"Docteur, j'ai un problème..." |Billie&Julian|

S'il y avait bien une chose qu'il ne supportait pas, c'était d'être balancé dans tous les sens, devant un écran qui renvoyait un autre monde et donnait l'impression que le vide s'ouvrait sous ses pieds. Ne pas avoir le contrôle des mouvements que son corps faisait à cause de cette machine infernale, c'était une sensation très désagréable. Billie savait pertinemment que son meilleur haïssait ce genre d'attractions et même s'il lui avait gâché son premier tour avec une petite pique, ça ne valait pas le coup qu'elle venait de lui faire.
Pendant tout le long, le brun garda ses mains sur les bouts des accoudoirs, les jointures au bord de la fracture, complètement crispé et la mâchoire serrée à s'en faire casser les dents. Déjà, il préparait sa vengeance et là, rien à faire, O'Connell boufferait de la poussière.

Leurs harnais les relâchèrent et Julian se précipita vers la sortie pour respirer un grand bol d'air frais, la mine blême. Au passage, il écrasa un pied et pria pour que ce soit celui de Billie, comme ça ce serait la première étape de sa vengeance. Julian s'appuya contre une barrière, bien loin du simulateur de malheur, les bras croisés sur le torse, il attendit patiemment que la jeune femme ait fini de conter fleurette à un autre gars. Elle luit tendit une bouteille, agrémentée de la même petite phrase qu'il lui avait sorti quelques minutes plus tôt.
Andrews décroisa ses bras, se releva et la regarda avec son air prétentieux avant de grogner en s'éloignant d'elle pour se fondre au plus vite dans la foule.

« Garde-la ta bouteille.»

Déjà qu'il n'avait pas apprécié qu'elle le traîne dans cette horrible machine, si en plus elle utilisait les mêmes coups bas, ça allait mal finir. Le temps de se calmer, il fonça envers et contre tout dans les allées, tournant quand les gens étaient beaucoup plus que dans celle dans laquelle il se trouvait. Au bout d'un moment, il se rendit compte que Billie n'était plus derrière lui comme il le pensait. N'importe qui aurait paniquer, mais pas lui. Il s'arrêta devant le premier manège qu'il trouva et expliqua au forain qu'il avait perdu une petite fille répondant au nom de Billie O'Connell. On lui expliqua que l'information allait être transmise aux autres et bien vite, la nouvelle comme le papa de Billie l'attendait devant une pêche aux canards fit le tour de la fête et une annonce résonna carrément, quand toutes les musiques s’éteignirent pour qu'elle puisse être passée.

Comme je m'y attendais, il me lança une réplique cinglante en refusant la bouteille que je lui tendais. Parfait, j'avais soif de toutes façons. Je le regardai s'éloigner tout en la débouchant et la portai à mes lèvres lorsque je vis Julian disparaître dans la foule. Je revissai le bouchon et coinçai l'objet en plastique sous mon bras avant de me mettre en marche. Je le cherchai partout, naviguant comme je le pouvais entre les personnes qui avaient l'air de plus en plus nombreuses au fil des minutes. À un moment je m'arrêtai et décidai que puisque nous étions venus avec ma voiture, j'allais rentrer chez moi tranquillement. Ça lui apprendrait à me semer comme ça tout en sachant que je suffoquais rapidement quand j'étais prise au milieu de regroupements importants de personnes. Je sortis les clés de ma poche arrière et commençai à partir en direction de la sortie lorsque j'entendis une annonce. D'abord lointaine et brouillée par les bruits alentours. Puis les sons et les lumières baissèrent et cette fois-ci je l'entendis correctement. Je fronçai les sourcils en entendant mon nom complet résonner dans toute la fête foraine jusqu'à ce que la lueur ne se fasse à tous les étages dans mon cerveau. « T'as pas osé .. » grognai-je discrètement en enfouissant mon visage dans mes mains. J'aperçus non loin de moi le jeune homme que j'avais rencontré plus tôt - et à qui bien sûr, j'avais dit mon prénom - me regarder et hausser un sourcil avec une mine désabusée. Je me sentis rougir et marchai à grands pas, bien décidée à aller en mettre une à l'Eliot jusqu'à ce que je repère le bureau de la sécurité du coin de l’œil. Je tenais ma vengeance. Je me stoppai net et partis dans la direction du cabanon. Je toquai et un garde baraqué en sortis, m'obligeant à reculer de quelques pas. C'est qu'il était impressionnant. Je lui expliquai rapidement la situation et à peine trois minutes plus tard, je marchai en direction de Julian, le garde sur mes talons. J'arrivai près de lui et m'adressai d'abord au forain. « Je suis Billie et le crétin qui est là n'est pas mon père. Vous pouvez cesser cette foutue annonce ! » Puis je me tournai vers lui, un grand sourire aux lèvres, comme si je venais de décrocher le jackpot. « Dis-moi, tu savais qu'ils avaient le droit de foutre des amendes pour une idiotie pareille ? Oh, pas très chère mais c'est quand même la honte. T'as de la chance dans ton malheur, ils voulaient t'expulser de la fête mais je leur ai dit qu'au fond t'étais un mec bien qui savait pas trop se contrôler quand il échappait à la surveillance d'un adulte. » Parfois, je me demandais comment on réussissait à être encore meilleurs amis avec toutes les crasses que nous aimions nous faire. Je m'écartai et le garde se présenta au brun, sortant un papier pour le verbaliser. Dès qu'il fut parti, je lançai un regard mauvais à Julian et tournai les talons pour m'éloigner.

