this is a simple song (ft. salvatore)

— Ah ouais. T’adores jouer aux cartes.

Elle se laissa tomber allongée sur le lit, tirant le coussin jusqu’à sa joue alors qu’elle bailla. Leo soupira, incertaine de ce qu’il sous entendait. Elle se recroquevilla un peu, en silence. Ses yeux se posèrent sur le dos de Salvatore, et sa nuque qu’elle détaillait, remarquant quelques grains de beauté et le lever duvet clair sur sa chaire.

Léo soupira, reprenant.

— Il est où ton paquet de jeu alors ?

Elle releva ses prunelles vers ses cheveux. Des cheveux qu’elle avait eu l’habitude de voir au soleil, parsemés de sel marin.

Il entendit le soupir mais ne le releva pas. Salvatore était un peu déçu d’elle, n’espérait elle donc pas un jeu de cartes mais autre chose de sa part ? Il savait sa proposition tendancieuse, mais le fait qu’elle semble déçue que cela n’arrive pas était assez blessant. Était-elle donc une fille qui n’attendait que ça ? L’innocence qu’il avait toujours trouvé chez elle s’étiolait un peu. Sans un mot.

- Dans un tiroir.

Il se pencha sur le côté, de façon suffisante pour que son t shirt remonte, afin de tirer ce fameux tiroir de sa commode pour en extirper le jeu de cartes. Un jeu de tarot classique, aux couleurs de l’Italie.

- J’imagine que t’es pas intéressée du coup

Dit-il en battant les cartes, ses yeux perçants la fixant comme pour sonder sa réaction et tout ce que sa bouche ne voulait avouer.

Leo releva les yeux vers sa silhouette tandis qu’il se penchait pour récupérer le paquet. Une fois sorti, elle cligna des paupières assez rapidement. Comment avait elle pu se tromper à son sujet ? Salvatore était gentil. Il n’était pas comme le trois quart des garçons de cette faculté qui ne couraient qu’après… ça.

Et ça lui faisait du bien. Elle entrouvrit la bouche avant de se redresser sur le lit et de sourire peu à peu. Leo tendit la main, pour récupérer les cartes.

— Elles sont tellement jolies..! Tu les as acheté où ?

Ses yeux s’étaient illuminées d’une joie candide. Et cette exacte même parole, Léo l’avait sûrement eu il y a plusieurs années à la vue des billes que Salvatore apportait pour jouer. La jeune fille eut un immense sourire. Elle secoua la tête.

— Si, si. Je veux jouer.

Visiblement elle semblait bien plus contente subitement. Était-ce parce que le paquet de cartes était italien ? Étonnant.

- De Naples je crois. Je pourrais t’en ramener un à l’occasion.

Puis il commença à rebattre les cartes, très habile de ses doigts, il semblait parfaitement les manipuler, comme un flot continu de mouvements harmonieux, qui s’imbriquaient parfaitement ensembles.

- Tu veux jouer à quoi ?

Le jeune homme ne savait pas comment une soirée qui était prévue comme tranquille avait fini ainsi à cause d’un vulgaire bouton sur Meetsme. Surtout pour retrouver une amie d’enfance.

- Qu’est ce que tu fais sur meetsme alors ? Je ne t’aurais pas imaginé à la recherche de coconut.

Dit il avec un sourire amusé aux lèvres

⸻ Oh, j'adorerai. Vraiment. Un briquet aussi avec Diego Maradona ! Faisons un rami.

Elle eut un immense sourire, se relevant un peu plus sur le lit en le regardant mélanger les cartes. Léo récupéra le coussin qu'elle posa sur ses jambes avant d'enfoncer ses coudes dedans et se pencher en avant pour observer les mains de Salvatore d'un peu plus près.

A sa dernière question, elle relève les yeux vers lui, les joues rouges. Il faut dire qu'elle en avait oublié ce détail dans sa joie des retrouvailles, et que maintenant, face à son ami d'enfance et non à un potentiel nouveau copain de quelques mois, c'était horriblement gênant. Surtout qu'elle n'avait plus du tout la même optique avec lui, et dans son esprit, il était redevenu ce garçon qu'elle appréciait beaucoup, dont elle connaissait les parents de vue, et lui inversement. Il connaissait même son frère et ses meilleurs amis. Ses oreilles aussi, se font pourpres.

⸻ Bah... euh... Hm. Ouais, je regarde un peu les profils. Quand je m'ennuie.

Elle eut un sourire gêné.

⸻ En fait, honnêtement, mon ex a rompu la veille de la Saint Valentin par message et... je sais pas. J'avais envie de rencontrer des nouvelles personnes, je crois. Ou de le rendre jaloux en postant de nouvelles personnes sur mes profils, peut-être. Stupide, je sais. Et toi ? T'as pas l'air... genre, du type de mec dessus. Tu match beaucoup ?

Elle baissa aussitôt les yeux après sa dernière question.

