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Ils seraient à l'heure au port. Parce qu'elle était une scientifique à la rigueur aiguisée par ses années d'étude, et surtout parce que la précision sur l'eau, ça comptait. Il fallait calculer les marées, se rappeler des détails, naviguer avec prudence ; la moindre erreur et l'on finissait dans un iceberg. Demandez à l'équipage du Titanic quelles conséquences cela peut entraîner… enfin si vous retrouvez leurs cadavres noyés. Alors Joyce ne doute pas qu'elle parviendra à les mener là où il faut et surtout quand il le faut lorsqu'elle enclenche son réveil. Bien sûr, les éléments peuvent être capricieux, une tempête peut se déclarer alors qu'elle n'était pas redoutée – ce sont là les risques de la vie. Mais c'est un risque modéré qu'ils ont accepté en montant sur le bateau ; la météo sera relativement calme demain. Après tout, si une comète décide de dévier de la trajectoire pour plonger en plein océan et créer un tsunami, c'est que cela aura été écrit dans les étoiles.
Assise à côté de Jay, désormais assez grande pour qu'ainsi ses pieds touchent le sol, ça ne l'empêche pas de garder ses habitudes d'enfant et d'automatiquement les plier pour se retrouver sur la pointe, même si cela soulève un peu ses cuisses. Assez pour que ses jambes en tout cas effleure le genou à ses côtés, presque comme si elle lui proposait de valser sur la musique qui avait envahi l'endroit. Mais les dernières notes se jouent bientôt et Joyce finit par couper le portable avant de retourner la même question. C'est drôle, elle trouve que son choix lui correspond assez. Et il correspond surtout à cet état de réveil, Cheer up ! Sleepy Johnny !, rêveur, rêveur, il est temps de s'extraire de cet autre monde.
Joye aurait été d'accord de troquer sa musique pour une autre, ne se laisse pas forcément aller à trop de rituel et n'aurait pas l'impression de se jeter le mauvais œil en se réveillant sur la mauvaise musique. Mais Jay valide le réveil déjà mis et elle se débarrasse de l'appareil pour revenir à un tout autre sujet. Après tout, s'ils en sont à dormir ensemble, c'est parce qu'il a gagné un pari ce matin, mais elle aussi en a gagné un, et elle a eu toute la journée pour penser à ce qu'elle pourrait faire, même si, il est vrai, son attention a été distraite par le soleil, l'océan, les moments qu'ils ont passé. Et maintenant, alors qu'elle lui revient d'elle-même sur ce terrain, elle se trouve presque dépourvue. Peut-être bien qu'elle ne perd pas le nord, mais la boussole est tout de même un peu rouillée.
– Il est par là-bas, annonce-t-elle en désignant un coin de sa chambre.
Cartographie du bateau dans sa tête, et surtout elle a pu apercevoir les points cardinaux juste avant de s'arrêter, puis de descendre dans la cabine. Si l'embarcation bouge un peu, pas au point de tout bouleverser, et elle est assez certaine de sa direction. Elle l'est en revanche moins de son gage.
Un sourire échancre ses lèvres lorsqu'il lui fait promettre de ne pas être trop dure ; elle ne prévoit aucune méchanceté ou cruauté, ce n'est pas dans ses habitudes. Joyce n'a jamais compris les envies de bizutages, les mauvaises blagues aux Action ou Vérité. Rien que d'imaginer faire une blague téléphonique la gêne, alors se lancer dans l'imaginaire des étudiants, à devoir courir nu autour du campus ou subir diverses humiliations… ça ne lui plaisait pas vraiment.
– Promis.
Le silence teinte l'air et sa réflexion, sans qu'elle ne trouve pour autant matière à son imagination. Le stress, peut-être, et surtout une idée qui s'insinue dans ses pensées et qu'elle se force à repousser. Plusieurs fois les yeux de Joyce se perdent sur les lèvres charnues de Jay. Est-ce les bières bues un peu plus tôt ou les confidences tout au long de leur expédition ? Elle l'ignore, mais quelque chose chauffe en elle, l'envie de l'embrasser, l'envie d'aller de l'avant et d'oublier son ex. C'est étrange, parce que depuis la rupture elle est sortie plusieurs fois en soirée, en boîte, dans des bars, avec à l'esprit de s'abandonner à un autre corps, juste pour pouvoir tourner la page. Et, à chaque fois, alors qu'on lui offrait un verre, une danse, une caresse sur la hanche, elle a pris peur et tourné les talons. Mais cette fois c'est différent ; l'idée n'ai pas de prendre le premier ou la première venu-e, mais bien d'embrasser ces lèvres qui soudain l'attirent comme un aimant.
Le mot unique qui les frôle détourne pourtant son attention et elle se reconcentre sur les prunelles qui l'observe. Pas ainsi. Le consentement est important et quelle beauté y aurait-il à obtenir un baiser par un gage ? Elle préfère qu'ils en aient tous les deux envie.
