(+Anna) D.e.C.o. ou l'Art de se trouver des meubles

« Je sais ! Il se murmure des fouilles au Pérou cet été mais rien n’est encore projeté et puis il faut encore que je sois retenu pour mener l’expédition et ça n’est pas gagné alors autant ne pas faire de plans sur la comète. Nous avons déjà Moïra à élever » l’embrassais-je rapidement comme pour lui dire que j’avais très bien entendu ses paroles mais que je restais fixé sur mes positions. Nous devions dans un premier temps, prendre nos marques en tant que couple, inutile de tout presser. « Je ne sais pas. Tu ne veux pas que nous partons à neuf ? Si tu veux garder des meubles, cela ne me gêne pas. Je n’ai jamais rien conversé dans ma vie alors je t’avoue que je n’ai pas l’habitude de déménager. Je donne tout aux bonnes œuvres et je recommence à zéro mais si tu es attachée à des meubles, on peut les garder » lui répondis-je avec un sourire.

« Il y a un tirage au sort pour partir sur des fouilles ? » demanda-t-elle, étonnée, ne connaissant fondamentalement pas grand-chose au domaine de l’archéologie. Chacun sa place ! « Je ne prévois en théorie jamais rien qui dépasse le lendemain d’habitude » avoua-t-elle par réflexe avant de grimacer car c’était se vendre et vraiment, Anna se serait mise des baffes. Elle s’avança vers les meubles proposés en tête de gondole avant de secouer négativement la tête de droite à gauche. « Y être « attachée » est un bien grand mot, disons que ce sont des meubles bon marché alors forcément, ils ne cassent pas trop pattes à un canard… je ne suis pas contre recommencer de zéro mais cela implique d’avoir au moins trois plans de travail, un four et micro ondes séparés pour plus d’efficacité, des placards au dessus des plans pour avoir des rangements accessibles et toujours fonctionnels… et un lave vaisselle. »

Je rigolais face à sa remarque. « Non pas de tirage au sort mais certains financeurs désirent embaucher des archéologues sur dossier et c’est un peu comme un entretien d’embauche. Il faut montrer patte blanche pour être pris mais autant avant cela m’aurait stressé désormais, je sais que je t’ai toi, mon bouquin etc. » lui expliquais-je avant qu’elle ne parte dans une longue liste de meubles et autres appareils qu’il fallait. Je fus un peu perdu car pour moi une cuisine, c’était vraiment l’enfer alors je préférais largement lui faire confiance dans le domaine. « On prendra tout ce que tu veux et ce dont tu as besoin. J’ai les plans de la maison donc on peut même en faire une cuisine sur mesure. Par contre je te laisse gérer avec le vendeur car c’est vraiment pas mon truc » marmonnais-je en lui faisant les yeux du chat potté.

« Tu vois, tu m’apprends quelque chose… mais tu ne serais pas déçu de ne pas être pris ? » Anna comprenait qu’il ait envie de se rendre sur le terrain, car même si ce n’était pas son domaine pour trois ronds de serviette, le goût du terrain, elle savait exactement combien cela pouvait être addictif. « Oh ça me fait penser… je t’avais proposé que l’on aille au bal de Harvard, mais changement de programme : je suis invitée en séminaire à Paris pour cette date afin de présenter mes recherches en neurochirurgie. Tu… m’accompagnerais ? » Avant même de lui laisser le temps de répondre, la jolie russe se dirigea vers le vendeur pour commander chaque meuble évoqué plus tôt, sachant parfaitement qu’elle pourrait agencer ça à son idée dans la nouvelle cuisine, et pour cause, elle l’avait vue de ses yeux. « Voilà qui est fait ! Quelle pièce tu souhaites désormais ? »

« Un peu j’avoue mais tant que ce n’est pas ce crétin de Collins, tout me va ! Pour information, il s’agit de mon plus grand rival mais ses méthodes sont contestables. Pour moi, il fait plus office de pilleurs de tombes qu’autre chose » répondis-je froidement et c’était pourtant très rare que j’emploi un tel ton pour m’exprimer mais cet homme était la lie de l’humanité et de la profession. Malheureusement, son père était un très généreux mécène dans l’archéologie et attribué beaucoup de fouilles à son cher fiston. « A Paris ? Ma foi pourquoi pas même si je vais faire un peu tâche parmi tous ces toubibs non ? » haussais-je les épaules. Heureusement que je ne faisais pas un complexe mais s’ils me sortaient des blagues de toubib, pas certain que j’arrive à les comprendre ni même à en rire. « Le salon ? » proposais-je une fois qu’elle eut commandé tous les meubles pour la cuisine. « Je veux THE big TV pour regarder mes matchs de rugby ! »