Impatiemment, Julian faisait les 100 pas devant le stand tandis que l'annonce était régulièrement répétée sur les ondes de la fête foraine. Finalement, une chevelure cuivrée fendit la foule. A son air furieux, Julian retint un sourire satisfait. Feignant le soulagement, il ouvrit la bouche mais Billie prit la parole avant lui pour demander au forain d'arrêter de passer son avis de recherche vocal. Les choses se corsèrent pour le brun quand il avisa le gars de la sécurité qui se tenait derrière l'étudiante qui se tourna vers lui pour lui expliquer la raison de sa présence: « Dis-moi, tu savais qu'ils avaient le droit de foutre des amendes pour une idiotie pareille ? Oh, pas très chère mais c'est quand même la honte. T'as de la chance dans ton malheur, ils voulaient t'expulser de la fête mais je leur ai dit qu'au fond t'étais un mec bien qui savait pas trop se contrôler quand il échappait à la surveillance d'un adulte. ». C'était donc ça. Intérieurement, Andrews bouillonait de fureur et mourrait d'envie de mettre la tête de Billie dans une cuvette de chiottes. Il adressa un sourire gêné au garde et se plia sans broncher à ce qu'il lui demandait. Une fois qu'il s'éloigna d'eux, O'Connell n'attendit pas pour commencer à s'éloigner elle aussi du stand du forain que Julian remercia avant de prendre congé.

Le jeune homme rattrapa sa meilleure amie et glissa un bras sous le sien, un grand sourire bien ironique sur le visage. « A mon tour de choisir la prochaine attraction, sale peste.»
Sans attendre, il tourna à droite dès le premier croisement pour se retrouver, après quelques mètres, devant un ascenseur justement. Il libéra le bras de Billie et la poussa gentiment vers la caisse de l'attraction, la défiant du regard de refuser de s'engager là-dedans.
Elle avait osé le traîner dans un simulateur, elle allait en faire les frais. Il savait pertinemment qu'elle avait le vertige et pour rien au monde il n'aurait refusé de lui faire subir la même torture qu'elle lui avait infligé.