Ses yeux se détachent à nouveau de celui qui l'observe et parcourent la chambre. Enfin, il s'accroche à un détail et elle sursaute soudain.
– Je sais ! Viens avec moi !
Elle glisse ses doigts entre les siens, même s'ils ne vont pas aller bien loin. Avec sa main disponible, elle attrape son téléphone, puis se lève pour prendre un stylo dans le petit coin bureau de sa chambre. Ensuite, au lieu de faire un pas pour aller quelque part, elle se baisse et l'entraîne dans sa descente, jusqu'à se retrouver allongée par terre. Il lui faut alors libérer leurs mains liées pour parvenir à se glisser la tête la première sous son lit, se tenant aux lattes pour se traîner dessous, et surtout, l'enjoignant d'un geste à la suivre.
Là-dessous, elle allume le flash de son portable qui découvre un autre monde sur le bois de son lit. Les lattes sont couvertes de dessins, de petits mots, de pensées diverses et variées. Certaines dans une écriture maladroite et enfantine, d'autres plus affirmée, qui marque l'adolescence. Quelques formules également, une molécule apprise, un cœur de dauphin miniature… un monde qui lui appartenait et qui se découvrait à mesure qu'elle l'illuminait avec sa lampe de poche.
– Quand j'étais petite, j'adorais me cacher ici. Parfois je m'amusais à dessiner ou à écrire, je crois que mes parents ne l'ont jamais su, c'était mon secret, et des secrets ce n'est pas facile à avoir sur un bateau !
Du doigt, elle suit les différents dessins avant d'en tomber sur un, spécial dans son cœur et qu'elle lui désigne.
– Quand j'avais 15 ans, je me suis un jour disputé avec mes parents. Ça arrivait rarement, mais c'était le genre de dispute qui donne envie de nager jusqu'à la terre ! Je suis venue me réfugier ici et j'ai dessiné cette ancre, pour me rappeler d'où je viens, quelles sont mes racines. Ce ne sont pas celles d'un arbre, mais d'un bateau ! Chaque fois que j'étais en colère, ou triste, je venais ici pour la regarder. Après le décès de ma grand-mère, je me la suis tatouée sur le corps, comme ça elle est toujours avec moi, et je peux la voir dès que j'en ai envie.
Doucement ensuite, elle pose le téléphone écran contre le sol entre eux deux, de manière à laisser la lumière éclairer les plafond de latte qui les cache. Puis elle tend le stylo à Jay.
– J'aimerais que tu me laisses un souvenir. Une trace de ton passage ici, que je découvrirais une fois que je t'aurai ramené au port. Quelque chose qui fera que, quand je viendrai ici, je me souviendrai de toi et de ce weekend.
Elle lui sourit dans la pénombre avant de se repousser sur les bras, jusqu'à parvenir à s'extraire de sa cachette ; c'est au talent de dessinateur ou de poète de Jay de s'exprimer sous le lit.
Assise à côté de Jay, désormais assez grande pour qu'ainsi ses pieds touchent le sol, ça ne l'empêche pas de garder ses habitudes d'enfant et d'automatiquement les plier pour se retrouver sur la pointe, même si cela soulève un peu ses cuisses. Assez pour que ses jambes en tout cas effleure le genou à ses côtés, presque comme si elle lui proposait de valser sur la musique qui avait envahi l'endroit. Mais les dernières notes se jouent bientôt et Joyce finit par couper le portable avant de retourner la même question. C'est drôle, elle trouve que son choix lui correspond assez. Et il correspond surtout à cet état de réveil, Cheer up ! Sleepy Johnny !, rêveur, rêveur, il est temps de s'extraire de cet autre monde.
Joye aurait été d'accord de troquer sa musique pour une autre, ne se laisse pas forcément aller à trop de rituel et n'aurait pas l'impression de se jeter le mauvais œil en se réveillant sur la mauvaise musique. Mais Jay valide le réveil déjà mis et elle se débarrasse de l'appareil pour revenir à un tout autre sujet. Après tout, s'ils en sont à dormir ensemble, c'est parce qu'il a gagné un pari ce matin, mais elle aussi en a gagné un, et elle a eu toute la journée pour penser à ce qu'elle pourrait faire, même si, il est vrai, son attention a été distraite par le soleil, l'océan, les moments qu'ils ont passé. Et maintenant, alors qu'elle lui revient d'elle-même sur ce terrain, elle se trouve presque dépourvue. Peut-être bien qu'elle ne perd pas le nord, mais la boussole est tout de même un peu rouillée.
– Il est par là-bas, annonce-t-elle en désignant un coin de sa chambre.
Cartographie du bateau dans sa tête, et surtout elle a pu apercevoir les points cardinaux juste avant de s'arrêter, puis de descendre dans la cabine. Si l'embarcation bouge un peu, pas au point de tout bouleverser, et elle est assez certaine de sa direction. Elle l'est en revanche moins de son gage.