« Collins ? C’est noté, si je croise un certain Collins qui est archéologue, je serai la froideur incarnée ! » s’amusa Anna car elle n’était pas exempt de personnalité insupportable de ce genre dans son propre milieu, car beaucoup de chirurgiens avaient une désastreuse tendance à péter plus haut que leur cul. C’était non seulement insupportable mais en prime ils étaient bons dans leur domaine… il n’y a aucune justice en ce bas monde ! « Pas du tout. Le mari de la chirurgienne obstétrique qui vient avec moi est archéologue de métier, donc tu ne te sentiras pas tout seul. Et puis… tu peux aussi faire visiter Paris à Moira pendant que je fais ma conférence, et on se retrouve après pour faire un petit coucou au banquet vite fait, serrer quelques paluches et on profite d’un réveillon français ? Oh et si tu as droit à un écran géant pour le rugby, tu m’autorises le calendrier des Dieux du Stade ? »

« Mouais et bien moi, moins je le vois mieux je me porte ! C’est une des rares personnes à réussir à me faire perdre ma bonne humeur » grognais-je en boudant à moitié car je n’aimais vraiment pas ce type. C’était au-dessus de mes forces. « Va pour Paris, je trouverais bien de quoi m’occuper. Au pire, on fera du shopping avec Moïra ! Cela fait longtemps que je n’ai pas changé ma garde-robe ! Je commence à tourner en rond. La dernière fois, j’ai mis deux fois la même chemise » marmonnais-je à nouveau boudeur car pour le dingue de mode que j’étais, je ne pouvais qu’avoir un dressing digne de ce nom. Je crois même que je possédais plus de fringues qu’une bonne femme mais c’était tellement bon la honte. « Dans tes rêves ! Je poserai pour t’en faire un personnel si tu veux mais tu oublies sinon je veux celui de playboy… Remarque, celui de Clara Morgane est pas mal et en prime, elle est française. Tu veux toujours ton calendrier? » plaisantais-je.

« Vaut mieux qu’on l’évite alors, je devrais trop user de mes charmes pour te la rendre, ta bonne humeur » fit-elle remarquer d’un ton excessivement sérieux alors que sérieuse, elle ne l’était justement pas du tout ! « Je suis sûre que Moira sera ravie de découvrir la ville lumière donc je ne pense pas que tu t’ennuies et puis dès que j’aurais fini je vous rejoindrai direct aux magasins… je crois me souvenir que tu parles très bien français alors tu vas te fondre dans la masse comme si tu étais chez toi. Mais ça te fais plaisir au moins ? » Ce qui plaisait nettement moins à Anna, ce fut la remarque sur ce foutu calendrier de Clara Morgane, qui la poussa à choper un coussin sur une proposition de fauteuil pour taper Sam sans hésitation aucune. « Ose l’acheter et je fais grève de tu sais quoi ! Si tu me fais un calendrier je t’en fais un. Et crois-moi en photo de nu artistique, j’ai plus d’expérience que toi ! »

Et oui, même moi, je pouvais avoir quelqu’un dans le pif –et je ne parlais même pas de l’homme qui me volerait mon bébé. « J’aime bien justement quand tu me la rends ma bonne humeur surtout que tu as des arguments auxquels, je ne suis vraiment pas insensible » plaisantais-je ne restant sérieux jamais très longtemps. « Bien sûr que ça me fait plaisir et oui, la langue française est une des nombreuses langues que je sais parler. D’ailleurs, j’ai vécu un petit temps à Paris. C’était une parenthèse avant de retourner à New York » lui confiais-je sans mentionner que c’était simplement pour suivre une mannequin afin de la mettre dans mon lit. Il y a des choses dans ma vie que je préférais taire pour le bien de mon service trois pièces. « Tout de suite les menaces, ce n’est pas bien madame, vous le savez ?! Je suis sûr que tu as manqué de fessées quand tu étais gosse ma parole… Et c’est quoi cette histoire de nu artistique ? Tu en as déjà fait ?! » m’exclamais-je aussitôt car si c’était le cas, je voulais les voir. En tout cas, le sourire débile que j’arborais voulait tout dire.

« Crois bien que je serai ravie de te rendre ta bonne humeur, bien que je ne sois pas sûre que tu l’aies réellement perdue pour le moment mais… pour l’instant ce n’est pas vraiment le lieu, tu ne crois pas ? » Oh il fut un temps où cela ne l’aurait pas dérangée de lui faire carrément des avances en plein magasin mais désormais, elle était maman. Il y avait des choses qu’elle ne pouvait plus réellement se permettre, du moins pas si on ne la poussait pas avant. « Et bien si en prime tu connais Paris, tu te feras sûrement une joie de promener Moira et crois-moi, elle va t’adorer pendant au moins trois mois ! » plaisanta-t-elle de bon cœur avant d’embrasser sa joue pour atténuer ses précédentes paroles. « Tu adores quand je te menace… mais sinon la réponse est oui : disons que j’ai eu une grosse période en la matière » le taquina-t-elle non sans agrandir d’autant son sourire.