Je marchais rapidement, cherchant à m'éloigner de l'imbécile brun qui me rattrapa tout de même en un rien de temps. Je lui lançai un regard en biais puis jetai un œil vers son bras à présent lié au mien. J'allais faire un mouvement pour me dégager de lui, mais je sentis un courant me traverser. L'électricité qui se dégageait de nos corps était en désaccord total avec la situation. Et maintenant que j'y prêtais plus d'attention, je remarquai cette chaleur familière qui réchauffait vicieusement tout mon corps, à commencer par le bas de mon ventre. Je déglutis et fixai un point face à moi, refusant de me laisser emporter par mes instincts. Au fond, je savais pourquoi j'étais excitée par cette situation ; nous nous connaissions par cœur, et c'était encore plus dangereux que de s'aventurer à ce genre de mauvais tours avec un inconnu. Julian connaissait mes faiblesses, il avait conscience de mes limites et il aimait les pousser toujours plus loin. Notre relation était un challenge permanent et aucun de nous deux n'était décidé à laisser l'autre se reposer sur ses lauriers. Sauf que cette fois, face à l'attraction qu'il me proposait - enfin, qu'il me forçait à faire -, j'eus un pas de recul. Voire même plusieurs, jusqu'à ce que mon meilleur ami me pousse en avant pour m'emmener vers les caisses. « Non, Julian. Non non non non non. Lâche-moi, je refuse de marcher vers la mort assurée ! » m'écriai-je alors qu'il me poussait. En réalité, j'avais une peur stupide. Presque une phobie, en soi. J'avais peur de l'immensité des choses. C'était une façon vulgaire de globaliser ma peur, mais en gros et pour l'instant, ça suffirait. Par exemple, je détestais l'océan. Je pouvais m'y baigner, m'enfoncer à quelques mètres du rivage, mais il fallait que je vois mes pieds. J'avais une sainte horreur des paquebots qui avaient l'air de ville ; je n'avais d'ailleurs jamais pu regarder Titanic plus de quinze minutes sans éteindre la TV d'un geste brusque, un frisson désagréable soulevant mon épiderme le long de ma colonne vertébrale. Je n'avais jamais rêvé d'aller dans l'espace, contrairement à beaucoup d'autres enfants, n'avais jamais pu faire de croisière et quand je voyageais en avion, je suffoquais rapidement. J'avais un jour songé à aller voir un psychologue afin qu'il m'aide à déterminer d'où tout cela venait, puis je m'étais rendu compte que l'idée était aussi stupide que la peur elle-même. Et aujourd'hui, plantée devant cet ascenseur qui montait et descendait rapidement à une hauteur dont je n'imaginais même pas l'ampleur, je me trouvai paralysée. Je savais que le vide entre le sol et mes pieds allait être immense. J'allais probablement mourir d'une crise cardiaque avant d'atteindre le sommet, et pourtant cinq minutes plus tard, le harnais retombait lourdement sur mes épaules tandis que l'animateur annonçait le départ imminent. « Si j'en sors vivante, je te tue. » murmurai-je d'une voix faible en agrippant avec toute la force que je possédais les poignées en fer plantées sur les bretelles de mon harnais. Bien vite, trop vite, les sièges commencèrent à prendre de la hauteur et mon cœur tambourina comme un détraqué contre ma cage thoracique. Nope, je n'allais pas m'en tirer vivante.

Toujours plus se disputer pour toujours mieux se réconcilier. Voilà à quoi se résumer la relation Billian. Les deux jeunes gens étaient sans cesse en train de repousser les limites de l'un et l'autre, de se pousser à bout pour se retrouver comme ils savaient si bien le faire: soit avec une glace, soit sur un matelas ou seulement avec une phrase banale. Jamais d'excuses, par contre.
Et cette nuit, ils avaient fait les choses à l'envers. D'abord la réconciliation et après l'engueulade. Mais il y avait quelque chose d'électrisant dans tout ce cirque qui ressemblait à un "Je t'aime, moi non plus.". Quand Billie était énervée, il y avait toujours quelque chose de sauvage et d'indomptable qui se dégageait d'elle qui ne laissait absolument pas indifférent le brun. Les autres filles étaient fades à côté d'O'Connell et il finissait rapidement par se lasser alors qu'avec elle... il y avait toujours quelque chose de nouveau, un second souffle.
Exemple simple: l'instant présent. Il rêvait de lui tordre le cou après ce qu'elle lui avait fait mais en même temps... il y avait cette boule d'adrénaline et d'envie qui lui plombait délicieusement le bas-ventre.

Affichant un air satisfait, il libéra son bras qu'il passa dans le dos de Billie pour la pousser en avant. Quand elle lui tendit son ticket, il l'enlaça,pressa tendrement ses lèvres contre les siennes avant de mettre plus de force et de désir dans son baiser et les éloigna pour les faire dériver vers le creux de l'oreille de sa meilleure amie pour y souffler quelques mots: « Souviens-toi de ce que tu viens de ressentir, quand tu auras envie de me tuer. Rappelle-toi que je sais me faire pardonner. ».
Fier de son coup et de lui avoir renvoyé en pleine face ses propres mots, ils l'entraîna au coeur de l'attraction. Enfin, il la traîna tellement elle rechignait à monter. Une fois enfin installés, les harnais ne tardèrent pas à retomber sur leurs épaules pour leur assurer une protection optimale.
Pendant toute la montée, Julian ne quitta pas Billie du regard. Il savait qu'elle haïssait ce genre d'attractions autant qu'il avait en horreur les simulateurs.
Arrivés au sommet, le brun détacha comme il put la main de la jeune femme de la poignée pour entrelacer leurs doigts.
Il savait qu'il avait été loin et qu'après ça ils rentreraient directement à Eliot's House mais au moins il aurait eu sa vengeance et les scores étaient une nouvelle fois à égalité.
Sans crier gare, l'animateur lâcha les freins et la chute libre débuta. Si elle ne dura que trois secondes, pendant lesquelles il avait senti tous ses organes rester en haut, le jeune homme hurla de toute la force de ses poumons, sûrement moins fort que sa meilleure amie. Ca c'était sûr et certain, surtout qu'ils étaient déjà en train de remonter pour le deuxième et dernier tour.

