Splatch...

Au réveil, dans un automatisme, elle avait posé les yeux sur l’horloge digitale de son téléphone afin de vérifier combien de temps ils avaient perdu à dormir plutôt que d’explorer. Ca lui fait le même effet, à chaque fois qu’ils partent en vacances, en voyage dans un pays qu’elle ne connait pas. Elle veut en découvrir le plus possible. Se gaver de souvenir, essayer de tout voir, de ne rien louper, s’exciter de tout et plus encore. S’émerveiller et oublier qu’à l’échelle du monde, elle n’est qu’un petit colibri qui n'a encore rien fait, même si ses rêves de petite fille se réalisent tous au fur et à mesure des années.

Alors dans le but de faire perdurer cette tradition de découverte des plaisirs étrangers, elle a réussi à le convaincre de visiter l’un des marchés les plus célèbres de Palerme en ce début d’après-midi ensoleillée. Décidée à ramener avec elle quelques souvenirs de leur été italien, faire flamber sa carte bleue, elle qui est d’avantage économe que dépensière, aujourd’hui elle a envie de profiter de cette manière, de se faire plaisir l’air de rien… Et si lui a opté pour une glace dès leur arrivée sur place, elle, elle n’a rien voulu prendre, « Plus tard, » qu’elle avait répondu au moment où il lui avait proposé, malgré l’horaire, encore un tantinet dans le brouillard.

" Mais merde." Les mots la surprennent et elle réalise qu’elle n’a pas bien vu la scène se dérouler, perdue dans son observation de l’endroit, mais à l’évidence, un enfant est responsable de sa perte, l'étalage de la crème glacée, puisqu’il balance, " J'aime pas les gosses..." résumant pour Haiwee un cauchemar. « Pardon ? » derechef, elle répond. Tentée aussi de lui souligner, qu’il aimera les leurs, un jour. Mais elle n’en a pas le temps, parce qu’un vendeur – elle croit – s’approche pour leur demander dans un anglais approximatif, « Vous besoin aide ? » Pas vraiment, ce n’est qu’une glace… sauf qu’elle se doute que ce n'est pas de cette manière qu’un Sheng bougon l’entend.

Elle soupire encore, l’air irrité par les mots qu’il vient de prononcer, même si dans le fond elle sait que rien n’est vrai, que la colère a parlé pour lui. Mais finalement, c’est bien l’homme à la moustache qui retient leurs attentions, parce qu’il les guide vers son étal aux multiples vêtements. « Piège à touristes. Tu paries combien que le gamin est son complice ? » Soupçonné d’être un vampire prêt à leur sucer le moindre dollar qu’ils seraient prompts à lui refiler.
Néanmoins puisque Sheng semble toujours autant contrarié de n’avoir pu contrer l’attaque enfantine, il se laisse tenter par une chemise tandis qu’elle, elle s’éloigne un tantinet vers des t-shirt aux motifs cactus, fleurit, et d’autres décalcomanies un tantinet ringardes, qu’elle a bien du mal à imaginer sur le dos de son compagnon. Lui qui sait mieux que personne bien présenter.

Alors après quelques secondes à s’imaginer son homme en train de les porter, elle revient vers lui, aimantée comme l’aiguille d’une boussole l’est au Nord, d’un regard envieux, elle se délecte de son allure, et lui sourit. « Beaucoup mieux. » qu’un t-shirt souillé de glace étalée. « Tu disais quoi sur les enfants déjà ? » elle l’interroge, prête à affronter un orage amoureux sans être armée d’un parapluie, pas préparée à ça pour cette journée … Mais une fois n’est pas coutume, c’est le vendeur qui s’immisce entre eux. Pour être payé probablement, sauf qu’il reprend de son accent défaillant, « Vous aidez moi maintenant. » L’orage, ce n’est pas pour maintenant.

Elle tente de capter l’attention de Sheng en un regard, mais ce dernier a braqué le sien sur le vêtement qu’il vient d’acquérir, alors parce qu’elle ne comprend pas ce que l’homme attend d’eux, elle se décide à arracher son téléphone de la poche arrière de son short en jean pour s’essayer à taper à l’allure d’une fusée dans la barre de recherche un moyen de traduction. Les mots tout aussi rapidement écrits, elle appuie sur le petit microphone pour qu’une voix de robot lui souffle à l’oreille quelques mots qu’elle tente de répéter ; « Scusa, ma non capisco. » elle ignore si c’est traduit correctement, s’essaie à un sourire pour s’excuser encore de ne pas connaitre les us et coutumes de ce pays. Tandis que son teint passe lentement de la teinte citrouille à écarlate, faute de la gêne occasionnée par le fait de ne pas savoir si ça réponse lui convient, jouant de son index sur l’espèce de trombone à l’arrière de la coque de son cellulaire, elle tente de comprendre ce que baragouine à nouveau l’italien, « Se mi aidez ti offro una limonata in pour el gelato. » c’est officiel, elle ne comprend rien, et plus ça l’agace de se sentir idiote, plus elle lui trouve des airs de pingouin, bien loin du charme célèbre des italiens. Pourtant, c’est elle la fautive, elle en a parfaitement conscience, mais elle apprécierait un petit renfort de l’homme auquel elle a maintes fois prouver son appartenance.

Le vendeur a beau tenter de transformer sa langue natale pour que l’amérindienne le comprenne, rien n’y fait, elle n’est pas à l’aise avec les mots qu’il utilise et elle ne voit pas ce qu’elle pourrait lui apporter. « Ayuda te si… » tente son partenaire de galère sans grande conviction. Et elle en fronce les sourcils, pense qu’il pourrait fournir un peu plus d’effort. Il n’est pas censé être celui qui sera toujours là pour l’épauler ? L’homme sur lequel elle pourra se reposer.

Même si elle entend que là, il doit juste être comme elle, à ne pas deviner les volontés de l’autochtone. Après tout, ils ont acheté un t-shirt, dans les règles de l’art, ils sont donc libres de partir à présent… C’est d’ailleurs ce que Sheng fait, l’abandonnant sans qu’elle ne puisse le retenir parce que c’est le natif sicilien qui le fait. Ca va la rendre dingue cette histoire, car même si elle désire fuir, elle n’y arrive pas, parce qu’elle est trop gentille, n’est-ce pas, alors elle tente encore, le téléphone toujours en main, « Non capisco cosa vuoi, prova a parlare più piano. » elle qui renié toute sorte de technologie avant de vivre à Boston, elle se doit d’avouer, qu’elle est hautement contente que ça existe maintenant qu’elle se retrouve ici.