai une voix de mezzo soprano, oublie les notes trop hautes par exemple » crut-elle bon d’ajouter à toute fin utile, ne sachant pas si le professeur lui avait déjà donné ce genre de détails ou pas. Mallory n’était pas cruelle lorsqu’elle sentait que la personne en face en valait la peine. A priori, de ce qu’elle avait pu constater, Siobban semblait savoir de quoi elle parlait… excellent point pour elle. « Tu penses pouvoir m’apprendre le solfège si on ne se voit qu’une fois par mois ? Ça va être short… » remarqua-t-elle, amusée. Disons que ce genre d’apprentissage lui semblait… un brin plus complexe. « Okay, va pour la respiration ! Et sinon, ça fait longtemps que tu es ici ? Tu ne paraît pas beaucoup plus âgée que moi… »»

« D’accord, je note. On va essayer de faire comme cela. » Je l’écoutais et elle me disait que cela était sans doute un peu court une fois par mois. « Tu as cours de chant, et donc, je suis un complément. Pour le solfège, on peut trouver une méthode en livre pour les débutants. Après si tu as vraiment du mal on se fera un skype ou on se verra à la salle de musique. » Je m’approchais d’elle, et donc, je lui répondais : « Cela fait sept ans que je suis là. Je suis arrivée jeune…. » Oui, je me demandais bien comment est-ce qu’il fallait donc que je trouve comme solution pour la conversation. Je ne tenais pas à la brusquer d’avantage.  

« Je vois, les cours de solfège, c’est en plus. » Il ne fallait pas prendre ombrage de la façon de s’exprimer de Mallory : elle reformulait pour être sûre qu’aucun quiproquo ne s’était insidieusement glissé dans la conversation. Tout à son honneur, vraiment. Sûrement une grande qualité pour une future avocate ou, si son père la conduisait jusque là, une future procureure. « Je crois qu’on arrive tous à peu près au même âge mais tout dépend si tu es de fin ou de début d’année. Tu n’as que deux ans d’études de plus que moi… tu as vingt-quatre ou vingt-cinq ans ? Au fait je ne t’ai pas demandé, mais je suppose que tu côtoies la Lowell House, ça coulerait plutôt de source pour une musicienne ! »