Ses lèvres entrèrent en contact avec les miennes et ce fut à peine si j'en eus conscience. Mes yeux restèrent ouverts et fixés avec horreur sur l'attraction qui se tenait fièrement derrière lui. Mon cœur battait la chamade ; ou bien il s'était totalement arrêté de battre, je ne savais pas trop. Mais l'un ou l'autre, ça ne signifiait rien de bon pour moi. Je commençai à imaginer les pires issues possibles et imaginables. Je nous voyais rester bloqués, ou bien les sièges lâcheraient tout d'un coup et les freins ne sauraient pas nous retenir avant le sol, si bien que nous nous écraserions contre celui-ci violemment.

Quelques minutes plus tard, j'étais en train de m'acharner sur mon harnais. Je testais sa résistance, mais je m'y agrippai aussi comme une furie ; comme s'il allait m'être d'une quelconque utilité si nous nous écrasions vraiment contre le bitume. Lorsque nous arrivions en haut, Julian se démena pour décrocher ma main gauche de mon harnais et entrelaça nos doigts. Erreur gravissime, car j'avais tendance à me crisper dès que j'avais peur. L'ascenseur nous lâcha et je hurlai tout en resserrant ma main sur la sienne. Je n'y allai pas mollo ; au contraire je serrai de toutes mes forces. Au point où j'en étais, je n'avais que faire de lui faire une entorse ou même de lui briser un os. Je m'époumonai jusqu'à ce que cet engin de la mort ne finisse par s'arrêter et que nos harnais de sécurité ne se relève. J'étais livide et il fallut plusieurs minutes ainsi que plusieurs personnes pour réussir à me faire bouger de mon siège. Je titubai jusqu'à la sortie et me laissai glisser contre un mur, terminant assise sur le sol terreux. J'avais l'impression que le choc allait me faire tourner de l’œil d'une seconde à l'autre. Cela me prit une dizaine de minutes pour sortir de mon état second et lorsque je réussis à me relever, je fouillai dans ma poche arrière et lançai les clés de ma voiture à Julian. « Okay, je veux rentrer maintenant. » affirmai-je en passant devant lui pour m'empresser de sortir du parc d'attractions.

Andrews hurlait pour deux raisons: d'abord pour l'attraction et ensuite pour la douleur que lui causait Billie à réduire en bouillie ses doigts. D'un côté, il l'avait cherché mais il avait bonne conscience après ce geste. Il pensait qu'elle lui laisserait un peu de répit pendant la remontée mais non, elle resserra encore plus sa poigne et cette fois-ci, c'était bel et bien de douleur qu'hurlait Julian.
Une fois au sol, et pour de bon cette fois, il tenta de dégager sa pauvre main mais Billie était tétanisée et deux membres de l'équipe du manège vinrent en aide à Julian pour la faire sortir de son siège. Le jeune brun resta à quelques centimètres de Billie, prêt à la rattraper si ses jambes défaillaient, tout en essayant de recouvrer l'usage de ses doigts meurtris. Finalement, elle finit par s'appuyer contre un mur et se laissa glisser le long de celui-ci pour finir par s'asseoir. Andrews resta à ses côtés, gardant un œil sur elle et attendit patiemment qu'elle se remette de ses émotions.
Billie finit par se relever et lui lança les clés de sa voiture en prenant une nouvelle fois les devants pour sortir de la fête.

Les deux Eliots grimpèrent dans la voiture d'O'Connell et firent le chemin en sens inverse, dans le silence. Intérieurement, Julian avait l'impression d'avoir gagné cette manche. Moins sensible de Billie, le simulateur lui avait seulement mit la tête à l'envers et il avait surtout mal prit le fait qu'elle l'ai forcé à monter dedans d'où sa vengeance en grandes pompes.
Rapidement, il gara le véhicule et le verrouilla avant de rejoindre Billie et de passer un bras autour de ses épaules, un petit sourire en coin.
« Ex-aqueo ?», lui demanda Julian en franchissant la porte du parking, prenant la direction de la chambre de sa meilleure amie devant laquelle ils se retrouvèrent quelques secondes plus tard. Habituellement, il n'aurait pas attendu pour entrer et aurait certainement dormi avec elle. Mais ici, ils étaient à Harvard. S'il entrait, les rumeurs iraient bon train.