Un sourire échancre ses lèvres lorsqu'il lui fait promettre de ne pas être trop dure ; elle ne prévoit aucune méchanceté ou cruauté, ce n'est pas dans ses habitudes. Joyce n'a jamais compris les envies de bizutages, les mauvaises blagues aux Action ou Vérité. Rien que d'imaginer faire une blague téléphonique la gêne, alors se lancer dans l'imaginaire des étudiants, à devoir courir nu autour du campus ou subir diverses humiliations… ça ne lui plaisait pas vraiment.
– Promis.
Le silence teinte l'air et sa réflexion, sans qu'elle ne trouve pour autant matière à son imagination. Le stress, peut-être, et surtout une idée qui s'insinue dans ses pensées et qu'elle se force à repousser. Plusieurs fois les yeux de Joyce se perdent sur les lèvres charnues de Jay. Est-ce les bières bues un peu plus tôt ou les confidences tout au long de leur expédition ? Elle l'ignore, mais quelque chose chauffe en elle, l'envie de l'embrasser, l'envie d'aller de l'avant et d'oublier son ex. C'est étrange, parce que depuis la rupture elle est sortie plusieurs fois en soirée, en boîte, dans des bars, avec à l'esprit de s'abandonner à un autre corps, juste pour pouvoir tourner la page. Et, à chaque fois, alors qu'on lui offrait un verre, une danse, une caresse sur la hanche, elle a pris peur et tourné les talons. Mais cette fois c'est différent ; l'idée n'ai pas de prendre le premier ou la première venu-e, mais bien d'embrasser ces lèvres qui soudain l'attirent comme un aimant.
Le mot unique qui les frôle détourne pourtant son attention et elle se reconcentre sur les prunelles qui l'observe. Pas ainsi. Le consentement est important et quelle beauté y aurait-il à obtenir un baiser par un gage ? Elle préfère qu'ils en aient tous les deux envie.
Ses yeux se détachent à nouveau de celui qui l'observe et parcourent la chambre. Enfin, il s'accroche à un détail et elle sursaute soudain.
– Je sais ! Viens avec moi !
Elle glisse ses doigts entre les siens, même s'ils ne vont pas aller bien loin. Avec sa main disponible, elle attrape son téléphone, puis se lève pour prendre un stylo dans le petit coin bureau de sa chambre. Ensuite, au lieu de faire un pas pour aller quelque part, elle se baisse et l'entraîne dans sa descente, jusqu'à se retrouver allongée par terre. Il lui faut alors libérer leurs mains liées pour parvenir à se glisser la tête la première sous son lit, se tenant aux lattes pour se traîner dessous, et surtout, l'enjoignant d'un geste à la suivre.
Là-dessous, elle allume le flash de son portable qui découvre un autre monde sur le bois de son lit. Les lattes sont couvertes de dessins, de petits mots, de pensées diverses et variées. Certaines dans une écriture maladroite et enfantine, d'autres plus affirmée, qui marque l'adolescence. Quelques formules également, une molécule apprise, un cœur de dauphin miniature… un monde qui lui appartenait et qui se découvrait à mesure qu'elle l'illuminait avec sa lampe de poche.
– Quand j'étais petite, j'adorais me cacher ici. Parfois je m'amusais à dessiner ou à écrire, je crois que mes parents ne l'ont jamais su, c'était mon secret, et des secrets ce n'est pas facile à avoir sur un bateau !
Du doigt, elle suit les différents dessins avant d'en tomber sur un, spécial dans son cœur et qu'elle lui désigne.
– Quand j'avais 15 ans, je me suis un jour disputé avec mes parents. Ça arrivait rarement, mais c'était le genre de dispute qui donne envie de nager jusqu'à la terre ! Je suis venue me réfugier ici et j'ai dessiné cette ancre, pour me rappeler d'où je viens, quelles sont mes racines. Ce ne sont pas celles d'un arbre, mais d'un bateau ! Chaque fois que j'étais en colère, ou triste, je venais ici pour la regarder. Après le décès de ma grand-mère, je me la suis tatouée sur le corps, comme ça elle est toujours avec moi, et je peux la voir dès que j'en ai envie.
Doucement ensuite, elle pose le téléphone écran contre le sol entre eux deux, de manière à laisser la lumière éclairer les plafond de latte qui les cache. Puis elle tend le stylo à Jay.
– J'aimerais que tu me laisses un souvenir. Une trace de ton passage ici, que je découvrirais une fois que je t'aurai ramené au port. Quelque chose qui fera que, quand je viendrai ici, je me souviendrai de toi et de ce weekend.
Elle lui sourit dans la pénombre avant de se repousser sur les bras, jusqu'à parvenir à s'extraire de sa cachette ; c'est au talent de dessinateur ou de poète de Jay de s'exprimer sous le lit.
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