- Maradona ? Il est argentin, va à Buenos Aires alors.

Il commença alors à distribuer le nombre de cartes nécessaires pour jouer au rami avant de constituer la pioche. Salvatore retourna ses cartes dans ses mains avant de les trier pour rassembler les cartes de même valeur ensemble.

- T’as rien perdu s’il l’a fait par message. T’abaisse pas à ça. Ça te rend moins appréciable si tu fais comme le reste des gens et des filles.  

Puis il commença à jeter ses cartes au milieu, Salvatore se débarrassait des groupes de carte dont il pouvait se débarrasser.

- Ça m’occupe le soir. Et je m’amuse parfois c’est sympa. C’est ce que je fais quand je suis seul, vu que tu craignais que je déprime.

Elle sembla étonnée. Léo se redressa, fronçant les sourcils.

⸻ T'es un imposteur ou quoi ? Maradona ! Il est plus napolitain qu'argentin maintenant ! Tu sais bien qu'il est adoré chez nous, et qu'on a des rues entières dédiées à lui. Surtout à Naples, en fait.

Elle récupéra ses cartes, commençant à les regarder et à les réarranger dans son ordre à elle, c'est à dire par familles et dans l'ordre croissant. Cela lui prit une bonne minute, tandis qu'elle relevait de temps en temps les yeux vers Salvatore.

Moins appréciable ?

Elle haussa les sourcils. Encore plus quand il lui parla de s'amuser parfois, et qu'il échappait à la solitude ainsi. Léo eut un léger ricanement.

⸻ Oh, je vois. J'espère que tu t'amuses bien alors.

Dit-elle, retenant l'amertume de sa langue, la collant au palais.

⸻ Et du coup tu m'avais match pour quoi ? Pour ne pas déprimer aussi, avant de te rendre compte de qui j'étais ?

Elle l'avait dit très calmement, finissant sa réorganisation et baissant donc ses cartes en gardant leur contenu caché.

- J’aime pas le foot mais ouais c’est vrai. Je verrais alors.

Dit il simplement avant de continuer à jouer, il piochait de temps à autre avant de continuer encore et encore. Il était plutôt chanceux, comme aux billes.

Il n’avait relevé aucune amertume, bien qu’il sentait quelque chose d’étrange dans la phrase, de toute manière il ne rit pas avec elle sur ce coup là.

- Je savais que c’était toi au club italien. Ça me donnait l’occasion de briser la glace c’est tout.

Il l’avait donc remarqué, suffisamment pour la reconnaître au premier coup d’œil, même s’il refusait de se l’avouer à lui même.

- Normalement je parle quelques soirs puis je bloque. Mais je ferais pas ça avec toi.

En réalité il n’avait jamais poussé une relation au point de se rencontrer pour plus. C’était simplement pour lui un moyen de combler sa solitude et surtout le silence du soir.

De toute façon il n’aurait jamais fait cette route pour quelqu’un d’autre.

Leo semblait concentré sur ses cartes. À l’opposé de lui elle avait toujours été très malchanceuse et aujourd’hui encore rien ne lui souriait. Ca avait encore le don de la frustrer et la jeune fille faisait toute sorte de moues et de grimaces qu’elle avait également l’habitude de faire, ne sachant absolument pas bluffer.

Elle s’arrête pourtant presque brutalement quand il lui avoue l’avoir reconnu. Leo sembla outré. Elle reposa les cartes avant de s’exclamer.

⸻ Donc ça fait un an que tu sais totalement qui je suis, qu’on mange ensemble tous les dimanches avec les autres et tu n’as rien daigné me dire ? Et si j’avais pas de meetsme ? Oui et bien j’espère bien que je ne serai pas bloquée. Ce serait la meilleur.

Elle poussa un gros soupir. La voilà très agacée, le jeu mettant de l’huile sur le feu de la nostalgie qu’elle avait. Elle était sincèrement agacée par le fait qu’il n’avait jamais rien dit. Ni fait. Un an qu’elle se sentait si seule au monde ! Enfin, six mois plutôt.

Il la regarda longuement en silence, ne comprenant absolument pas cette éruption soudaine, et n’aimant pas ça du tout d’ailleurs. Elle n’avait rien compris.

- Non je t’ai match parce qu’on était au club italien. Je ne t’avais pas reconnu. Donc redescend.

Salvatore se tut ensuite d’agacement, un noeud se créant dans sa gorge alors qu’il devint complètement muet, il n’avait même plus envie de balancer les cartes. A quoi bon si c’était pour se faire incendier à la moindre phrase incomprise.

Il était resté très stoïque et froid en même temps, il n’aimait pas particulièrement être bousculé ou tiré de son confort. Et elle venait clairement de le faire, il l’accueillait chez lui, lui prêtait des vêtements et lui ferait même le petit déjeuner pour qu’on lui parle ainsi. Ce n’était pas pour lui.